Aller au contenu

Étienne Clavière

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Étienne Clavière
Fonctions
Ministre des Finances
-
Ministre des Finances
-
Député de la Seine
1 -
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 58 ans)
ParisVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activités
Homme politique, banquierVoir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
Parti politique
signature d'Étienne Clavière
Signature

Étienne Clavière, né le à Genève et mort par suicide le dans la prison de la Conciergerie à Paris, est un banquier, homme d'affaires, spéculateur et une personnalité politique de la Révolution française.

Lors de la « Révolution genevoise », en 1782, il fut membre du parti démocratique et prit une part active aux événements, puis s'investit en France dans les grandes spéculations boursières sous Louis XVI (1785).

En 1790 Clavière a fait pression pour que de grandes émissions d'assignats représentant la richesse nationale (biens nationaux) et fonctionnant comme cours légal[1]. Le 1er février 1792, les assignats se déprécièrent de près de 50 %[2]. Les révolutionnaires patriotes imputèrent la dépréciation des assignats à des conspirations étrangères. Clavière tient la coalition d’États pour responsable de l’effondrement de l’assignat.

Le il devint ministre des Finances, jusqu'à sa révocation le , une seconde fois d' dans le ministère girondin jusqu'à leur chute le .

Il est issu d’une famille calviniste. Son père est un gros négociant en toile, originaire du Dauphiné et établi à Genève[3]. Il est un banquier genevois s’occupant de spéculations financières mais aussi de la propagande des idées nouvelles. Il se crée des liens utiles dans le milieu des finances de tous les pays mais aussi dans le milieu des lettres : il côtoie philosophes et écrivains politiques. En décembre 1758 il marie Marthe Louise Garnier[4].

Il est membre du parti démocratique de la petite république genevoise dont il devient un des chefs. Ce parti obtint un grand succès : Jacques Pierre Brissot lui rend visite en juin 1782[5]. Puis l’intervention des troupes de l’État de Berne, soutenu par la France et la Sardaigne, rétablit l’ancien régime politique. Étienne Clavière et une vingtaine de ses compatriotes sont exilés. Il se lie à Neuchâtel avec Brissot et le Comte de Mirabeau, tente de fonder une colonie d'émigrés genevois en Irlande avec le dessein de fonder une « colonie républicaine de fabricants de montres » [6].

Il s'installe à Paris en 1784. Il connaît un exil assez heureux, accumulant une fortune considérable par des spéculations brillantes sur la Caisse d'escompte, la Compagnie des Indes et la Compagnie des Eaux de Paris. Mirabeau, qui s’intéresse à cette dernière, le remarque et en fait son conseiller financier. Associé également avec Talleyrand, il était un des très grands « manieurs d’argent » de l’époque : il réussit des coups de bourse extraordinaires, spécialement sur les fonds de la dette américaine, et s’enrichit encore. En 1785 et 1786, les banquiers d'Amsterdam organisèrent un emprunt pour la France.

En 1787 il a crée à Paris avec Brissot la Société gallo-américaine, et fonde la Compagnie royale d'assurances sur la vie (1788) dont il se fait nommer administrateur-gérant[7]. Clavière recycle ses plus-values dans L'Entreprise de l'Yvette. Le quatuor qui spéculait contre elle (Clavière, Brissot, De Batz et Delessert) crée trois mois après une rivale, la Compagnie d'assurances contre l'incendie[8].

Il collabore avec Charles-Louis Ducrest, le frère de Félicité de Genlis et Brissot, qui s'étaient également rendus à Utrecht (Provinces-Unies) pour étudier la résistance contre Maison d'Orange[9]. Les Patriotes perdaient de l'influence et du territoire et les politiciens français revenaient en septembre, après un recontre avec Abbé Sièyes[10],[11]. En 1788, il fonde une société pour l’achat de terrains aux États-Unis ; il suggère à Brissot de s'y rendre afin d’effectuer les transactions nécessaires. On a décidé d'envoyer ce dernier comme éclaireur d'actifs infiltré à Philadelphie. En même temps, il fonde avec Brissot la Société des amis des Noirs.

En juin 1788, il acquiert de M. et Mme de Chastenoy une belle propriété (le château de Bel-Air) située à Suresnes (ouest de Paris), où il s’installe et vit fort aisément[12],[13]. Il apporte sa collaboration au journal de Mirabeau, Le Courrier de Provence, et se montre hostile envers Jacques Necker[7].

Révolution française

[modifier | modifier le code]

En 1789, devenu membre du Club des jacobins, il fait paraître un ouvrage où il explique comment remédier à la crise financière qui mine la France[14]. Il présente des requêtes à l’Assemblée constituante, rédige des lettres destinées aux ministres et aux députés. Il use de tous les moyens que lui permettent sa situation financière, qui est des plus confortables, pour se montrer à son avantage. En 1791, il est élu député suppléant de l’Assemblée législative par le département de la Seine. En collaboration avec Clavière, Brissot publie: De la France et des États-Unis ou de l'importance de la révolution de l'Amérique pour le bonheur de la France (1791), un important plaidoyer sur les avantages économiques possibles pour la France découlant de la Révolution américaine[15].

Son nom figure sur la liste des ministres girondins que Brissot imposa à Charles François Dumouriez lorsque ce dernier doit désigner les hommes qui composeront son ministère. En , Étienne Clavière se voit remettre le portefeuille des Contributions. Il réussit à convaincre le roi de sanctionner le décret du accordant l’égalité aux blancs et aux hommes de couleur libres, décret qui devint ainsi la loi du . Il contribue aussi auprès de Brissot au choix des commissaires Sonthonax et Polverel pour l’application de la loi à Saint-Domingue[16]

Le 13 juin 1792, il est renvoyé par Louis XVI, pour s’être permis d’écrire au roi une lettre sur un ton peu respectueux de l’autorité royale[17], en même temps que Joseph Servan et Roland. Il est remplacé par Antoine Duranthon. Après la journée du 10 août 1792, il reprend sa place au sein du Conseil exécutif comme ministre des finances. Soupçonné, l'année suivante, d’être un agent de l’étranger, il partage le sort des girondins.

Décrété d’arrestation lors des Journées du 31 mai et du 2 juin 1793, il fait partie des vingt-neuf députés girondins et des deux ministres (Clavière et Lebrun-Tondu) dont l’arrestation est imposée à la Convention par les émeutiers du 2 juin. Toutefois, ils ne sont pas incarcérés, mais assignés à résidence sous la surveillance de gendarmes, tout en conservant leur fonction ministérielle — une situation paradoxale qui ne pouvait perdurer. Sur une motion de Couthon, les deux ministres sont décrétés d’accusation le 9 juin[4]. Le 5 septembre 1793 un décret de la Convention renvoie devant le Tribunal révolutionnaire les deux anciens ministres. Il ne figure cependant pas parmi les 22 inculpés du procès du 24 octobre 1793. Étienne Clavière est épargné le , peut-être bénéficie t-il d’une protection[réf. nécessaire]. Le , il reçoit sa citation à comparaître devant le Tribunal; il se fait peu d’illusion sur l’issue de son procès. Ses camarades de cellule endormis, muni d’un couteau de table qu’il a dissimulé lors de la prise de son repas, il se porte un coup mortel au cœur. Apprenant le suicide de son mari, son épouse s'empoisonne.

Le bilan de ses ministères est désastreux. Il a notamment détourné près de deux millions lors de la liquidation de la Compagnie d'assurance sur la vie, et une somme au moins égale de la Caisse d'escompte. Il est probable qu'une partie importante de ces sommes ont servi à financer des missions occultes à l'étranger, surtout en Angleterre[réf. nécessaire]. Il participe aussi largement aux trafics des barons de Breteuil et de Batz, qui alimentent les caisses des émigrés à partir des fonds publics. Enfin, il faut noter qu'une des plus grosses fabriques de faux assignats de l'époque se trouve près de chez lui à Suresnes.

Notes et références

[modifier | modifier le code]
  1. Whatmore, Richard (1996) "Commerce, Constitutions, and the Manners of a Nation: Etienne Clavière's Revolutionary Political Economy, 1788–1793". Histoire des idées européennes 22.5–6 (1996) : 351–368. Web.
  2. Press in the French Revolution by John Thomas Gilchrist, p. 261
  3. Marcel Dorigny, « Clavière Étienne », dans Jean-René Suratteau et François Gendron (dir.), Dictionnaire historique de la Révolution française, Quadrige/PUF, 2005 (ISBN 978-2-13053-605-5), xlvii, 1132 p., p. 226.
  4. a et b Antonetti, Guy. Les ministres des Finances de la Révolution française au Second Empire (I). Institut de la gestion publique et du développement économique, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2007, https://doi.org/10.4000/books.igpde.850.
  5. Jacques Pierre Brissot, Mémoires, M. F. de Montrol (éd.), Bruxelles, 1830, tome 2, p. 240. Numérisé.
  6. Guy Antonetti, Les ministres des Finances de la Révolution française au Second Empire. Dictionnaire biographique 1790-1814
  7. a et b André Gür: "Clavière, Etienne", in: Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 22.12.2003. Online: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/025651/2003-12-22/, consulté le 13.02.2025.
  8. « Naissance de l'assurance-vie en France », par Jean-Marie Thiveaud, Revue d'économie financière, 1989 [1].
  9. Perroud, C. (1912) Correspondance et papiers de Brissot, p. XLIV, 161.
  10. Mémoires de Brissot / avec introduction, notices et notes par M. de Lescure, p. 407
  11. Jourdan, A. (2007). "The 'alien origins' of the French Revolution: American, Scottish, Genevan, and Dutch influences". Proceedings of the Annual Meeting of the Western Society for French History, 35, 185–205. http://quod.lib.umich.edu/cgi/p/pod/dodidx?c=wsfh;idno=0642292.0035.012
  12. René Sordes, Histoire de Suresnes : Des origines à 1945, Société historique de Suresnes, 1965, p. 301, 305 et 318.
  13. Francis Prévost, Histoires de Suresnes, Suresnes Information, (ISBN 2-9503475-0-9), p. 104-108 et 156.
  14. Mirabeau en fit l’éloge dans un article de son journal Le Courrier de Provence.
  15. Stern, Madeleine B. (1976). "Brissot De Warville and the Franco-American Press". Studies in Bibliography. 29: 362–372. ISSN 0081-7600. JSTOR 40371645.
  16. Jean-Daniel Piquet, L’Émancipation des Noirs dans la révolution française (1789-1795), Paris Karthala, 2002.
  17. Pierre Charles Lecomte, Mémorial, ou Journal historique de la Révolution française, Paris, Duponcet, 1801, t. I, p. 188. Numérisé.

Bibliographie

[modifier | modifier le code]
  • Guy Antonetti, Les ministres des Finances de la Révolution française au Second Empire. Dictionnaire biographique 1790-1814, Paris, CHEEF, 2007, p. 61-97. Notice en ligne.
  • André Encrevé, « Étienne Clavière », in Patrick Cabanel et André Encrevé (dir.), Dictionnaire biographique des protestants français de 1787 à nos jours, tome 1 : A-C, Les Éditions de Paris Max Chaleil, Paris, 2015, p. 693-694 (ISBN 978-2846211901).
  • André Gür, «Etienne Clavière », Dictionnaire historique de la Suisse, en ligne.
  • Pierre-François Pinaud, « Clavière : Ministre des Contributions et revenus publics, agioteur et réformateur », Revue historique, no 586,‎ , p. 361-381 (lire en ligne).
  • Jean Marc Rivier, Etienne Clavière, 1735-1793: un révolutionnaire, ami des Noirs, Panormitis, 2006.

Liens externes

[modifier | modifier le code]