Initiative populaire « contre la spéculation foncière »

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Initiative populaire fédérale
Contre la spéculation foncière

Déposée le
Déposée par Parti socialiste suisse

Contre-projet non
Votée le
Participation 37,97 %
Résultat : rejetée[NB 1]
Par le peuple non (par 67,3 %)
Par les cantons non (par 18 6/2)[NB 2]

L'initiative populaire « contre la spéculation foncière » est une initiative populaire fédérale suisse, rejetée par le peuple le . C'est la seule votation fédérale organisée dans le pays cette année-là.

Contenu[modifier | modifier le code]

L'initiative demande l'ajout d'un article 31sexies à la Constitution fédérale afin de définir une responsabilité de la Confédération à la fois pour la limitation des prix de l'immobilier, pour la prévention d'une éventuelle pénurie de logements et pour l'aménagement du territoire sur le plan national « dans l'intérêt de la santé publique et de l'économie du pays ». Comme moyen, l'initiative prévoit la possibilité pour les autorités fédérales d'exproprier des immeubles et leur donne un droit de préemption en cas de vente d'immeubles entre particuliers.

Le texte complet de l'initiative peut être consulté sur le site de la Chancellerie fédérale[1].

Déroulement[modifier | modifier le code]

Contexte historique[modifier | modifier le code]

Depuis le milieu du XXe siècle le prix du sol, et donc de l'immobilier, est en constante augmentation dans le pays ; le phénomène touche tout d'abord les villes et les agglomérations pour s'étendre progressivement dans l'ensemble des régions. Sur demande du Conseil national, le Conseil fédéral nomme une commission d'enquête pour réaliser une étude sur la spéculation foncière et proposer différents moyens pour la limiter[2]. Dans le même temps, En 1959, l'Union suisse des paysans demande et obtient une loi spécifique sur les zones agricoles qui échappent ainsi à la hausse constante des prix fonciers[3].

En 1963, lorsque l'initiative est déposée, la commission se voit chargée d'examiner également les problèmes posés par celle-ci, ainsi que d'intégrer dans ses travaux une dizaine de postulats adoptés entretemps par le Parlement.

Récolte des signatures et dépôt de l'initiative[modifier | modifier le code]

La récolte des 50 000 signatures nécessaires a débuté le . Le de l'année suivante, l'initiative a été déposée à la chancellerie fédérale qui l'a déclarée valide le 1er août[4]. Le traitement de l'initiative par les autorités est ensuite retardé jusqu'à ce que la commission publie ses conclusions, à savoir le .

Discussions et recommandations des autorités[modifier | modifier le code]

Le parlement[5] et le Conseil fédéral[2] recommandent tous deux le rejet de cette initiative. Dans son message adressé à l'assemblée, le Conseil fédéral, rejoignant les conclusions de la commission, approuve les buts énoncés par l'initiative et assure s'efforcer déjà de les atteindre. Cependant, le texte proposé présente, selon lui, trop d'imprécisions dans les mesures applicables en particulier en ce qui concerne les atteintes à la liberté individuelles provoquées par l’interventionnisme étatique.

Plusieurs propositions de contre-projets directs sont examinés (émanant de la commission ou d'un groupe de travail spécifique), mais toutes successivement rejetées. Le Conseil fédéral renonce donc finalement à proposer un tel contre-projet, tout en affirmant sa volonté de continuer les travaux en cours sur le sujet dans le but de « réviser la constitution dans le domaine du droit foncier rural et non rural et de l'aménagement du territoire ».

Votation[modifier | modifier le code]

Soumise à la votation le , l'initiative est refusée par 18 6/2 cantons (soit tous à l'exception du canton de Genève) et 67,3 % des suffrages exprimés[6]. Le tableau ci-dessous détaille les résultats par cantons[7] :

Effets[modifier | modifier le code]

En 1969, le peuple accepte le projet présenté sur ce sujet par le gouvernement et qui se présente sous la forme d'un compromis entre une garantie de la propriété privée et l'attribution à la Confédération des compétences d'aménagement du territoire[8] ; à la suite de cette modification constitutionnelle, le gouvernement adopte un arrêté fédéral urgent en mars 1972 qui définit le découpage de l'ensemble du pays en zones[3]. La loi fédérale résultante, jugée trop centraliste, est combattue et rejetée en votation publique en 1976[9]; une seconde version est finalement acceptée en 1977[10], qui fait reposer la politique suisse d'aménagement du territoire sur trois niveaux : les concepts sont définis par la Confédération, les cantons en déduisent des plans directeurs alors que les communes sont responsables des plans d'utilisation[11].

Pendant les travaux menés dans le cadre de l'étude de cette initiative, la possibilité de créer une loi sur le maintien de la propriété foncière rurale comprenant une délimitation entre régions agricoles et zone à bâtir est évoquée à plusieurs reprises ; ce concept sera repris en 1991 avec la mise en place de la loi sur le droit foncier rural[12], quelques années après le rejet en votation de l'initiative populaire « Ville-campagne contre la spéculation foncière » le [13].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Selon l'article 139 de la Constitution, une initiative proposée sous la forme d'un projet rédigé doit être acceptée à la fois par la majorité du peuple et par la majorité des cantons. Dans le cas d'une initiative rédigée en termes généraux, seul le vote du peuple est nécessaire.
  2. Le premier chiffre indique le nombre de cantons, le second le nombre de cantons comptant pour moitié. Par exemple, 20 6/2 se lit « 20 cantons et 6 cantons comptant pour moitié ».

Références[modifier | modifier le code]

  1. « Texte de l'initiative populaire fédérale », sur Chancellerie fédérale (consulté le )
  2. a et b « Message du Conseil fédéral »  (16 juin 1966) de la Feuille fédérale référence FF 1966 I 898
  3. a et b Laurent Bridel, « Aménagement du territoire » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du .
  4. « Initiative populaire 'contre la spéculation foncière' » (consulté le )
  5. « Arrêté fédéral »  (30 décembre 1966) de la Feuille fédérale référence FF 1966 II 996
  6. « Votation no 214 Tableau récapitulatif », sur Chancellerie fédérale (consulté le )
  7. « Votation no 214 - Résultats dans les cantons », sur Chancellerie fédérale (consulté le )
  8. « Votation no 218 Tableau récapitulatif », sur Chancellerie fédérale (consulté le )
  9. « Votation no 257 Tableau récapitulatif », sur Chancellerie fédérale (consulté le )
  10. « Votation no 282 Tableau récapitulatif », sur Chancellerie fédérale (consulté le )
  11. Rolf Ribi, « Chère patrie, quo vadis? », Revue suisse,‎ (lire en ligne)
  12. François Walter, Cinquante ans d’aménagement du territoire en Suisse? Quelques questions aux acteurs (lire en ligne)
  13. « Votation no 353 Tableau récapitulatif », sur Chancellerie fédérale (consulté le )