Opération Jéricho

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Hommage à tous ceux qui ont trouvé la mort durant cette dure période.
Robert Beaumont, médecin, tué pendant l'opération Jéricho.

La prison d'Amiens après le bombardement.

L’opération Jéricho est le nom donné à un raid aérien effectué pendant la Seconde Guerre mondiale, le par la Royal Air Force (la RAF) qui bombarda la prison d'Amiens[a] afin de libérer des agents secrets alliés et des résistants français. Cette opération fit 105 morts.

Attaque[modifier | modifier le code]

Hommage à tous ceux qui se sont fait tuer pendant cette dure période.
Robert Beaumont, tué pendant l'opération Jéricho.

L'attaque fut menée par vingt-quatre avions de la RAF :

La précision de l'attaque fut toute relative : sur les 40 bombes lancées, 23 tombèrent dans l'enceinte de la prison, tandis que 13 autres ne ratèrent l'objectif que de peu. Le bâtiment principal fut gravement touché, une énorme plaque de béton s'effondra et 102 prisonniers furent tués sur un total de 700 prisonniers (détenus de droit commun et politiques), 95 cercueils furent réunis dans la cathédrale d'Amiens pour les obsèques. Quatre autres bombes ne firent des dégâts qu'à une distance de 250 à 700 mètres de la prison. Un autre Mosquito Mk IV de la RAFFPU (en) filma la prison après le raid. Peu de prisonniers s'évadèrent car ils craignaient d'être repris rapidement et exécutés par la police allemande, ou craignaient des représailles à l'encontre de leurs proches.

Deux combattants français, compagnons de la Libération, furent impliqués dans l'opération : Dominique Ponchardier, un des chefs du réseau de renseignements "Sosies" qui proposa l'opération aux Anglais et qui participa avec quelques résistants, à l'évacuation de prisonniers après l'attaque et Philippe Livry-Level, navigateur à bord de l'un des Mosquitos[1].

La Luftwaffe réagit avec les Fw 190 A7 du 7./JG 26 qui abattirent à Saint-Gratien[c] le Mosquito du commandant de l'attaque[d] et un Typhoon de l'escorte. Un second Typhoon fut porté disparu, sans qu'il soit possible de préciser si ce fut par l'action de l'ennemi ou à cause des conditions météorologiques de ce jour-là au-dessus de la Manche.

Thèse de la manipulation[modifier | modifier le code]

En 2005, une analyse[2] a remis en cause les buts réels de l'opération Jéricho. Cette thèse s'appuie sur plusieurs éléments :

  • bien que 180 personnes fussent emprisonnées par les Allemands dans cette prison aux côtés de 523 détenus de droit commun, aucun agent allié n'y était incarcéré, même s'il a parfois été affirmé qu'un des prisonniers connaissait certains secrets sur le débarquement ;
  • pour motiver les équipages, le commandant de l'opération avait précisé que l'action visait à libérer 120 résistants condamnés à être fusillés le lendemain, dont certains avaient aidé des équipages alliés tombés en France à échapper à la capture ; en réalité, aucune exécution n'était prévue dans les jours suivants l'attaque, de plus certaines personnes citées n'y étaient pas emprisonnées ;
  • il a été dit que l'attaque aérienne était coordonnée avec une action de la résistance intérieure française pour aider les prisonniers à s'échapper ; aucune trace d'une telle coordination n'a été trouvée ;
  • enfin, le nom même de l'opération, Jéricho, n'apparut qu'après le conflit, en 1946, lorsque la RAF diffusa sous ce nom un film retraçant ces évènements ; en 1944, l'opération était connue sous le nom de Ramrod 564, parfois surnommée « opération Renovate », du nom du mot-code devant éventuellement en marquer l'abandon en cours d'action.

Tenant compte de ces éléments, et du fait qu'Amiens était éloignée des futures plages du débarquement de Normandie, mais proche de celles du Pas-de-Calais, l'auteur de l'analyse pense que cette opération s'est inscrite dans le cadre de l'opération Fortitude, destinée à induire en erreur les services de renseignement allemands sur le lieu réel du débarquement allié, prévu pour la fin du printemps. Cette attaque sur la prison d'Amiens aurait servi à faire croire au contre-espionnage allemand que, parmi les personnes emprisonnées à Amiens, se trouvaient des résistants dont les Allemands n'avaient pas soupçonné l'importance, et que ces personnes étaient dans la connaissance d'un débarquement à venir sur les plages du Pas-de-Calais, département dont la limite sud est située à une trentaine de kilomètres au nord d’Amiens.

Cette induction en erreur pouvait également être corroborée par le fait qu'une tentative de débarquement de troupes canadiennes avait eu lieu à Dieppe[e] en , laquelle tentative mal préparée et de faible ampleur s'était d’ailleurs soldée par un fiasco allié.

En 2017, l'ancien résistant François Raveau - et ami de Dominique Ponchardier - indique dans son livre autobiographique d'entretiens avec Michel Mollard Je suis le chat qui va tout seul... qu'un ancien officier britannique a avoué plus de cinquante ans après le raid - à l'occasion de l'ouverture imminente d'archives britanniques - à l'un des survivants que le réseau de résistance français dont l'existence en 1944 était alors inconnue des allemands nazis avait effectivement été livré comme appât au service de contre-espionnage nazi. Il remet ainsi en cause le récit fait par le colonel Rémy, soulignant que ce sont les Britanniques qui ont commandité l'attaque de la prison par les résistants français, et non l'inverse.

Filmographie et jeux vidéo[modifier | modifier le code]

  • Jéricho, film d'Henri Calef, 1946.
  • Heroes over Europe, jeu vidéo de 2009 sur PC, Xbox 360 et PS3. Une mission lui est consacrée.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Préfecture du département de la Somme, à environ 100 km au nord de Paris.
  2. Ce sobriquet lui avait été donné car il avait pour ami un cheval qui le suivait partout sur sa base aérienne et qui était devenu la mascotte de l'escadrille.
  3. À 12 km au nord d'Amiens.
  4. Le Wing Commander Pickard et le Lieutenant Broadley furent tués.
  5. Port sur la Manche, situé à une trentaine de kilomètres au sud-ouest du département de la Somme.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Colonel Rémy, L’opération Jéricho, Paris, France Empire, 1954, Presse Pocket, 1963 et Éditions de Crémille, 1972.
  2. J.-P. Ducellier, « La manipulation d'Amiens : pourquoi bombarder une prison en 1944 ? », Le Fana de l'aviation, no 432, .

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Alain Decaux, « Opération Jéricho », dans Histoires extraordinaires, Paris, Perrin, 1993 (ISBN 2-262-01016-1)
  • Raymond Lallemant, Rendez-vous avec la chance, Editions j'ai lu, 1964.
  • Colonel Rémy, L’Opération Jéricho, Paris, France Empire, 1954, Presse Pocket, 1963 et Éditions de Crémille, 1972.
  • Robert Laman: The Jail Busters – The Secret Story of MI6, the French Resistance and Operation Jericho, 1944. Quercus editions, 2014, (ISBN 978-1-78206-536-4).
  • J. P. Ducellier: The Amiens Raid Secrets revealed. Red Kite, 2011, (ISBN 978-0-9554735-2-4).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

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Liens externes[modifier | modifier le code]