Aller au contenu

Guenièvre

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
(Redirigé depuis Reine Guenièvre)
Guenièvre
Fonction
Reine consort
Biographie
Activité
Période d'activité
Voir et modifier les données sur Wikidata
Père
Fratrie
Gwenhwyfach (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Conjoint
Enfant
Prononciation
Guenièvre par Eleanor Fortescue-Brickdale.

La reine Guenièvre est un personnage de la légende arthurienne, épouse infidèle du roi Arthur. Sa relation adultère avec Lancelot du Lac est un thème récurrent du cycle.

Guenièvre est la reine du royaume de Grande Bretagne.

Origine du nom

[modifier | modifier le code]

Le prénom Guenièvre est, de manière ultime, issu du gallois Gwenhwyfar. Il s'agit d'un composé des mots gallois gwen, gwyn « blanc, lumineux, saint » et hwyfar qui signifie soit « tendre, doux », soit « fantôme, esprit, fée »[1]. Il est apparenté au vieil irlandais Findabair, du proto-celtique *windo- « blanc, clair, saint » et *sēbarā, « être magique » (apparenté au vieil irlandais síabair, « spectre, fantôme, être surnaturel » [habituellement au sens péjoratif])[2],[3],[4].

Geoffrey de Monmouth lui donne le nom de Guanhumara en latin (bien que de nombreuses variations orthographiques se trouvent dans les divers manuscrits de son Historia Regum Britanniae). Son nom est Guennuuar dans la Vita Gildae, tandis que Giraud de Barri la nomme Wenneuereia. Dans la pièce en cornique du XVe siècle Bewnans Ke, elle s'appelle Gwynnever. L'écrivain anglais Thomas Malory au XVe siècle écrit son nom Gwenyvere. La forme anglaise traditionnelle correspondant à Guenièvre est Guinevere, issue de l'anglo-normand.

Guenièvre est généralement présentée comme la fille du roi Léodagan de Carmélide qui avait de très bonnes relations avec le roi Arthur et permit ainsi leur rencontre. Néanmoins, la Triade galloise no 57 cite trois Gwenhwyfars possibles comme épouse d’Arthur, respectivement filles de Cywryd de Gwent, de Gwythyr ap Greidawl et de Gogrfan Gawr (Le Géant)[5]. Selon Geoffroy de Monmouth, elle était descendante d’une grande famille romaine et ne fut pas élevée par ses parents mais devint pupille de Cador de Cornouailles, son cousin dans le Roman de Brut. Aucun texte ne mentionne le nom de sa mère et on ne lui connaît pas d’enfant. Culhwch ac Olwen ainsi que les Triades no 53 et 84 lui attribuent une sœur nommée Gwenhwyfach. Dans les Triades on dit les sœurs en conflit, ce qui aurait causé la bataille de Camlann. Une demi-sœur et un frère de Guenièvre apparaissent comme personnages antagonistes, l'une dans le Lancelot-Graal et l'autre dans Diu Crône.

Fiançailles d'Arthur et Guenièvre, enluminure du XIVe siècle.

Guenièvre ne fait l’objet au mieux que de courtes mentions dans les chroniques. Son personnage s’étoffe à partir du XIIe siècle dans la littérature proprement dite, chez Chrétien de Troyes par exemple, qui répond peut-être aux attentes d’un public de dames nobles de la cour de Marie de Champagne intéressées par les personnages féminins[6]. Dans le cycle arthurien, développé sur quelques siècles par de nombreux auteurs, elle apparait tantôt comme un personnage entièrement négatif, faible ou opportuniste, tantôt comme une dame remplie de qualités mais victime de la fatalité.

Les intrigues auxquelles elle est mêlée varient dans le détail au fil du cycle. La synthèse suivante récapitule les principales.

Elle est la fille du roi Léodagan, qui a servi Uther Pendragon et qui est parmi les premiers à reconnaître Arthur. Lorsque ce dernier accourt à son aide, il rencontre Guenièvre. Ils s’éprennent l’un de l’autre et convolent, mais à l’arrivée de Lancelot du Lac à la cour, c’est le coup de foudre immédiat et le début d’une relation adultère qui ne sera découverte que plus tard par le roi, lorsqu’il constate à l’issue d’un festin l’absence simultanée des amants. Agravain et Mordred, fils et beau-fils du roi Lot, s’étant portés témoins du forfait, pression est faite sur Arthur pour qu’il fasse périr Guenièvre sur le bûcher. Il s’y résout à contrecœur. Lancelot ayant promis de sauver la reine avec l’aide de sa parentèle, Arthur fait protéger le site de l’exécution par les autres chevaliers. Lancelot a le dessus, Gaheris et Gareth, frères de Gauvain, sont tués au combat. Gauvain pousse Arthur à poursuivre Lancelot en France où il s’est réfugié. En prévision de sa campagne française, Arthur laisse Guenièvre, semble-t-il amnistiée, à la garde de Mordred. À peine le roi parti, Mordred révèle ses intentions de s’emparer du trône et d’épouser Guenièvre. Celle-ci, selon les versions, accepte ou s’enfuit pour se réfugier à la tour de Londres et enfin dans un couvent. Ayant appris les nouvelles, Arthur retourne en Bretagne, confronte Mordred à Camlann et le tue, mais lui-même est mortellement blessé. Il est emmené par Morgane à Avalon. Quant à Guenièvre, après une dernière rencontre avec Lancelot, elle se retire dans son couvent pour y finir ses jours[7].

Les enlèvements de Guenièvre

[modifier | modifier le code]

Le thème de l’appropriation de Guenièvre, par enlèvement ou séduction, apparaît déjà dans les sources galloises. Dans la Vie de Gildas (av. 1136) du moine Caradoc de Llancarfan, elle est enlevée par Melwas (Méléagant ?), roi de l’Æstiva Regio (« Pays de l’Été », peut-être le Somerset), et emprisonnée à Glastonbury. Après une recherche d’un an, Arthur la localise et se prépare à venir la reprendre avec une armée ; la guerre est évitée grâce à l’entremise de Gildas et le couple est réuni. L’archivolte de la Porta della Pescheria (portail nord) de la cathédrale de Modène, construite entre 1099 et 1184, porte une représentation de cet épisode[8]. Selon Geoffroi de Monmouth, Guanhumara (Guenièvre), issue d’une grande famille romaine, est laissée par son mari Arthur à la garde de Mordred lorsque lui-même part sur le continent attaquer l’empereur fictif Lucius Hiberius ; Mordred usurpe le trône et la reine. À partir de Chrétien de Troyes, elle devient l'amante de Lancelot, mais selon une tradition reflétée dans le Roman de Yder (~1210) et La Folie Tristan du manuscrit de Berne[8], son amant serait Yder. En tout état de cause, Guenièvre est souvent enlevée ou séduite. Outre les interprétations psychologiques, morales ou courtoises de son infidélité, des spécialistes ont proposé qu’elle ferait originellement partie des reines symboles de souveraineté : les enlever revient à s’emparer du royaume de leur mari[9]. Le médiéviste Roger Sherman Loomis (1887-1966) voyait pour sa part Guenièvre comme une sorte de Perséphone celtique. Le fait qu’elle soit souvent tenue prisonnière dans un lieu qui l’isole du monde et la proximité étymologique des noms de son ravisseur (Mordred, Melwas, Meleagant, Meljakanz, Melianz etc.) ont pu inciter à voir dans ce dernier un personnage surnaturel unique, maître comme Hadès du monde infernal[10]. Le délai d’un an nécessaire pour qu’Arthur récupère Guenièvre dans la Vie de Gildas pourrait aller dans le sens d’un mythe comparable à celui de Perséphone, dont certains voient un équivalent dans l’enlèvement de Bláthnat par Cú Roí de la mythologie irlandaise[11].

Adaptations

[modifier | modifier le code]

Dans l'immense littérature relative au roi Arthur, on signalera les œuvres touchant de plus près le rôle féminin de Guenièvre.

Bande dessinée

[modifier | modifier le code]

Télévision

[modifier | modifier le code]

Actrices ayant joué le rôle de la reine Guenièvre

[modifier | modifier le code]
Une catégorie est consacrée à ce sujet : Actrice ayant incarné la reine Guenièvre.
Julie Andrews dans le rôle de Guenièvre dans la comédie musicale Camelot, ici avec Richard Burton.
Lancelot and Guinevere, Herbert Draper

Notes et références

[modifier | modifier le code]
  1. Site de Nordic Names : origine du prénom Gwenhwyfar [1]
  2. (en) Peter Schrijver, Studies in British Celtic Historical Phonology, Amsterdam/Atlanta (Ga.), Rodopi, , 556 p. (ISBN 90-5183-820-4, lire en ligne), p. 249-250.
  3. (en) John T. Koch, Celtic Culture : A Historical Encyclopedia, ABC-CLIO, , 2128 p. (ISBN 978-1-85109-440-0, lire en ligne), p. 860-861.
  4. (en) « síabair », sur eDIL (consulté le )
  5. Rachel Bromwich, Trioedd Ynys Prydein, p. 154.
  6. Peter Noble, « The Character of Guinevere in the Arthurian Romances of Chrétien De Troyes », The Modern Language Review 67.3 (1972): 524-535.
  7. (en) Arthur L. Jones et Sandye M. Roberts, Divine Intervention II : A Guide to Twin Flames, Soul Mates, and Kindred Spirits, AuthorHouse, , 144 p. (ISBN 978-1-4567-1255-6, lire en ligne), p. 52
  8. a et b Alison Adams, The Romance of Yder, DS Brewer, p. 18 [2]
  9. Manuel Aguirre, “Life, Crown and Queen: Gertrude and the Theme of Sovereignty”, The Review of English Studies 47 (1996): 163-74, at 171.
  10. Georgianna Ziegler, The Characterization of Guinevere in English and French Medieval Romance, diss., U of Pennsylvania, 1974 (Ann Arbor, Michigan: University Microfilms International, 1982) 183-4
  11. Tom P. Cross et Clark Harris Slover (traducteurs et éditeurs) The Tragic Death of Cu Roi Mac Dairi, Ancient Irish Tales, New York: Henry Holt & Co., 1936 328-32.
  12. (en) Lutz D. Schmadel, Dictionary of Minor Planet Names – (2483) Guinevere, Springer Berlin Heidelberg, , 992 p. (ISBN 978-3-540-00238-3, DOI 10.1007/978-3-540-29925-7_2484, lire en ligne), « (2483) Guinevere », p. 202.
  13. (en) « (613) Ginevra », dans Dictionary of Minor Planet Names, Springer, (ISBN 978-3-540-29925-7, DOI 10.1007/978-3-540-29925-7_614, lire en ligne), p. 62–62

Les citations de la section Dame courtoise sont extraites de Lancelot ou le Chevalier à la charrette par Chrétien de Troyes, préface et traduction de Mireille Demaules, Paris, Gallimard, coll. Folio, 1996.

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie

[modifier | modifier le code]
  • Peter Noble The Character of Guinevere in the Arthurian Romances of Chrétien de Troyes, Lancelot and Guinevere: a casebook, ed. Lori J. Walters (New York: Garland, 1996)
  • Mandy van den Houten Guinevere : The Sovereignty Goddess of Arthurian Literature? mémoire de maitrise d’Études médiévales, Université d'Utrecht, 2007 [3]
  • Claudio Lagomarsini, « Il bacio di Ginevra », dans Briciole di discorsi amorosi. Scritti per Sara Natale & Simone Albonico offerti dagli amici fiorentini, Pise, Il Campano, 2018, pp. 143-146.

Liens externes

[modifier | modifier le code]