Vision humaine

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La vision humaine est la perception humaine des rayonnements lumineux, c'est-à-dire, l'interprétation cognitive du sens de la vue, partagé par de nombreuses espèces animales.

La vision recouvre l'ensemble des mécanismes physiologiques et psychologiques par lesquels la lumière émise ou réfléchie par l'environnement détermine les détails des représentations sensorielles, comme les formes, les couleurs, les textures, le mouvement, la distance et le relief. Ces mécanismes font intervenir l'œil, organe récepteur de la vue, mais aussi des processus cognitifs complexes mis en œuvre par des zones spécialisées du cerveau (voir cortex visuel).

La vision est associée à des processus psychologiques très complexes. Pour Piaget, elle est chez l'enfant une mise à jour visuelle permanente de la représentation mentale du monde réel de l'individu[1].

Le système visuel

Le flux d'information en provenance de l'extérieur détecté par la rétine de l'œil n'est pas le seul facteur rentrant en compte dans le mécanisme de la vision. Les illusions d'optique en sont la preuve la plus élémentaire : elles montrent que la façon dont le système visuel, et en particulier le cortex visuel du cerveau, traite cette information est aussi importante dans la construction de l'image perçue, consciemment ou non.

La vision n'est ni instantanée ni fluide, mais elle se fait de manière ponctuelle et rapide (de l'ordre du 1/40 de seconde). Le train d'informations visuelles passe depuis la rétine par les nerfs optiques pour être acheminé vers les aires corticales de la vision à l'arrière du cerveau. La façon dont le cerveau traite ces informations fait l'objet de nombreuses études en neurosciences cognitives, notamment depuis les travaux des Prix Nobel Hubel et Wiesel.

Au sein du système visuel, il a été décrit de nombreuses voies qui forment une architecture complexe chargée de traiter les informations de forme, le mouvement, l'identification des objets, la perception des visages, etc. Ainsi, par exemple, la sensation de relief n'est perçue qu'au travers de la vision combinée des deux yeux, traitée pour cela par le cerveau qui reconstitue le relief à partir de deux images légèrement décalées. Ce phénomène est exploité par la technique de la stéréoscopie.

Pour l'homme, ainsi que pour de nombreux animaux, les mécanismes de la vision diffèrent en fonction de l'intensité lumineuse ; ainsi, il est d'usage de distinguer la vision diurne, ou « vision photopique », de la vision nocturne, ou « vision scotopique », pour la finesse de cette vision diurne, on utilise le terme d'acuité visuelle.

Vision photopique

L'espèce humaine perçoit un spectre lumineux de rayonnements électromagnétiques de longueurs d'onde comprises environ entre 380 et 780 nanomètres (nm). Quand l'éclairement est suffisant, la répartition spectrale de ces rayonnements donne lieu à une sensation de couleur.

Chez l'homme, la vision photopique ou maculaire (macula) s'effectue grâce aux cônes de la rétine, répartis en cônes sensibles au rouge (en fait plus au jaune), cônes sensibles au vert, et cônes sensibles au bleu. Le spectre visible, variable suivant les individus, comprend généralement les rayonnements dont la longueur d'onde est comprise entre 380 nm (limite de l'ultra-violet) et 780 nm (limite de l'infra-rouge) ; la sensibilité maximale correspond à un rayonnement de 555 nm (vert-jaune). La proportion de cônes décroît au fur et à mesure qu'on s'éloigne du centre de la vision, ce qui fait qu'on distingue de moins en moins les couleurs. Chez l'être humain, on estime le nombre de cônes entre 5 et 7 millions par œil.

Chez un certain pourcentage d'hommes (10 %) et de femmes (50 %), il existerait un quatrième type de cônes sensibles aux oranges[2],[3]. Cette particularité ne change pas en général la perception des couleurs, mais peut amener à des différences de métamérisme. Les sujets voient différentes des couleurs jugées identiques par les autres.

Visions scotopique et périphèrique

La vision scotopique et la vision périphérique, s'effectuent principalement grâce aux bâtonnets de la rétine, beaucoup plus sensibles que les cônes ; ils ne permettent pas, à eux seuls, de distinguer les couleurs, et leur sensibilité maximale correspond à un rayonnement d'environ 510 nm (vert). C'est une vision très adaptée à la pénombre, contrairement à la vision maculaire nécessitant une intensité lumineuse élevée. Il y a peu de bâtonnets au centre de la rétine (il n'y en a même quasiment pas au niveau de la fovéa), ce qui fait que si l'on regarde directement un objet peu lumineux de nuit, il se peut qu'on ne le voie pas alors qu'on peut le voir si l'on regarde un peu à côté. Le pigment photosensible (rhodopsine) des cellules en bâtonnet met beaucoup plus de temps à se reconstituer après un éblouissement que les pigments des cellules en cône (jusqu'à plusieurs dizaines de minutes pour un rétablissement parfait).

On a montré[4] (chez le macaque dans un premier temps, et via la mesure de l'activité électrique neuronale) que quand un individu tourne le regard sur le côté, son cerveau adapte immédiatement le traitement des informations transmises par l'œil, en mobilisant les neurones de la vision périphérique, qui sont alors au maximum de leur activité. Ainsi le cerveau de quelqu'un qui marche en regardant de côté reste alerté quant aux risques de collision avec un objet situé devant lui.
Ce fait offre de nouvelles pistes pour la rééducation de patients souffrant de dégénérescence maculaire incurable, mais dont la vision périphérique est conservée.

Vision des couleurs

Courbes de sensibilité relative des trois types de cônes de l'œil humain

La perception des couleurs est le résultat d'une combinaison des différences d'influx provenant des capteurs de la rétine appelés cônes. Ceux-ci comportent des pigments sensibles à des longueurs d'onde spécifiques du spectre lumineux (les principales couleurs perçues par les cônes sont représentées par un petit carré coloré). Chez l'homme, la vision est normalement trichromique :

  • Les cônes L sont sensibles au rouge, orange et surtout au jaune, un peu moins au vert, et pas au bleu.
  • Les cônes M sont sensibles au rouge et à l' orange, plus au jaune et surtout au vert , mais moins au au bleu-vert, et pas au bleu..
  • Les cônes S sont sensibles principalement au bleu-vert, et au bleu.

Les pigments sont des protéines nommés L, M et S, les deux premiers étant codés sur des gènes situés sur le chromosome X, le dernier sur le chromosome 7. Cette vision trichromique existe également chez différents primates[5].

Les différences d'influx entre les cônes sont transformés, dans des cellules nerveuses spécialisées de l'œil, en informations visuelles. La concordance entre cônes L et M donne la sensation de luminosité. La différence entre ces deux récepteurs tire la sensation soit vers le rouge, soit au contraire du côté du vert. La différence entre l'influx exprimant la luminosité et l'influx des cônes S s'interprète comme une couleur soit tirant vers le bleu, soit tirant vers le jaune. Les couleurs de l'arc-en-ciel ont de la sorte chacune une traduction nerveuse propre. Les lumières qui excitent à la fois le canal rouge et le canal bleu s'appellent, en colorimétrie, les pourpres ; ce ne sont pas des lumières monochromatiques comme celles de l'arc-en-ciel.

L'information transmise par les différents cônes est intégrée à différents niveaux des voies visuelles depuis les mécanismes rétiniens d'opposition de couleur jusqu'au cortex visuel, en particulier l'aire V4. Le fonctionnement du système visuel est complexe.

Lorsqu'un de ces trois types de cônes ne fonctionne pas, on parle de daltonisme. Lorsqu'aucun cône ne fonctionne, l'individu ne voit aucune couleur, et on dit alors qu'il est atteint d'achromatopsie.

La vision des couleurs diminue puis est perdue au delà d'un certain seuil quand l'intensité lumineuse diminue (hormis chez quelques rares espèces tels que le Geckos capables de percevoir les couleurs sous la lumière lunaire)[6]. Ainsi en plein jour, les oiseaux voient un spectre de couleurs bien plus large et détaillé que nous, mais au crépuscule, ce sont les vertébrés (parmi ceux testés) qui perdent le plus vite leur capacité à distinguer les couleurs. Des oiseaux testés en laboratoire ont eu besoin de 5 à 20 fois plus de lumière que les humain pour voir les couleurs. Des mammifères comme l'homme ou le cheval perdent leur vision des couleurs après le crépuscule, à une intensité lumineuse proche de celle d'un clair de lune[6].

Vision tétrachromique

Une mutation rare conduisant à une vision tétrachromique a été mise en évidence chez quelques femmes (Jordan & Mollon, 1993)[7]. Le type de cônes additionnel correspond à une vision centrée sur le jaune (et donc distincte d'une simple stimulation des cônes associés au rouge et au vert[8]). Les personnes sujettes à cette mutation se plaignent donc d'un mauvais rendu du jaune sur les moniteurs et écrans d'affichage. En 2010, quelques fabricants[9] proposent des écrans tétrachromatiques (comprenant des pixels jaunes calculés par pondération du rouge et du vert), mais ceux-ci ne pourront être mis réellement à profit tant que n'existera pas en informatique ou en télévision un quatrième signal chromatique propre.

Persistance rétinienne et illusion de mouvement

On a longtemps cru que le cinéma se servait simplement de la persistance rétinienne pour donner l'illusion du mouvement. En réalité le mouvement observé sur un écran semble essentiellement être une création du cerveau. On distingue quatre phénomènes dans cette illusion :

  • Effet de continuité créé par la succession rapide des images (12 images par seconde pour les films d'animation et 18 images par seconde pour les films muets - passés à 24 images par seconde avec le cinéma sonore uniquement pour permettre une intelligibilité suffisante de la bande son). Mais le mouvement n'a l'air tout à fait fluide que vers 50 images par seconde. Par exemple, quant au cinéma il y a un panorama assez rapide, on peut percevoir que le mouvement est saccadé, ce qui reflète la succession des images. Cela est aussi dû au fait que l'obturateur s'ouvre et se ferme 48 fois par seconde, ce qui signifie que chaque image est présentée deux fois, cela pour éviter le papillotement ou scintillement.
  • Les premiers films de synthèse, dont chaque image était nette, créaient une impression peu naturelle. On s'aperçut vers 1980 que l'introduction d'un flou artificiel proportionnel au mouvement, comme sur une "vraie" pellicule, donnait paradoxalement un effet plus réaliste.
  • Disparition du scintillement. On obtient cet effet en vision centrale vers 50 images par seconde. C'est le cas, par exemple, de la télévision à tube cathodique et à affichage entrelacé (2 x 25 ou 2 x 30 images par seconde). Mais si l'on regarde en vision périphérique (il suffit de regarder à côté de l'écran tout en portant son attention sur celui-ci), il y a encore un scintillement. C'est seulement vers 75 Hz qu'il disparaît et à 85 Hz l'image est totalement stable. Il est recommandé de régler le taux de rafraîchissement d'un écran à tube cathodique à ces fréquences pour éviter la fatigue des yeux (et de la tête). Le problème du scintillement ne se pose pas avec les écrans LCD. Cet effet n'est dû qu'à l'interférence avec la lumière artificielle qui est à la fréquence, en France, de 50 Hz. En lumière purement naturelle, ces interférences ne peuvent pas apparaitre et donc, l'œil ne peut pas les percevoir.
  • Effet phi qui a lieu même avec une succession peu rapide d'images (10 images par seconde). Si l'on dessine une animation sur un carnet et qu'on feuillette les pages, on peut obtenir une illusion de mouvement. Par exemple, les dessins animés ont parfois peu d'images par seconde.

Voir aussi

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Bibliographie

  • Richard Langton Gregory, L'œil et le cerveau : la psychologie de la vision [« Eye and Brain: The Psychology of Seeing »], De Boeck Université, (1re éd. 1966).
    • Richard Gregory, Eye and Brain : The psychology of seeing, Princeton University Press, , 5e éd..
    • (en) Richard Gregory, Seeing through illusions, Oxford University Press, .
  • Hermann von Helmholtz, Optique physiologique, Paris, Masson, (lire en ligne)
    • Hermann von Helmholtz, Handbuch der physiologischen Optik, Leopold Voss, (lire en ligne)

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

  1. Jean Piaget: 1937.
    La construction du réel chez l'enfant Neuchâtel; Paris: Delachaux et Niestlé. (Autres éd. au contenu identique et publ. chez le même éditeur: 2e éd. 1950, 3e éd. 1963, 4e éd. 1967, 5e éd. 1973, 6e éd. 1977, 1991.) Texte PDF mis à disposition le 03.03.2008
  2. Backhaus, Kliegl & Werner « Color vision, perspectives from different disciplines » (De Gruyter, 1998), p.115-116, section 5.5.
  3. Pr. Mollon (université de Cambridge), Pr. Jordan (université de Newcastle) « Study of women heterozygote for colour difficiency » (Vision Research, 1993)
  4. Jean-Baptiste Durand, Yves Trotter, Simona Celebrini ; Privileged processing of the straight-ahead direction in primate area V1, Revue Neuron, 2010/O4/14 (Résumé)
  5. Jacobs G, Nathans J, L'évolution de la vision des couleurs chez les primates, Pour la Science, mars 2010
  6. a et b Communiqué (2013) /releases/2009/11/091111121543.htm Birds lose color vision in twilight ScienceDaily. Retrieved June 24, 2013, The Swedish Research Council (2009, November 16)
  7. http://www.bios.niu.edu/hahin/bios481/tovee3.pdf
  8. http://aris.ss.uci.edu/~kjameson/jamesonOUP3.pdf
  9. http://www.reghardware.co.uk/2010/05/08/review_hd_tv_sharp_aquos_lc_46le821e/