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François Viète

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François Viète
Description de l'image Francois Viete.jpeg.

Nationalité Française
Domaines Algèbre

François Viète, né à Fontenay-le-Comte (Vendée) en 1540 et mort à Paris en 1603, est un mathématicien français. Il est considéré comme un des principaux précurseurs de l'algèbre, car il est le premier à avoir représenté les paramètres d'une équation par des lettres. Son traité In artema nalyticien Isagoge (Introduction à l'art de l'analyse) est aussi considéré comme un texte fondateur de l'analyse (par contraste avec la synthèse) pour les Modernes [1].

Il était aussi connu de son temps comme un serviteur royal fidèle et compétent. Il fut conseiller privé d'Henri III et d'Henri IV.

Vie publique

Une vie au service du roi

Fils d'un procureur, Viète étudie le droit à Poitiers. En 1560, il devient avocat au barreau de Fontenay-le-Comte. On lui confie d'emblée des affaires importantes, notamment la liquidation des fermages en Poitou de la veuve de François Ier ou encore les intérêts de Marie Stuart, reine d'Écosse.

En 1564, il entre au service de la maison de Parthenay-Soubise comme secrétaire particulier chargé de défendre les intérêts de la famille. Il suit Jean V de Parthenay-Soubise à Lyon. Celui le présente au RoiCharles IX. Il rédige la généalogie de la famille des Parthenay l'Archevêque, puis à la mort de Soubise en 1566, sa biographie.

Nommé précepteur de Catherine de Parthenay,il lui restera attaché toute sa vie et elle restera pour lui une princesse Melusinide. Il fréquente alors la très haute aristocratie calviniste : les principaux chefs Coligny et Condé, mais aussi Jeanne d'Albret, reine de Navarre et le fils de celle-ci, Henri de Navarre, le futur Henri IV.

En 1571, il est avocat au parlement de Paris, présent lors de la Sainte Barthelemy en 1572, il est nommé conseiller au parlement de Rennes en 1573. En 1576, il rentre au service du roi Henri III, chargé de mission spéciale. En 1580, il est maître des requêtes au parlement de Paris, attaché au service exclusif du Roi.

C'est aussi en 1580 que Viète obtient le règlement d'une importante affaire opposant le duc de Nemours à Françoise de Rohan, au bénéfice de cette dernière. Cela lui vaudra la rancune tenace du parti ligueur, qui obtiendra sa mise à l'écart en 1584. Henri de Navarre écrira plusieurs lettres en faveur de Viète, afin d'obtenir son retour au service du roi, mais il ne sera pas écouté. Viète consacre ces années de retraite aux mathématiques.

En 1589, chassé de Paris depuis la journée des barricades, le 12 mai 1588, Henri III se réfugie à Blois. Il enjoint aux officiers royaux de se trouver à Tours avant le 15 avril 1589 : Viète est l'un des premiers à répondre à l'appel.

Après la mort de Henri III, Viète entre au conseil privé de Henri IV. Il est très apprécié du roi qui admire ses talents mathématiques. À partir de 1594, il est chargé exclusivement du déchiffrage des codes secrets ennemis, tâche qu'il accomplissait déjà depuis 1580.

En 1590, Henri IV avait rendu publique une lettre du commandeur Moreo au roi d'Espagne. Le contenu de cette lettre, déchiffré par Viète, révélait que le chef de la Ligue en France, le duc de Mayenne, projetait de devenir roi à la place d'Henri IV. Cette publication mis le duc de Mayenne en position délicate et favorisa ainsi le règlement des guerres de Religion.

À partir de 1593 (Huitième Livre des réponses sur diverses questions mathématiques) et jusqu'à sa mort, Viète critiqua sévèrement la réforme du calendrier menée à terme par Christopher Clavius dans une série de pamphlets dont l'Adversus C. Clavium expostulatio (1600). Il y accusait notamment Clavius d'introduire des corrections et des jours intercalaires de façon arbitraire, et de s'être mépris sur la signification des travaux de son devancier auprès du pape Grégoire XIII (notamment dans le calcul du cycle lunaire), le mathématicien Aloysius Lillius, décédé prématurément.

En 1603, quelques semaines avant sa mort, le mémoire qu'il rédige sur des questions de cryptographie, rend d'un coup caduques toutes les méthodes de chiffrement de l'époque.

Malade, il quitte le service du roi en 1602 et meurt en 1603.

On lui connaît deux élèves : le citoyen de Raguse Marin Ghetaldi et le mathématicien écossais Alexander Anderson. Ils illustreront ses théories en publiant ses oeuvres et en continuant sa méthode.

Ses convictions religieuses

Il n'y a pas de raison de penser que Viète fût huguenot. Au contraire, on sait que lors de sa réception en tant que membre de la cour bretonne, le 6 avril 1574, il lut en public une profession de foi catholique.

Il est vrai que Viète a fréquenté toute sa vie le parti huguenot. Mais il faudrait plutôt ranger ce fervent royaliste dans les rangs des « politiques », ces catholiques modérés pour qui la religion du roi n'a pas d'importance, pourvu que la stabilité de l'État soit préservée.

Travaux mathématiques

Premiers travaux

Entre 1564 et 1568, il se lance dans des travaux d'astronomie et de trigonométrie et rédige un traité jamais publié : Harmonicon Cœleste.

En 1571, il publie un ouvrage de trigonométrie, le Canon mathematicus, où il présente de nombreuses formules sur les sinus et les cosinus. Il y fait un usage inhabituel pour l'époque des nombres décimaux. Ces tables trigonométriques complètent celles de Regiomontanus (De triangulis omnimodis, 1533) et de Rheticus (1543, annexées au De revolutionibus... de Copernic).

La logistique spécieuse

Opera Mathematica publié à Leyde en 1646 par Bonaventure et Abraham Elzevier.

Les mathématiques de la Renaissance se plaçaient dans l'héritage des mathématiques grecques, qui sont fondamentalement de la géométrie. À l'époque de Viète l'algèbre, issue de l'arithmétique, n'est perçu que comme un catalogue de règles. Plusieurs mathématiciens, dont Cardan en 1545, utilisaient des raisonnements géométriques pour justifier des méthodes algébriques.

Ainsi la géométrie semblait un outil sûr et puissant pour résoudre des questions algébriques, mais l'utilisation de l'algèbre pour résoudre des problèmes géométriques semblait beaucoup plus problématique. C'est pourtant ce que va proposer Viète.

À partir de 1591, Viète, qui était très riche, commence à publier à ses frais l'exposé systématique de sa théorie mathématique, qu'il nomme logistique spécieuse (de specis : symbole) ou art du calcul sur des symboles.

La logistique spécieuse procède en trois temps :

  • Dans un premier temps, on note toutes les grandeurs en présence, ainsi que leurs relations, en utilisant un symbolisme approprié développé par Viète. On résume ensuite le problème sous forme d'une équation. Viète nomme cette étape la zététique. Il note les grandeurs connues par des consonnes (B, D, etc.) et les grandeurs inconnues par des voyelles (A, E, etc.).
  • L'analyse poristique permet ensuite de transformer et de discuter l'équation. Il s'agit de trouver une relation caractéristique du problème, la porisma à partir de laquelle on peut passer à l'étape suivante.
  • Dans la dernière étape, l'analyse réthique, on revient au problème initial dont on expose une solution par une construction géométrique s'appuyant sur la porisma.

Parmi les problèmes que Viète aborde avec cette méthode, citons la résolution complète des équations du second degré de la forme et des équations du troisième degré de la forme avec et positif (Viète pose les changements de variable successifs : puis et se ramène ainsi à une équation du second degré).

Postérité de la logistique spécieuse

La logistique spécieuse eut une postérité extrêmement limitée. Viète n'était pas le premier à proposer de noter des quantités inconnues par des lettres. Par ailleurs, ses notations mathématiques sont très lourdes, et sa démarche algébrique, qui ne parvient pas à séparer clairement algèbre et géométrie, nécessite de long développement dans les problèmes les plus complexes. Son algèbre fut vite oubliée, au profit de la géométrie cartésienne.

Il est pourtant le premier à introduire des notations pour les données du problème (et pas seulement pour les inconnues), et il remarque le lien entre les racines et les coefficients d'un polynôme.

L'originalité de Viète est surtout d'affirmer l'intérêt des méthodes algébriques et à tenter d'en donner un exposé systématique. Il n'hésite pas à affirmer que grâce à l'algèbre tous les problèmes pourront être résolus (Nullum non problema solvere.)

L'Apollonius Gallus

Viète fut mêlé à plusieurs polémiques scientifiques. La plus célèbre est narrée par Tallemant des Réaux en ces termes (historiette 46) :

Du temps d'Henri IV, un Hollandais, nommé Adrianus Romanus, savant aux mathématiques, mais non pas tant qu'il croyait, fit un livre où il mit une proposition qu'il donnait à résoudre à tous les mathématiciens de l'Europe ; or, en un endroit de son livre il nommait tous les mathématiciens de l'Europe, et n'en donnait pas un à la France. Il arriva peu de temps après qu'un ambassadeur des États vint trouver le Roi à Fontainebleau. Le Roi prit plaisir à lui en montrer toutes les curiosités, et lui disait les gens excellents qu'il y avait en chaque profession dans son royaume. « Mais, Sire, lui dit l'ambassadeur, vous n'avez point de mathématiciens, car Adrianus Romanus n'en nomme pas un de français dans le catalogue qu'il en fait. -- Si fait, si fait, dit le Roi, j'ai un excellent homme : qu'on m'aille quérir M. Viète. » M. Viète avait suivi le conseil, et était à Fontainebleau ; il vient. L'ambassadeur avait envoyé chercher le livre d'Adrianus Romanus. On montre la proposition à M. Viète, qui se met à une des fenêtres de la galerie où ils étaient alors, et avant que le roi en sortît, il écrivit deux solutions avec du crayon. Le soir il en envoya plusieurs à cet ambassadeur, et ajouta qu'il lui en donneroit tant qu'il lui plairait, car c'était une de ces propositions dont les solutions sont infinies.

Adrien Romain demandait de résoudre une équation de degré 45 dans laquelle Viète reconnaît immédiatement comme solution la corde d'un arc de 8°. Il détermine ensuite les 22 autres solutions positives, les seules admissibles à l'époque.

En 1595, Viète publie sa réponse à Adrien Romain. Il conclut en lui proposant de résoudre le dernier problème d'un traité perdu d'Apollonius, à savoir : trouver un cercle tangent à trois cercles donnés. Adrien Romain proposera une solution faisant appel à une hyperbole, ce que Viète ne considère pas comme conforme à la méthode des Anciens (il attendait une solution « à la règle et au compas »).

Viète publie sa propre solution en 1600, dans l'Apollonius Gallus. Il reconnaît que le nombre de solutions dépend de la position relative des trois cercles et expose les dix situations résultantes (mais ignore les cas singuliers : cercles confondus, tangents entre eux, etc.) que Descartes généralisera en 1643). Cette résolution aura un retentissement presque immédiat en Europe, et vaudra à Viète l'admiration de nombreux mathématiciens à travers les siècles.

Par la suite, Adrien Romain rendra visite à Viète à Fontenay-le-Comte, et les deux hommes deviendront amis.

Autres travaux

En 1593, il publie son Huitième Livre des réponses variées dans lequel il revient sur les problèmes de la trisection de l'angle (dont il reconnaît qu'il est lié à une équation du troisième degré), de la quadrature du cercle, de la construction de l'heptagone régulier, etc.

La même année, partant de considérations géométriques et au moyen de calculs trigonométriques qu'il maîtrisait parfaitement, il découvre le premier produit infini de l'histoire des mathématiques donnant une expression de π :

Il fournit 10 décimales exactes de π en ayant recours à la méthode d'Archimède à l'aide d'un polygone à 393 216 côtés (6×216).

Références

  1. Voir note de Gérard Ferreyrolles et Philippe Sellier au tout début du traité de Pascal, De l'esprit géométrique, in Pascal. Les Provinciales. Pensées et opuscules divers, La Pochothèque, 2004, p.109

Sources

Le corpus des œuvres mathématiques de Viète ne fut imprimé que bien après sa mort par Frans van Schooten, professeur à l'université de Leyde. Cette édition en un volume porte le titre Francisci Vietæ. Opera mathematica, in unum volumen congesta ac recognita, opera atque studio Francisci a Schooten, Officine de Bonaventure et Abraham Elzevier, Leyde, 1646 Texte en ligne

Bibliographie complémentaire

  • Jean-Paul Guichard et Jean-Pierre Sicre, « François Viète. Un juriste mathématicien » in Aventures scientifiques. Savants en Poitou-Charentes du XVIe au XXe siècle (J. Dhombres, dir.), 1995, Les éditions de l’Actualité Poitou-Charentes (Poitiers) : 222-235. (ISBN 2-911320-00-X)