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Elehard von Krause[modifier | modifier le code]

Elehard von Krause (également Éléhard, Éléard, Elert, Eilard, Eilart, Eilert von Krause ou Kruse), baron de Kelles et de Treyden, né vers 1530 en Livonie et mort en 1587 en Prusse, est un aristocrate, homme d'État, diplomate et aventurier germano-balte, dernier grand-bailli et voué (stiftvogt, c’est-à-dire gouverneur temporel) de la principauté épiscopale de Dorpat dans les années 1550-1560, ambassadeur de la Confédération de Livonie auprès du tsar Ivan IV le Terrible, un temps membre de l'oprichnina et de la douma russe.

Son nom reste attaché aux tractations menées dans la seconde moitié du XVIe siècle pour faire échapper la Confédération de Livonie (Estonie et Lettonie actuelles) au dépeçage programmé de son territoire entre l'Union de Pologne-Lituanie, le tsarat de Russie et les royaumes de Danemark et de Suède.

Origines familiales[modifier | modifier le code]

Fils d'Ernst Krause[1], seigneur de Kelles, Elehard Krause (ou von Krause) est né vers 1525. Il reçoit à la naissance le prénom de son grand-père, Elehard ou Eilhard Krause (†1538), seigneur de Fähna, Odenkotz et Kioma, mentionné par les annales de Livonie[2] comme l'un des chevaliers de la principauté de Dorpat ayant apposé sa signature à l’accord de Wolmar de 1537. Le prénom est héréditaire dans la famille et porté avant lui par un autre aïeul, Eilhard Krause, cité comme conseiller du prince-évêque de Dorpat en 1425[1].

Possessionnée dans la principauté de Dorpat, la famille est traditionnellement décrite[3] comme prenant sa source en Bavière, d'où elle se serait transplantée en Livonie sous la bannière des chevaliers Porte-Glaives lors des croisades baltes (1193-1242). Elle a d'autres fois été présentée[2] comme originaire de Suède et n'ayant fait souche en Livonie qu'en 1441 ; c’est cependant une erreur et la présence de plusieurs des membres de la famille est bien attestée[1] en Livonie très en amont de cette date : Konrad Krause est ainsi déjà vassal du prince-évêque de Dorpat en 1326, Heinrich Krause conseiller d’État à Riga en 1330, Kord Krause représentant ecclésiastique de Dorpat et présent à la paix à Dantzig de 1397, Egbert Krause chanoine de la cathédrale de Dorpat en 1419, etc[1].

Première ambassade avant la guerre de Livonie (1554-1557)[modifier | modifier le code]

D'abord conseiller d'État du prince-évêque de Dorpat Hermann II, Elehard von Krause est élevé vers 1550 à la charge de voué épiscopal (stiftvogt), c’est-à-dire gouverneur temporel de la principauté. Les cinquante années de paix signées en 1503 avec le tsarat de Russie sont sur le point de s'achever et de premières ambassades sont à l'époque déléguées à Moscou par la diète de Livonie pour obtenir le renouvellement du traité. Ils l'obtiennent en 1554 pour quinze ans, mais pour autant que la Confédération de Livonie ne forme pas d'alliance avec la Pologne-Lituanie[4] et que soit rassemblé dans un délai de trois ans le demi-siècle d’arriérés du tribut convenu en 1503 à verser annuellement par la principauté épiscopale de Tartu et dont le règlement a jusque-là toujours été différé[5].

En proie à des querelles religieuses (du fait de l'introduction du luthéranisme dans les années 1520) et politiques (par les velléités de plusieurs dignitaires de l'Ordre de séculariser leurs domaines), la Confédération n'entend cependant pas s'acquitter des sommes et, dès la menace immédiate passée, prétexte de la nécessité d'obtenir l'aval de l'empereur pour ne pas ratifier le traité[5]. En partie envahie par les troupes polonaises suite à la déposition du prince-évêque de Riga, son grand-maître est par ailleurs contraint de conclure à l'été 1556 un traité d'alliance avec la Pologne-Lituanie en contravention des engagements pris avec le tsar deux ans plus tôt. Le fait est public et une ambassade russe est aussitôt déléguée à Dorpat, rappelant à la petite principauté l'imminence de l'ultimatum touchant au paiement du tribut et la violation manifeste de la neutralité de la Confédération par la conclusion du traité de Pozvol.

Les ports russes sur la Baltique sont peu praticables et la Moscovie forme de longue date le projet de faire main basse sur la Livonie ; la menace est réelle et le casus belli déjà trouvé. Le prince-évêque de Dorpat, dont la principauté est en première ligne, en est conscient et se rend personnellement à Moscou[5] en février 1557 pour rencontrer le Ivan IV. Il ne parvient néanmoins pas à infléchir la position russe et le tsar rassemble bientôt 40.000 hommes aux frontières, prêts à marcher sur la Livonie. Elehard von Krause, qui a secondé l'évêque dans ce voyage[2], y est à nouveau envoyé à l'automne. Chargé de présents, il persuade le tsar d'engager à nouveau les discussions et obtient finalement de réduire le montant du tribut à une montant forfaitaire auquel sera joint une somme venant indemniser les frais qu'ont occasionnés la levée de son armée. Le traité est tout près d'être signé quand le tsar découvre que la délégation a en réalité été envoyée sans que leur aient été confiés les fonds nécessaires à assurer un premier versement ; les négociations sont rompues net et Ivan IV convie le soir même les membres de la délégation à dîner pour leur faire présenter des plats aussi vides que ne le sont leurs malles[5]. Malgré les rigueurs du mois de janvier, les ambassadeurs n'ont d'autres choix que de quitter la table pour reprendre le chemin de Dorpat, suivi de près de l'armée russe désormais en marche.

Seconde ambassade et début de la guerre de Livonie (1558)[modifier | modifier le code]

A la tête de troupes moscovites[6], le khan de Qasim et d'autres princes tatars pénètrent en Livonie le 22 janvier 1558. Leur but n'est pas tant de soumettre le pays que, dans un premier temps, de châtier les Livoniens en se saisissant par la force du tribut qu'ils s'obstinent ne pas verser. Les boyards, cavaliers tatars et cosaques composant l'armée mettent à feu et à sang les campagnes durant cinq semaines et, ayant bientôt amassé un butin suffisant, regagnent Ivangorod vers la fin du mois de février, sans s'être jamais attaquée aux forteresses, ni avoir réellement affronté les troupes livoniennes[5].

Assemblés à Wenden, les chefs de l'Ordre délibèrent sur le sort de pays[5] et décident d'envoyer une ultime ambassade à Moscou. Elehard von Krause est à nouveau choisi et repart cette fois-ci en qualité de plénipotentiaire de l'entière Confédération[7] et accompagné de Théodore von Fürstenberg, frère du grand-maître de l'Ordre. Une trêve est octroyée par le tsar jusqu'au 24 avril en attendant leur arrivée à la cour, mais des incidents dégénèrent à la frontière et permettent au tsar de se saisir de la ville de Narva dans cet intervalle. Arrivés à Moscou, et venus plaider la cause de la Confédération sans autres présents que de nouvelles promesses de paiement une fois le pays relevé de sa récente dévastation, les deux ambassadeurs se voient refuser la paix sauf à ce que le grand-maître de l'Ordre ainsi que les évêques de Dorpat et Riga viennent eux-mêmes se soumettre et accepter leur complet assujettissement au tsar[5], conditions naturellement jugées inacceptables. Krause et Fürstenberg renvoyés, le grand-maître de l'Ordre et le prince-évêque de Dorpat réussissent tant bien que mal à réunir une somme considérable[5], mais cette vient bien tard.

Déjà maîtres de Narva, les russes s'élancent sur le pays au printemps et les combats prennent un tour tout différent sous l'aspect d'une guerre de conquête et de siège. Les Livoniens opposent une résistance opiniâtre en quelques forteresses, mais sont bientôt submergés par le nombre. Les Russes entament largement la petite armée de huit mille hommes avant même qu'elle ne soit en mesure de défendre Dorpat et sont bientôt près d'avoir fait prisonnier le grand-maître de l'Ordre qui, devant un tel désastre, se démet de ses fonctions en faveur du plus jeune Kettler. Des fonds sont partout rassemblés pour lever des troupes à l'étranger, mais le temps manque et Dorpat doit faire face seule aux troupes russes avec une garnison réduite à deux mille hommes. L'artillerie ayant entamé les murailles, la ville est ainsi contrainte de capituler le 18 juillet. Krause, qui a pu quitter la ville, tente de rejoindre les troupes livoniennes et alerte formellement le 5 août 1558 le prince-évêque de Riga sur la gravité de la situation en un rapport circonstancié sur la réédition de la ville[8].

Dissolution de la Confédération et captivité à Moscou (1559-1562)[modifier | modifier le code]

La situation est critique. Empêché par les Ottomans aux marches de Hongrie, l'empereur reste impuissant à défendre les confins baltes du Saint-Empire et le territoire de la Confédération se réduit chaque jour. Dorpat occupé, les Suédois se sont emparés des territoires les plus au nord autour de Tallinn pour les ériger en duché d’Estonie, tandis que les anciennes principautés épiscopales de Pilten et d’Ösel-Wiek ont été sécularisés en faveur du prince Magnus, frère cadet du roi de Danemark Frédéric II. Devant la menace de disparition totale, le cinquantième et dernier grand-maître de l’Ordre de Livonie se résout à conclure en 1559 puis 1561 à Vilnius deux traités d’alliance successifs avec le roi de Pologne Sigismond II Auguste.

Le reste des anciens territoires de la Confédération - la plus large partie tout de même - passe donc sous sujétion (Pacta subiectionis) de l’Union de Pologne-Lituanie en 1561. Les traités reconnaissent aux Livoniens la permanence de leurs anciennes lois (Privilegium Sigismundi Augusti), mais leur territoire est démembré et l’Ordre de Livonie comme la Confédération sont formellement dissous. Deux États satellites polono-lituaniens sont créés, le duché de Courlande au plus proche de la Pologne (actuelle Lettonie) et le celui de Livonie plus à l'est (sud de l’Estonie et nord de la Lettonie actuelles). Dorpat n'est pas repris aux Russes pour autant ; son prince-évêque Hermann et les principaux dignitaires de la principauté ont été déportés à Moscou où il restent captifs et sont bientôt rejoints par l'ancien grand-maître de l'Ordre Johann Wilhelm von Fürstenberg et Elehard von Krause, tous deux faits prisonniers le 2 août 1560 par les Russes après la prise de Fellin[9].

Captivité et guerre nordique de Sept Ans (1562-1568)[modifier | modifier le code]

Les ambitions suédoises, danoises et polonaises sont largement ravivées sur la Baltique par la chute de la Livonie et entraînent le déclenchement de la guerre nordique de Sept Ans. La conflit se déroule cependant principalement dans le sud et l’ouest de la Scandinavie, avec de nombreuses batailles navales dans les eaux de la Baltique, de sorte que la Livonie demeure elle-même relativement épargnée[10].

Ivan IV n'en conserve pas moins ses vues sur le pays. Conscient que sans le concours de sa noblesse, les territoires de l'ancienne confédération ne recouvreront pas leur opulence passée, il travaille à se concilier les dignitaires livoniens qu'il retient toujours captifs en Russie. Loin de les avoir oublier en quelque geôle depuis dix ans, il les a dotés dès 1564 de quelques apanages en Moscovie où ils sont assignés à résidence : le prince-évêque Hermann à Lioubim, l'ancien grand-maître de l'Ordre Fürstenberg à Iaroslav et Elehard von Krause en un domaine plus modeste d'une centaine de serfs[11], etc. Ils en sont rappelés à Moscou en 1567 et attaché à sa personne en qualité de conseillers. Elehard von Krause et Johann von Taube intègrent ainsi l'opritchnina puis la douma des boyards cette année[12] et inspirèrent à Ivan l’idée de former, au moyen des anciens territoires livoniens, un royaume particulier vassal de la Russie. Ils l'assurent que, dans le cas où il prendrait ce parti et choisirait un prince germanique, la noblesse de Livonie se déclareraient en sa faveur et chasseraient du pays Suédois et Polonais. L'idée est séduisante et cette nouvelle couronne est formellement proposée par le tsar à son plus illustre prisonnier, l'ancien grand-maître Fürstenberg. Âgé de près de soixante-dix ans, ce dernier refuse cependant catégoriquement et jure, l'Ordre désormais disparu, de ne vivre et mourir que loyal au Saint-Empire[11]. Il meurt effectivement l'année suivante.

Négociations en faveur d'un nouveau royaume de Livonie (1568-1569)[modifier | modifier le code]

Fürstenberg mort, les dignitaires livoniens se refusent à considérer leur pays à jamais démembré et demeurent les défenseurs zélés de ce projet. Ils suggèrent au tsar[11] d'offrir la couronne à Magnus de Holstein, frère cadet du roi de Danemark, jeune prince d'extraction germanique et déjà à la tête des anciennes principautés épiscopales de Pilten et d’Ösel-Wiek dont il a obtenu la sécularisation. L'idée fait son chemin et les deux diplomates sont autorisés à regagner le pays à la fin de l'année 1568, accompagnés des autres proscrits, afin de gagner la noblesse de Livonie à ce dessein.

Arrivés à Dorpat, ils sont réintégrés en janvier 1569 dans leurs propriétés et engagent aussitôt des échanges avec Tallinn afin de préparer les négociations qui doivent se tenir en avril à Rakvere. Ils y exposent aux représentants du jeune duché d'Estonie les vues du tsar et la perspective de restauration possible de l'ancienne Livonie ; ils engagent à cet effet les représentants de Tallinn à se défaire leur récente vassalité suédoise. Les échanges sont cependant prudents et le conseil entend connaître la position de Riga avant de se prononcer[11].

Des contacts sont également pris avec Magnus et les deux envoyés s'en repartent pour Moscou en octobre accompagnés d'ambassadeurs de ce prince. Ils regagnent la Livonie au printemps et passent à Riga en avril 1570, munis de laissez-passer diplomatiques, l'ancienne principauté archiépiscopale étant désormais sous domination polono-lituanienne. Quoique traditionnellement hostile aux Russes, la noblesse de Riga a depuis dix ans vu ses anciens territoires être dépecés par les sauveurs polonais ; elle fait tant et si bon accueil aux deux ambassadeurs qu'elle les investit ainsi, malgré les protestations polonaises, comme ses représentants auprès du tsar[11].

Dorpat acquise, Tallinn disant s'en remettre à Riga et Riga à eux, Krause et Taube se rapprochent de Gothard Kettler, l'éphémère successeur de Fürstenberg à la tête de l'Ordre, désormais maître du nouveau duché de Courlande. Vassal du roi de Pologne, il refuse de rencontrer les deux émissaires et transmet aussitôt leurs courriers à Sigismond Auguste afin de l’alerter des projets russes. Qu'importe, les discussions se poursuivent avec Magnus dont deux émissaires sont encore reçus à Dorpat le 7 juin ; ils y sont informés, ainsi que par correspondance suivie, de l'urgence qu'il y a désormais pour ce prince de se rendre à Moscou et de ce que, sans soumission de Tallinn, la ville serait bientôt emportée par les armes[11].

Le prince hésite cependant et craint de se décider sans l'approbation de son frère, le roi de Danemark Frédéric II, qu'il n'obtient qu'à l'automne. Toujours indécis, il délègue finalement une mission d'une quarantaine d'envoyés à Moscou, chargés de finaliser les termes et conditions de la création du futur royaume. Ayant rejoint Krause et Taube à Dorpat le 3 octobre, la délégation quitte la ville avec eux le 12, gagne Novgorod le 20 et, empêchée par un froid terrible, ne parvient à la sloboda d'Alexandrov, résidence favorite d'Ivan IV, que le 27 novembre 1569. Les négociations s'engagent et un accord est trouvé ; le futur roi viendra à Moscou jurer fidélité au tsar, promettra de le servir loyalement comme vassal en temps de guerre, en échange de quoi le nouveau royaume sera assuré la liberté de culte, une pleine autonomie dans son gouvernement ainsi que de la conservation de ses anciennes lois et institutions[11].

Création du royaume de Livonie (1570)[modifier | modifier le code]

Les contours constitutionnels de ce nouveau royaume de Livonie définis, il reste à en assurer la conquête puisque seuls les territoires de l'ancienne principauté-épiscopales de Dorpat ainsi que de Pilten et d’Ösel-Wiek leur sont acquis. Leurs vues se portent en premier lieu sur la province nordique de Tallinn, voisine de la Moscovie et toujours occupée par les Suédois[11].

La ville, qui a longtemps hésité, finit par se soulever sous le commandement Klaus von Kursell, un proche parent d'Elehard von Krause (il est l'oncle de sa femme). Officier livonien comme lui à l'origine, Kursell a dans les premiers temps de la guerre participé aux contre-offensives suédoises et polono-lituniennes visant à contenir l'expansion russe ; il a depuis progressivement pris conscience, avec le reste de la noblesse de Livonie, des intentions réelles des alliés d’hier. Gagné aux projets de son neveu, il prend donc d'assaut le 7 janvier la forteresse de Toompea, au coeur de la ville, et se saisit du gouverneur suédois de Tallinn[11].

Des envoyés de Magnus sont aussitôt envoyés, réitérant les propositions formulées par Krause à Rakvere. Le conseil de la ville continue cependant de tergiverser, tant et si bien que les Suédois, revenus en nombre, parviennent à reprendre la forteresse le 24 mars 1570. La répression est sans pitié ; Kursell est condamné à mort avec ses principaux officiers et a la tête tranché le 5 juin 1570. Les partisans de Krause et l'unité livonienne sont pourchassés et éliminés de sorte que la crainte succède désormais à l'hésitation[11]. La ville ne se livrera pas à Magnus et devra être prise par les armes.

A Kuressaare, à la cour du futur roi, les lettres d'admonestation ou de menace se succèdent depuis la Pologne et la Lituanie, des cours allemandes également, toutes mettant en garde le prince contre la brutalité d'Ivan le Terrible. Si les premières années de son règne l'ont d'abord fait connaître comme un grand réformateur (modernisation du cadastre, codification des lois, réorganisation du clergé et de l'armée, etc.), le jeune tsar est gagné depuis 1560 et la mort suspecte de la tsarine Anastasie par la paranoïa et une cruauté sans pitié. A Moscou durant ce temps, l'impatience gagne de ne point voir Magnus venir se faire couronner et l'on craint quelque reculade. Le récit des expéditions punitives et des exécutions massives menées en janvier à Novgorod et Pskov sous le commandement du tsar se répandent en effet en Livonie et Magnus en est informée alors qu'il a déjà gagné Dorpat sur le chemin de Moscou[13]. Les hésitations ne sont cependant plus de mise et le prince poursuit, escorté de cent-cinquante cavaliers et de Krause ; il fait son entrée à Moscou à la veille de l'été et jure donc fidélité entre les mains d'Ivan qui proclame solennellement le royaume de Livonie le 10 juin[11].

Siège de Tallinn et ralliement au camp polonais (1570-1572)[modifier | modifier le code]

Ayant comblé de magnificence le nouveau roi, Ivan lui promet en mariage l'une de ses nièces, différant néanmoins la noce à l'entière conquête de son nouveau royaume, à commencer par Tallinn. Il lui confie à cet effet une importante armée de vingt-cinq mille hommes russes et allemands, placés sous le commandement de Krause, et chargée de soumettre le pays. A leur entrée dans le pays, ils proclament partout la nouvelle royauté, la faveur du tsar, la réunion des territoires livoniens, les promesses de bonheur public, et se tournent le 23 août vers Tallinn qu'ils entendent se faire remettre par le nombre, sans effusion de sang[13].

La ville, reprise en main par les Suédois depuis le soulèvement de Kursell l'année précédente, s'est cependant préparée à un siège et ne soumet pas. L'armée de Magnus ne dispose que d'une artillerie insuffisante et ne parvient pas à causer de notables dommages aux fortifications. La ville ne peut être prise que par famine, mais l'hiver approchant, la flotte suédoise parvient à approvisionner la ville. La maladie décime les assiégeant et Krause perd son fils aîné Fabian au combat. Au désespoir, le siège est levé après sept mois sous les murs de Tallinn[13]. C'est un revers terrible pour Magnus qui, craignant le courroux d'Ivan et apprenant de surcroît l'alliance de son frère avec la Suède, accable ses conseillers Krause et Taube et met en doute leur loyauté. Moscou est dans le même temps frappé de plein fouet par les Tatars qui incendient la ville et font périr vingt-mille moscovites.

Leur sort scellé, ou déçu d'un prince trop pusillanime, Krause et Taube quittent Magnus et gagnent Dorpat qu'ils tentent de soulever contre le tsar. Ils manquent d'hommes cependant et sont bientôt submergés par les troupes russes qui y massacre une partie de la population et les contraignent à rejoindre la partie du pays sous contrôle polono-lituanien. Ils y sont reçus très favorablement par le duc de Courlande Gothard Kettler ainsi que Sigismond Auguste qui, heureux de recueillir d'anciens partisans du tsar, s'empressent de leur confirmer leurs rangs et dignités de barons. Les domaines héréditaires des Krause demeurant sous domination russe, il lui est par ailleurs attribué la baronnie et capitainerie de Turaida (Treyden)[14], un des derniers actes du roi de Pologne qui s'éteint le 5 juillet 1572.

S (1570-1572)[modifier | modifier le code]

Sigismond Auguste mort, Ivan reprend massivement l'offensive sur la Livonie et pénètre pour la première fois personnellement dans le pays à la fin de l'année. Son armée compte désormais deux cent mille hommes, commandée par ses fils, ainsi qu'un grand renfort d'artillerie pour engager une véritable guerre de siège. Païde tombe le 31 décembre 1572 de même que plusieurs autres places dans les semaines suivantes. Le froid empêchant une plus large progression, l'armée se retire néanmoins un temps à NovgorodMagnus rejoint le tsar et épouse le 12 avril 1573 sa nièce Marie.




  1. a b c et d (pl) Tomasz Lenczewski, Genealogie rodów utytułowanych w Polsce » (Généalogie des maisons titrées de Pologne), chez l'auteur, autoédité, , p. 257-260
  2. a b et c (de) Friederich Konrad Gadebusch, Livlandische bibliothek, Riga, Johann Friedrich Hartnoch, , t. II, pp. 139-141
  3. (en) Timothy Snyder, Nationalism, marxism, and modern central Europe : a biography of Kazimierz Kellez-Krauz, Oxford, Oxford University Press, , ch. 1
  4. Stanisław Cynarski, Versus aureus, Vilnius, 2007, p. 205
  5. a b c d e f g et h Nikolaï Karamsin, Histoire de l'empire de Russie, Paris, A. Berlin, , t. VIII, pp. 291 et s.
  6. Carol Belkin Stevens, Upper Saddle River, New Jersey, Pearson Education, 2007, p. 85
  7. (de) Johann Friedrich von Recke et Karl Eduard Napiersky, Allgemeines Schrifsteller- und Gelehrten- Lexikon des Provinzen Livland, Esthland und Kurland, Mitau, Johann Friedrich Steffenhagen und Sohn, , t. II, p. 566
  8. Bericht des Dörptschen Stiftsvogts Eilert Krause an den Erzbischof Wilhelm in Riga,  über die Übergabe der Stadt Dörpt, von 5. August 1558, in Mitteilungen aus dem Gebiete der Geschichte Liv-, Est- und Kurlands, 1840, Vol. 1, p. 469
  9. (de) Johann Friedrich von Recke et Karl Eduard Napiersky, Allgemeines Schrifsteller- und Gelehrten- Lexikon des Provinzen Livland, Esthland und Kurland, Mitau, Johann Friedrich Steffenhagen und Sohn, , t. II, p. 566
  10. Madariaga, Isabel de, 1919-2014., Ivan the Terrible : first tsar of Russia, Yale University Press, (ISBN 0300097573, 9780300097573 et 9780300119732, OCLC 57243278, lire en ligne)
  11. a b c d e f g h i j et k (en) Andres Adamson, Prelude to the birth of the kingdom of Livonia, Acta Historica Tallinnensia, , vol. 14, pp. 31-61
  12. Nikolaï Karamzine, Histoire de l’empire de Russie, Paris, Galerie de Bossange Père, , tome IX, pp. 214 et 611
  13. a b et c Nikolaï Karamzine, Histoire de l’empire de Russie, Paris, Galerie de Bossange Père, , tome IX, pp. 216 et s.
  14. (en) Salomon Henning et Valdis J. Zeps, Salomon Henning's Chronicle of Courland and Livonia, Kendall-Hunt Pub. Company, , pp. 79 et s.