Théorie du complot du génocide blanc

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Manifestation contre les clandestins, l'immigration-invasion et l'islamisation de l'Europe le 8 novembre 2015 à Calais

La théorie du complot du génocide blanc est une théorie conspirationniste d'extrême droite associée aux idéologies racialiste, néonazie, identitaire, nationaliste blanche, suprémaciste et séparatiste blanche[1], qui soutient que l'immigration de masse, l'intégration raciale, le métissage, de faibles taux de fécondité des Blancs, l’avortement, la confiscation de terres des Blancs, la violence organisée contre eux[2] ou leur élimination y compris dans les pays à majorité blanche seraient hypothétiquement encouragés. Cette théorie considérée comme complotiste d'ultradroite soutient que ces actions visent à remplacer, éliminer ou liquider délibérément les populations blanches[3], à démanteler le pouvoir collectif blanc[4], à rendre la race blanche minoritaire et à faire en sorte que les Blancs disparaissent par assimilation forcée[2] ou par un génocide violent[5].

États-Unis[modifier | modifier le code]

Cette théorie a été développée vers 1995 par le suprémaciste blanc américain et néo-nazi David Lane. La phrase « antiraciste est un mot de code pour anti-blanc », popularisée en 2006 par le nationaliste blanc Robert Whitaker (en), est associée au sujet du génocide blanc[6]. Il est apparu sur des panneaux publicitaires aux États-Unis près de Birmingham, en Alabama et de Harrison, dans l'Arkansas.

Allemagne[modifier | modifier le code]

Des théories du complot similaires faisaient partie du discours officiel de l'Allemagne nazie, comme le montre une brochure écrite pour le « département de la recherche sur la question juive » de « l'Institut du Reich » de Walter Frank avec le titre « Les nations blanches meurent-elles? L'avenir des Blancs et les nations de couleur à la lumière des statistiques biologiques ».[réf. nécessaire]

France[modifier | modifier le code]

La théorie a été couramment utilisée à la fois de manière interchangeable[7], et comme une version plus large et plus extrême de la théorie conspirationniste du grand remplacement de Renaud Camus sur un grand complot qui cible la population chrétienne blanche en France[8].

Afrique du Sud[modifier | modifier le code]

Adeoye O. Akinola, chercheur à l'université de Johannesburg, a souligné dans un article consacré aux attaques agricoles et à la question foncière en Afrique du Sud, que face à des menaces réelles ou irréelles pour leur vie et leurs biens, certains fermiers sud-africains ont développé une paranoia et une rhétorique raciste centrée autour de la théorie d'un « génocide blanc » présentant les meurtres sur les fermes comme des « actes systématiquement orchestrés » (par des noirs) et soutenus par le gouvernement (dirigé par des noirs) dans le but « d'exterminer progressivement les fermiers blancs » et de se saisir de leurs fermes[9]. Lors des manifestations de fermiers en octobre 2017, une « aile d’extrême-droite » de ces derniers a en l’occurrence évoqué cette théorie du complot en parlant de meurtres qui étaient orchestrés[10]. Akinola souligne que le terme de génocide est en l'espèce inapproprié et infondé car ce vocable renvoie au « meurtre délibéré d'un grand groupe de personnes d'une nation, d'une race ou d'une ethnie particulière » dans le but ultime de les exterminer[9]. Même si « dans certains cas, les attaques et les meurtres ont été si brutaux que beaucoup pensent qu'il existe un élément de vengeance raciale pour l'apartheid », il n'existe pas ici « d'intention prouvée de la part des auteurs de détruire physiquement un groupe national, ethnique, racial ou religieux » correspondant à la définition de génocide alors que tous les Sud-Africains vivant dans des fermes isolées sont vulnérables face à la criminalité particulièrement élevée dans le pays[11]. Pour la Commission sud-africaine des droits humains, si « beaucoup de ces attaques ou de ces meurtres sont motivés par un élément criminel » et que « certaines investigations montrent qu’un nombre disproportionné de ces attaques sont motivées par la haine raciale », il n'y a aucun élément prouvant qu'il y ait génocide[12].

Si l'assassinat de fermiers blancs en Afrique du Sud est un phénomène réel, les statistiques mentionnées par l’organisation AgriSA soulignent une certaine décroissance de ces crimes qui atteignent leur plus bas niveau en 2017[13].

Des petits groupes extrémistes tels que les Suidlanders propagent néanmoins à l'étranger l'idée de l'existence d'un génocide blanc en cours en Afrique du Sud[14]. Ce point de vue a également été repris par les membres du groupe Europe des nations et des libertés au parlement européen[14]. Quelques militants continuent aussi de propager de telles opinions subjectives et non étayées sur les réseaux sociaux comme l’éditorialiste canadienne Lauren Southern[12],[11].

En , le président des États-Unis, Donald Trump, charge le secrétaire d'État Mike Pompeo dans un tweet de politique étrangère de mener une enquête sur « les saisies et les expropriations de terres et de fermes et les massacres massifs d'agriculteurs » en Afrique du Sud, affirmant que « le gouvernement sud-africain s'empare maintenant des terres d'agriculteurs blancs ». Le gouvernement sud-africain réagit et critique le tweet jugé clivant et basé sur de fausses rumeurs[15],[16], tandis que certains journalistes accusent le président d'avoir souscrit à la théorie du génocide blanc et d'être sous l'influence de l'extrême-droite[17],[18]. Le politicien Julius Malema répond qu'il n'y a pas pour l'instant[19] de génocide blanc en Afrique du Sud, mais un génocide noir aux États-Unis ainsi qu'en Afrique du Sud, et AfriForum, organisation de défense des intérêts des Afrikaners, qui dénonce notamment une rhétorique incendiaire contre les fermiers et le meurtre brutal d'agriculteurs, sans aller jusqu'à endosser la théorie du complot du génocide blanc[20],[21],[14],, exprime son soutien pour la position de Trump, demandant une pression politique des États-Unis sur le gouvernement sud-africain pour stopper les expropriations de terres[16].

Références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Andrew Fergus Wilson, « #whitegenocide, the alt-right and conspiracy theory: How secrecy and suspicion contributed to the mainstreaming of hate. », Secrecy & Society,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  2. a et b (en) Chris Zappone, « The high price of 'white genocide' politics for Australia », The Sydney Morning Herald,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  3. (en-GB) Jason Wilson, « White farmers: how a far-right idea was planted in Donald Trump's mind », The Guardian,‎ (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le ).
  4. (en) « Donald Trump's "white genocide" rhetoric: A dangerous escalation of racism », sur Salon, (consulté le ).
  5. (en) Jeffrey Kaplan, Encyclopedia of White Power : A Sourcebook on the Radical Racist Right, Rowman & Littlefield, , 585 p. (ISBN 978-0-7425-0340-3, lire en ligne)
  6. (en-US) Madison Underwood, « Where does that billboard phrase, 'Anti-racist is a code word for anti-white,' come from? It's not new », sur al.com, (consulté le ).
  7. (en) « Day of the trope: White nationalist memes thrive on Reddit's r/The_Donald », sur Southern Poverty Law Center (consulté le ).
  8. (en-US) Chris di Pasquale, « Why the alt-right want to call Australia home », sur Overland literary journal (consulté le ).
  9. a et b Adeoye O. Akinola, Farm Attacks or ‘White Genocide’? Interrogating the unresolved land question in South Africa, African Journal on Conflict Resolution, Vol. 20 No. 2 (2020), p 79 et s.
  10. Jacques Deveaux, « En Afrique du Sud, les fermiers blancs dénoncent «le génocide» qu'ils subiraient », France Info,‎ (lire en ligne).
  11. a et b International outrage about a “genocide” against white farmers in South Africa ignores the data, Lynsey Chutel in Quartz Africa, 5 juin 2018
  12. a et b Camille Belsœur, « La figure du fermier blanc symbolise toujours le mal-être de l’Afrique du Sud », Slate, 8 août 2018
  13. « Y a-t-il vraiment un «génocide» des fermiers blancs en Afrique du Sud, comme le déclarent certains tweets ? », Libération,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  14. a b et c (en-GB) Farouk Chothia, « The groups playing on the fears of a 'white genocide' », BBC News,‎ (lire en ligne, consulté le )
  15. AFP, « Les fermiers sud-africains furieux après le tweet de Trump sur la réforme agraire », Le Point, (consulté le ).
  16. a et b Associated Press, « South Africa blasts Trump over tweet it says is racially divisive », sur latimes.com (consulté le ).
  17. (en-GB) Jason Wilson, « White farmers: how a far-right idea was planted in Donald Trump's mind », The Guardian,‎ (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le )
  18. (en) Jennifer Williams, « Trump’s tweet echoing white nationalist propaganda about South African farmers, explained », sur Vox, (consulté le )
  19. « Malema - We Have Not Called For The Killing Of White People... At Least For Now » (consulté le )
  20. AfriForum decries SA farm murders down under, Mail and Guardian 15 octobre 2018
  21. AfriForum vs. Mail & Guardian, PressCouncil, 6 décembre 2018

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Théories similaires[modifier | modifier le code]

Filmographie[modifier | modifier le code]

  • [vidéo] Thomas Zribi et Nicolas Lebourg, Le grand remplacement : histoire d'une idée mortifère, LCP, .