Traité des Pyrénées

Le traité des Pyrénées formalise une paix conclue entre la couronne d'Espagne et la France à l'issue de la guerre franco-espagnole, commencée en 1635 dans le cadre de la guerre de Trente Ans (1618-1648), et ayant continué durant la Fronde.
Il est signé le sur l'île des Faisans, au milieu du fleuve côtier Bidassoa qui marque la frontière entre les deux royaumes dans les Pyrénées-Atlantiques. Les rois Louis XIV et Philippe IV y sont représentés par leurs Premiers ministres respectifs, le cardinal Mazarin et don Luis de Haro[1].
Sommaire
Contexte historique[modifier | modifier le code]
En 1648, les traités de Westphalie concluent la guerre de Trente Ans et la guerre de Quatre-Vingts Ans, la France se retrouve en position de force en Europe. La dynastie des Habsbourg, qui régnait sur l'Espagne, les Pays-Bas espagnols, une partie de l'Europe centrale, en ressort affaiblie. En 1658, à la bataille des Dunes entre Dunkerque et Nieuport en Flandre, l’Espagne est vaincue par la France, alliée à l'Angleterre de Cromwell et emmenée par Turenne. À la suite de cette victoire, la Flandre, alors sous contrôle espagnol, passe aux mains des Français. Mazarin pense alors qu'il est temps de négocier et interdit à Turenne de continuer son avancée en Flandre afin de ne pas inquiéter Anglais et Hollandais[2]. Cette défaite espagnole ainsi que la volonté de modération de la France voulue par Mazarin facilitent l'ouverture de négociations[3].
Négociations[modifier | modifier le code]
Les négociations de paix commencent en juillet 1656 à Madrid, menées par Hugues de Lionne pour le royaume de France et don Luis de Haro pour celui d'Espagne. Elles traînent en longueur car, à l'époque, les traités de paix entre deux royaumes s'accompagnent souvent de contrats de mariage entre les deux familles régnantes, en l'occurrence celui de l'infante Marie-Thérèse, fille aînée du roi Philippe IV d'Espagne, avec son cousin doublement germain (leur père respectif ayant épousé la sœur de l'autre), le roi de France Louis XIV, tous deux âgés de 21 ans[réf. nécessaire]. Pour obliger Philippe IV à offrir son infante à la cour royale de France, Mazarin feint de vouloir marier le roi à Marguerite de Savoie[4].
Contenu[modifier | modifier le code]


Le texte se présente comme un règlement général entre les familles régnantes des Bourbons et celle des Habsbourg : annexion ou échange de divers territoires en Europe, pardon royal au Prince de Condé, clause de mariage entre Louis XIV et l'infante d'Espagne Marie-Thérèse d'Autriche, etc.
Les articles 1 à 34 fixent les règlements administratifs, commerciaux, de guerre etc.
Les articles 35 à 41 abordent le cas des Pays-Bas espagnols : la France obtient le comté d'Artois, sauf Aire et Saint-Omer. Elle obtient également les places flamandes de Bourbourg, Gravelines et Saint-Venant, en Hainaut celles d'Avesnes, de Landrecies et de Le Quesnoy et au Luxembourg, celles de Damvillers, Montmédy et Thionville, ainsi que les prévôtés d'Ivoy, de Chavancy et de Marville[5].
En contrepartie, l'Espagne obtient la fin du soutien français au royaume du Portugal, indépendant depuis la révolte de 1640, et la renonciation des prétentions françaises au comté de Barcelone. En effet, depuis la guerre des Faucheurs de 1641, le roi de France prétendait annexer la principauté de Catalogne.
Les articles 42 à 60 traitent des territoires des Pyrénées :Ils ont fait l'objet de la Conférence de Céret du 22 mars au 14 avril 1660, au Couvent des Capucins de Céret[6]. Au sud, la France annexe le comté de Roussillon, les pays de Vallespir, de Conflent et de Capcir et les bourgs et villages de l'est du comté de Cerdagne[7].
Le célèbre article 42 prévoit que « les monts Pyrénées qui avaient anciennement divisé les Gaules des Espagnes seront aussi dorénavant la division des deux mêmes royaumes ». Il est souvent dit que ce texte délimite avec précision l'espace territorial des deux puissances. Mais la formulation réelle du traité est très vague et ambivalente. Le texte indique : « la crête des montagnes qui forment les versants des eaux ». Le tracé de la frontière n'est par la suite pas matérialisé sur le terrain, et le texte ne supprime aucunement les droits de « lies et passeries » qui permettent aux communautés paysannes de jouir de coutumes de pacage (pâturage pour le bétail) sur les terres du pays voisin, de l'autre côté de la frontière.
Une convention entre les Commissaires de France et d'Espagne, en exécution du quarante-deuxième article du traité des Pyrénées, touchant les 33 villages du comté de Cerdagne qui doivent demeurer au roi de France, est conclue à Llivia le . Deux siècles plus tard, sous le Second Empire, le traité est clarifié (traités de Bayonne) et la frontière terrestre est marquée par 602 bornes sur le terrain.

L'article 61 concerne la renonciation par le Roi d'Espagne, à qui l'Empereur avait promis l'Alsace, à toute revendication des territoires alsaciens annexés par la France en vertu du traité de Münster, en échange du paiement par le Roi de France des indemnités qu'en vertu dudit Traité, il doit à l'Archiduc d'Autriche Antérieure, ancien souverain de ces territoires. [Quoi ?][8]
Les articles 62 à 78 traitent des duchés de Lorraine & de Bar : Le duc de Lorraine et de Bar, Charles IV, récupère une bonne partie de ses possessions, sauf le duché de Bar. Il retrouve ce territoire au moyen d'une nouvelle négociation avec la France qui se conclut par le traité de Vincennes en février 1661, peu avant la mort de Mazarin.
Les articles 79 à 88 concernent le Prince de Condé.
Les articles 89 à 105 abordent le cas de l'Italie et d'autres intérêts.
Les articles 105 à 124 fixent les dispositions finales. Néanmoins, certains articles restent secrets : une des clauses du traité est le mariage du roi de France Louis XIV avec l'infante d'Espagne Marie-Thérèse d'Autriche, fille aînée du roi d'Espagne et nièce de la reine-mère Anne d'Autriche. Celle-ci renonce à tout droit à la couronne d'Espagne contre le paiement d'une dot de 500 000 écus d'or, somme que l'Espagne n'était pas en mesure de payer (origine de la guerre de Dévolution à la reine entre mai 1667 et 1668) et qui permit à Louis XIV, plus tard, de soutenir les droits à la succession à la couronne espagnole de son petit-fils le duc d'Anjou.
Portée[modifier | modifier le code]

Le traité des Pyrénées est le dernier acte diplomatique d'importance de Mazarin. Suivant les traités de Westphalie, il donne à Louis XIV une stabilité ainsi qu'un avantage diplomatique considérable :
- l'affaiblissement du prince de Condé ;
- l'affaiblissement de la couronne d'Espagne et la prépondérance de la France en Europe ;
- la dot de 500 000 écus est un facteur très important. Soit la dot sera versée et les finances de la France se porteront mieux, soit elle ne le sera pas - ce qui sera le cas - et ce sera un élément important en faveur de Louis XIV sur le plan diplomatique ;
- la future reine de France renonce par là-même, pour elle et sa descendance, à ses droits sur la couronne d’Espagne (origine de la guerre de Dévolution entre mai 1667 et 1668) et qui permettra à Louis XIV, plus tard, de soutenir les droits à la succession à la couronne espagnole ;
- la cession de certains territoires à la France (l'Artois, le Roussillon, 33 villages de Cerdagne, et plusieurs places fortes en Flandre et au Luxembourg comme Thionville, Gravelines, Montmédy et Philippeville. Le duché de Lorraine sera partagé et verra l'arrivée de casernes françaises) ;
- la frontière entre les deux royaumes délimitée par plusieurs centaines de bornes. Elle ne sera pas strictement conservée. Sous le Second Empire, elle sera définie par les délégués français de la Commission mixte pour la délimitation de la frontière, ou lors du traité de Bayonne conclu le 2 décembre 1856.
La France est désormais la grande puissance de l'Europe, et les Bourbons prennent définitivement le dessus sur les Habsbourg.
En 1660, avec la fin de la Première guerre du Nord, l'Europe est entièrement en état de paix.
Notes et références[modifier | modifier le code]
- Texte complet du traité, transcription des Archives Nationales de France, pages 168-179 : noms des signataires et pouvoir respectif donné en leur nom par le roi de France et d'Espagne
- Lucien Bély 2013, p. 200
- Lucien Bély 2013, p. 201
- Jean-Philippe Cénat, Louis XIV, Editions Eyrolles, , p. 40
- Charles Barberet, Précis de géographie historique universelle, Chez Delamarche, (lire en ligne)
- Louis Albesa, Le traité des Pyrénées-sous-titre=1659-2009, 350e anniversaire de la Paix des Pyrénées, Monhélios, coll. « A la (re)decouv », (ISBN 978-2-914709-73-6), p. 44 à 46
- La liste de ces villages a été fixée dans le traité de Llívia (1660). Lors des rudes tractations menées pour définir les limites méridionales précises du nouveau royaume de France, Mazarin s’étonne de ne point trouver le nom de Llívia dans la liste des 33 villages du comté de Cerdagne concédés à la France. Don Luis de Haro lui rappelle l’antique statut de municipe, donc de ville et non de village. La localité de Llívia fut donc reconnue comme une ville et ne fut pas annexée, elle est encore aujourd'hui une enclave espagnole en territoire français : sur le terrain, une « route neutre » (sans contrôle douanier) de 4 km relie Llívia au territoire espagnol et à Puigcerda.
- « Traité des Pyrénées - Articles 61 à 70 - Wikisource », sur fr.wikisource.org (consulté le 30 septembre 2017)
Voir aussi[modifier | modifier le code]
Bibliographie[modifier | modifier le code]
- Lucien Bély, Les relations internationales en Europe, XVIIe - XVIIIe siècle, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Thémis », , XXIII-774 p. (ISBN 978-2-13-056294-8).
- Lucien Bély, Dictionnaire Louis XIV, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1405 p. (ISBN 978-2-221-12482-6).
- Lucien Bély (dir.), Bertrand Haan (dir.) et Stéphane Jettot (dir.), La paix des Pyrénées (1659) ou Le triomphe de la raison politique, Paris, Classiques Garnier, coll. « Histoire des Temps modernes » (no 3), , 571 p. (ISBN 978-2-8124-2952-1 et 978-2-8124-2953-8).
- Daniel Séré, « Les difficultés d'exécution d'un traité : le cas du traité des Pyrénées », Revue d'histoire diplomatique, Paris, Éditions A. Pedone, no 3, , p. 209-228.
- Daniel Séré, « La paix des Pyrénées ou la paix du roi : le rôle méconnu de Philippe IV dans la restauration de la paix entre l’Espagne et la France (1659) », Revue d'histoire diplomatique, Paris, Éditions A. Pedone, no 3, , p. 243-261.
- Daniel Séré, « Mazarin et la « comédie de Lyon » : au-delà de la légende », Dix-septième siècle, Paris, Presses universitaires de France, no 231, , p. 327-340 (lire en ligne).
- Daniel Séré (préf. Yves-Marie Bercé), La paix des Pyrénées : vingt-quatre ans de négociations entre la France et l'Espagne, 1635-1659, Paris, Honoré Champion, coll. « Bibliothèque d'histoire moderne et contemporaine » (no 24), , 607 p. (ISBN 978-2-7453-1510-6, présentation en ligne), [présentation en ligne].
Articles connexes[modifier | modifier le code]
- Traité de Corbeil (1258) (premier traité fixant les zones d'influence entre la France et le Royaume d'Aragon)
- Soulèvement de la Catalogne
- Collège des Quatre-Nations
- Succession d'Espagne
- Conférence de Céret
- Traité de Llívia
- Traité de Bayonne, signé en 1462
- Traité de Bayonne, signé en 1856
- Traité de Bayonne, signé en 1862
- Traité de Bayonne, signé en 1866, les trois derniers traités précisent les points de détail du traité des Pyrénées.
Liens externes[modifier | modifier le code]
- Histoire des Pyrénées
- Traité de paix signé par l'Espagne
- Traité de paix signé par le Royaume de France
- Traité de la guerre de Trente Ans
- Novembre 1659
- Guerre de Louis XIV
- Formation territoriale de la France
- Histoire de Toulouse
- Histoire moderne de l'Alsace
- Pyrénées-Atlantiques au XVIIe siècle
- Histoire de la Flandre
- Histoire des Hauts-de-France
- Histoire moderne du Luxembourg
- Histoire de la Lorraine
- Histoire de la Catalogne
- Histoire du Roussillon
- Histoire des Pyrénées-Orientales
- Frontière entre l'Espagne et la France
- Traité du XVIIe siècle