Affaire VA-OM

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L'affaire VA-OM est une affaire de corruption dans le monde du football français qui a éclaté à la suite du match de championnat remporté 1 à 0 le 20 mai 1993 par l'Olympique de Marseille sur le terrain de l'US Valenciennes-Anzin. Des joueurs de Valenciennes ont déclaré avoir été invités par des émissaires de l'équipe adverse à lever le pied en échange d'une somme d'argent.

Contexte

Depuis l'arrivée de Bernard Tapie à sa tête, l'Olympique de Marseille a remporté le championnat de France de football quatre fois d'affilée entre 1989 et 1992, et est en passe d'en remporter un cinquième, disposant de quatre points d'avance sur le PSG à trois journées du terme du championnat (la victoire valant 2 pts à l'époque). L'OM est le club le plus prestigieux de France à cette époque grâce à un effectif et des résultats sportifs brillants, notamment de très bonnes performances en Coupe d'Europe (1/2 finale en 1988 et 1990 et finale en 1991). Une semaine après le début de l'affaire, le 26 mai 1993 au stade olympique de Munich, l'OM remporte l'édition 1993 de la Ligue des champions face au Milan AC 1 à 0 en finale, puis son cinquième titre consécutif de champion de France. Ce titre sera par la suite annulé par les instances dirigeantes du football français.

Déroulement de l'affaire

Les révélations

Le 22 mai 1993, le club nordiste révèle l'existence d'une tentative de corruption. À la mi-temps du match du 20 mai entre le VA et l'OM, le défenseur valenciennois Jacques Glassmann a confié à son entraîneur Boro Primorac que Jean-Jacques Eydelie, un joueur de Marseille qui fut auparavant l'un de ses coéquipiers et Jean-Pierre Bernès, directeur général de l'OM, l'ont contacté par téléphone la veille de la rencontre. Une somme d'argent a été promise par Bernès à Glassmann et deux autres joueurs valenciennois et anciens coéquipiers d'Eydelie également, Jorge Burruchaga et Christophe Robert, pour qu'ils « lèvent le pied » lors du match. Le soir même de ce coup de téléphone, Christophe Robert envoie sa femme sur le parking du Novotel où logent les Marseillais pour qu'elle récupère l'argent. Eydelie lui confie une lourde enveloppe pleine de billets[1].

Les premières conséquences

Le 8 juin 1993, la Ligue nationale de football (LNF), alors présidée par Noël Le Graët, porte plainte contre X et Éric de Montgolfier, procureur de la République de Valenciennes, ouvre une information judiciaire[2]. Le 23 juin, le président de l'OM Bernard Tapie demande à rencontrer le procureur sans savoir que quelques heures plus tôt, Primorac a affirmé à Éric de Montgolfier que Tapie a tenté, le 17 juin, de suborner son témoignage, que Christophe Robert a avoué et que l'enveloppe de 250 000 francs (environ 38 000 euros) dissimulés dans le jardin du domicile de sa belle-mère a été mise à jour[3]. Eydelie se présente spontanément dans le bureau du juge Bernard Beffy le 27 juin. Immédiatement placé en garde à vue, il est écroué dans la maison d'arrêt de Valenciennes. Le 30 juin, le juge perquisitionne le siège de l'OM où sont effectués des recoupements matériels (type d'enveloppe et d'agrafes, numéros de certains billets...)[4]. Jean-Pierre Bernès est mis en examen par le juge d’instruction Beffy le 7 juillet, de même que Jean-Jacques Eydelie, Jorge Burruchaga, Christophe Robert pour « corruption passive », l'épouse de ce dernier pour « complicité de corruption passive »[5].

Le 6 septembre, le comité exécutif de l'UEFA exclut l'OM, champion de France en titre, de l'édition 1993-1994 de la Ligue des champions, comme mesure préventive afin de protéger la régularité des compétitions européennes pour les clubs[6]. De plus, le club phocéen sera privé de Supercoupe d'Europe et de la finale de la Coupe intercontinentale. Après un ultimatum de la Fédération internationale (FIFA), le 22 septembre la fédération française suspend l'attribution à l'OM du titre de champion de France pour la saison 1992-1993[7], ainsi que les licences de Jean-Pierre Bernès et des joueurs impliqués, Eydelie, Robert et Burruchaga.

Bernard Tapie qui affirme avoir été contacté par Valenciennes pour négocier un match nul entre les deux équipes, est entendu trois fois (les 6 juillet, 6 août et 19 octobre) comme témoin[8] avant d'être mis en examen le 10 février 1994 pour corruption et subornation des témoins Boro Primorac et Jean-Jacques Eydelie[9], puis Jacques Mellick[10]. Le 22 avril l'Olympique de Marseille, second du championnat de D1 en 1993-1994, est rétrogradé en deuxième division par la FFF, qui retire sa licence de dirigeant à Bernard Tapie. Le club garde le droit de disputer la Coupe UEFA 1994-1995.

L'OM, déjà endetté à hauteur de 407 millions de Francs en 1993 (contre 105 millions de Francs à l'arrivée de M. Tapie), ne s'en remettra pas, se retrouvant du jour au lendemain avec des salaires de joueurs de Division 1 qui continuent d'être dus (les contrats sont conclus généralement sur plusieurs années) et des recettes, en particulier de télévision, en très fort recul du fait de se trouver en 2e division. Le club est contraint de déposer le bilan dans les mois qui suivent.

Le club parvient, malgré une interdiction de recruter des joueurs sous contrat (c'est-à-dire dans l'obligation de ne recruter que des joueurs sans club), à remporter le championnat de Ligue 2, mais la DNCG lui interdit de remonter en Ligue 1 étant donné l'état de ses finances. Il est repris par Robert-Louis Dreyfus en 1996 et remonte en Division 1 pour la saison 1996-1997.

Quant au club de Valenciennes, il est relégué sportivement en 2e division à l'issue de la saison 1992-1993. Un seul point aurait pourtant suffi à lui assurer le maintien en division 1 (alors que le résultat du match Valenciennes-Marseille n'a jamais été attribué). La saison suivante en division 2, le club est sifflé sur tous les terrains de France pour avoir dénoncé la corruption. Avec un effectif pourtant prometteur, le club est à nouveau relégué, en National 1 (3e Division). Deux saisons plus tard, le club, qui ne s'est toujours pas remis de l'affaire, est obligé de déposer le bilan, et est à nouveau relégué, en National 2 (4e division). Il faudra attendre la saison 2006-2007 pour retrouver Valenciennes au plus haut niveau national.

Les démêlés médiatiques et judiciaires de l'affaire ont notamment opposé Bernard Tapie au procureur Éric de Montgolfier.

Le procès

Le procès a lieu au tribunal correctionnel de Valenciennes au début de mars 1995. Au cours de ce procès, Bernard Tapie prononce la phrase culte « J'ai menti, mais c'était de bonne foi.»[11]. Le verdict est rendu le 15 mai[12] :

  • Bernard Tapie est condamné à deux ans d’emprisonnement, dont un ferme, à 3 ans d'inéligibilité et 20 000 francs d'amende (environ 3 000 euros) pour corruption et subordination de témoins. Après avoir fait appel, il écope d'une peine de deux ans de prison dont huit mois ferme.
  • Jean-Pierre Bernès, défendu par l'avocat Gilbert Collard, à deux ans avec sursis et 15 000 francs d’amende (environ 2 300 euros) ;
  • Jean-Jacques Eydelie à un an avec sursis et 10 000 francs d’amende (environ 1 500 euros) ;
  • Christophe Robert et Jorge Burruchaga à six mois avec sursis et 5 000 francs d’amende chacun (environ 750 euros) ;
  • Marie-Christine Robert à trois mois avec sursis[13].

Jacques Glassmann qui a révélé l'affaire, obtient un franc de dommages et intérêts pour préjudice moral[14].

Autour du procès

L’affaire, qui démarre en fin mai 1993 dès le jour du match, devient à compter d’août 1993 le centre d’attention des médias et mobilise des ressources policières impressionnantes.

Elle divise alors profondément l’opinion entre les partisans d'un football propre et ceux imaginant un complot.

Les uns y voient une preuve de l’arrivisme et de l’amoralité de Bernard Tapie, considérant que cette corruption est la partie émergée de l'iceberg.

Les autres voient dans les proportions prises par cette affaire, qui concerne un match de football, la révélation d’une chasse à l’homme avant tout politique : l’affaire VA-OM a fait l’objet d’une couverture télévisuelle supérieure à celle de la Guerre du Golfe de 1991[15] ; et constitue la seule affaire ayant mobilisé autant de ressources policières sur les dix années précédentes que l’affaire Grégory.

Les partisans de cette thèse notent également que Bernard Tapie est le seul protagoniste de l'affaire condamné à de la prison ferme.

Interrogé sur ce fait par les journalistes de France Télévision en 2009[16], l'ancien procureur de l'affaire, Éric de Montgolfier, déclare : « Si le Président de l'OM n'avait pas été Bernard Tapie, il ne serait jamais allé en prison. Les faits ne le méritaient pas. »

Bernard Tapie, incarcéré le 3 février 1997, purge sa peine à la prison de la Santé puis à la prison de Luynes. Il bénéficie le 25 juillet 1997 d'une libération conditionnelle[17].

Documentaires télévisés

Notes et références

  1. Christophe Bouchet, Tapie, l'homme d'affaires, Seuil, , p. 125
  2. Jacques Glassmann, Foot et moi la paix, Calmann-Lévy, , p. 73
  3. Françoise Moreau, Tapie, héros malgré lui, Ramsay, , p. 143
  4. Philippe Belin, Le menteur de Marseille ?, J. Grancher, , p. 78
  5. Ludovic Lestrelin, L'autre public des matchs de football. Sociologie des supporters à distance de l'Olympique de Marseille, Éditions de l'École des hautes études en sciences sociales, , p. 74
  6. Christophe Gerschel, Les groupements sportifs professionnels : aspects juridiques, L.G.D.J., , p. 358
  7. Canal+ a refusé le titre de champion pour le PSG car la chaîne cryptée ne voulait pas se fâcher avec ses abonnés de province. On lira sur cette affaire, Jean-François Pérès et Daniel Riolo, OM-PSG, PSG-OM. Les meilleurs ennemis, enquête sur une rivalité, Paris, Mango Sport, 2003, p.131-133 : « Dans cette affaire, le PSG va plutôt choisir l'« intérêt supérieur de Canal+ » et s'obstiner dans son refus. »
  8. Christophe Bouchet, Tapie, l'homme d'affaires, Seuil, , p. 263
  9. Antenne 2, 13/02/94
  10. Le 4 octobre 1993, le procureur ouvre un second réquisitoire supplétif contre X pour tentative de subornation de témoin, soupçonnant Jacques Mellick d'avoir fourni à Tapie un faux alibi à la fin du mois de juillet. Boro Primorac accuse Tapie de subordination de témoin lors de leur rencontre le 17 juin au siège de Bernard Tapie Finance (BTF). Le président de l'OM affirme à cette heure là être en rendez-vous avec son grand ami Mellick, au siège de BTF. Mellick de son côté déclare ne pas y avoir croisé Primorac. L'enquête journalistique démonte ce faux alibi.
  11. http://www.evene.fr/citation/menti-etait-bonne-foi-59370.php
  12. Ludovic Lestrelin, L'autre public des matchs de football. Sociologie des supporters à distance de l'Olympique de Marseille, Éditions de l'École des hautes études en sciences sociales, , p. 75
  13. Antenne 2, 15/05/95
  14. Serge-Allain Rozenblum, Les Evénements de l'année, Revue politique et parlementaire, , p. 65
  15. rapport de l’Observatoire des Medias – période 1991-1995
  16. émission France 2 juin 2009 : un jour un destin : Bernard Tapie
  17. Gilles Verdez, Guillaume Evin, Les VIPères du foot, Éditions Du Moment, , p. 87

Voir aussi