Kamel Daoud (écrivain)

Naissance | Mesra, (Algérie) |
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Activité principale | |
Distinctions |
Langue d’écriture | Français |
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Œuvres principales
- L'Arabe et le vaste pays de Ô... (2008)
- Meursault, contre-enquête (2013)
- Zabor ou Les psaumes (2017)
Kamel Daoud (arabe : كمال داود), né le à Mesra[1] (wilaya de Mostaganem[2]), en Algérie, est un écrivain et journaliste algérien d'expression française.
Sommaire
Biographie[modifier | modifier le code]
Famille et formation[modifier | modifier le code]
Kamel Daoud est le fils d'une femme issue d'une famille terrienne aisée de Mesra et d'un gendarme, seul enfant de sa famille à avoir fait des études[3]. Il est l'aîné d'une fratrie de six enfants[4]. Après des études de mathématiques, il étudie la littérature à l'université. S'il écrit en français et non en arabe, c'est, dit-il, parce que « la langue arabe est piégée par le sacré, par les idéologies dominantes. On a fétichisé, politisé, idéologisé cette langue[5]. »
Il est divorcé et a deux enfants de son premier mariage[3]. Ancien adolescent islamiste « défroqué », quittant ce mouvement à 18 ans, il participe à la manifestation antigouvernementale du 5 octobre 1988 à Mostaganem. Son ex-femme porte le hijab. Ils divorcent en 2008 après la naissance de leur fille. Il ne se pense plus comme musulman pratiquant[4].
« La rencontre ou non avec Dieu, c'est de l'ordre de l'intime, c'est une expérience qu'on ne peut pas partager[6]. »
Journalisme[modifier | modifier le code]
En 1994, il entre au Quotidien d'Oran, journal francophone. Il y publie sa première chronique trois ans plus tard[3], titrée « Raina raikoum » (« Notre opinion, votre opinion »)'[7]. Il est pendant huit ans le rédacteur en chef du journal[2]. D'après lui, il a obtenu, au sein de ce journal « conservateur », une liberté d'être « caustique »[8], notamment envers Abdelaziz Bouteflika même si parfois, en raison de l'autocensure, il doit publier ses articles sur Facebook[3].
Chroniqueur dans différents médias, il est éditorialiste au journal électronique Algérie-focus et ses articles sont également publiés dans Slate Afrique[9].
Le 12 février 2011, dans le cadre d'une manifestation, il est brièvement arrêté[10].
Prix[modifier | modifier le code]
Littérature[modifier | modifier le code]
En 2011, son recueil de nouvelles Minotaure 504 est sélectionné pour le prix Goncourt de la nouvelle, et pour le prix Wepler-Fondation La Poste[12] qui échoit finalement à Éric Laurrent.
En octobre 2013 sort son roman Meursault, contre-enquête, qui s'inspire de L'Étranger d'Albert Camus : le narrateur est en effet le frère de « l'Arabe » tué par Meursault[13]. Le roman évoque les désillusions que la politisation de l'islam a entrainées pour les Algériens[14]. En Algérie, le livre est l'objet d'un malentendu :
« Sans l'avoir lu, de nombreuses personnes ont pensé que c'était une attaque de L’Étranger, mais moi je n'étais pas dans cet esprit-là. Je ne suis pas un ancien moudjahid. […] Je me suis emparé de L’Étranger parce que Camus est un homme qui interroge le monde. J'ai voulu m'inscrire dans cette continuation. […] J'ai surtout voulu rendre un puissant hommage à La Chute, tant j'aime ce livre[5]. »
L'ouvrage obtient en 2014 le prix François-Mauriac de la région Aquitaine et le prix des cinq continents de la Francophonie. Il est présent dans la dernière sélection du prix Goncourt 2014[15],[16], et est à une voix de le remporter (4 votes contre 5[17] pour Lydie Salvayre, qui l'obtient donc finalement[18]). L'année suivante, il est couronné du prix Goncourt du premier roman 2015[19].
En 2015, Meursault, contre-enquête est adapté en monologue théâtral par Philippe Berling, metteur en scène et directeur du Théâtre liberté de Toulon. Sous le titre Meursaults[20], l'adaptation est jouée au 69e festival d'Avignon[21], au théâtre Benoît-XII.
Polémiques[modifier | modifier le code]
Fatwa d'un imam salafiste[modifier | modifier le code]
Le 13 décembre 2014, dans l'émission de Laurent Ruquier On n'est pas couché sur France 2, Kamel Daoud déclare à propos de son rapport à l'islam[22],[23] :
« Je persiste à le croire : si on ne tranche pas dans le monde dit arabe la question de Dieu, on ne va pas réhabiliter l'homme, on ne va pas avancer, a-t-il dit. La question religieuse devient vitale dans le monde arabe. Il faut qu'on la tranche, il faut qu'on la réfléchisse pour pouvoir avancer. »
Quelques jours plus tard, cela lui vaut d'être frappé d'une fatwa par Abdelfattah Hamadache Zeraoui, un imam salafiste officiant à l'époque sur Echourouk News, qui a appelé le 16 décembre sur Facebook à son exécution écrivant que « si la charia islamique était appliquée en Algérie, la sanction serait la mort pour apostasie et hérésie. » Il précise :
« Il a mis le Coran en doute ainsi que l'islam sacré ; il a blessé les musulmans dans leur dignité et a fait des louanges à l'Occident et aux sionistes. Il s'est attaqué à la langue arabe […]. Nous appelons le régime algérien à le condamner à mort publiquement, à cause de sa guerre contre Dieu, son Prophète, son livre, les musulmans et leurs pays[24]. »
Il réitère par la suite ses menaces sur Ennahar TV extension du quotidien arabophone réputé populiste Ennahar El Djadid[25].
À la suite de la plainte déposée par Kamel Daoud devant la justice algérienne au sujet de ces menaces publiques de mort proférées par l'imam, la justice algérienne rend son jugement le 8 mars 2016. Il est qualifié de « sans précédent » par l'avocat du plaignant : l'imam Abdelfattah Hamadache Zeraoui est condamné à six mois de prison dont trois mois ferme et l'équivalent de 450 euros d'amende[26].
Agressions sexuelles du Nouvel An 2016 en Allemagne[modifier | modifier le code]
Le , Kamel Daoud publie une tribune dans le journal Le Monde où il évoque les agressions sexuelles du Nouvel An 2016 en Allemagne et voit en l'islamisme la cause principale d'un « rapport malade à la femme, au corps et au désir » dans le monde arabe[27].
Un collectif d'anthropologues, sociologues, journalistes et historiens l'accuse en retour de recycler « les clichés orientalistes les plus éculés » et d'« alimenter les fantasmes islamophobes d’une partie croissante du public européen, sous le prétexte de refuser tout angélisme » car considérer que « des valeurs doivent être “imposées” à cette masse malade, à commencer par le respect des femmes [est un] projet scandaleux, non pas seulement du fait de l'insupportable routine de la mission civilisatrice et de la supériorité des valeurs occidentales qu'il évoque[28]. »
L'écrivain est choqué :
« Je pense que cela reste immoral de m'offrir en pâture à la haine locale sous le verdict d'islamophobie qui sert aujourd'hui aussi d'inquisition. »
Il décide d'abord d’arrêter le journalisme[29],[30], mais continue de produire ses chroniques pour Le Point, le New York Times et, à nouveau, Le Quotidien d'Oran[31].
Analysant cette polémique Laurent Bouvet estime qu'« une certaine gauche, politique et intellectuelle, c'est le cas aussi dans l'université et la recherche, se comporte de manière très complaisante avec l'islamisme » et emploie « à l'encontre de tous ceux qui ne pensent pas comme elle, des méthodes d'intimidation et de disqualification, notamment en usant et abusant du mot “islamophobie”[32]. »
Ouvrages[modifier | modifier le code]
- Raïna raïkoum, Dar El Gharb, Oran, 2002 (recueil de chroniques publiées dans le Quotidien d'Oran)[33]
- La Fable du nain, Dar El Gharb, Oran, 2003 (récit)[33]
- Ô Pharaon, Dar El Gharb, Oran 2005
- L'Arabe et le Vaste Pays de ô... (nouvelles[2]), Barzakh, Alger 2008
Prix Mohammed Dib[34].
- La Préface du Nègre, Éditions Barzakh, Alger, 2008 (recueil de nouvelles) Publié en France en 2011 sous le titre Minotaure 504[35].
- Minotaure 504 (nouvelles), Sabine Wespieser éditeur, Paris, 2011 (ISBN 978-2848050980) Publié initialement en Algérie en 2008 sous le titre La Préface du Nègre[35].
Sélectionné pour le Prix Goncourt de la nouvelle[7].
- Meursault, contre-enquête (roman), Barzakh, 2013 (ISBN 978-9931325567) et Actes Sud 2014 (ISBN 978-2330033729)
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- Prix François-Mauriac de la région Aquitaine 2014
- Prix des cinq continents de la Francophonie 2014[36]
- Finaliste du prix Goncourt 2014[17]
- Prix Goncourt du premier roman 2015[19]
- Liste Goncourt[37] : le choix de l'Orient 2014, le choix roumain 2014, le choix serbe 2015
- Mes indépendances – Chroniques 2010-2016, Éditions Barzakh et Actes Sud, 2017 (ISBN 978-2-330-07282-7)
- Zabor ou Les Psaumes, Éditions Barzakh et Actes Sud, 2017 (ISBN 978-2-330-08173-7)[38]
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- Prix Méditerranée 2018
Références[modifier | modifier le code]
- Joan Tilouine, « Algérie : Kamel Daoud, l’homme révolté », sur Jeune Afrique, : « village natal de Mesra, près de Mostaganem »
- « Le prix littéraire Mohamed Dib décerné au journaliste-écrivain Kamel Daoud », Le Midi libre, 11 mai 2008.
- Jean-Louis Le Touzet, « Kamel Daoud. Bouteflikafka », Libération, 15 avril 2014.
- Adam Shatz, « L'étranger en son pays », Vanity Fair n°25, juillet 2015, pages 46-53.
- « Kamel Daoud, l'invité surprise des prix littéraires », article sur Le Figaro littéraire du 16 octobre 2014.
- « Le livre sacré n'appartient à personne », L'Expression, 5 novembre 2017.
- « Kamel Daoud’s Daily Dose of Subversion », Berfrois.
- Entretien avec Kamel Daoud, chroniqueur au QO, Algérie Focus, 1er mai 2010.
- « Kamel Daoud | Leaders Afrique », Leaders Afrique, (lire en ligne)
- Témoignage de Kamel Daoud, écrivain et journaliste : « Les policiers m’ont traité de tous les noms… », Dernières nouvelles d'Algérie, 12 février 2011.
- « Kamel Daoud journaliste de l'année ! », Le Point, 11 février 2016.
- Jeune Afrique no 2648 du 9-15 octobre 2011, p. 76
- Meursault, contre-enquête, sur le site des Éditions Barzakh.
- (en) Adam Gopnik, « The next thing. Michel Houellebecq's Francophobic satire », The New Yorker, 26 janvier 2015.
- « Emmanuel Carrère absent de la première sélection du Goncourt », lemonde.fr, 4 septembre 2014.
- « L'écrivain algérien Kamel Daoud remporte le prix François-Mauriac », Al Huffington Post, (lire en ligne)
- Article Prix Goncourt 2014, journal L'Express, du 5 novembre 2014.
- Yacine Farah, « Kamel Daoud, si près du but… », El Watan, 6 novembre 2014.
- « Le Goncourt du premier roman décerné au romancier algérien Kamel Daoud », sur Le Monde (consulté le 5 mai 2015).
- Article site Livres Hebdo, du 26 mars 2015.
- Du 21 au 25 juillet 2015.
- « L'intellectuel algérien Kamel Daoud menacé par une "fatwa" », Les Inrocks, (lire en ligne)
- « Kamel Daoud chez Ruquier: "La colonisation a été une violence, il faut que ce soit clair" (VIDÉO) », Al Huffington Post, (lire en ligne)
- « Kamel Daoud sous le coup d'une fatwa », lepoint.fr, 17 décembre 2014.
- Saïd Aït-Hatrit, « En Algérie, les islamistes radicaux à l’air libre », lemonde.fr, 15 janvier 2015.
- « Algérie : Kamel Daour fait condamner un iman », sur Libération, publié le 8 mars 2016.
- Kamel Daoud : « Cologne, lieu de fantasmes », Le Monde, 31 janvier 2016.
- Nuit de Cologne : « Kamel Daoud recycle les clichés orientalistes les plus éculés » sur lemonde.fr.
- Kamel Daoud : « Le verdict d'islamophobie sert aujourd'hui d'inquisition » sur marianne.net.
- « Lettre à un ami étranger » sur lequotidien-oran.com.
- Rubrique « Le Banc Public ».
- « Le procès en islamophobie contre Kamel Daoud est digne de l'époque stalinienne », entretien avec Laurent Bouvet, lefigaro.fr, 1er mars 2016.
- Achour Cheurfi, Les écrivains algériens, Casbah Éditions, Alger, 2002, p. 136.
- Kamel Daoud remporte le prix littéraire Mohammed Dib, Le Matin, 10/05/2008.
- Biographie, sur le site de son éditeur Actes Sud.
- L'ouvrage et ses prix, chez son éditeur Actes Sud, octobre 2014.
- Liste Goncourt et lauréats, site officiel de l'Académie Goncourt.
- « Invité Afrique - Kamel Daoud: «écrire, c'est une manière de ne pas mourir» », RFI, (lire en ligne)
Voir aussi[modifier | modifier le code]
Liens externes[modifier | modifier le code]
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- Articles :
- « L’Arabie saoudite, un Daesh qui a réussi » (Archive), The New York Times, 20 novembre 2015
- « La misère sexuelle du monde arabe » (Archive), The New York Times, 14 février 2016