Bataille de Frœschwiller-Wœrth (1870)

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Bataille de Frœschwiller-Woerth
Description de cette image, également commentée ci-après
Plan de la bataille de Frœschwiller-Woerth
Informations générales
Date
Lieu Frœschwiller-Wœrth, Bas-Rhin (France)
Issue Victoire allemande décisive
Belligérants
Drapeau de l'Empire français Empire français Drapeau de la Prusse Royaume de Prusse
Drapeau du Grand-duché de Bade Grand-duché de Bade
Drapeau du Royaume de Bavière Royaume de Bavière
Drapeau du Royaume de Wurtemberg Royaume de Wurtemberg
Commandants
Patrice de Mac Mahon Prince Héritier Frédéric de Prusse
Forces en présence
50 000 hommes 88 000 hommes
Pertes
11 000 morts ou blessés
9 000 prisonniers
10 000 morts, blessés ou disparus

Guerre franco-prussienne de 1870

Batailles

Coordonnées 48° 56′ 23″ nord, 7° 44′ 47″ est
Géolocalisation sur la carte : France
(Voir situation sur carte : France)
Bataille de Frœschwiller-Woerth
Géolocalisation sur la carte : Alsace
(Voir situation sur carte : Alsace)
Bataille de Frœschwiller-Woerth
Géolocalisation sur la carte : Bas-Rhin
(Voir situation sur carte : Bas-Rhin)
Bataille de Frœschwiller-Woerth

La bataille de Frœschwiller-Woerth (ou bataille dite de Reichshoffen) s'est déroulée le en Alsace, au début de la Guerre franco-prussienne de 1870. Elle est célèbre pour une série de charges de cuirassiers français (cavalerie lourde).

Il y eut deux charges : celle sous les ordres du général Michel à Morsbronn aux environs de 13 h 30 et celle de Bonnemains à Elsasshausen (hameau de Frœschwiller) aux environs de 15 h 30, toutes deux faces à la IIIe armée prussienne qui, avec ses cent-trente-mille hommes, avait un avantage numérique de trois contre un s'ajoutant à une supériorité du matériel.

Le sacrifice de ces hommes fut totalement inutile d'un point de vue militaire mais a été copieusement utilisé par la propagande, notamment pour la reprise de l'Alsace (par Hansi entre autres). Les survivants furent abondamment décorés.
En 1870, un monument fut érigé au-dessus de Morsbronn à la gloire de ces héros. On peut lire sur ce monument « aux cuirassiers dits de Reichshoffen ».

Contexte

Après la défaite de Wissembourg, le maréchal Patrice de Mac Mahon fut mis à la tête d'un groupement rassemblant les 1er, 5e et 7e corps d'armée corps d'armée de l'armée du Rhin. Il décida de se battre sur la position de Frœschwiller, bien que ses forces fussent dispersées. Le 5 août, il ne disposait que de son 1er corps d'armée qui sera rejoint par la division Conseil-Dumesnil du 7e CA. Il disposait au soir du 5 de ses divisions dans cette disposition :

  • 1re division (du 1er CA) entre Nehwiller et Frœschwiller,
  • 3e division (du 1er CA) entre le bois de Frœschwiller et le calvaire de Woerth,
  • Division Conseil-Dumesnil (du 7e CA) entre le calvaire de Woerth et le bois de Niederwald,
  • 4e division (du 1er CA) du bois de Niederwald à Morsbronn inclus,
  • 2e division (du 1er CA) en réserve dans le bois de Grosserwald (elle avait été éprouvé à Wissembourg).
  • La cavalerie du 1er CA derrière les divisions et une cavalerie de réserve (général de Bonnemains) dans le bois de Grosserwald.

La bataille

Assaut prussien le 6 août 1870 lors de la bataille de Frœschwiller-Woerth.

À l'aube du 6 août 1870, une unité de reconnaissance du Ve corps prussien à l'approche de Wœrth tombe sur les avant-garde françaises et engage le combat. Les bruits du combat amènent le IIe corps bavarois au nord et le XIe corps prussien au sud à lui porter assistance. Le IIe corps bavarois est intercepté par la 1re division à hauteur de Langensoultzbach et le XIe corps prussien est engagé par la 4e division au sortir du bois de Kreuzeck[Où ?].

S'ensuivent une série de combats ponctuels alors que le Kronprinz Frédéric de Prusse cherche à faire décrocher ses forces. À Wœrth, le Ve corps dispose d'une forte batterie (108 pièces) qui écrase la 3e division et permet aux Prussiens de franchir la Sauer. Une brusque contre-offensive du 2e régiment de zouaves permettra de les repousser. Au nord, les Bavarois s'infiltrent dans le bois de Langensoultzbach et doivent en être extirpés par le 1er régiment de zouaves. Au sud, les Prussiens sont repoussés par le 3e régiment de tirailleurs algériens. Jusqu'à midi, les combats restent indécis.

À ce moment, le Kronprinz, arrivé à Dieffenbach-lès-Wœrth, décide d'engager le combat et porte l'ensemble de sa force (90 000 hommes) contre les forces de Mac Mahon (45 000 hommes). À 13 h une manœuvre d'encerclement est initiée par le sud et s'achèvera à 17 h par la capture de Frœschwiller.

Au sud, les Français doivent décrocher de Morsbronn pour se replier dans le bois de Niederwald. C'est alors qu'eut lieu la charge désastreuse de la cavalerie du général Michel dite « Charge de Reichshoffen ». Reichshoffen est un village à l'arrière du champ de bataille où avait été stationné cette cavalerie de réserve. Le bois de Niederwald est alors déjà le lieu de combats et le général de Lartigue ne tarde pas à en ordonner le repli.

Au centre, après avoir opposé de brillantes contre-attaques, les forces françaises qui ne sont pas renforcées sont contraintes à se replier sur Elsasshausen. C'est alors que se situe la charge de la division de Bonnemains.
Dans le bois de Frœschwiller, le 2e Zouaves oppose une forte résistance au IIe corps bavarois et parvient même à le refouler un moment sur la Sauer mais finit par y être encerclé. Seul un dixième de cette unité en sortira. Plus au nord, la 1re division, réduite d'une brigade entière pour renforcer le centre, ne tarde pas à battre en retraite.

À 16 h, les Français sont refoulés dans Frœschwiller qu'abordent déjà les Allemands. La réserve (2e division) contre-attaque alors en direction de Elsasshausen. Contrairement aux charges de cavalerie, cette contre-attaque se révèle fructueuse, repousse les Allemands en dehors du village et permet de reprendre l'artillerie perdue. Cependant, alors qu'ils arrivent à la limite de leur effort, les Allemands débouchent du bois de Niederwald et les attaquent de flanc.

Entre temps, l'armée française se retirait du plateau protégée par le 1er régiment de zouaves.

Charges de Morsbronn

Charge du 3e régiment de cuirassiers français à Wœrth. En tête le colonel Lafunsen de Lacarre qui vient de se faire tuer et dont le cheval continue de galoper (en réalité il n'a plus de tête puisqu'il a été décapité par un boulet prussien).
La charge des cuirassiers de Reichshoffen immortalisée dans Reichshoffen de Aimé Morot (château de Versailles).

Autour de Morsbronn, la 4e division du général Lartigue était en danger d’être tournée par des unités d’infanterie prussiennes. Les 8e, 9e régiments de cuirassiers et deux escadrons du 6e régiment de lanciers de la brigade du général Michel furent désignés pour la dégager et se dirigèrent à vive allure vers Morsbronn.

Le terrain était parsemé de vignes et de houblonnières depuis lesquelles des éléments Prussiens embusqués engagèrent le combat. Après avoir bousculé ces éléments, les cuirassiers pénètrent dans Morsbronn par le nord, essuyant un feu nourri venant des maisons où les Prussiens s'étaient retranchés. Continuant leur charge, ils arrivèrent à la bifurcation de la rue principale du village. Les uns se dirigent à gauche vers la route de Wœrth-Haguenau, la majorité des autres, trompés par la largeur de la rue, s’y engagèrent au grand galop. Se rétrécissant progressivement jusqu’à l’église, cette rue devient une souricière où les cavaliers s’entassent pêle-mêle et deviennent la cible facile des tireurs prussiens. À leur tour, les deux escadrons du 6e lanciers s’engouffrèrent par le nord dans Morsbronn où ils subissent le même sort que les cuirassiers. En peu d’instants, ces escadrons furent anéantis.

Le général Michel tenta une action de secours, haranguant ses troupes : « Camarades, on a besoin de nous, nous allons charger l’ennemi ; montrons qui nous sommes et ce que nous savons faire, vive la France ! ».

Les cavaliers subirent le feu de tireurs embusqués avant d'arriver sur Morsbronn, où trois régiments d'infanterie prussienne se préparaient à marcher sur le Niederwald, plusieurs de leurs bataillons déjà sortis du village. Pris sous un feu d'infanterie nourri, les cuirassiers subirent de très lourdes pertes mais parvinrent à prendre le village en tenaille.

Alors qu'il tentait de charger Morsbronn, l'escadron de tête du 9e cuirassiers se jeta dans un ravin ; les escadrons suivants, menés par le colonel François Henri Guiot de La Rochère, contournèrent l'obstacle. Les cuirassiers parvinrent à pénétrer Morsbronn et le dégager malgré une forte résistance. Après s'être regroupés au sud du village, la cinquantaine de cavaliers survivants se heurtèrent à une unité de cavalerie prussienne mais parvinrent à s'enfuir et à rejoindre les troupes françaises à Saverne.

Le 8e cuirassiers, après s’être séparé du 9e devant le centre de Morsbronn, s'avança vers l'Ouest sous le feu de l'artillerie prussienne pour rejoindre la route qui traversait Morsbronn. Culbutant une compagnie de pionniers, le régiment tenta de charger le village pour y être anéanti par les troupes prussiennes qui s'y étaient fortifiées. Seuls 17 cavaliers parvinrent à se dégager et à retrouver les lignes françaises.

Ernest Renan

Ernest Renan utilise cette page d'histoire comme métaphore de l'humanité souffrante :

"Agir pour Dieu, agir en présence de Dieu, sont des conceptions nécessaires de la vie vertueuse. Nous ne demandons pas un rémunérateur ; mais nous voulons un témoin. La récompense des cuirassiers de Reichshofen dans l’éternité, c’est le mot du vieil empereur : « Oh ! les braves gens ! » Nous voudrions un mot de Dieu comme celui-là. Les sacrifices ignorés, la vertu méconnue, les erreurs inévitables de la justice humaine, les calomnies irréfutables de l’histoire légitiment ou plutôt amènent fatalement un appel de la conscience opprimée par la fatalité à la conscience de l’univers. C’est un droit auquel l’homme vertueux ne renoncera jamais. Dans les situations héroïques de la Révolution, la nécessité de l’immortalité de l’âme fut réclamée à peu près par tous les partis. Le souci des mémoires et des papiers justificatifs tenait, chez les hommes de ce temps, au même principe. Ils écrivaient, écrivaient, persuadés qu’il y aurait quelqu’un pour les lire. On voulait absolument un juge au-delà de la tombe ; on le demandait à la conscience du monde ou à la conscience de l’humanité".

-- Examen de conscience philosophique, Revue des Deux Mondes, 1889. Texte dans Wikisource.

Culture populaire

Une chanson, souvent accompagnée de gestes, commémore la bataille (dite) de Reichshoffen. Ses paroles sont les suivantes :

C’était un soir la bataille de Reichshoffen,
Il fallait voir les cuirassiers charger.
Attention ! Cuirassiers ! Chargez !
Et d’une main ...

Ils ont chargé nos cuirassiers héroïques
A Reichsoffen, la mort fauchant les rangs
Attention ! Cuirassiers ! Chargez !
Et d'une main ...'

On continue avec le pied, le pouce, le bras...


Une autre chanson, trouvée sur un carnet de chants de 1875, commémore la charge qui eut lieu à Morsbronn:

Morsbronn

1er couplet
Le jour tombait, la lutte était horrible
Les bataillons semblaient être broyés
L’airain grondait dans un fracas terrible
Et nos enfants reculaient foudroyés
Les ennemis possédaient le village
La honte au front leur devrait laisser
Et nos enfants s’écriaient pleins de rage
Ne pas mourir serait nous abaisser

Refrain
Chacun tombait plein d’espérance
En saluant le vieux drapeau
Fier il criait le front haut (bis)
Vive la France


2e couplet
Soudain le bronze observait le silence
Seul s'entend le râle des mourants
Mais tout à coup la foudre recommence
Un cri s’élève on entrouvre les rangs
Des escadrons de chevaux redoutables
Semblaient jaillir comme un torrent de fer
Et des chevaux des groupes effroyables
Devant Morsbronn partant comme un éclair

3e couplet
Le glaive au poing l’avalanche se rue
Frappant au front l’orgueilleux ennemi
Il l’engloutit dans une profonde rue
Mais qui sont donc nos soldats sans frémir
Au bout de là, la barricade est prête
Le premier rang tente de revenir
Il est trop tard le massacre s’apprête
Vieux cuirassiers il faut vaincre ou mourir

4e couplet
Hurlant tous les démons des batailles
J’étais sur le désordre et la mort
Les clairons sonnaient églar (glas ?) de funérailles
Tout est perdu mais le devoir est fait
Chacun périt et jetant ….
L’œil enflammé et les armes à la main
Et la colonne a son heure dernière
Dit nos enfants nous vengeront demain

Bibliographie

Télégramme, demeuré en partie chiffré, de Napoléon III à l’impératrice Eugénie Archives Nationales AE-II-1958

La Journée de Reichshoffen, avec carte et pièces officielles , par Eugène de Monzie -Palmé (Paris)-1876, disponible sur Gallica.bnf.fr fournit une description très détaillée de tout ce qui touche à la bataille

Voir aussi

Liens externes