Constante de Hubble

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La constante de Hubble (H0) est le nom donné, en cosmologie, à la constante de proportionnalité existant aujourd'hui entre distance et vitesse de récession apparente des galaxies dans l'univers observable. Elle est donc reliée à la loi de Hubble-Lemaître décrivant l'expansion de l'Univers. Elle donne le taux d'expansion actuel de l'univers. Son nom a été donné en l'honneur de l'astronome américain Edwin Hubble qui a été le premier à la mettre clairement en évidence en 1929 grâce à ses observations effectuées à l'observatoire du Mont Wilson.

Bien que dénommée « constante », ce paramètre cosmologique varie en fonction du temps. Il décrit donc le taux d'expansion de l'univers à un instant donné.

Terminologie

En toute rigueur, il convient de distinguer la constante de Hubble, le paramètre de Hubble et le taux d'expansion.

La constante de Hubble est la valeur actuelle du paramètre de Hubble.

Le taux d'expansion est l'expression, en pourcentage, de la valeur du paramètre de Hubble.

Notation

La constante de Hubble est notée H0, notation composée de la lettre latine H majuscule, initiale du nom patronymique d'Edwin Hubble et symbole usuel du paramètre de Hubble, suivie, à droite et en indice, du chiffre arabe zéro.

Dimension et unités

La dimension de la constante de Hubble est celle de l'inverse d'un temps.

Son unité SI est la seconde à la puissance moins un (s-1).

Il est cependant d'usage de l'exprimer en kilomètres par seconde par mégaparsec (km/s/Mpc ou km⋅s-1⋅Mpc-1), sous la forme suivante :

,

est le taux d'expansion.

Valeur et interprétation de la constante de Hubble

Historique des valeurs retenues pour la constante de Hubble

Au début de la seconde moitié du XXe siècle, la valeur de la constante de Hubble était estimée entre 50 et 100 km/s/Mpc. Puis dans les années 1990, les hypothèses du modèle ΛCDM ont abouti à une valeur proche de 70 km/s/Mpc.

Les observations réalisées au début des années 2010 concordent approximativement avec cette valeur tournant autour de 70 km/s/Mpc. Plus précisément, au printemps 2013, l'analyse des observations du satellite Planck a donné la valeur de 66,9 km/s/Mpc[1]; valeur affinée à 67,4 ± 0,5 km/s/Mpc après la publication finale des données de Planck en 2018[2]. En 2015 puis 2016, deux séries de mesures ont donné des valeurs de 73,2 puis 71,9 km/s/Mpc[1]. Les prochains grands télescopes dont la mise en service est prévue dans les années 2020 permettront d'établir de nouvelles valeurs plus précises[1]. En 2019, sa valeur a été mesurée à 74,03 ± 1,42 km/s/Mpc grâce à l'observation de céphéides du Grand Nuage de Magellan par le télescope spatial Hubble[3].

Lors du congrès de cosmologie réuni, en juillet 2019, à Santa Barbara (Californie), les astrophysiciens présentent plusieurs mesures du taux d'expansion de l'Univers comprises entre 69,8 (Wendy Freedman) et 76,5 km/s/Mpc, une divergence qualifiée par la plupart des participants de « problème » ou « tension »[4].

Signification cosmologique de la constante de Hubble

Une valeur de 70 km/s/Mpc pour la constante de Hubble signifie qu'une galaxie située à 1 mégaparsec (environ 3,26 millions d'années-lumière) de l'observateur s'éloigne du fait de l'expansion de l'univers (et donc hors effet d'un mouvement propre de l'objet, négligeable à très grande distance) à une vitesse d'environ 70 km/s. Une galaxie située à 10 Mpc s'éloigne à une vitesse de 700 km/s, etc.

Une conséquence a priori surprenante de la loi de Hubble est qu'une galaxie qui serait située à plus de 4 000 Mpc (14 milliards d'années-lumière) s'éloignerait de nous à une vitesse supérieure à la vitesse de la lumière. Ceci indique simplement que l'interprétation en termes de mouvement des galaxies dans l'espace devient impropre à très grande distance. La relativité générale explique qu'il faut considérer que l'on est en présence d'une expansion de l'espace lui-même.

Les écarts entre les différentes valeurs indiquées ci-dessus pour la constante de Hubble sont modestes ; mais si cette différence provient d'une accélération de l'expansion de l'univers et non d'approximations de mesure, elle peut remettre en question le modèle cosmologique du devenir de l'univers. Aux précédentes hypothèses de Big Bounce, Big Crunch et Big Chill viendrait alors s'ajouter la possibilité d'un Big Rip déjà envisagé par l'astrophysicien américain Robert Caldwell dans les années 1990.

Mesure de la constante de Hubble

La valeur de la constante de Hubble est estimée à partir de la mesure de deux paramètres concernant des objets lointains. D'une part, le décalage vers le rouge (redshift) permet de connaître la vitesse à laquelle des galaxies lointaines s'éloignent de nous (à grande distance on peut négliger le mouvement propre). D'autre part, on mesure la distance de ces galaxies. Cette deuxième mesure est délicate à réaliser, ce qui cause de grandes incertitudes sur la valeur de la constante de Hubble. Pendant la majeure partie de la seconde moitié du XXe siècle, était estimée entre 50 et 90 (km/s)/Mpc. Depuis les mesures se sont affinées et la constante de Hubble a été déduite de différents types d'observations. Si les valeurs obtenues sont relativement proches, elles sont cependant incompatibles, compte tenu de l'estimation des incertitudes de mesure.

En 2019 on ne sait pas encore si cette incompatibilité est due à une sous-estimation des incertitudes ou si elle a une réelle signification astrophysique[5].

Le modèle ΛCDM

Les mesures récentes de la constante de Hubble reposent sur différentes versions du modèle cosmologique ΛCDM qui, combiné à des données d'observation sur des amas de galaxies lointains en rayons X et micro-ondes (à l'aide de l'effet Sunyaev-Zel'dovich), à des mesures d'anisotropie du fond diffus cosmologique et à des observations optiques, permet d'obtenir des estimations relativement précises de la constante de Hubble. Ces différentes méthodes convergent toutes vers une valeur autour de 73 km/s/Mpc pour la constante de Hubble. Des mesures encore plus récentes faites par Florian Beutler (en Australie) à partir de calculs sur les amas de galaxies ont précisé cette constante évaluée à l'été 2011 à 67,0 ± 3,2 km/s/Mpc. En 2020 cette valeur est affinée à 67,4 ± 0,5 km/s/Mpc[6].

Données du télescope spatial Hubble

Un groupe de recherche a utilisé le télescope spatial Hubble pour établir la valeur de la constante de Hubble la plus précise dans le domaine optique, en mai 2001 [7]. Celle-ci est égale à 72 ± 8 (km/s)/Mpc.

La méthode utilisée comporte deux étapes. Tout d'abord, des mesures très précises du télescope spatial sur des céphéides permettent de déterminer la distance de nombreuses galaxies dans un rayon de 30 Mpc. Les céphéides étant de simples étoiles, elles ne peuvent pas être observées à de très grandes distances, en tout cas pas à des distances adaptées à une mesure de . Dans une deuxième étape les données précédentes sont utilisées pour calibrer des mesures de distances sur des galaxies beaucoup plus lointaines (dans un rayon de 400 Mpc), obtenues par des méthodes différentes :

  • mesure de luminosité de supernovae ;
  • mesure de la luminosité globale de galaxies spirales et mise en rapport avec leur vitesse de rotation (loi de Tully-Fisher) ;
  • mesure de la luminosité globale de galaxies elliptiques et mise en rapport avec leur vitesse de dispersion (utilisation du plan fondamental pour la mesure de distances) ;
  • etc.

C'est finalement la distance de ces galaxies très lointaines, et la mesure de leur vitesse d'échappement (que l'on considère à cette échelle uniquement due à l'expansion de l'univers) par la méthode du redshift qui donne une valeur approximative de .

Données du satellite WMAP

Les estimations les plus précises faites à partir de mesures sur le fond diffus cosmologique ont été obtenues grâce aux données du satellite WMAP et donnent plusieurs valeurs :

  • 71 ± 4 (km/s)/Mpc. À partir des données de 2003, un an après mise en service du satellite.
  • 70,4+1.5
    −1.6
    (km/s)/Mpc
    . Données de 2006 après 3 ans d'exploitation [8].
  • Les mesures publiées en 2008 donnent une valeur de 71,9+2.6
    −2.7
    (km/s)/Mpc
    [9].
  • Données WMAP finales après 9 ans de mesures : 69,32 ± 0,80 (km/s)/Mpc, données du 20 décembre 2012 [10].

Ces valeurs sont obtenues en mettant en rapport les données WMAP avec d'autres données cosmologiques dans une version simplifiée du modèle ΛCDM. Des versions affinées du modèle tendent vers une valeur de plus faible, mais avec des incertitudes plus grandes : typiquement autour de 67 ± 4 (km/s)/Mpc et certains modèles prévoient même des valeurs proches de 63 (km/s)/Mpc [11].

Données du télescope à rayons X Chandra

En août 2006, une équipe de la NASA, utilisant les données du télescope spatial Chandra, a permis d'évaluer la valeur actuelle de la constante de Hubble:

  • 77 ± 11,55 (km/s)/Mpc, soit avec une incertitude de 15 % [12].

Données du satellite PLANCK

Les données recueillies par le télescope spatial Planck, lancé en mai 2009, ont permis d'affiner plusieurs paramètres cosmologiques, dont la valeur de la constante de Hubble dans l'Univers actuel.

  • 67,3 ± 1,2 (km/s)/Mpc. Première interprétation des données du satellite, en mars 2013.
  • 67,8 ± 0,9 (km/s)/Mpc. Données du 5 février 2015 [13]
  • 67,4 ± 0,5 (km/s)/Mpc. Données du 18 juillet 2018 [14].

Données de la collaboration H0LiCOW

La collaboration internationale H0LiCOW (H0 Lenses in COSMOGRAIL's Wellspring) a déduit la constante de Hubble des délais dans les variations temporelles entre plusieurs images (par des lentilles gravitationnelles) de trois quasars très actifs, et a obtenu H0 =71,9+2,4
−3,0
(km/s)/Mpc
le 26 janvier 2017 [15],[16] et 72,5+2,1
−2,3
(km/s)/Mpc
le 5 septembre 2018 [17]. L'observation de six quasars lointains autorise l'équipe à publier, en 2019, une valeur égale à 73,3+1,7
−1,8
 km/s/Mpc[4].

Cette mesure est, compte tenu de la marge d'erreur, en accord avec celle obtenue en 2019 par l'équipe d'Adam Riess à partir des distances et des vitesses des céphéides situées dans le Grand nuage de Magellan, ainsi qu'avec celle déduite du fond diffus cosmologique mesuré par WMAP. Elle est par contre significativement supérieure à celle obtenue par la collaboration Planck. On ne connaît pas encore les raisons de cette différence.

Si l'on combine la mesure fondée sur les quasars et celle fondée sur les céphéides, on obtient 73,8 ± 1,1 km/s/Mpc, une valeur 5,3 écarts-type au dessus de celle du modèle ΛCDM, alors qu'un biais dans les mesures de distance est de moins en moins probable : il semble de plus en plus qu'il faille réviser le modèle[6].

Mesures dans le Grand Nuage de Magellan

À la suite de la calibration précise de la distance du Grand Nuage de Magellan [18], des mesures effectuées par l'équipe d'Adam Riess (SHOES) grâce à des céphéides du Grand Nuage de Magellan en 2019 donnent une valeur de la constante de Hubble de 74,03±1,42 kilomètres par seconde et par mégaparsec[19].

La différence entre cette mesure et la valeur calculée par la mission Planck tient aux paramètres du modèle cosmologique utilisés pour les calculs dans le cas de la mission Planck.

Mesure par lentille gravitationnelle

En faisant appel à une calibration des distances utilisant les images fantômes d'un quasar dues à un effet de lentille gravitationnelle, une étude de 2019 a donné une valeur de la constante de Hubble égale à 82,4 ± 8,4 km.s-1.Mpc-1[5]

Futures mesures

Fin 2018, les valeurs les plus précises obtenues pour la constante de Hubble diffèrent selon qu'elles ont été obtenues à partir des supernovas de type Ia (73,24 ± 1,74 km/s/Mpc) ou du rayonnement diffus cosmologique (67,4 ± 0,5 km/s/Mpc), la différence étant de trois fois le plus grand des deux écarts-type. La précision du premier type de mesure devrait être ramenée à 1 % d'ici cinq ans, mais rien n'indique que des observations supplémentaires puissent réduire significativement le désaccord avec le deuxième type de mesure. La détection de nouvelles ondes gravitationnelles par LIGO et Virgo, un troisième type de mesure indépendant des deux premiers, devrait permettre une précision de 2 % d'ici le même laps de temps (et 1 % d'ici dix ans), et peut-être clarifier la situation[20]. Les télescopes spatiaux Gaia et James-Webb doivent fournir, dans les années 2020, de nouvelles données permettant également d'affiner les calculs[4].

Notions connexes

Le temps de Hubble, noté tH, est l'inverse de la constante de Hubble :

.

Le rayon de Hubble, noté RH, est le rapport de la vitesse de la lumière dans le vide (c0) par la constante de Hubble :

.

La sphère de Hubble, notée SH, est la sphère de rayon RH, le rayon de Hubble, centrée sur l'observateur.

Sa surface (interne) est l'horizon de Hubble.

Son volume, notée VH, est le volume de Hubble :

.

Notes et références

  1. a b et c Serge Brunier et Mathilde Fontez, « Un jour le temps va s'arrêter », article publié dans le magazine Science et Vie, n° 1200, septembre 2017, encart de la page 63.
  2. Planck Collaboration, N. Aghanim, Y. Akrami, M. Ashdown, J. Aumont, C. Baccigalupi, M. Ballardini, A. J. Banday, R. B. Barreiro, N. Bartolo, S. Basak, R. Battye, K. Benabed, J. -P. Bernard, M. Bersanelli, P. Bielewicz, J. J. Bock, J. R. Bond, J. Borrill, F. R. Bouchet, F. Boulanger, M. Bucher, C. Burigana, R. C. Butler, E. Calabrese, J. -F. Cardoso, J. Carron, A. Challinor, H. C. Chiang et J. Chluba, « Planck 2018 results. VI. Cosmological parameters », sur www.cosmos.esa.int, (Bibcode 2018arXiv180706209P, arXiv 1807.06209, consulté le )
  3. (en) Adam G. Riess, Stefano Casertano, Wenlong Yuan, Lucas M. Macri et Dan Scolnic, « Large Magellanic Cloud Cepheid Standards Provide a 1% Foundation for the Determination of the Hubble Constant and Stronger Evidence for Physics Beyond ΛCDM », accepté pour publication dans The Astrophysical Journal,‎ (lire en ligne).
  4. a b et c Natalie Wolchover, « Expansion de l'univers : un problème de vitesse », Pour la science, no 507,‎ (lire en ligne).
  5. a et b (en) Inh Jee et al., « A measurement of the Hubble constant from angular diameter distances to two gravitational lenses », Science, vol. 365, no 6458,‎ (lire en ligne).
  6. a et b (en) Johanna L. Miller, « Gravitational-lensing measurements push Hubble-constant discrepancy past 5σ », Physics Today,‎ (DOI 10.1063/PT.6.1.20200210a).
  7. (en) Wendy L. Freedman, Barry F. Madore, Brad K. Gibson, Laura Ferrarese, Daniel D. Kelson, Shoko Sakai et coll., « Final Results from the Hubble Space Telescope Key Project to Measure the Hubble Constant », Astrophysical Journal, vol. 553,‎ , p. 47–72 (DOI 10.1086/320638, lire en ligne). Preprint disponible ici.
  8. (en) David N. Spergel et coll., « Three-year Wilkinson Microwave Anisotropy Probe (WMAP) Observations: Implications for Cosmology », Astrophysical Journal Supplement Series, vol. 170,‎ , p. 377–408 (DOI 10.1086/513700, lire en ligne)
  9. (en) LAMBDA: WMAP Cosmological Parameters (five-year data release)
  10. « Nine-Year WMAP Observations: Final Maps and Results », (consulté le )
  11. Les résultats d'évaluation de ainsi que d'autres paramètres cosmologiques obtenus en combinant différentes versions du modèle ΛCDM avec une variété de données observationnelles sont disponibles sur le site LAMBDA (Legacy Archive for Microwave Background Data Analysis) de la NASA : (en) WMAP Cosmological Parameters Model/Dataset Matrix.
  12. (en) Chandra independently determines Hubble constant sur le site d'actualités Spaceflight Now
  13. « Planck 2015 results. XIII. Cosmological parameters », (consulté le )
  14. « Planck 2018 results. VI. Cosmological parameters », (consulté le )
  15. « Une expansion de l'Univers un peu plus rapide ? », Pour la science, no 473,‎ , p. 9.
  16. (en) V. Bonvin et al., « H0LiCOW – V. New COSMOGRAIL time delays of HE 0435−1223: H0 to 3.8 per cent precision from strong lensing in a flat ΛCDM model », Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, vol. 465, no 4,‎ , p. 4914-4930 (DOI 10.1093/mnras/stw3006).
  17. « H0LICOW - IX. Cosmographic analysis of the doubly imaged quasar SDSS 1206+4332 and a new measurement of the Hubble constant », (consulté le )
  18. Revue Nature 567, 200, Avril 2019,
  19. Revue L' Astronomie, Juillet-Août 2019
  20. (en) Hsin-Yu Chen, Maya Fishbach et Daniel E. Holz, « A two per cent Hubble constant measurement from standard sirens within five years », Nature, vol. 562,‎ , p. 545-547 (DOI 10.1038/s41586-018-0606-0).

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