Assassins sans couteaux
Sortie | |
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Enregistré |
Studio de la Grande Armée |
Durée | 48 min 01 s |
Genre | Chanson |
Producteur | Mysiane Alès / Le Rideau Bouge |
Label | Polydor / Universal Music France |
Albums de Juliette
Assassins sans couteaux est le septième album de Juliette, sorti le , mais seulement son troisième album studio après Irrésistible et Rimes féminines.
Genèse
[modifier | modifier le code]Après Rimes féminines, son précédent album studio presque entièrement écrit par le parolier Pierre Philippe, Juliette confie au journaliste Serge Dillaz que son prochain album sera « différent » et que cette fois, il n'y aura plus « l'omniprésence de [son] Mentor »[1]. La chanteuse envisage alors un disque avec des chansons plus « simples », voire même « banales »[1]. En réalité, l'univers de Juliette se retrouve presque à l'identique sur Assassins sans couteaux qu'elle coécrira cette fois avec le scénariste de bandes dessinées Frank Giroud[4] et l'auteur Bernard Joyet[5]. Cet album constitue pourtant un tournant dans sa carrière, car en plus de Pierre Philippe, la chanteuse se sépare aussi de son fidèle pianiste et arrangeur Didier Goret et, une fois n'est pas coutume, confie la direction musicale et une grande partie des orchestrations à François Rauber[6], le mythique arrangeur des disques de Jacques Brel, Juliette Gréco et Anne Sylvestre[7],[8].
Caractéristiques artistiques
[modifier | modifier le code]À cette époque, Juliette rencontre des difficultés pour assumer seule l'écriture des paroles d'Assassins sans couteaux. À l'exception de la chanson titre qu'elle signe intégralement, elle est épaulée par Bernard Joyet pour les chansons plus humoristiques (comme Lucy, Moi, j'me tache et Mayerling ) et par Frank Giroud pour celles qui explorent un registre plus mélancolique (essentiellement La pagode du cheval blanc et L'Étoile rouge)[9].
La chanson titre Assassins sans couteaux exploite de nouveau des thèmes déjà présents dans les opus précédents de la chanteuse comme la violence des rapports sociaux ou de l'autorité, avec une musique grinçante à souhait[10]. Comme sur Rimes féminines, l'aspect spectaculaire de la première chanson cède la place à un second morceau nettement plus retenu. L'exotique et discrète La pagode du cheval blanc est aussi subtile et délicate que Assassins sans couteaux était agressive et heurtée[10]. Avec la chanson suivante, Moi, j'me tache, le changement d'univers est radical. Taillé pour la scène, ce titre plein d'autodérision coécrit avec Bernard Joyet, se moque du peu de respect des bonnes manières que Juliette manifeste pendant ses repas, aidé par une orchestration ouvertement jazz signée par François Rauber.
Beaucoup plus nostalgique, L'étoile rouge, écrite par Frank Giroud, fait partie des chansons parmi les plus politiques du répertoire de Juliette ; chacun des couplets dépeint les luttes sociales menées au nom des différents mouvements communistes en Russie puis en Europe. Le morceau se termine par un questionnement : « L'avenir est-il si radieux / Que l'on oublie celles et ceux / Qui l'ont rêvé meilleur ? »[11]. Plus ambigüe, Mayerling, écrite par Bernard Joyet, traite des désaccords et des divergences au sein d'un couple mais la chanson se clôt tout de même par une note comique[12].
Pièce maîtresse de l'album, Lucy donne la parole à la mère de la célèbre australopithèque qui porte le même prénom. Celle-ci ne supporte plus que sa fille devienne bipède et qu'elle manifeste un tel désir d'évolution. À travers les propos outranciers et caricaturaux de cette marâtre préhistorique, l'auteur en profite pour se moquer de toutes les idéologies réactionnaires et passéistes[13]. Tout aussi spectaculaire et déjà présente dans une version minimaliste sur l'album Deux pianos, La ballade d'Éole montre toutes les facettes du légendaire Éole, la divinité des vents[14], avec de nouvelles couleurs instrumentales dues aux orchestrations de François Rauber[17].
Hommage rendu aux musiques de la péninsule Ibérique, C'est l'hiver bénéficie de la guitare portugaise de Didier Bégon, tandis que Francisco Alegre (es) est une reprise flamenco[19] d'un paso doble de 1947, chanté notamment par Juanita Reina[20]. Plus inquiétante, Les yeux d'or (co-écrite par Juliette et Frank Giroud) décrit un personnage qui épie ses voisins à travers leurs fenêtres éclairées, et découvre leurs secrets inavouables[21]. Dans l'avant-dernier titre Le prince des amphores, signé par le seul Frank Giroud, Juliette incarne Dieu le Père en personne. Ce titre à la fois comique et anticlérical[23] dépeint l'Être suprême comme un buveur invétéré, qui tente d'expliquer toutes les tares de la nature humaine, par son goût trop prononcé pour l'alcool[24].
Parution et réception
[modifier | modifier le code]Paru en novembre 1998 sur le label Le Rideau Bouge, Assassins sans couteaux a été réédité en 2001 par Polydor[25]. Une fois de plus, l'album et sa tournée ont fait l'objet des bonnes critiques[26],[27]. De surcroît, les musiques plus accessibles de ce disque vont aussi permettre à Juliette de passer un peu plus souvent dans des émissions culturelles à la télévision[28], puis d'investir dès l'année suivante la mythique scène de l'Olympia[9],[29].
Fiche technique
[modifier | modifier le code]Liste des chansons
[modifier | modifier le code]No | Titre | Paroles | Musique | Durée |
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1. | Assassins sans couteaux | Juliette Noureddine | Juliette Noureddine | 3:11 |
2. | La pagode du cheval blanc | Frank Giroud et Juliette Noureddine | Juliette Noureddine | 4:31 |
3. | Moi, j'me tache (arrangement François Rauber) | Bernard Joyet et Juliette Noureddine | Juliette Noureddine | 3:50 |
4. | L'Étoile rouge | Frank Giroud | Juliette Noureddine | 5:10 |
5. | Mayerling | Bernard Joyet | Juliette Noureddine | 3:41 |
6. | Lucy (arrangement François Rauber) | Bernard Joyet | Juliette Noureddine | 3:58 |
7. | La ballade d'Éole (arrangement François Rauber) | Frank Giroud | Juliette Noureddine | 5:53 |
8. | C'est l'hiver | Bernard Joyet | Juliette Noureddine | 3:43 |
9. | Les yeux d'or (arrangement François Rauber) | Frank Giroud et Juliette Noureddine | Juliette Noureddine | 3:16 |
10. | Le prince des amphores | Frank Giroud | Juliette Noureddine | 5:22 |
11. | Francisco Alegre | Rafael de León, Antonio Quintero | Manuel Quiroga | 4:51 |
Crédits
[modifier | modifier le code]Musiciens
[modifier | modifier le code]- Juliette Noureddine : chant, piano, arrangements
- François Rauber : direction musicale et arrangements
- Alain Kouznetzoff, Marie-Hélène Clausse, Lauraine Desgrees, Alain Persiaux, Marie-Paule Vieille, Jean-Louis Mouchel, Marc Bonet-Maury, Caroline Collombel, Jean Gaunet, Cécile Jacquillat, Michèle Deschamps, Marie-Hélène Béridot, Elisabeth Pallas, Rose-Marie Negrea : violons
- Isabelle Chapuis, Frédéric Mangeon, Christian Lormand, Helga Gudmundsdottir : altos
- Philippe Chérond, Michel Lacrouts, Anne Lecour, Florence Hennequin : violoncelles
- Jean-Claude Dubois : harpe
- Jean Bardy : contrebasse et voix
- Raymond Guiot : flûte
- Catherine Bost, Catherine Lamborot-Kartagener : hautbois
- Jacques Bessot, Pierre Dutour : trompettes
- Jean-Christophe Vilain, Michel Camicas, André Paquinet : trombones
- Bernard Neuranter, Laurent Pézières : tubas
- Romain Mayoral, Francis Cournet : saxophones alto
- Gilbert Viatgé : saxophone baryton
- Pierre Holassian : saxophone ténor
- Dominique Sucetti : accordéon, bandonéon
- Karim Medjebeur : piano et voix
- Didier Bégon : guitares et voix
- Salvador Paterna : guitare flamenca sur Francisco Alegre
- Bruno Grare : percussions et voix
- Franck Steckar : batterie, percussions et voix
- Catherine Estourelle, Jacques Haurogné, Ariane Stroh, Frédéric Venant : chœurs
Équipe de production
[modifier | modifier le code]- Gérard Lhomme : mixage, enregistrement
- Philippe Laffont : enregistrement
- Philippe Cibille : photographie
- Reg'arts : conception graphique pochette
- Mermon : réalisation du livret[30]
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Dillaz 1998, p. 24.
- Pantchenko 2004, p. 102.
- « Décès de Frank Giroud, scénariste de la bande dessinée "Le décalogue" », sur France Info Culture, (consulté le ).
- Juliette ne conservera pas de bons rapports avec cet auteur et cette collaboration restera sans lendemains[2], même si elle saluera la mémoire du scénariste lors de son décès survenu 20 ans plus tard[3].
- Borowice 2010, p. 122.
- Marquez 2016, p. 46.
- Pantchenko 2004, p. 92-93.
- Juliette a rencontré François Rauber pour la première fois à la fin de son spectacle au TLP Déjazet en avril 1991. Elle se souvient avec émotion de ce premier contact : « Il était venu voir Mouron, et il m'a rejoint ensuite dans ma loge pour me dire : "C'est formidable ! merci !" »[2].
- Pantchenko 2004, p. 93.
- Viau 2004, p. 154.
- Viau 2004, p. 155.
- Viau 2004, p. 154-155.
- Viau 2004, p. 156-157.
- Viau 2004, p. 152-153.
- Marquez 2016, p. 49-50.
- Viau 2004, p. 153.
- Malgré le fait que Juliette était une immense admiratrice des orchestrations symphoniques que François Rauber avait imaginé entre autres pour Les désespérés de Jacques Brel (inspirées par le Concerto en sol de Maurice Ravel)[15], les arrangements de ce dernier sur Assassins sans couteaux sont assez éloignés de l'univers de la musique classique chère à Didier Goret, son ancien pianiste[16].
- Noureddine 2005, p. 47,50.
- Juliette raconte en détail l'histoire de l'enregistrement de ce morceau dans son livre de souvenirs Juliette : Mensonges et autres confidences[18].
- « Juanita Reina – Francisco Alegre / A La Vela », sur Discogs (consulté le ).
- Viau 2004, p. 157.
- Noureddine 2005, p. 43.
- La chanteuse a reconnu avoir reçu plusieurs missives de croyants scandalisés par le texte de cette chanson[22].
- Viau 2004, p. 157-159.
- Pantchenko 2004, p. 106.
- Daniel Pantchenko, « Critique du disque "Assassins sans couteaux" », Chorus, no 26, , p. 47 (ISSN 1241-7076)
- « Assassins sans couteaux », La Dépêche du Midi, (lire en ligne).
- Viau 2004, p. 153-154.
- Renaud Machart, « Le jour où Juliette a dévoré le public de l'Olympia », Le Monde, (lire en ligne ).
- Livret de Assassins sans couteaux, Juliette, 1998, CD, Polydor, 549 865-2.
Annexes
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Jean Viau, Guidoni & Juliette : Crimes féminines, Paris, Les Belles Lettres, , 208 p. (ISBN 2-251-44255-3).
- Juliette Noureddine, Juliette : Mensonges et autres confidences, Paris, Textuel, , 120 p. (ISBN 978-2845971547).
- Gilles Verlant (dir.), Jean-Dominique Brierre, Dominique Duforest et Christian Eudeline, L'odyssée de la chanson française, Paris, Hors Collection, , 464 p. (ISBN 978-2258070875).
- Yves Borowice (dir.), Les femmes de la chanson : deux cents portraits de 1850 à nos jours, Paris, Textuel, , 272 p. (ISBN 9782845973411).
- Serge Dillaz, « Juliette, chanteuse fin de siècle », Chorus, no 23, (ISSN 1241-7076).
- Daniel Pantchenko, « Juliette, l'irrésistible », Chorus, no 47, (ISSN 1241-7076).
- Laura Marquez, « Juliette, chanteuse en liberté », FrancoFans, no 61, octobre et novembre 2016 (ISSN 1766-8441).
Liens externes
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- Ressources relatives à la musique :