Bernard Lecache

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Bernard Lecache
Bernard Lecache en 1923.
Fonction
Président
Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme
-
Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
Nom de naissance
Abraham Bernard Lecache
Nationalité
Activité
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A travaillé pour
Distinction
signature de Bernard Lecache
Signature
Sépulture de Bernard Lecache au cimetière de Montmartre (div. 20) à Paris.

Bernard Lecache, né le dans le 3e arrondissement de Paris et mort le à Cannes[1], est un journaliste français, fondateur en 1928 de la Ligue internationale contre l'antisémitisme (LICA), dont il reste président jusqu'à sa mort.

La LICA est devenue la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA) en 1979.

Biographie[modifier | modifier le code]

Abraham Bernard Lecache est le fils de Joseph Lecache (né en 1861), tailleur, et de Moussi Jack (née en 1871)[2], émigrés juifs venus d'Ukraine, alors province de l'Empire russe. La famille obtient la nationalité française en 1905[3].

Il fait ses études secondaires aux lycées Lavoisier et Louis-le-Grand, puis étudie à la Sorbonne.

Débuts professionnels et militants[modifier | modifier le code]

Après ses études, il devient secrétaire de l'avocat Henry Torrès, tout en collaborant au journal La Petite République, dont il est le chroniqueur théâtral. Pendant la guerre, il est mobilisé à partir de 1916 et réformé en 1918.

Après la guerre, il collabore au Journal du Peuple (Henri Fabre), favorable au régime issu de la révolution bolchévique en Russie () et au Merle blanc (Eugène Merle). Il est proche de la mouvance des socialistes de gauche, comme Boris Souvarine. Il fréquente aussi la journaliste anarchiste Séverine (dont il épouse la petite-fille, Denise Montrobert, en 1923[4]).

Le Parti communiste

En 1919-1920, il fait partie du Comité de la IIIe Internationale[5] et, présent au congrès de Tours, adhère dès sa création à la Section française de l'internationale communiste (peu après rebaptisée Parti communiste). Il écrit dans les organes du Parti, en particulier L'Humanité pour qui il fait un reportage en Espagne en 1921[6], puis en Italie au moment de la Marche sur Rome en 1922.

Il fait partie d'abord du groupe des « souvariniens », avec Albert Treint, puis lors du congrès du Parti d', se rallie au centre[5], dont le leader est le secrétaire général, Ludovic-Oscar Frossard. Peu après, le IVe congrès de l'Internationale communiste décide d'interdire aux membres du PCF, l'appartenance à la franc-maçonnerie et, pour les journalistes, la collaboration à la presse « bourgeoise ». En décembre, Jules Humbert-Droz évince de L'Humanité « une bande de jeunes intellectuels sans liens avec la classe ouvrière » (outre Bernard Lecache, ce sont Georges Pioch, Victor Méric, Henry Torrès, etc.)[7]. La même année, il est exclu du Parti communiste[8].

Bernard Lecache se joint d'abord au Comité de résistance fondé par Pioch et Méric, puis rejoint la SFIO. Il travaille ensuite pour La Volonté, Le Quotidien, L'Œuvre, Marianne.

Il est aussi membre de la Ligue des droits de l'homme.

L'affaire Schwartzbard et la Ligue contre les pogroms (1926-1928)[modifier | modifier le code]

En , le militant anarchiste Samuel Schwartzbard abat en plein Paris le nationaliste ukrainien Simon Petlioura, qu'il accusait de pogroms ayant décimé sa famille.

Alors collaborateur au journal, Bernard Lecache s'intéresse à l'affaire et demande à l'avocat socialiste Henry Torrès de prendre en charge la défense de l'assassin. Il est envoyé en Ukraine par Henri Dumay[réf. nécessaire] pour enquêter sur les agissements de Petlioura quand il était au pouvoir. Au bout de trois mois, les résultats de cette enquête, Quand Israël meurt, sont publiés dans Le Quotidien (février et mars 1927). Samuel Schwartzbard est triomphalement acquitté le .

Son voyage en URSS a réactivé son intérêt pour ce pays ; en octobre 1927, il préside un meeting pour le dixième anniversaire de la révolution russe, adhérant l'année suivante à l'Association des amis de l'Union soviétique et contribuant à son journal L'Appel des Soviets[5].

En février 1928, il participe avec Henry Torrès et quelques autres[Qui ?] à la fondation de la Ligue internationale contre les pogroms. Il reçoit le soutien de nombreuses personnalités qui entrent au Comité d'honneur : Séverine, Anna de Noailles, Albert Einstein, Edmond Fleg, Maxime Gorki, Paul Langevin, Victor Basch et Henry Torrès[9]. Un journal est créé en  : Le Cri des peuples.

À la tête de la LICA (1929-1968)[modifier | modifier le code]

Personnellement, Bernard Lecache, qui est athée, a un point de vue universaliste : il est favorable à l'intégration des Juifs dans leurs pays respectifs et est sceptique à propos du projet sioniste de création d'un État juif ; il est initié à la franc-maçonnerie en 1937, au Grand Orient de France et il fonde avec des camarades de la LICA, initiés comme lui, la loge Abbé Grégoire à la Grande Loge De France[réf. nécessaire].

En 1929, il fait un voyage en Palestine et en tire le livre Porteurs de croix, où il critique la Grande-Bretagne (administrateur du mandat de la SDN), certains milieux musulmans (notamment le grand Mufti) ou chrétiens, mais aussi les sionistes[5].

Les années 1930[modifier | modifier le code]

En 1929, la ligue devient Ligue internationale contre l'antisémitisme. Bernard Lecache en devient le président. Le journal Le Droit de vivre est créé en 1932.

Au départ, le rôle de la ligue est de dénoncer les exactions antisémites qui se produisent autour en Roumanie (1928), en Pologne (1932) ainsi qu'en Palestine (1929[10]).

La question hitlérienne

À partir de 1933, un danger plus proche apparaît avec l'arrivée au pouvoir de Hitler en Allemagne (cependant qu'en France, a lieu une montée de l'extrême-droite et de l'antisémitisme).

En 1933, Bernard Lecache organise deux grands meetings antinazis : en avril, puis en septembre (avec le Comité d'aides aux victimes du fascisme allemand). Dès mars, il participe au Front commun contre le fascisme (avec Gaston Bergery et Paul Langevin), entrant dans le Comité politique et contribuant au journal La Flèche[5].

Après les événements du 6 février 1934, il soutient le Rassemblement populaire, puis le Front populaire. En 1936, il prône le boycott des Jeux olympiques de Berlin et de nouveau organise de grands meetings antiracistes (, , , ). D'une façon générale, à l'époque des accords de Munich, il est considéré par les pacifistes, nombreux à gauche, comme un dangereux « belliciste » (point de vue exprimé publiquement par Félicien Challaye et Gaston Bergery[5], qui n'est plus sur la même ligne qu'en 1933). Mais la ligne de Bernard Lecache n'est pas acceptée non plus par tous les adhérents, ni même par tous les Juifs français.

En Allemagne, les nazis le considèrent comme un individu particulièrement nuisible et il est l'objet de dénonciations publiques dans les médias allemands (journaux et radios).

En 1939, la LICA compte 50 000 adhérents. Un succès est l'adoption des « décrets Marchandeau » () permettant d'incriminer l'incitation à la haine raciale.

La Seconde Guerre mondiale[modifier | modifier le code]

En , il n'est pas soumis aux obligations militaires (ayant été réformé en 1918), mais se présente comme volontaire, ce qui est refusé. Il met alors la LICA au service de l'effort de guerre (soutien aux soldats). En , la victoire allemande le met gravement en danger ; il part donc pour l'Algérie où il arrive le comme journaliste accrédité par L'Écho d'Alger.

Le , Marianne publie son article « Rien n'est fini », dénonçant le régime établi par Pétain et Laval le . Il s'ensuit une suspension de trois mois du journal, et Bernard Lecache est assigné à résidence dans la localité de Theniet El Had à 170 km au sud d'Alger. En , il est envoyé au camp d'internement de Bossuet en Oranie, puis à Djeniene Bourezg, enfin à Djelfa ().

Il est déchu de sa nationalité française par décret du 27 mars 1942, et ne la recouvra qu'en 1949, par décret en date du 22 mars de la même année[11].

Il est libéré le , trois semaines environ après le débarquement anglo-américain[12] et la mise en place à Alger d'un Haut-commissariat de France pour l'Afrique du Nord sous l'autorité de l'amiral Darlan.

Il reprend ses activités de journaliste et de militant, créant en les Cahiers antiracistes, puis il devient correspondant de guerre pour l'Agence Reuters, en Italie, puis dans le sud-est de la France après le débarquement de Provence ().

Après la libération de la France, la LICA est reconstituée en , mais une autre organisation, proche du Parti communiste, s'est formé dans la clandestinité, le Mouvement national contre le racisme.

L'après-guerre[modifier | modifier le code]

Bernard Lecache fonde Le Clou et dirige un moment Le Journal du dimanche.

En 1946, la LICA et le MNCR se rassemblent dans l'Alliance antiraciste, mais dès , se produit une scission qui aboutit à la création du MRAP en 1949.

Durant les années 1950, la LICA fait campagne : pour le soutien à Israël (dans une perspective de rapprochement avec les Arabes) ; contre l'antisémitisme en URSS (procès des « blouses blanches ») et dans le reste du bloc de l'Est (procès Slansky) ; contre la ségrégation raciale aux États-Unis et en Afrique du Sud. Pendant la guerre d'Algérie, elle critique la politique suivie par le général de Gaulle à partir de 1959 mais approuve l'autodétermination en Algérie.

Elle combat aussi le négationnisme qui apparaît dès la fin des années 1940. En 1964, notamment, Bernard Lecache est assigné en justice par Paul Rassinier, pour l'avoir désigné comme « agent de l'Internationale nazie » dans Le Droit de vivre. Le procès, jugé en , déboute Rassinier.

Le dernier grand combat de Bernard Lecache est mené pendant et après la guerre des Six Jours, en faveur du droit à l'existence d'Israël.

Publications[modifier | modifier le code]

  • Le Théâtre de demain, avec Guillot de Saix, préface d'Adolphe Brisson, Paris, Éditions de la France, 1915
  • Jacob, Paris, Gallimard, 1925
  • La Misère des professions libérales, enquête de Paris-Soir, 1926
  • Au pays des pogromes : quand Israël meurt, Paris, Éditions du Progrès civique, 1927
  • Les Porteurs de croix : Palestine 1929, Éditions des Portiques, 1930
  • Séverine, Paris, Gallimard, 1930
  • Contre l'antisémitisme et contre la guerre, avec Marcel Feder, Paris, Le Droit de vivre, 1932
  • Les Ressuscités, Paris, Éditions du Carrefour, 1934
  • La République est antiraciste, discours prononcé le à la réunion privée d'information du Comité central de la LICA, Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme, Paris, 1945

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Voir notice biographique sur le site de la LICRA. Le Maitron indique « Antibes », mais l'acte de naissance (ci-dessous) confirme le décès à Cannes.
  2. Cf. Acte de naissance (IIIe arrondissement), vue 12.
  3. Remarques : 1) à l'origine, ils sont sujets du tsar, donc « russes » ; 2) étant né en France, Bernard Lecache serait de toute façon devenu français à l'âge de 21 ans (loi de 1889 sur la nationalité française).
  4. Il se remarie le 20 octobre 1936 à Paris 16e arrondissement avec Marcelle Reynaud.
  5. a b c d e et f Le Maitron.
  6. Jacques Humbert-Droz, dans ses Archives, mentionne un rapport à son sujet, du 18 janvier 1922, par l'envoyé de l'IC en Espagne (mentionné dans le Maitron).
  7. Rapport d'Humbert-Droz à la direction de l'IC, cité dans le Maitron.
  8. Annette Wieviorka, Ralph Schor, L'antisémitisme en France pendant les années trente (compte-rendu), Revue d’Histoire Moderne & Contemporaine, Année 1994, 41-1, pp. 186-187
  9. [PDF]Magazine LICRA jeune 5
  10. La notice du Maitron n'indique pas s'il parle de ce pogrom dans son livre.
  11. Bulletin de la LICA 1er avril 1949, p.3
  12. Cf. Simon Epstein, [1].

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Notices
Ouvrages

Liens internes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]