Aller au contenu

Marche d'Espagne

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Marche d'Espagne

795–843

Description de cette image, également commentée ci-après
La Marche d'Espagne en 806
Informations générales
Statut Zone tampon de l'Empire carolingien puis de la Francie occidentale
Langue(s) Latin vulgaire,
Ancien occitan
Histoire et événements
801 Siège de Barcelone
843 Fin de l'Empire carolingien

Entités précédentes :

Entités suivantes :

La marche d’Espagne, ou Marca Hispanica, désigne la zone frontière politico-militaire de l’Empire carolingien créée au sud des Pyrénées à la fin du VIIIe siècle. Après la conquête musulmane de la péninsule Ibérique, ces territoires sont d’abord contrôlés par des garnisons établies dans certaines cités comme Barcelone, Gérone ou Lérida.

À partir de 785, avec la soumission de Gérone, puis la prise de Barcelone en 801, les Carolingiens instaurent une domination durable dans le Nord-Est péninsulaire, avec l’appui des élites locales. La marche est alors constituée d’un ensemble de comtés dépendants des monarques carolingiens, formant une zone tampon face à al-Andalus.

Elle s’étend à la fois sur les comtés catalans (Barcelone, Gérone, Urgell, Cerdagne, Roussillon, etc.) et, plus à l’ouest, sur des territoires tels que Pampelune, Aragon, Sobrarbe et Ribagorce.

Toutefois, ces derniers rompent rapidement avec la tutelle franque auIXe siècle, tandis que le comté de Barcelone conserve longtemps un rôle central dans la Marca Hispanica[1].

La conquête omeyyade et la chute du royaume wisigoth

[modifier | modifier le code]

En 711, l’armée omeyyade commandée par Tariq ibn Ziyad traverse le détroit de Gibraltar et défait le roi wisigoth Rodéric à la bataille de Guadalete. En quelques années, le royaume wisigoth s’effondre et l’essentiel de la péninsule Ibérique passe sous domination musulmane[2]. Les conquérants installent un pouvoir provincial, l’al-Andalus, intégré au califat omeyyade de Damas[3].

Les foyers de résistance : Asturies et Pays basque

[modifier | modifier le code]

Dès les années 710-720 apparaissent deux noyaux de résistance. Dans les montagnes cantabriques, le noble Pélage (Pelayo) fonde une principauté autour de Cangas de Onís et obtient une victoire symbolique à Covadonga (722)[4]. Ce foyer est à l’origine du royaume des Asturies. Parallèlement, les Vascons conservent une forte autonomie face à la fois aux musulmans et aux Francs. Leur indépendance nourrit l’irrédentisme qui conduira plus tard à la formation du royaume de Pampelune[5].

Les raids omeyyades en Gaule et la bataille de Poitiers

[modifier | modifier le code]

À partir de 719, les armées musulmanes franchissent régulièrement les Pyrénées et lancent des incursions en Gaule. Narbonne tombe aux mains des Omeyyades en 720, devenant la base de leurs opérations[6]. En 721, le gouverneur as-Samḥ ibn Mālik al-Khawlānī assiège Toulouse mais subit une lourde défaite infligée par le duc d’Aquitaine Eudes[7]. Malgré ce revers, les Omeyyades poursuivent leurs raids : Bordeaux est pris et incendié en 732, avant que Charles Martel n’arrête l’expédition à la bataille de Poitiers[8].

Dans les années 730, les incursions se multiplient. Le duc provençal Mauronte, hostile aux Carolingiens, s’allie aux Omeyyades[9]. En 734-735, une expédition musulmane atteint la vallée du Rhône et s’empare brièvement d’Avignon[10].

Charles Martel réagit par une campagne de grande ampleur. En 737, ses forces reprennent Avignon, puis ravagent la Septimanie jusqu’à Narbonne, sans parvenir à en prendre la cité. La même année, une armée omeyyade est vaincue par les Francs à la bataille de la Berre, près de Narbonne[11]. D’autres colonnes franques poussent jusqu’en Bourgogne et infligent de lourdes pertes aux assaillants près d’Autun[12].

Ces campagnes montrent que la Provence, la vallée du Rhône et l’Aquitaine méridionale restent vulnérables aux incursions musulmanes jusque dans les années 740. Toutefois, elles marquent aussi la montée en puissance de Charles Martel et l’affermissement de l’autorité franque dans le sud de la Gaule.

La conquête franque de la Septimanie (737-759)

[modifier | modifier le code]

Après l’échec de Charles Martel devant Narbonne en 737, la Septimanie reste sous contrôle musulman pendant plus de vingt ans. Les Omeyyades conservent Narbonne, Béziers, Agde, Lodève et Nîmes, appuyés par une partie de l’aristocratie locale hostile aux Carolingiens[13].

Dans les années 750, le contexte change. Les élites wisigothiques et gallo-romaines de Septimanie, qui disposent encore d’une forte influence régionale, cherchent l’appui des Francs contre le pouvoir musulman. Le comte wisigoth Miló de Narbonne joue un rôle central dans ces négociations[14]. En 752, Pépin le Bref lance une première campagne contre Narbonne. Le siège s’installe durablement, mais la ville résiste grâce aux renforts venus d’al-Andalus. Pendant plusieurs années, les Francs maintiennent la pression militaire tout en s’appuyant sur les ralliements locaux[15].

En 759, après sept années de résistance, Narbonne se rend aux troupes franques. Les notables wisigoths ouvrent les portes de la cité et expulsent la garnison musulmane. Pépin le Bref intègre la Septimanie au royaume franc, confirmant les privilèges des élites locales[16]. La prise de Narbonne a une portée stratégique : elle ferme aux Omeyyades la route des Gaules et assure aux Carolingiens une base solide au sud de la Gaule. Elle constitue également le prélude à la politique de pénétration au-delà des Pyrénées, inaugurée sous Charlemagne[17].

La conquête franque au sud des Pyrénées (778-801)

[modifier | modifier le code]
Carte schématique de la péninsule ibérique vers 800. Certains mouvements militaires (flèches, expéditions, datations ponctuelles) ne sont pas attestés avec certitude par les sources contemporaines et doivent être interprétés avec prudence.

Les Francs et Pampelune

[modifier | modifier le code]

En 778, Charlemagne lance une expédition en al-Andalus à l’appel de plusieurs chefs musulmans rebelles au gouverneur de Cordoue, notamment Sulayman al-Arabi, wali de Barcelone et de Gérone. L’armée franque franchit les Pyrénées par le col de Roncevaux, prend Pampelune, puis assiège Saragosse sans parvenir à s’en emparer[18].

Au retour, les Vascons tendent une embuscade dans la vallée de Roncevaux : l’arrière-garde franque est anéantie et plusieurs grands personnages trouvent la mort, dont le comte de la Marche de Bretagne, Roland[19]. L’événement, transformé dans l’imaginaire médiéval par la Chanson de Roland, témoigne du refus basque de toute domination extérieure, qu’elle soit musulmane ou franque[20]. Par la suite, les Carolingiens tentent à plusieurs reprises de contrôler Pampelune, mais la cité demeure insoumise jusqu’au début du IXe siècle, moment où se constitue le royaume de Pampelune[21].

Les comtés des Pyrénées centrales

[modifier | modifier le code]

Dans les vallées pyrénéennes centrales (Aragon, Sobrarbe, Ribagorce), l’autorité carolingienne s’exerce de manière ponctuelle et fragile. Les Francs tentent à plusieurs reprises d’y intervenir, mais le contrôle durable reste limité.

En 797, une expédition franque atteint le Haut-Aragon et prend Jaca, ce qui marque la première pénétration documentée dans cette région[22]. Quelques années plus tard, en 804, les armées carolingiennes consolident leur implantation dans les vallées de la Cerdagne et d’Urgell, où émergent les comtés d’Urgell et d’Osona. C’est aussi dans ce contexte que se développe le monastère de Ripoll, futur centre religieux et culturel[23].

À l’ouest, les Francs cherchent à soumettre Pampelune. Des expéditions sont signalées en 806 et 812, mais la cité demeure insoumise, oscillant entre les influences musulmane, franque et asturienne[24]. Ces échecs ouvrent la voie à l’émergence du royaume de Pampelune au début du IXe siècle.

Plus au sud, les Carolingiens tentent également de prendre pied dans la vallée de l’Èbre. Des campagnes visent Tarragone, mais la cité reste ruinée et échappe à toute restauration durable[25]. De même, plusieurs expéditions contre Saragosse n’aboutissent pas, et la ville demeure un centre musulman majeur[26].

Ces tentatives montrent la volonté carolingienne d’étendre la Marca Hispanica vers l’ouest et le sud. Toutefois, les succès se limitent à la consolidation de quelques comtés pyrénéens (Urgell, Cerdagne, Osona), tandis que les positions de Pampelune, Tarragone et Saragosse échappent au contrôle franc. Les frontières atteintes au début du IXe siècle resteront globalement stables jusqu’à la prise de Saragosse par le roi d’Aragon Alphonse Ier, dit el Batallador, en 1118[27].

La conquête de la Catalogne

[modifier | modifier le code]

L’enjeu principal de l’expansion franque est la Catalogne. En 785, les habitants de Gérone livrent volontairement leur cité à Charlemagne. Cette reddition, qui rappelle celle de Narbonne en 759, s’explique par le rejet du pouvoir musulman et la volonté des élites locales de bénéficier de la protection franque[28]. Cette prise de contrôle inaugure l’implantation durable des Carolingiens au sud des Pyrénées.

Dans les années suivantes, les Francs consolident leurs positions en Cerdagne, Urgell et Osona[22]. La direction militaire est assurée par Guillaume de Gellone, cousin de Charlemagne, nommé comte de Toulouse (vers 790–806) après la disgrâce de Chorson. Il est chargé de la défense du Languedoc et de la Septimanie. Il mène plusieurs expéditions en direction des Pyrénées et place sous sa dépendance la vallée du Sobrarbe, la vallée de Chistau et la Ribagorce voisine[29].

En 793, une grande expédition musulmane partie de Cordoue franchit les Pyrénées orientales : elle ravage Gérone, puis pille Narbonne et Carcassonne avant de se replier[30]. Guillaume affronte alors les assaillants sur les rives de l’Orbieu ; malgré sa résistance, il doit battre en retraite après avoir perdu une partie de ses troupes[31]. Cet épisode illustre la vulnérabilité persistante de la frontière, mais renforce la volonté carolingienne de contrôler fermement la Catalogne.

Les débuts de la piraterie andalouse en Méditerranée, attestés entre 798 et 813, touchent directement les côtes du Languedoc et des Baléares[32]. Ces raids maritimes constituent une menace pour les communications entre la Septimanie et les comtés catalans en formation, et expliquent que les Carolingiens aient cherché à sécuriser non seulement la frontière terrestre des Pyrénées, mais aussi le littoral de la Marche d’Espagne.

La prise de Barcelone apparaît ainsi comme une réponse à une double pression, terrestre et maritime, exercée par al-Andalus sur cette zone stratégique. En 801, après un siège de plusieurs mois dirigé par Louis, roi d’Aquitaine et fils de Charlemagne, Barcelone tombe aux mains des troupes franques. Charlemagne y installe un comte fidèle à sa dynastie, Bera, issu de l’aristocratie gothique[33]. La chute de Barcelone consacre la création d’une zone tampon au sud des Pyrénées : la Marca Hispanica, ensemble de comtés placés sous l’autorité des Carolingiens. Ceux-ci servent à la fois de glacis défensif face à al-Andalus et de point d’appui pour l’expansion franque[34].

Dans le prolongement de la conquête de Barcelone, les Francs tentent à plusieurs reprises de s’emparer de Tortosa, clé stratégique de l’embouchure de l’Èbre et base des expéditions navales andalouses. Entre 802 et 809, plusieurs attaques franques sont signalées, sans aboutir à une conquête durable[32]. Ces opérations traduisent l’importance pour les Carolingiens de contrôler non seulement la Catalogne intérieure, mais aussi l’axe fluvial et maritime de l’Èbre, vital pour limiter les incursions musulmanes.

Le rôle des comtes de Toulouse et des aristocrates carolingiens

[modifier | modifier le code]

Au début du IXe siècle, la Marche d’Espagne est étroitement liée au comté de Toulouse, dont le titulaire exerce une autorité sur plusieurs comtés pyrénéens, y compris au sud des Pyrénées. Cette organisation traduit la volonté carolingienne de confier à de grands aristocrates la surveillance de la frontière[35]. La domination franque suscite également des réticences de la noblesse locale, comme en témoigne la révolte d'Aïsso (826-827).

Plusieurs comtes se succèdent à la tête des comtés catalans et pyrénéens, souvent issus de familles rivales, notamment Guilhelmides, descendants de Guillaume de Gellone, et Raimondins, qui s'affrontent pour le contrôle des comtés de Toulouse, de Barcelone, ou de la Septimanien dans un contexte plus large des affrontements entre les héritiers de Louis le Pieux[36].

Les Guilhelmides jouent un rôle majeur dans la Marche au IXe siècle. Bernard de Septimanie, comte de Barcelone (827-832, 836-844) et de Toulouse (835-844), puis son fils Guillaume († 850), exercent leur autorité sur plusieurs comtés du Midi. Ils doivent affronter à la fois les offensives musulmanes et des révoltes locales du Comte de Carcassonne et des familles gothiques, mais leur fidélité à l’autorité impériale est changeante. Engagés dans les luttes de succession qui opposent les fils de Louis le Pieux, ils alternent ralliements et rébellions, ce qui conduit à leur exécution sur ordre du pouvoir carolingien[37].

Successeurs des Guilhelmides, les Raimondins, comtes de Toulouse, continuent à exercer leur tutelle sur une partie des comtés catalans, jusqu'à ce que la Rigaborce et le Pallars prennent leur indépendance en 872 avec le comte Raymond, lui-même issu de la famille raimondine.

Miniature médiévale représentant Bernard de Septimanie
Bernard de Septimanie, comte de Toulouse, de Barcelone et de Septimanie, figure centrale de la Marche d’Espagne au IXe siècle

Autonomisation des entités transpyrénéennes (IXe–XIIIe siècle)

[modifier | modifier le code]

Un pouvoir carolingien fondé sur des comtes et des évêques

[modifier | modifier le code]

Les Carolingiens installent leur autorité au sud des Pyrénées à travers des comtes et des évêques choisis, nommés ou confirmés par l’empereur. Ce système de délégation repose sur des liens personnels de fidélité et sur la reconnaissance du pouvoir impérial[38].

Cependant, dès le IXe siècle, ces charges comtales tendent à devenir héréditaires, affaiblissant la mainmise carolingienne. L’évolution n’est pas uniforme : alors que l’ouest des Pyrénées (Pampelune, Aragon, Sobrarbe) s’émancipe très tôt, la Catalogne reste longtemps rattachée, du moins théoriquement, à la souveraineté franque ou française.

Pampelune et le royaume de Navarre

[modifier | modifier le code]
Carte du royaume de Pampelune au Xe siècle
Carte du royaume de Pampelune (futur royaume de Navarre) au Xe siècle

La cité de Pampelune refuse durablement l’autorité des Francs. Au début du IXe siècle, l’aristocratie vascone se tourne vers d’autres alliances : parfois avec les émirs de Cordoue, parfois avec les rois des Asturies. Vers 816, un chef local, Íñigo Arista, établit une dynastie qui fonde le royaume de Pampelune, futur royaume de Navarre[39].

Ce royaume consolide rapidement son autonomie et devient une puissance régionale, en rivalité avec les Carolingiens à l’est et avec l’émirat de Cordoue au sud.

Aragon, Sobrarbe et Ribagorce

[modifier | modifier le code]

Dans les vallées pyrénéennes centrales, les Carolingiens tentent d’imposer leur autorité, mais celle-ci reste éphémère, malgré diverses campagnes vers Urgell et la Cerdagne (804)[22].

Au IXe siècle, apparaissent les noyaux politiques de l’Aragon, du Sobrarbe et de la Ribagorce. Ces entités, dirigées par des aristocrates francs comme Aureolus, installé comme chef militaire en Aragon et en Sobrarbe et considéré comme le premier comte d'Aragon[40], ou par des chefs locaux reconnus parfois par les Carolingiens, passent ensuite rapidement dans l’orbite du royaume de Pampelune[41]. À partir du Xe siècle, elles constituent la base du futur royaume d’Aragon.

Bera, le premier comte de Barcelone, illustre la politique carolingienne : confier les cités et territoires conquis à des comtes choisis ou confirmés par l’empereur. Bera est cependant déposé en 820, preuve du contrôle encore étroit exercé par l’autorité impériale.

Au IXe siècle, la Marche d’Espagne orientale se divise en une série de comtés : Barcelone, Gérone, Urgell, Cerdagne, Osona, Besalú, Roussillon. Ceux-ci sont confiés à des comtes nommés par l’empereur, mais qui cherchent progressivement à établir l’hérédité de leur charge[42]. À partir de la fin du IXe siècle, alors que les rois carolingiens doivent affronter les incursions normandes et les conflits entre royaumes issus du partage de l’empire, l’attention portée aux affaires méridionales diminue. Dans ce contexte, la transmission héréditaire des comtés tend à s’imposer. Ce passage d’une désignation impériale à une logique dynastique marque une étape décisive dans l’autonomisation progressive des comtes catalans et pyrénéens[34]. Le rôle des évêques, notamment ceux d’Urgell et de Vic, est également essentiel dans la structuration de ces territoires[43].

La marche d'Espagne de 814 à 850. Certains mouvements militaires (flèches, expéditions, datations ponctuelles) ne sont pas attestés avec certitude par les sources contemporaines et doivent être interprétés avec prudence.

L’affirmation décisive intervient avec Guifred le Velu (mort en 897), qui fonde une dynastie héréditaire à Barcelone et dans plusieurs comtés voisins. À partir de ce moment, les comtes catalans exercent une autorité quasi indépendante, même si, en théorie, ils restent vassaux du roi franc.

La fin de la Marca Hispanica

[modifier | modifier le code]

Au IXe siècle, les entités occidentales — Pampelune, Aragon, Sobrarbe, Ribagorce — rompent rapidement avec l’autorité carolingienne et se rapprochent davantage des royaumes chrétiens issus du noyau asturien que de la Francie[44]. La rupture avec la suzeraineté franque est donc précoce et définitive.

Le dernier acte connu de reconnaissance de la suzeraineté franque par un comte catalan remonte à 986, selon le dernier diplôme royal conservé pour les terres catalanes[45]. Après cette date, les comtes de Barcelone ne semblent plus prêter hommage royal, ne reconnaissant pas la nouvelle dynastie capétienne. L’union dynastique entre le comté de Barcelone et le royaume d’Aragon (mariage de Raimond-Bérenger IV et Pétronille en 1137) intègre la Catalogne dans une nouvelle entité politique. Les rois d'Aragon, possessionnés dans le Languedoc et en Provence, interviennent néanmoins régulièrement au nord des Pyrénées, notamment lors de la Grande Guerre Méridionale et de la Croisade des Albigeois, témoignant des liens persistants entre le sud et le nord des Pyrénées[46].

La suzeraineté française sur les comtés catalans est formellement abandonnée par le traité de Corbeil (11 mai 1258), par lequel Louis IX renonce aux « droits » hérités de la Marche d’Espagne sur Barcelone, Urgell, Besalú, Roussillon, Empúries, Cerdagne, Conflent, Gérone et Osona, tandis que Jacques Ier d’Aragon renonce à ses prétentions au nord des Pyrénées[47], dénouant ainsi définitivement l'intrication entre l'ancienne Marche d'Espagne et la France. La « seigneurie » du roi de France sur Barcelone n’était déjà plus qu’idéelle et disparaît de fait en 1258[48].

Lors de la croisade d’Aragon (1284-1285), Philippe III n’invoque pas de droits féodaux sur la Catalogne : le fondement est l’investiture pontificale[49]. Son échec à Gérone en 1285 marque la fin définitive de toute prétention franque sur la Catalogne[50].

Le terme de « Marca Hispanica », présent dans les diplômes carolingiens du IXe siècle, disparaît progressivement des actes officiels au Xe siècle, remplacé par la désignation des comtés eux-mêmes[51]. Il ne survit que dans l’historiographie postérieure pour désigner l’ensemble des territoires pyrénéens passés sous domination carolingienne.

Énumération des comtés de la Marche

[modifier | modifier le code]
Les comtés de la Marche d'Espagne indépendants au XIe siècle.

Les comtés mentionnés étaient :

Notes et références

[modifier | modifier le code]
  1. Michel Zimmermann, « Le concept de Marca Hispanica… », dans Philippe Sénac (dir.), La Marche supérieure d’al-Andalus et l’Occident chrétien, Madrid, Casa de Velázquez, 1991, p. 29-48.
  2. Roger Collins, The Arab Conquest of Spain, 710–797, Oxford, Blackwell, 1989, p. 54-76.
  3. Philippe Sénac, La frontière et les hommes, VIIIe-XIIe siècle. Le peuplement musulman au nord de l’Èbre et les débuts de la reconquête aragonaise, Paris, CNRS Éditions, 2000, p. 23-29.
  4. José María Lacarra, Historia política del reino de Navarra desde sus orígenes hasta su incorporación a Castilla, Pampelune, 1972, p. 27-29.
  5. Roger Collins, The Basques, Oxford, Blackwell, 1990, p. 96-103.
  6. Philippe Sénac, La frontière et les hommes, VIIIe-XIIe siècle. Le peuplement musulman au nord de l’Èbre et les débuts de la reconquête aragonaise, Paris, CNRS Éditions, 2000, p. 31-36.
  7. Chronique mozarabe de 754, éd. Juan Gil, Crónica mozárabe, Madrid, 1973, § 53-56.
  8. Roger Collins, Charlemagne, Toronto, University of Toronto Press, 1998, p. 57-59.
  9. Évariste Lévi-Provençal, Histoire de l’Espagne musulmane, Paris, Maisonneuve, 1950, t. I, p. 135-137.
  10. Philippe Sénac, Charlemagne et Mahomet en Espagne. 799-997, Paris, PUF, 2006, p. 42-44.
  11. Louis Barrau-Dihigo, Les grandes invasions dans l’Espagne wisigothique, Paris, 1921, p. 212-214.
  12. Philippe Sénac, Les Carolingiens et al-Andalus, Madrid, Casa de Velázquez, 2002, p. 19-21.
  13. Philippe Sénac, Charlemagne et Mahomet en Espagne. 799-997, Paris, Presses universitaires de France, 2006, p. 45-47.
  14. Pierre Bonnassie, La Catalogne du milieu du Xe à la fin du XIe siècle. Croissance et mutations d’une société, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 1975, p. 17-18.
  15. Philippe Sénac, Les Carolingiens et al-Andalus, Madrid, Casa de Velázquez, 2002, p. 23-26.
  16. Évariste Lévi-Provençal, Histoire de l’Espagne musulmane, Paris, Maisonneuve, 1950, t. I, p. 141-143.
  17. Philippe Sénac, Charlemagne et Mahomet en Espagne. 799-997, Paris, PUF, 2006, p. 48-49.
  18. Philippe Sénac, Charlemagne et Mahomet en Espagne. 799-997, Paris, Presses universitaires de France, 2006, p. 57-60.
  19. Vita Karoli Magni d’Einhard, éd. et trad. L. Halphen, Paris, Les Belles Lettres, 1947, chap. 9.
  20. Roger Collins, The Basques, Oxford, Blackwell, 1990, p. 109-111.
  21. José María Lacarra, Historia política del reino de Navarra desde sus orígenes hasta su incorporación a Castilla, Pampelune, 1972, p. 35-39.
  22. a b et c Philippe Sénac, Les Carolingiens et al-Andalus, Madrid, Casa de Velázquez, 2002, p. 40-42.
  23. Pierre Bonnassie, La Catalogne du milieu du Xe à la fin du XIe siècle. Croissance et mutations d’une société, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 1975, p. 23-25.
  24. José María Lacarra, Historia política del reino de Navarra desde sus orígenes hasta su incorporación a Castilla, Pampelune, 1972, p. 39-42.
  25. Philippe Sénac, Charlemagne et Mahomet en Espagne. 799-997, Paris, Presses universitaires de France, 2006, p. 69-70.
  26. Roger Collins, The Arab Conquest of Spain, 710–797, Oxford, Blackwell, 1989, p. 201-203.
  27. Philippe Sénac, Les Carolingiens et al-Andalus, Madrid, Casa de Velázquez, 2002, p. 115-117.
  28. Pierre Bonnassie, La Catalogne du milieu du Xe à la fin du XIe siècle, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 1975, p. 20-22.
  29. Philippe Sénac, Les Carolingiens et al-Andalus, Madrid, Casa de Velázquez, 2002, p. 40-41.
  30. Philippe Sénac, Charlemagne et Mahomet en Espagne. 799-997, Paris, PUF, 2006, p. 61-63.
  31. Élie Griffe, « La razzia sarrasine de 793 en Septimanie. Bataille de l’Orbieu ou Bataille de l’Orbiel ? », Annales du Midi, 1941, t. 53, nᵒ 211, p. 225-236.
  32. a et b Pierre Guichard, « Les débuts de la piraterie andalouse en Méditerranée occidentale (798-813) », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, n° 35, 1983, p. 7-23, lire en ligne sur Persée.
  33. Évariste Lévi-Provençal, Histoire de l’Espagne musulmane, Paris, Maisonneuve, 1950, t. I, p. 156-158.
  34. a et b Philippe Sénac, Les Carolingiens et al-Andalus, Madrid, Casa de Velázquez, 2002, p. 36-38.
  35. Pierre Bonnassie, La Catalogne du milieu du Xe à la fin du XIe siècle, Toulouse, PUM, 1975, p. 25-26.
  36. Philippe Sénac, Charlemagne et Mahomet en Espagne. 799-997, Paris, PUF, 2006, p. 72-73 ; Michel Zimmermann, Écrire et lire en Catalogne (IXe–XIIe siècle), Paris, CNRS Éditions, 2003, p. 61-64.
  37. Michel Zimmermann, Écrire et lire en Catalogne (IXe–XIIe siècle), Paris, CNRS Éditions, 2003, p. 61-64.
  38. Philippe Sénac, Les Carolingiens et al-Andalus, Madrid, Casa de Velázquez, 2002, p. 47-50.
  39. Roger Collins, The Basques, Oxford, Blackwell, 1990, p. 112-114.
  40. José María Lacarra, Historia política del reino de Navarra desde sus orígenes hasta su incorporación a Castilla, Pampelune, 1972, p. 43-44.
  41. Pierre Bonnassie, La Catalogne du milieu du Xe à la fin du XIe siècle…, Toulouse, PUM, 1975, p. 25-26.
  42. Michel Zimmermann, Écrire et lire en Catalogne, IXe–XIIe siècle, Paris, CNRS Éditions, 2003, p. 61-64.
  43. Philippe Sénac, Les Carolingiens et al-Andalus, 2002, p. 51-53.
  44. José María Lacarra, Historia política del reino de Navarra…, Pampelune, 1972, p. 41-44.
  45. Ramon d’Abadal i de Vinyals, “Els primers comtes catalans …”, Persée, 1960, etc. (dernier diplôme royal pour les terres catalanes date de 986).
  46. Damien Carraz, L’Occitanie entre France et Aragon (1150-1258), Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2002, p. 145-160.
  47. « Traité de Corbeil (1258) », Archivo de la Corona de Aragón (ministère de la Culture, Espagne), présentation et résumé officiels (fr/en).
  48. History of France, Encyclopædia Britannica, « France 1180–c.1490 » (passage sur Barcelone et la date de 1258).
  49. History of France, Encyclopædia Britannica, « France 1180–c.1490 » ; voir aussi l’analyse doctrinale : « Martin IV … awarded the crown of Aragon to Charles of Valois », JSTOR (étude sur le pouvoir pontifical, référence acad.)
  50. Pierre Bonnassie, La Catalogne du milieu du Xe à la fin du XIe siècle…, Toulouse, 1975, p. 27-28.
  51. Michel Zimmermann, Écrire et lire en Catalogne, IXe–XIIe siècle, 2003, p. 65-66.

Bibliographie

[modifier | modifier le code]

Ouvrages de référence utilisés directement

[modifier | modifier le code]
  • Pierre Bonnassie, « La Catalogne au tournant de l’an mil », Cahiers de civilisation médiévale, vol. 25, no 98,‎ , p. 143-173 (DOI 10.3406/ccmed.1982.2192, lire en ligne)
  • (es) Ramon d'Abadal i de Vinyals, « Nota sobre la locución Marca Hispanica », Boletín de la Real Academia de Buenas Letras de Barcelona, vol. XXVII,‎ 1957-1958, p. 157-164, réédité dans :
    • (ca) « El concepte polític i geogràfic de la locució Marca Hispànica », dans Ramon d'Abadal i de Vinyals, Dels Visigots als Catalans. I : La Hispània visigòtica i la Catalunya carolíngia, Barcelone, Edicions 62, coll. « Estudis i documents » (no 13), , 173-179 p. (OCLC 491164016, SUDOC 071664726) * Philippe Sénac, Charlemagne et Mahomet en Espagne. 799-997, Paris, Presses universitaires de France, (ISBN 978-2-07-035794-9)
  • Philippe Sénac, Les Carolingiens et al-Andalus, Madrid, Casa de Velázquez, (ISBN 2-7068-1659-7)
  • Michel Zimmermann, « Le concept de Marca hispanica et l’importance de la frontière dans la formation de la Catalogne », dans Philippe Sénac (éd.), La Marche supérieure d’al-Andalus et l’Occident chrétien (Table ronde, Huesca, 1988), Madrid, Casa de Velázquez et université de Saragosse (diff. Paris, de Boccard), coll. « Publications de la Casa de Velázquez / Archéologie » (no 30 / XV), , 29-48 p. (ISBN 84-86839-22-X, OCLC 708321445, BNF 35461190, SUDOC 002366894, présentation en ligne)

Ouvrages complémentaires

[modifier | modifier le code]
  • Pierre Bonnassie, La Catalogne du milieu du Xe à la fin du XIe siècle. Croissance et mutations d’une société, Toulouse, Presses universitaires du Mirail,
  • Roger Collins, The Arab Conquest of Spain, 710–797, Oxford, Blackwell,
  • Roger Collins, The Basques, Oxford, Blackwell,
  • Roger Collins, Early Medieval Spain: Unity in Diversity, 400–1000, New York, St. Martin’s Press,
  • Roger Collins, Charlemagne, Toronto, University of Toronto Press,
  • José María Lacarra, Historia política del reino de Navarra desde sus orígenes hasta su incorporación a Castilla, Pampelune,
  • Évariste Lévi-Provençal, Histoire de l’Espagne musulmane, Paris, Maisonneuve,
  • Michel Zimmermann, Écrire et lire en Catalogne (IXe–XIIe siècle), Paris, CNRS Éditions,
  • Louis Barrau-Dihigo, Historia política del reino asturiano (718-910), Oviedo, Imprenta de la Revista de Asturias,
  • Crónica mozárabe de 754, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas,
  • Vita Karoli Magni (trad. Louis Halphen), Paris, Les Belles Lettres,

Articles connexes

[modifier | modifier le code]

Invasion omeyyade en France

Liens externes

[modifier | modifier le code]