Bretons insulaires

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Bretons insulaires
Image illustrative de l’article Bretons insulaires
Bas-relief d'une dame britto-romaine (Manor House Art Gallery and Museum, Ilkley, Yorkshire).

Période Antiquité, Antiquité tardive, Haut Moyen Âge
Ethnie Celte
Langue(s) Langues brittoniques
Religion Mythologie celtique
Région d'origine Île de Bretagne
Région actuelle Angleterre, Pays de Galles, Cornouailles, Écosse, Bretagne
Rois/monarques Liste de rois de Bretagne insulaire, attestés ou légendaires.
Frontière Au nord les Calédoniens, Maètes, Attacottes et Pictes au-delà des fleuves Clyde et Forth[1] ; à l'ouest, sur les côtes galloises, les Hibernes, ou Gaels.

Les Bretons (en latin : Britanni) sont les habitants de l'île de Bretagne (en latin : Britannia) durant l'Antiquité[2],[3]. Les Bretons ont été partiellement romanisés à l'époque romaine. Les langues brittoniques parlées par les Bretons dans l'Antiquité et au Moyen Âge sont les ancêtres des langues brittoniques qui ont survécu jusqu'à l'époque moderne : le gallois, le breton et le cornique.

Au cours de l'Antiquité tardive, la propagation des cultures des Scots, des Pictes et des Anglo-Saxons a déplacé les Bretons d'une grande partie de la Grande-Bretagne. Les Bretons eux-mêmes ont également propagé leur propre culture en Europe continentale, peuplant l'Armorique, devenue par la suite la Bretagne[4],[5]. Les noms gréco-romains « Îles Britanniques » et « Grande-Bretagne » sont tous deux dérivés du nom antique des Bretons[2]. À son tour, le démonyme correspondant du peuple britannique moderne est issu de la même source.

Par la suite arrivent et s'ajoutent :

  • les Romains auxquels se mêlent une partie des Bretons insulaires ;
  • les Angles et les Saxons sur les côtes est de l'île de Bretagne ;
  • les Jutes sur les côtes sud-est ;
  • les Scots venus d'Irlande sur les côtes nord-ouest de l'île de Bretagne ;
  • les Scandinaves sur les côtes nord et nord-est de l'île de Bretagne ;
  • les Normands.

Ainsi, la définition du peuplement de l'île de Bretagne pose la double question de son caractère celtique et de sa part d'autochtonie, surtout si l'on prend en compte le fait que les Celtes, venus d'Europe centrale, n'ont peuplé l'île qu'au IVe siècle av. J.-C.[6] et y ont trouvé des populations antérieures de culture campaniforme habitant l'île depuis 2900 av. J.-C. et qui, venues d'Europe orientale[7], avaient elles-mêmes succédé à la civilisation des mégalithes, qui commence vers 4 200 BC[8],[9].

Cette question des origines doit être considérée pour deux périodes distinctes qui ensemble durent près de mille ans : avant la conquête romaine d'une part, et durant le haut Moyen Âge d'autre part.

Origine du nom

La première référence connue aux habitants de la Grande-Bretagne provient du récit du voyage de Pythéas, un géographe grec originaire de Massalia, l'antique Marseille qui a fait un voyage d'exploration autour des Îles Britanniques entre 330 et 320 avant JC. L'ouvrage de Pythéas, De l'Océan (Περί του Ωκεανού, Perì toû Ôkeanoû) a disparu, mais plusieurs auteurs antiques nous en ont transmis des bribes, principalement le géographe Strabon[10]; Ératosthène, Polybe[11], Diodore de Sicile et Pline l'Ancien. Pythéas appelle les îles αἱ Βρεττανίαι (ai Brettaníai traduit en « îles Britanniques ») mais utilise également le terme Pretannike (en). Les peuples de ces îles sont désignés comme Πρεττανοί (Prettanoí), Priteni, Pritani ou Pretani, peut-être transmis à Pythéas par les gaulois[12] et peut-être de même étymologie que πρυτανεία (prytania : « élite », qui est aussi l'une des significations possibles du mot « celtes »[13].

Quoi qu'il en soit, dans l'Empire romain, le nom latin des îles est Brittanniae[14].

La Chronique anglo-saxonne, dont la rédaction est ordonnée par le roi Alfred le Grand à la fin du IXe siècle, commence par cette phrase : « L'île Grande-Bretagne a 800 miles de long et 200 miles de large, et il y a dans l'île cinq nations : l'anglais, le gallois, les écossais, les pictes et le latin. Les premiers habitants étaient les Britanniques, venus d'Arménie qui ont d'abord peuplé la Grande-Bretagne par le sud. » (« L'Arménie » est peut-être une transcription erronée de l'Armorique, région du nord-ouest de la Gaule)[15].

Dans l’Historia regum Britanniae, Geoffroy de Monmouth rapproche le nom de Bretagne à une fondation du royaume de la même île par Brutus de Troye, présenté comme fils d'Ascagne.

En anglais, le terme « britannique » désigne à l'origine les anciens Britanniques, plus particulièrement les Gallois, considérés comme leurs héritiers [16]. Après les Actes d'Union (1707), les termes British et Briton s'appliquent à tous les habitants du royaume de Grande-Bretagne[17].

Le mot gallois Brython est introduit dans l'usage de l'anglais par John Rhys en 1884 pour identifier sans ambiguïté les locuteurs brittoniques des locuteurs Gaels[18].

Des origines protohistoriques ?

Les Bretons, c'est-à-dire les habitants de Grande-Bretagne vivant immédiatement avant la conquête romaine, comprenaient de nombreux peuples et tribus dont le caractère celtique est avéré, notamment dans le sud de l'île et à l'embouchure de la Tamise ; pour autant « quand et comment les îles – Bretagne et Irlande – devinrent celtiques ? » est une question discutée (Barry Raftery).

Des relations continues avec le continent existaient durant la période de Hallstatt (au premier âge du fer) et à l'époque de la Tène, une métallurgie du fer existe dans les deux îles (dès le VIIe siècle avant notre ère en Irlande). Mais il faut attendre le IVe siècle avant notre ère (et le IIe, voire le Ier siècle en Irlande) pour que le matériel archéologique comprenne une production métallurgique laténienne, celle-ci faisant totalement défaut pour La Tène ancienne. Dans le même temps, la société de l'époque nous donne de nombreux indices d'une hiérarchie très forte, dominée par une classe aristocratique à même d'importer de tels objets du continent.

À la fin du IIIe siècle avant notre ère, des émissions de monnaie ont lieu dans le sud de l'île de Bretagne, aucune monnaie (pour la période correspondant à la période préromaine de l'île de Bretagne) n'ayant été découverte en Irlande.

Les peuples belges de la Tamise

C'est vers la fin de la protohistoire continentale que César mentionne une invasion de l'île de Bretagne par les Belges en -75[19]. Celle-ci, peut-être due à la pression exercée par les Germains sur les Belges, est attestée tant par le mobilier inventé dans le sud-est de l'Angleterre que par l'étymologie et le nom de certaines tribus comme les Cantiaci, les Catuvellauni et probablement les Atrebates.

Pictes, Calédoniens et peuples « non celtes »

Les Bretons sont également à distinguer de peuples ou de groupements de peuples connus à travers les sources antiques à la période romaine et dont l'identité est soit incertaine, soit non-celtique :

  • les Pictes sont souvent présentés comme les premiers habitants indigènes de l'île de Bretagne qui auraient été repoussés dans le nord de l'île à une époque inconnue. En fait, le nom de Pictes, terme d'origine latine évoquant la peinture bleue dont ils s'enduisaient le corps[20], servait à désigner les populations établies au nord du mur d'Hadrien durant la période romaine, puis dans le nord et l'est de l'Écosse à l'époque de Bède le Vénérable, sans que leurs apparentaments, leurs langues ou leurs orignes soient départagées ;
  • de même, le nom de Calédoniens – c'est-à-dire les habitants de la Calédonie, soit le nom antique de l'Écosse – a pu désigner des Pictes ou d'autres peuples non celtes.

Migrations celtiques au haut Moyen Âge

À partir du milieu du Ve siècle, de nouveaux envahisseurs germaniques, les Anglo-Saxons repoussèrent progressivement les Bretons du sud et de l'est vers l'ouest de l'île de Bretagne tandis que les Irlandais effectuaient des raids sur la côte ouest de la Bretagne (c'est d'ailleurs à cette occasion que saint Patrick, qui était breton, fut capturé). Ils finirent par fonder de véritables principautés sur les côtes galloises et écossaises ; si les premières furent finalement écrasées, les secondes donnèrent naissance à l'Écosse par la fusion du Dal Riada avec les royaumes britonniques du nord. Durant cette période sur laquelle les sources fiables font défaut (ce sont les « âges sombres » ou Dark Ages de l'historiographie anglaise), des populations celtes peu romanisées établirent de nombreux « royaumes celtiques » dans l'île, notamment dans le pays de Galles et d'autres migrèrent en Irlande. De même, là se trouve probablement la cause première d'une émigration en masse de Bretons vers la péninsule armoricaine, celle-ci prenant alors le nom de Bretagne.

Les Scots : des envahisseurs celtes

C'est également au haut Moyen Âge que des Celtes venus d'Irlande, les Scots s'établirent dans le nord-ouest de l'île de Bretagne. Ils donnèrent par la suite leur nom à la Calédonie qui devint l'Écosse. Cela explique, après le VIIe siècle, la présence dans l'île de groupes celtiques qui ne se comprenaient pas (Saint Colomban) : les uns parlant une langue brittonique, les autres parlant une langue gaélique.

Invasions germaniques

Héritage

Les trois langues celtiques brittoniques représentent les trois branches héritières des anciens Bretons insulaires:

Le nom de Bretagne, du latin Britannia, qui désigne simplement le pays des Bretons, est conservé dans celui de deux territoires géographiquement et politiquement distincts, celui de l'île de Grande-Bretagne au nord de la Manche, et celui de la Bretagne armoricaine au sud, ancien royaume puis duché, province étrangère et aujourd'hui région française, le nom de Bretagne armoricaine n'étant pas synonyme d'Armorique, et la Bretagne 'historique' (médiévale) ne correspondant pas à la Bretagne continentale originelle.

Compléments

Articles connexes

Notes et références

  1. Ammien MarcellinHistoires, Livre XXVII
  2. a et b (en-GB) « Britons », dans John Cannon et Robert Crowcroft, A Dictionary of British History, Oxford University Press, , 3e éd. (ISBN 978-0-19-175802-7, DOI 10.1093/acref/9780191758027.001.0001/acref-9780191758027-e-528, lire en ligne)
  3. « Britanni ou Bretons », sur Larousse, Éditions Larousse (consulté le )
  4. (en-GB) T. M. Charles-Edwards, Wales and the Britons, 350-1064, Oxford University Press, (ISBN 978-0-19-821731-2, DOI 10.1093/acprof:oso/9780198217312.001.0001, lire en ligne)
  5. Bède le Vénérable les désigne sous le nom de Brettones et les auteurs français contemporains utilisent souvent le terme de Britons pour les distinguer des habitants de la Bretagne Armorique
  6. Simon James, The Atlantic Celts – Ancient People Or Modern Invention, University of Wisconsin Press, .
  7. (en) Iñigo Olalde, Selina Brace […], David Reich, The Beaker phenomenon and the genomic transformation of northwest Europe, nature.com, 555, pages 190–196, 8 mars 2018
  8. (en) B. Schulz Paulsson, « Radiocarbon dates and Bayesian modeling support maritime diffusion model for megaliths in Europe », Proceedings of the National Academy of Sciences,‎ (DOI 10.1073/pnas.1813268116).
  9. (en) Arrival of Beaker folk changed Britain for ever, ancient DNA study shows, theguardian.com, 22 février 2018
  10. Strabon, Géographie, I, 4, 2-3 et II, 5, 8.
  11. (fr) Polybe, Histoire générale, vol. 3, livre XXXIV, p. 251, trad. Félix Bouchot, 1847.
  12. (en) R F Foster (editor) et Donnchadh O Corrain, Professor of Irish History at University College Cork: Prehistoric and Early Christian Ireland, The Oxford History of Ireland, Oxford University Press, , 346 p. (ISBN 978-0-19-280202-6, présentation en ligne)
  13. P. De Bernardo Stempel, (en) « Linguistically Celtic ethnonyms : towards a classification » in : L. García Alonso (ed.), Celtic and Other Languages in Ancient Europe, éd. de l'Université de Salamanque 2008, p. 101-118.
  14. OED s.v. "Briton". See also Online Etymology Dictionary: Briton
  15. (en) « The Avalon Project », Yale Law School (consulté le )
  16. (en) Peter Roberts, Brendon Bradshaw (dir.) et Peter Roberts (dir.), « Tudor Wales, national identity, and British inheritance », Cambridge University Press,‎ , p. 8 (lire en ligne, consulté le )
  17. Modèle:Cite OED
  18. Online Etymology Dictionary: Brythonic
  19. Jules César, Guerre des Gaules, V, 12
  20. Jules César, Commentaires sur la Guerre des Gaules,
    Wikisource : LivreIV, 14

Liens externes