Parisienne (stéréotype)

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La Parisienne est un stéréotype féminin essentialisant les habitantes de la ville de Paris dans leur attitude ; cette dernière est décrite ainsi dès 1883 : « La Parisienne passe, fine et fière, tenant d'une main l'ombrelle légère et de l'autre l'éventail indispensable pour donner de la fraîcheur et parfois aussi… une contenance[1]. »

Présentation[modifier | modifier le code]

« La Parisienne à Londres », caricature publiée dans Le Suprême Bon Ton, n° 12, début du XIXe siècle.

Figure composée en miroir de la provinciale, elle apparaît à la fin du XVIIIe siècle mais est construite sous la monarchie de Juillet qui voit la presse et la littérature bon marché créer des stéréotypes sujets de moquerie et de dédain, et le monde du travail bouleversé par la révolution industrielle, d'où une remise en cause de son analyse sociologique et le besoin de définir des figures lisibles[2].

Figure de l'élégance et de l'esprit français depuis longtemps[n. 1] qui se distingue en outre par un indéfinissable je ne sais quoi, elle a été célébrée par les écrivains (comme Théodore de Banville[6]), les peintres, les illustrateurs (comme Gruau, Kiraz surtout, ou plus récemment Margaux Motin), et les cinéastes. Le couturier britannique John Galliano la décrit sommairement comme « bien coiffée, bien chaussée[7] ». Le réalisateur Loïc Prigent, spécialiste de la mode, précise qu'« elle est une référence et un mystère », et tente de « définir la Parisienne » : « Leur look est sophistiqué, sans être apprêté ni coincé. elles mixent des pièces neuves et anciennes avec un goût unique, pour un résultat qui semble spontané… alors qu'elles passent parfois des heures à composer une tenue[8] », mais également avec humour :

« La Parisienne stylée ne se laisse pas définir par un talon ou une chaussure, une teinte de cheveux ou de rouge à lèvres. […] La Parisienne [est] un style, un état d'esprit […], portant son sac Chanel avec une telle négligence […] La Parisienne aime la mode, elle râle souvent sur sa ville […] En gros, la Parisienne a tout pour être pénible, mais la facilité de faire passer tout cela pour de la désinvolture, […] un air négligé mais étudié pour n'avoir rien de négligé, […] Elle sait que la mode fonctionne par saison mais sa dégaine n'évolue que peu, fidèle à des classiques, faisant évoluer quelques éléments[9]. »

La statue de la Parisienne au sommet de l'entrée de l'Exposition universelle de 1900.

La Parisienne prend une identité plus confuse, et souvent plus scabreuse, sous le Second Empire et pendant la Belle Époque : la « cocotte » ou la « cocodette » qui désigne une femme du monde délurée et peu farouche[10].

« La Parisienne » est aussi une sculpture installée au-dessus du guichet principal (au début du cours la Reine, à l'angle de la place de la Concorde) de l'exposition universelle de 1900[11], qui se tient à Paris. Préférée à la Marianne républicaine, elle est décrite par l'historien de l'art Dominique Lobstein comme « une jeune femme urbaine qui n'évoque que le présent ». La statue, réalisée par Paul Moreau-Vauthier, de 6,50 mètres de haut, s'est cassée lors du démontage de l'exposition et on ignore ce qu'elle est devenue, bien que le musée des arts décoratifs de Budapest conserve un certain nombre d'éléments de la porte monumentale sur laquelle elle était fixée. Dominique Lobstein ajoute enfin sur cette figure de la Parisienne, créée à un moment de grande prospérité pour la France : « Avec elle se construit une image promotionnelle de la Ville lumière, utilisée pour ses produits commerciaux. À commencer par ceux du luxe. C'est un mannequin »[12],[13]. Mais l'origine de la Parisienne « date de Louis XIV, qui a fait construire des promenades dans tout Paris où les belles étaient regardées et se toisaient » précise Benoit Heilbrunn, professeur à l'IFM[11]. Pourtant c'est bien au XIXe siècle qu'elle entre dans la mythologie de Paris, d'abord par les auteurs comme Arsène Houssaye, qui publie plusieurs nouvelles sous le titre Les Parisiennes ou Balzac, qui en fait un personnage de La Duchesse de Langeais et de La Fille aux yeux d'or[14]. Au milieu du siècle elle devient également le sujet de peintres français ou américains[14]. La presse, comme Le Moniteur de la mode, s'empare alors du stéréotype[14].

Une de Vogue (édition française, avril 1922).

Certains journalistes essayent de la décrire, déjà en 1922 dans l'édition américaine de Vogue[n. 2] qui leur consacre une chronique illustrée : « les haut faits et gestes de six Parisiennes, leurs goûts, leur bon goût, […] une jeune femme… dont la façon de s'habiller, le je ne sais quoi qui est en elle[16] » ; ou huit décennies plus tard dans Madame Figaro : « Elle régnait encore sur la dernière Fashion Week. Promenait sa silhouette à la fois élégante et nonchalante sur les défilés Céline, Carven, Cédric Charlier, pour ne citer qu'eux. Déconcertante de tenue et de sex-appeal, de réserve et d'émancipation, la Parisienne sait mixer classicisme et mode pure comme personne. Un chaud et froid qui, dans tous les pays, symbolise la quintessence de la féminité[17]. » La Parisienne est une source d'inspiration pour les couturiers, dont Yves Saint Laurent était le plus notable représentant, ou les parfumeurs[17], jusqu'à devenir une « icône de la mode[18] ». Au delà de l'inspiration, l'image de la Parisienne reste également une source d'influence sur le reste du monde occidental, maintenant la place de Paris comme capitale de la mode[19].

Le sujet donne lieu à plusieurs ouvrages tels How to Be Parisian Wherever You Are écrit par quatre Françaises et classé dans les dix meilleures ventes du New York Times ou Inès de la Fressange avec La Parisienne vendu à plus d'un million d'exemplaires dans le monde, ainsi que You're so French en 2012, vendu à plus de 120 000 exemplaires et traduit en quinze langues[11].

« La mode domine les provinciales, mais les Parisiennes dominent la mode. »

— Jean-Jacques Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse[20]

Représentation vivante[modifier | modifier le code]

De nos jours, plusieurs personnalités personnifient « La Parisienne », comme Inès de La Fressange[21], mais également avant Bettina[22],[23], Jeanne Lanvin, définie comme « l'ultra-Parisienne »[24], ou Catherine Deneuve[17] plus récemment[n. 3] ainsi que Caroline de Maigret, avec « un côté à la fois parisien et intellectuel sans être mondaine » d'après Karl Lagerfeld[11]. La Parisienne n'est pas nécessairement Française, ni blanche, comme le montrent les figures de Jane Birkin[25], de Loulou de la Falaise ou de Grace Jones[26]. Virginie Mouzat affirme qu'« être parisienne, c’est définitivement une affaire de goût »[27].

« La Parisienne est une légende, donc, elle existe plus que les autres femmes, et ce pour l’éternité. »

— Amélie Nothomb, Vogue, août 2000

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. En 1883, il est possible de lire dans la presse :
    « Voici une nouvelle que nous sommes heureux d'annoncer à nos lectrices de la province et de l'étranger. Il est souvent difficile pour elles de suivre comme elles le voudraient nos modes parisiennes, si coquettes et empreintes d'un si grand cachet de distinction[3]. »
    Puis l'année suivante :
    « Maintenant, revenons à la coquetterie proprement dite, à nos chers chiffons. Vous n'ignorez pas les difficultés qu'éprouvent les couturières et les couturiers à trouver toujours du nouveau pour satisfaire au gout parisien et confirmer la réputation d'élégance que nous méritons à plus d'un titre[4]. »
    En 1893, un article est écrit par Arsène Houssaye, dédié à la Parisienne ; il tente de la décrire :
    « La Parisienne est née toute flamboyante de poésie sous le crayon de Gavarni et sous la plume de Balzac. On pourrait rechercher son origine dans la nuit des temps. […] Dans toutes les femmes qui naissent à Paris, combien faut-il compter de Parisiennes ? Il y a deux naissances pour la femme : celle du berceau et celle de la robe. […] On peut encore naître Parisienne à sa première passion et à son premier voyage à Paris, car là est le pays des métamorphoses et des transfigurations. Pour devenir Parisienne, il faut être née gourmande, fantasque, ambitieuse, coquette et adorable[5]. »
  2. De son côté, le British Vogue durant la décennie suivante tente une description :
    « Les Parisiennes montrent dans leur attitude vis-à-vis du vêtement ce que leur égotisme peut avoir de positif. Leur incontestable renommée dans le monde de la mode n'est pas due à leur grande beauté ou à leur meilleur goût, mais plutôt à leur inébranlable credo « je suis moi »[15]. »
  3. À noter que durant sa première campagne de publicité en 2009 pour le parfum Parisienne, la maison Yves Saint Laurent a utilisé l'image de l'anglaise Kate Moss. Loïc Prigent remarque avec ironie, en parlant de la Parisienne, qu'« elle a même un parfum à son nom où le mannequin n'était pas Parisienne et portait un trench très anglais, […][9] », mais « Être Parisienne n'est plus un état civil mais une attitude[17] ».

Références[modifier | modifier le code]

  1. « Art et chiffons », L'art et la mode, Éditions Jalou, no 26,‎
  2. Emmanuelle Retaillaud, La Parisienne. Histoire d'un mythe. Du siècle des Lumières à nos jours, Le Seuil, , p. 21
  3. Fanfreluches, « Art et chiffons », L'art et la mode, Éditions Jalou, no 40,‎ , p. 6
  4. « Art et chiffons », L'art et la mode, Éditions Jalou, no 10,‎ , p. 3
  5. Arsène Houssaye, « La Parisienne », La Grande dame - Revue de l'Élégance et des Arts, vol. I,‎ , p. 5 à 10 (lire en ligne)
  6. Le Génie des Parisiennes
  7. Virginie Mouzat, « John Galliano : « Je suis un pirate, un séducteur » », Style, sur lefigaro.fr, Madame Figaro, (consulté le )
  8. Clémence Levasseur, « Loïc Prigent : À Paris la mode ne meurt jamais, même en 2020 ! », Le Parisien week-end, no supplément au Parisien n° 23726,‎ , p. 52
  9. a et b Loïc Prigent, « La Parisienne », Vogue Paris, no 929,‎ , p. 98 à 99 (ISSN 0750-3628)
  10. Emmanuelle Retaillaud, op. cit., p. 85
  11. a b c et d Claire Bonnot et Séverine de Smet, « La Parisienne un filon marketing », Le Nouvel observateur, no 2604,‎ , p. 114 à 115 (ISSN 0029-4713)
  12. Éric Biétry-Rivierre, « Paris 1900 : la tournée des grands ducs », Le Figaro, encart « Le Figaro et vous », samedi 8 / dimanche 9 avril 2014, p. 28.
  13. Dominique Lobstein, interviewé par Éric Biétry-Rivierre, « Dominique Lobstein : "La Parisienne est une invention" », Le Figaro, encart « Le Figaro et vous », samedi 8 / dimanche 9 avril 2014, p. 28.
  14. a b et c (en) Kate Nelson Best, The History of Fashion Journalism, Bloomsbury Academic, , 304 p. (ISBN 978-1847886552), « La Parisienne », p. 51
  15. William Parker (préf. David Hockney), Dessins de mode : Vogue, Paris, Thames & Hudson, , 240 p. (ISBN 978-2-87811-359-4), p. 90
  16. William Parker (préf. David Hockney), Dessins de mode : Vogue, Paris, Thames & Hudson, , 240 p. (ISBN 978-2-87811-359-4), « 1923 - 1934 », p. 36
  17. a b c et d Émilie Veyretout, « Dans le sillage de la Parisienne », sur madame.lefigaro.fr, Le Figaro, (consulté le )
  18. Olivier Saillard et Anne Zazzo (préf. Bertrand Delanoë), Paris Haute Couture, Paris, Skira, , 287 p. (ISBN 978-2-08-128605-4), « [Sylvie Lécallier], Paris, décor de la haute couture », p. 218
    « […] depuis l'origine de la couture, la Parisienne, symbole d'élégance pour les lectrices provinciales comme étrangères, est une icône de la mode. »
  19. Palais Galliera, Alexandra Bosc, Olivier Saillard et al. (préf. Anne Hidalgo), Les années 50 : la mode en France 1947 - 1957, Paris Musées, , 259 p. (ISBN 978-2-7596-0254-4), p. 39
  20. Extrait sur wikisource.
  21. Sophie de Santis et Élodie Rouge, « La Parisienne 2009 : mais qui est-elle vraiment ? » Le Figaro, 14 octobre 2009
  22. {{article auteur1=Laurence Benaïm |titre=Givenchy, pour Audrey Quarante ans de couture fêtés au palais Galliera|périodique= Le Monde|lien périodique=Le Monde |jour=19 |mois=1 |année=1992 |issn=0395-2037 |consulté le=2 avril 2013 }} « Bettina, l'égérie d'Hubert, incarne cette nouvelle Parisienne rive droite »
  23. (en) Design Museum et Paula Reed, Fifty fashon looks that changed the 1950s, Londres, Conran Octopus, , 112 p. (ISBN 978-1-84091-603-4), « Jacques Fath & Bettina. Le style parisien 1951 », p. 24 à 25
  24. Jacques Brunel, « La femme française selon Alber Elbaz », L'Express Styles, no 3166,‎ , p. 82 à 85 (ISSN 0014-5270)
  25. « Jane Birkin, irréductible icône sixties », sur Marie Claire (consulté le )
  26. « Un visage, une époque : Grace Jones, l’androgyne rebelle - Elle », sur elle.fr, (consulté le )
  27. Virginie Mouzat, « La Parisienne, enfin ! », sur Madame Figaro, (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Exposition[modifier | modifier le code]

présentation en ligne : article de Tiphaine Lévy-Frébault dans Libération et article dans Le Parisien

Liens externes[modifier | modifier le code]