Joseph Andras

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Joseph Andras
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Œuvres principales

Joseph Andras est un écrivain français né en 1984.

Biographie[modifier | modifier le code]

Joseph Andras né en 1984[1]. Il publie en son premier roman, De nos frères blessés, consacré à Fernand Iveton, ouvrier pied-noir, communiste et indépendantiste guillotiné le  : salué par la critique, le livre reçoit le Prix Goncourt du premier roman, que l'auteur refuse[2] au motif qu'il n'approuve pas l'institutionnalisation de l'écriture et l'idée même de « compétition[3] ». Un an après, il sort, aux côtés du rappeur D' de Kabal, le livre-disque S'il ne restait qu'un chien : un long poème en vers libres sur le port du Havre.

Début 2018, il passe près de deux mois au Chiapas, vit dans l'un des cinq centres de l'Armée zapatiste de libération nationale ainsi que dans une communauté indigène, dans le cadre d'une Brigade d'observation civile[4],[5]. En , il publie Kanaky. Sur les traces d'Alphonse Dianou : une enquête biographique menée entre 2015 et 2018[5], entre la Nouvelle-Calédonie et la France métropolitaine, sur un militant indépendantiste socialiste engagé au sein du FLNKS et tué, en 1988, après l'assaut de la grotte d'Ouvéa[6]. Il séjourne notamment dans la tribu de Gossanah[7].

Le 20 novembre 2019, il publie dans L'Humanité[8] une lettre ouverte, en forme de soutien, à Manuel T., Gilet jaune du Nord éborgné par un tir de grenade quatre jours plus tôt. Le 7 avril 2021, après trois années sans rien faire paraître, il publie le même jour deux livres : Ainsi nous leur faisons la guerre et Au loin le ciel du Sud. Le premier livre est un triptyque sur la condition animale : à travers trois personnages (un chien, un singe et une vache) et trois pays (l'Angleterre, les États-Unis et la France), le livre, ancré dans les luttes féministes et ouvrières, raconte un siècle de combat contre l'exploitation des animaux. Le second livre est un récit, sous forme de marche dans un Paris en pleine mobilisation des Gilets jaunes, consacré à la jeunesse du militant socialiste et indépendantiste Nguyên Ai Quôc (futur Hô Chi Minh) dans le Paris de l'après-Première Guerre mondiale.

Le 23 mars 2022, la libre adaptation cinématographique du roman De nos frères blessés sort au cinéma, réalisée par Hélier Cisterne. Le 4 mai 2022, il publie Pour vous combattre[9] : une fresque[10] qui prend place dans les années 1793-1794 et retrace la création d'un journal républicain qui compta sept numéros. C'est, à travers ce périodique, la naissance conflictuelle de la République et les idéaux politiques égalitaires et libertaires portés par la Révolution française qui sont racontés. « J’ai très largement écrit Pour vous combattre contre l’hégémonie "républicaine" qui, depuis trois décennies, gouverne notre pays. Et puis pour, aussi : pour le geste républicain fondateur », précisera l'auteur, ajoutant que « le mot "républicain" est devenu l’arme privilégiée des maîtres »[11]. La même année, il obtient le Prix Maya des lycéens pour Ainsi nous leur faisons la guerre, qu'il refuse pour les mêmes raisons que le Goncourt[12]. En mars 2023, il publie une lettre ouverte à la journaliste incarcérée Oznûr Deger dans le média La Disparition[13].

Le 5 mai 2023, sort au éditions Ici-bas son septième livre : Nûdem Durak. Sur la terre du Kurdistan. Un « récit choral »[14] sur la prisonnière politique kurde Nûdem Durak, condamnée à 19 ans de prison, en Turquie, pour ses opinions politiques et son engagement artistique. Durant quatre ans, l'auteur a correspondu avec la détenue, issue d'une famille paysanne modeste, et s'est rendu à plusieurs reprises au Kurdistan pour enquêter sur son affaire[15]. Il a été expulsé d'Irak pour l'occasion. Le livre est composé de son enquête et d'un livre que Nûdem Durak a elle-même écrit en prison et que l'auteur publie, traduit[16]. L'auteur revendique l'héritage de Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir, pour leur défense de la prisonnière Djamila Boupacha durant la guerre d'Algérie[15].

Il se tient volontairement à l'écart des grands médias[17] et écrit régulièrement dans la presse de gauche radicale : L'Humanité[18], Regards[19], Frustration[20] ou encore lundimatin[21],[22].

Style[modifier | modifier le code]

« Joseph Andras, c’est d’abord un style »[23] : la critique littéraire évoque ainsi régulièrement la dimension poétique de son travail d'écriture. Libération le surnomme le « poète de l'engagement »[24], Mediapart parle de sa « réflexion poétique et politique »[25] et Le Matricule des anges le qualifie de « journaliste, historien, poète »[26]. Le caractère lyrique de son écriture est également mis en évidence : un « lyrisme rageur »[27] (L'Alsace), des « textes lyriques et compacts »[28] (L'Humanité), un « lyrisme maîtrisé »[29] (La Croix) et un art « tantôt lyrique, tantôt violent »[30] (En attendant Nadeau).

Prises de position[modifier | modifier le code]

En , il fait partie des signataires d'une tribune dénonçant l'incarcération de journalistes en Turquie[31]. Le , il publie dans L'Humanité une tribune sur la chanteuse kurde Nûdem Durak, condamnée en Turquie à 19 ans de prison pour de supposées complicités avec le KCK, une organisation politique kurde émanant du Parti des travailleurs du Kurdistan et tenue pour « terroriste » par le régime de Recep Tayyip Erdoğan. Elle se conclut par les mots : « Liberté pour Nûdem Durak et tous les prisonniers politiques. »[32] En 2020, il participe au lancement de la campagne internationale Free Nûdem Durak[33].

Le , il signe une pétition, lancée par Le Média[34], qui appelle à l'amnistie des Gilets jaunes « aujourd’hui persécutés, mis en examen, ou détenus pour avoir participé à ce mouvement social d’ampleur historique »[35].

Il prend à plusieurs reprises position contre la réforme des retraites, en 2023[36]. Dans Mediapart, il se prononce alors en faveur d'une révolution démocratique[37].

En juillet 2023, il signe une tribune lancée par la Legal Team antiraciste à la suite de la mort de Nahel appelant a des mesures politiques contre les violences policières[38].

Prix Goncourt du premier roman, pour De nos frères blessés, 2016[modifier | modifier le code]

Initialement non retenu dans la liste du prix Goncourt du premier roman 2016, Joseph Andras en est finalement le lauréat, le , par cinq voix contre quatre à Catherine Poulain pour Le Grand Marin et une voix à Loulou Robert pour Bianca[39],[40],[41], soit – fait exceptionnel – deux jours avant sa sortie en librairie[Note 1]. C'est le deuxième Goncourt du premier roman consécutif pour les éditions Actes Sud, qui plus est autour de la thématique de la guerre d'Algérie, après Meursault, contre-enquête de Kamel Daoud récompensé l'année précédente[40].

La semaine précédant l'annonce officielle des résultats, il fait savoir, par son éditeur et à la demande privée de l'Académie Goncourt, qu'il refuse de se rendre à Paris, afin de signifier son refus de participer à la sélection. Malgré cela, l'Académie lui décerne le prix[42] – Joseph Andras envoie un bref message à l'Académie Goncourt pour décliner le prix et sa dotation, justifiant sa décision en déclarant que « la compétition, la concurrence et la rivalité sont à [s]es yeux des notions étrangères à l’écriture et à la création[3] ». Cette démarche, relativement inhabituelle[Note 2], conduit certains médias à penser qu'il s'agirait d'un romancier déjà célèbre, sur le modèle Gary/Ajar[3],[43],[44],[45]. À la suite de ces interrogations, Joseph Andras accorde des entretiens à L'Humanité et au supplément littéraire du quotidien de Beyrouth, L'Orient-Le Jour, dans lesquels il explique ses motivations et son travail de romancier pour saluer la mémoire de Fernand Iveton ainsi que, à nouveau, les raisons de son refus du prix : « Je ne pouvais l’accepter, par simple souci de cohérence, et laisser s’"institutionnaliser" ce récit et les idéaux portés par les personnages. [...] Je ne connais pas le milieu littéraire et parisien, ne souhaite pas en savoir plus et tiens plus que tout à me concentrer sur mes prochains textes »[46],[47],[48].

Le roman rend hommage, en conclusion, à l'ouvrage de référence de Jean-Luc Einaudi Pour l’exemple, l’affaire Fernand Iveton[49] : « Ces pages n'auraient pas pu être écrites sans le patient travail d'enquête de Jean-Luc Einaudi – qu'il en soit, bien que disparu, remercié ici. »

Œuvre[modifier | modifier le code]

Préface[modifier | modifier le code]

  • Ho Chi Minh. Écrits et combats, d'Alain Ruscio, Le Temps des cerises, 2019
  • L’évasion d’un guérillero. Écrire la violence, de John Gibler, Ici-bas, 2021

Références[modifier | modifier le code]

  1. Notice BnF: https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb17062153.
  2. Nathalie Crom, « Joseph Andras, l'écrivain qui dit non au prix Goncourt », Télérama,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  3. a b et c Quand l’affaire Iveton devient l’affaire Andras par Pierre Assouline sur le site La République des livres le 13 mai 2016.
  4. « Notes chiapanèques - Par Joseph Andras », sur lundimatin (consulté le ).
  5. a et b https://diacritik.com/2018/09/03/joseph-andras-kanaky-est-autant-une-biographie-intemporelle-quun-geste-politique-le-grand-entretien/
  6. Valérie Marin la Meslée, « Nouvelle-Calédonie : sur les traces d'Alphonse Dianou », sur lepoint.fr, (consulté le ).
  7. « Rentrée littéraire. Joseph Andras : « Dianou, héritier de la lutte kanak » », L'Humanité,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  8. « Lettre à Manuel, Gilet jaune – par Joseph Andras », L'Humanité,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  9. « Avec “Pour vous combattre”, Joseph Andras réactualise la Révolution française », sur Les Inrocks, (consulté le ).
  10. Maïté Bouyssy, « Pour vous combattre, de Joseph Andras : écrire Desmoulins », sur En attendant Nadeau, (consulté le )
  11. Rédaction, « "Le mot républicain est devenu l’arme privilégiée des maîtres" : entretien avec l'écrivain Joseph Andras », sur FRUSTRATION, (consulté le )
  12. « Joseph Andras refuse le prix animaliste Maya, “par principe” », sur ActuaLitté.com (consulté le )
  13. « Lettre 25 - La disparition d’Oznûr Deger », sur La Disparition (consulté le )
  14. « Joseph Andras, "Nûdem Durak : sur la terre du Kurdistan" (Ici-Bas) », sur Livres Hebdo (consulté le )
  15. a et b KEDISTAN, « Entretien avec Joseph Andras, à propos du livre "Nûdem Durak" », sur KEDISTAN, (consulté le )
  16. « Joseph Andras donne une voix à Nûdem Durak, musicienne dans les fers du régime turc | L'Humanité », sur www.humanite.fr, (consulté le )
  17. « Joseph Andras : “J’aspire à susciter la colère à l’encontre des coupables” », sur Les Inrocks (consulté le )
  18. « Joseph Andras », sur L'Humanité, (consulté le )
  19. Joseph et ras-9 articleChroniqueur pour Regards, « Joseph Andras », sur regards.fr (consulté le )
  20. Rédaction, « "Faisons tomber le régime" », sur Frustration Magazine, (consulté le )
  21. « Pass policier : d’une démission à gauche - Joseph Andras », sur lundimatin (consulté le )
  22. « Nûdem Durak : nouvelles de prison - par Joseph Andras », sur lundimatin (consulté le )
  23. « Encres Vagabondes : Joseph ANDRAS, Ainsi nous leur faisons la guerre », sur www.encres-vagabondes.com (consulté le )
  24. Emmanuelle Morau, « Joseph Andras, poète de l’engagement », sur Libération (consulté le )
  25. Ellen Salvi, « Joseph Andras: «Me coltiner le réel, c’est la seule chose que je sache faire» », sur Mediapart (consulté le )
  26. « En pays kanak - Le Matricule des Anges », sur lmda.net (consulté le )
  27. « NON À LA FATALITÉ. Gloire à ceux qui se (re)lèvent », sur www.lalsace.fr (consulté le )
  28. « Récits. Joseph Andras, l’écho des luttes et des colères », sur L'Humanité, (consulté le )
  29. « « Au loin le ciel du Sud » et « Ainsi nous leur faisons la guerre » : les tombeaux poétiques de Joseph Andras », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
  30. Cécile Dutheil de la Rochère, « Kanaky. Sur les traces d’Alphonse Diano, de Joseph Andras », sur En attendant Nadeau, (consulté le )
  31. L’interminable liste des auteurs et écrivains emprisonnés en Turquie sur le site Diacritik le 10 avril 2017.
  32. « Turquie. Nûdem Durak : un chant qu’on emprisonne », L'Humanité,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  33. « La chanteuse Nûdem Durak, symbole de l’oppression du peuple kurde », Les Inrocks,‎ (lire en ligne)
  34. « «Le Média» lance un appel à Emmanuel Macron pour amnistier les gilets jaunes mis en examen ou détenus », Libération,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  35. https://amnistiegj.fr/
  36. « TRIBUNE. Retraites : 300 syndicalistes, intellectuels et militants appellent à généraliser la grève », sur lejdd.fr (consulté le )
  37. Joseph Andras, « Rien ne les arrêtera : il faut donc les arrêter », sur Mediapart (consulté le )
  38. Modèle:Https://www.humanite.fr/idees-debats-tribunes/mort-de-nahel/tribune-mort-de-nahel-cette-fois-tout-le-monde-vu-802823
  39. « Goncourt du premier roman à Joseph Andras », Le Figaro, 9 mai 2016.
  40. a et b « Joseph Andras remporte le Goncourt du premier roman 2016 », Livres Hebdo, le 9 mai 2016.
  41. « De nos frères blessés n'était pas dans la liste des finalistes. Il a gagné quand même », Le Nouvel Obs, 9 mai 2016.
  42. « Joseph Andras : « Je place la poésie au-dessus de tout » - The Dissident », sur The Dissident, (consulté le ).
  43. Valérie Marin la Meslée, « Joseph Andras existe, je l'ai rencontré ! », Le Point, 12 mai 2016.
  44. « Joseph Andras refuse le prix Goncourt du Premier roman », Le Nouvel Obs, 13 mai 2016.
  45. Amélie Cooper, « Le Goncourt du premier roman refusé », Le Magazine littéraire, 14 mai 2016.
  46. Lionel Decottignies, « Joseph Andras : "Un boulanger fait du pain, un écrivain écrit" », L'Humanité, 24 mai 2016.
  47. William Irigoyen, « Joseph Andras : un premier roman qui dit non », L'Orient littéraire, juin 2016.
  48. Antoine Perraud, « Joseph Andras : "Je ne voulais pas laisser Iveton aux mains de ses bourreaux" », Mediapart, 1er juin 2016.
  49. Jean-Luc Einaudi, Pour l’exemple, l’affaire Fernand Iveton, éditions L'Harmattan, coll. « Histoire et perspectives méditerranéennes », 1986, (ISBN 978-2-85802-721-7).

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Le roman était cependant disponible en livre numérique sur certains sites de vente depuis le .
  2. Depuis 1951 avec Julien Gracq ayant refusé le prix Goncourt pour Le Rivage des Syrtes, aucun auteur n'a décliné un prix de l'Académie Goncourt, à l'exception du cas Émile Ajar/Romain Gary pour La Vie devant soi (1975) qui révéla la double identité et la mystification d'un même écrivain quelques années plus tard.

Liens externes[modifier | modifier le code]