Doliocarpus guianensis

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Doliocarpus guianensis est une espèce de plantes à fleurs de la famille des Dilleniaceae. C'est une liane néotropicale.

En Guyane, les Doliocarpus sont appelés Liane chasseur (créole), Tameyut (Wayãpi), Samugne (Palikur), Dia titey, Toku titei (Aluku), Cipó-d'agua (Portugais)[2]. Au Venezuela on l'appelle Bejuco chaparro, Bejuco de agua, Chaparrillo (Espagnol), Cuchiyumuru (Yekwana)[3].

Description[modifier | modifier le code]

Doliocarpus guianensis est un arbuste sarmenteux ou une liane ligneuse à branches cylindriques, grises, glabres, et des cicatrices de stipules annulaires bien visibles.

Le limbe des feuilles est coriace, décurrent, formant des ailes étroites le long du pétiole canaliculé, long de 5 à 10(15) mm, presque noir, et finement pileux au-dessus. Ce limbe est de forme obovale ou obovale-oblong, mesure 6-20(21) x (2,8)3-9(9,5) cm, les deux faces minces, glabres, la base cunéiforme, l'apex arrondi ou obtus-apiculé. La marge est entière ou irrégulièrement ondulée vers l'apex. On compte 7 à 10 paires de nervures secondaires, généralement distantes de plus de 1 cm, les supérieurs s'anastomosant à moins d'1 mm de la marge. Les nervures secondaires et la médiane sont saillantes en dessous, légèrement en retrait dessus. La nervation tertiaire est subparallèle, fine, assez dense, saillante des deux côtés, surtout celle perpendiculaire aux nervures secondaires.

Selon les sources, les inflorescences forment des grappes longues de 2-4,5 cm, avec des pédicelles mesurant 3 à 4 mm de long[4]. Ou bien, les fleurs se développent en fascicules axillaires sur les branches les plus âgées, avec des pédoncules bien développés, finement pileux et glabrescents, à plusieurs fleurs (lors de la fructification, pédoncules et pédicelles réunis mesurent environ 2-2,5 cm de long)[5].

La fleur fugace comporte 5 sépales rubescents, couverts de quelques poils minuscules à l'extérieur. On compte 3-5 pétales blancs, et de nombreuses étamines, aux anthères ovales, et aux filets filiformes mais dilatés vers le haut. L'unique carpelle globuleux est glabre, avec un style court et courbé, et un stigmate pelté.

Le fruit est une baie ovoïde-globuleuse rouge, mesurant 8-12 mm de long pour 10 mm d'épaisseur, s'ouvrant par deux valves, qui protègent 1-2 graines, entièrement entourées d'arilles blanches[4],[3],[5].

Répartition[modifier | modifier le code]

On rencontre Doliocarpus guianensis du Venezuela au Brésil (Maranhão, Pará, Roraima) en passant par le Guyana, le Suriname et la Guyane[3]. On peut le trouver à Saül, dans la forêt de terre ferme du Mont Galbao[4].

Écologie[modifier | modifier le code]

Doliocarpus guianensis pousse dans les forêts sempervirentes de plaine autour de 100–300 m d'altitude[3]. En Guyane, il fructifie en juin[4].

Doliocarpus guianensis est un exemple de plante zoochore produisant des fruits charnus déhiscents[6].

Doliocarpus guianensis fait partie des espèces pionnières héliophiles communes jouant un rôle dans la régénération forestière en Guyane[7],[8],[9].

On trouve des cristaux de silice cubiques, presque prismatiques, dans le pétiole de Doliocarpus guianensis[10], ce qui est probablement en lien avec les phytolithes trouvés dans ses feuilles et ses fruits[11].

Utilisations[modifier | modifier le code]

Doliocarpus guianensis aurait des vertus très faiblement anticancéreuses[12].

L'eau extraite des tiges de cette espèce est potable et utilisée en médecine traditionnelle comme diurétique et pour soigner des maladies rénales[3].

La sève abondante et potable contenue dans cette « liane à eau » est connue pour désaltérer les chasseurs assoiffés en forêt[13] : on peut remplir un verre à boire avec un tronçon d'un mètre de long[14].

Cette sève était autrefois utilisée en Guyane comme dépuratif[15]. Les Urubú-Ka'apor (en) du Brésil s'en servent comme tonique[16]. Elle fournit un remède Palikur contre la coqueluche, la diarrhée, contre la « blesse » (sikgep, une douleur mobile située sous les côtes sur lesquelles elle appuie), et en traitement de longue durée, contre le diabète[2].

Un Doliocarpus est un ingrédient de remèdes Aluku pour soigner les douleurs abdominales, la blennorragie et les morsures de serpent[13].

Les tiges entrent dans la préparation d'un puissant aphrodisiaque au Guyana[17].

Histoire naturelle[modifier | modifier le code]

En 1775, le botaniste Aublet propose la diagnose suivante[15] :

Doliocarpus guianensis par Aublet (1775) Planche 219. L'on a groſſi courts les parties de la fleur. - 1. Bouton de fleur. - 2. Corolle épanouie. - 3. Corolle vue en deſſous. - 4. Calice. Piſtil. - 5. Ovaire. Style, Stigmate. Une étamine groſſie. - 6. Calice. Baie. - 7. Portion de l'écorce de la baie enlevée. Amande en partie dépouillée de ſa membrane.[15]
« SORAMIA Guyanenſis. (Tabula 219.)

Frutex ſarmentoſus ; ramis ſcandentibus ; ramulis declinatis. Folia alterna, ovata, baſi anguſtiora, glabra, petiolata, integerrima, Flores corymboſi, pedunculati, pedunculis longis, tenuibus, ſuffulti, axillares, aut ſuprà. tubercula in ramis & ramulis ſparſi. Perianthium non deciduum, ſubtùs viride, ſuprà purpuraſcens. Corolla alba, Bacca rubra, carnoſa, acida. Stylus perſiſtens.

Florebat & fructum ferebat Maio.

Habitat ad ripam fluvii Sinémari.
 »

« LA SORAMIE de la Guiane. (PLANCHE 219.)

Cet arbrisseau pouſſe des branches chargées de petits tubercules. Elles ſe répandent ſur les troncs des arbres, & s'élèvent juſques ſur leur ſommet. Elles ſe partagent enſuite en pluſieurs rameaux alternes, très longs & pendants, ſur leſquels ſont placées des feuilles alternes, liſſes, vertes, épaiſſes, rétrécies à leur baſe qui ſe termine par un pédicule long d'un pouce, épais, convexe en deſſous, creuſé en gouttiere en deſſus. Les plus grandes feuilles ont ſix pouces de long, ſur trois & demi de large. Elles ſont partagées par une nervure longitudinale, ſaillante en deſſous, de laquelle partent pluſieurs autres nervures latérales.

Les fleurs naiſſent par petits bouquets à l'aiſſelle des feuilles, ou fur les petits tubercules qui ſont ſur les branches & les rameaux. Leurs pédoncules ſont longs, rougeâtres & grêles.

Le calice eſt d'une ſeule pièce, diviſée profondément en cinq parties arrondies, concaves, vertes en deſſous, & rougeâtres en deſſus.

La corolle eſt à cinq pétales blancs, arrondis, attachés par un onglet au deſſous des étamines.

Les étamines ſont au nombre de ſoixante. Leurs filets ſont grêles, blancs, rangés au deſſous & autour de l'ovaire. Leur extrémité ſupérieure eſt plus large, & ſe termine par une anthère jaune, comprimée & à deux bourſes ſéparées par un ſillon.

Le piſtil eſt un ovaire ſphérique, ſurmonté d'un style rougeâtre, charnu, courbe, terminé par un stigmate large, arrondi & convexe.

L’ovaire devient une baie ovoïde, rouge, de la groſſeur d'une ceriſe ; elle conſervé le ſtyle ; ſon écorce eſt charnue, ferme, & légèrement acide. Elle renferme une amande couverte d'une membrane épaiſſe, blanche, viſqueuſe. Le calice ſubſiſte ; il devient charnu & d'un rouge foncé.

J'ai trouvé cet arbriſſeau ſur les bords de la rivière de Sinémari.

II étoit en fleur & en fruit dans le mois de Mai. »

— Fusée-Aublet, 1775.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en-US) « Name - Doliocarpus guianensis (Aubl.) Gilg - synonyms », Tropicos, Saint Louis, Missouri, Missouri Botanical Garden (consulté le )
  2. a et b Pierre Grenand, Christian Moretti, Henri Jacquemin et Marie-Françoise Prévost, Pharmacopées traditionnelles en Guyane : Créoles. Wayãpi, Palikur, Paris, IRD Editions, , 663 p. (ISBN 978-2-7099-1545-8, lire en ligne), p. 350
  3. a b c d et e (en) Gerardo A. Aymard C., Julian A. Steyermark (Eds.), Paul E. Berry (Eds.), Kay Yatskievych (Eds.) et Bruce K. Holst, Flora of the Venezuelan Guayana, vol. 4, Caesalpiniaceae–Ericaceae, St. Louis, MISSOURI BOTANICAL GARDEN PRESS, , 799 p. (ISBN 9780915279524), p. 616-617
  4. a b c et d (en) Scott A. Mori, Georges Cremers et Carol Gracie, Guide to the Vascular Plants of Central French Guiana : Part 2. Dicotyledons, vol. 76, New York Botanical Garden Pr Dept, coll. « Memoirs of the New York Botanical Garden », , 776 p. (ISBN 978-0-89327-445-0), p. 251
  5. a et b (en) A. A. Pulle, Flora of Suriname : Onagraceae (pars) - Turneraceae - Quiinaceae - Caryocaraceae - Marcgraviaceae - Dilleniaceae - Linacae - Humiriaceae - Lythraceae - additions and correction : Malavaceae - Bombacaceae - Sterculiaceae - Tiliaceae - Melastomataceae, vol. III, PART 1, Leiden, Kol. Ver. Indisch Inst., , 1-500 p., p. 402-403
  6. Marie-Françoise Prévost, « Les fruits et les graines des espèces végétales pionnières de Guyane Française », Rev. Ecol.(Terre Vie), vol. 38,‎ , p. 121-145 (lire en ligne)
  7. G. Maury LECHON, « Régénération forestière en Guyane Française: Recrû sur 25 ha de coupe papetière de forêt dense humide (ARBOCEL) », BOIS & FORETS DES TROPIQUES, vol. 197,‎ , p. 3-21 (lire en ligne)
  8. Jean-Paul LESCURE, « La reconstitution du couvert végétal après agriculture sur brûlis chez les Wayãpi du haut Oyapock: Guyane Française », Thèse de doctorat. ANRT Université Pierre Mendès France Grenoble 2,‎ (lire en ligne)
  9. Yves Braet, « Coup d'oeil sur la biodiversite des Braconidae (Hymenoptera, lchneumonoidea) de Guyane française et reclassification de certaines espèces décrites par Brullé », Zoology, vol. 5,‎ , p. 121-155 (lire en ligne)
  10. (en) William C. Dickison, « COMPARATIVE MORPHOLOGICAL STUDIES IN DILLENIACEAE, V. LEAF ANATOMY », Journal of the Arnold Arboretum, vol. 51, no 1,‎ , p. 89-113 (lire en ligne)
  11. (en) Jennifer Watling et José Iriarte, « Phytoliths from the coastal savannas of French Guiana », Quaternary International, vol. 287,‎ , p. 162-180 (DOI 10.1016/j.quaint.2012.10.030)
  12. (en) Ivana B. Suffredini, Mateus L.B. Paciencia, Antonio D. Varella et Riad N. Younes, « In vitro cytotoxic activity of Brazilian plant extracts against human lung, colon and CNS solid cancers and leukemia », Fitoterapia, vol. 78, no 3,‎ , p. 223-226 (DOI 10.1016/j.fitote.2006.11.011)
  13. a et b Marie Fleury, "BUSI-NENGE" - LES HOMMES-FORÊT : Essai d'etnobotanique chez les Alukus (Boni) en Guyane Française, université de Paris 6, coll. « thèse de doctorat », (lire en ligne)
  14. Édouard Heckel, Les plantes médicinales et toxiques de la Guyane française : catalogue raisonné et alphabétique, Mâcon, Protat frères, , 160 p. (lire en ligne), p. 112
  15. a b et c Jean Baptiste Christian Fusée-Aublet, HISTOIRE DES PLANTES DE LA GUIANE FRANÇOISE, rangées suivant la méthode sexuelle, avec plusieurs mémoires sur les différents objets intéreſſants, relatifs à la culture & au commerce de la Guiane françoiſe, & une Notice des plantes de l'Iſle de France. volume II, Londres et Paris, P.-F. Didot jeune, Librairie de la Faculté de Médecine, quai des Augustins, (lire en ligne), p. 552-553
  16. (en) William BALÉE, Footprints of the Forest : Ka'apor Ethnobotany - the Historical Ecology of Plant Utilization by an Amazonian People, New York, Columbia University Press, , 416 p. (ISBN 9780231074858)
  17. T. VAN ANDEL, Non-timber forest products of the North-West District of Guyana - Part I & II, Universiteit Utrecht. Tropenbos Guyana Series 8A-8B, , Part I 320 p., Part II : 341 p (ISBN 90-393-2536-7, lire en ligne)

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Références taxinomiques[modifier | modifier le code]

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