Pistia stratiotes

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Pistia stratiotes, parfois appelée « laitue d’eau », « salade d’eau » ou « chou aquatique », est une espèce de plantes aquatiques de la famille des Araceae. Cette plante est maintenant pantropicale : on la trouve en Amérique, en Asie, en Afrique, en Océanie et elle est introduite en Europe[1]. C'est la seule espèce actuellement acceptée du genre Pistia.

A partir de 2024, elle sera inscrite sur la « Liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l’Union européenne »[2]. Cela signifie qu'elle ne pourra plus être importée, cultivée, commercialisée, plantée, ou libérée intentionnellement dans la nature, et ce nulle part dans l’Union européenne[3].

Description[modifier | modifier le code]

Pistia stratiotes Parc national de Tikal, Guatemala)

Aspect général[modifier | modifier le code]

La « Pistia stratiote »[4] est une plante vivace aquatique, flottant à la surface de l'eau, pourvue d'un réseau de fines racines, de 50 cm de long, pendant dans l'eau et développant de longs stolons en surface. Elle ne comporte pas de tige.

Feuilles[modifier | modifier le code]

Les feuilles obovales sont disposées en rosette d'où son nom de "laitue d'eau". Elles sont vert clair, grisâtres dessous, de 5 à 20 cm de long, finement pubescentes, parcourues par 5-13 nervures presque parallèles, fortement marquées et donnant un aspect côtelé. Les poils piègent des bulles d'air[5]aidant à la flottaison.

Fleurs[modifier | modifier le code]

Inflorescence

Les inflorescences discrètes sont formées d'une spathe blanchâtre de 1 cm et d'un spadice deux fois plus court, portant des fleurs mâles à 2 étamines et une fleur femelle solitaire ; la plante est monoïque[6].

Fruits[modifier | modifier le code]

Les graines sont brun clair, cylindriques.

Reproduction[modifier | modifier le code]

Mare à crocodiles envahie par les Pistia (Gambie)

Elle se reproduit très rapidement par multiplication végétative, en lançant autour d'elle des stolons (tiges) au bout desquels apparaissent de nouvelles petites plantes.

Distribution et caractère envahissant[modifier | modifier le code]

Sa distribution d'origine est incertaine. Elle est maintenant pantropicale.

Elle affectionne les canaux, les rivières à court lent, les fossés, les rizières et les étangs.

Elle ne résiste pas aux températures inférieures à 15 °C, sa température de croissance optimum se situe entre 22 et 35 °C.

Dans de nombreuses régions tropicales, elle peut envahir complètement la surface de l'eau, et former un tapis si dense qu'elle empêche les échanges gazeux à l'interface air-eau de se réaliser et provoque une réduction de la concentration en oxygène de l'eau au point de faire mourir les poissons. Comme la jacinthe d'eau (Eichhornia crassipes), elle peut obstruer complètement les rivières ou les lacs et les rendre impraticables pour la navigation.

Afrique[modifier | modifier le code]

Lorsque le Nil Blanc traverse les marais du Sudd au sud Soudan, son cours est ralenti et de vastes obstructions végétales se forment. L'accumulation de Pistia, d'une petite fougère flottante, l'Azolla et d'une plante carnivore, l'Utricularia[4], autour de touffes de papyrus forment des bouchons impénétrables. La Pistia a longtemps été abondante sur le lac Victoria mais elle en a maintenant quasiment disparu, à la suite de l'invasion de la jacinthe d'eau venue d'Amazonie dans les années 1980-90.

Au Sénégal, le parc national des oiseaux du Djoudj connait une prolifération de plusieurs espèces végétales (Pistia stratiotes, Typha australis et Salvinia molesta) à la suite de la fermeture du barrage de Diama. La lutte chimique par herbicide ayant échoué, on a essayé l'assèchement du parc durant une partie de l'année. La lutte biologique à l'aide du charançon Neohydronomus affinis est aussi menée avec succès[7].

Asie[modifier | modifier le code]

Dans les vastes deltas marécageux du Gange et du Brahmapoutre, on voit aussi à l'époque de la mousson, se former de grands radeaux de débris végétaux et de Pistia, pouvant atteindre 15 mètre de long et 75 cm d'épaisseur. Sur ces iles flottantes, dérivant au gré des courants, la vie s'installe, des graines de plantes germent, des oiseaux se reposent ou se nourrissent.

Océanie[modifier | modifier le code]

L'espèce est envahissante en Nouvelle-Calédonie et peut favoriser la formation de gîtes larvaires pour les moustiques, vecteurs de nombreuses maladies, en l'occurrence essentiellement la dengue[8]. Le Code de l'environnement de la Province Sud interdit l’introduction dans la nature de cette espèce ainsi que sa production, son transport, son utilisation, son colportage, sa cession, sa mise en vente, sa vente ou son achat[9].

Pistia stratiotes

Utilisations[modifier | modifier le code]

Ornementale[modifier | modifier le code]

C'est une plante ornementale, appréciée des aquariophiles et des jardiniers qui la mettent dans des bassins en extérieur à la belle saison[10]. En fournissant un peu d'ombre au bassin, les Pistia évitent la prolifération d'algues. Leur long réseau racinaire offre une protection aux alevins.

On associe souvent dans les aquariums la laitue d'eau pistie avec d'autres espèces flottantes comme la petite lentille d'eau Lemna minor, l'azolle et la salvinie[11] mais ces dernières sont très envahissantes et ne doivent pas être utilisées en extérieur.

Médicinale[modifier | modifier le code]

En Inde, les feuilles sont utilisées en médecine traditionnelle contre la teigne, contre les chancres de la syphilis, les furoncles, blessures et maladies de la peau. Une étude récente a montré l'efficacité de l'extrait de feuille contre plusieurs dermatophytes responsables de mycoses de la peau[12].

La médecine populaire chinoise utilise toute la plante contre l'eczéma et la syphilis.

Épuration[modifier | modifier le code]

Cette plante est parfois utilisée pour le traitement des eaux usées, la décontamination des métaux lourds, notamment en lagunage naturel[13]. La Pistia est un hyperaccumulateur de cadmium, de cuivre et de mercure.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Citée en tant qu'adventice ou subspontanée p. 972 par Lambinon J. et al., Nouvelle flore de la Belgique, du G.-D. de Luxembourg, du Nord de la France et des régions voisines (Ptéridophytes et Spermatophytes), Meise, Jardin botanique national de Belgique, 6e éd., 2012, 1195 p. (ISBN 978-90-72619-88-4)
  2. (en) Commission Implementing Regulation (EU) 2022/1203 of 12 July 2022 amending Implementing Regulation (EU) 2016/1141 to update the list of invasive alien species of Union concern, (lire en ligne)
  3. « RÈGLEMENT (UE) No 1143/2014 du parlement européen et du conseil du 22 octobre 2014 relatif à la prévention et à la gestion de l'introduction et de la propagation des espèces exotiques envahissantes »
  4. a et b (en) Deni Bown, AROIDS, Plants of the Arum Family, Timber Press,
  5. Sarah Jose (trad. Bruno Porlier), Arbres, feuilles, fleurs & graines : Une encyclopédie visuelle du monde végétal, Gallimard Jeunesse, , 192 p. (ISBN 978-2-07-516392-7), Des plantes dans l'eau pages 84 et 85
  6. (en) Référence Flora of North America : Pistia
  7. RAMSAR
  8. Groupe espèces envahissantes, Plantes envahissantes pour les milieux naturels de Nouvelle-Calédonie, Nouméa, Agence pour la prévention et l'indemnisation des calamités agricoles ou naturelles (APICAN), , 222 p., pp. 84-85
  9. Code de l'environnement de la Province Sud, Nouméa, , 346 p. (lire en ligne), p. 147
  10. Peter Hiscock (trad. Dominique Françoise), L'encyclopédie des plantes d'aquarium, Éditions De Vecchi S.A, , 205 p. (ISBN 978-2-7328-8876-7), Pistia stratiotes page 182
  11. Peter Hiscock (trad. Dominique Françoise), L'encyclopédie des plantes d'aquarium, Éditions De Vecchi S.A, , 205 p. (ISBN 978-2-7328-8876-7), Lemna minor page 167
  12. (en) V.G. Premkumar, D. Shyamsundar, « Antidermatophytic activity of Pistia stratiotes », Research Letter, Indian J. Pharmacol, vol. 37, no 2,‎ , http://medind.nic.in/ibi/t05/i2/ibit05i2p127.pdf
  13. Koné D., (2002) Lagunage à microphytes et à macrophytes ( Pistia stratiotes ) en Afrique de l’Ouest et du Centre : état des lieux, performances épuratoires et critères de dimensionnement. Thèse de doctorat : École polytechnique fédérale de Lausanne, Environnement naturel – Architectural and Construction Faculty (Suisse).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Pistia[modifier | modifier le code]

Pistia stratiotes[modifier | modifier le code]

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