Willy Pelletier
Willy Pelletier est un sociologue français, né le .
Après un engagement anarchiste, il milite au sein des Verts, puis de la Ligue communiste révolutionnaire et anime plusieurs campagnes nationales contre les réformes du droit du travail.
Biographie
Il est, depuis 1998, coordinateur général de la Fondation Copernic lancée pour « mettre à l'endroit ce que le libéralisme fait tourner à l'envers ». Il enseigne à l'université de Picardie et il a co-coordonné l'association Champ libre aux sciences sociales dont il a co-rédigé le manifeste La connaissance libère[1], publié en [2].
Engagements
Il est le petit-fils du résistant du même nom assassiné par la Gestapo. Venu du socialisme libertaire, tendance Proudhon et César de Paepe, il adhère en 1984 à la Fédération anarchiste en créant avec Fernando Bronchal le groupe Buenaventura Durruti tout en restant, la double appartenance y étant autorisé, membre du GAB Groupe Anarchiste de Bordeaux auquel il adhéra en 1980, puis rejoint en 1985 à Lille le groupe Benoît Broutchoux. Il cofonde et coanime de 1986 à 1990, la revue Les Œillets Rouges. Cahiers de réflexions anarchistes[3], puis participe à la direction, chez Les Verts, du courant libertaire Écologie sociale jusqu'en 1997. Il reviendra en sociologue sur cet engagement dans plusieurs articles[4].
« Héritier de l'esprit de résistance », selon L'Humanité[5], de 1995 à 1996, après la « pétition Bourdieu » avec l'historien Jacques Kergoat, Willy Pelletier est parmi ceux qui travaillent à prolonger le mouvement et qui montent, fin , « Les États généraux du mouvement social »[6].
Refusant de voir Les Verts participer au gouvernement de Lionel Jospin, qu'il estime trop libéral, il crée avec Philippe Corcuff, Claire Le Strat et Lilian Mathieu le réseau Sensibilité écologiste, libertaire et radicalement social-démocrate (Sels), qui publie le un manifeste intitulé « Pourquoi nous nous liguons ? ». Il rejoint alors la Ligue communiste révolutionnaire avec une partie de la gauche des Verts. Il sera membre de son bureau politique de 1998 à 2006. Il participe à la Société pour la résistance à l’air du temps, lancée par Daniel Bensaid, puis au lancement, en 2001, de la revue Contretemps. En 1999, il fait partie de la liste Lutte Ouvrière - Ligue Communiste Révolutionnaire, conduite par Arlette Laguiller, pour les élections européennes.
En 1998, continuant Politique-La Revue où ils étaient au comité de rédaction, avec Jacques Kergoat, il met en place la Fondation Copernic[7],[8], dont il assure la coordination générale depuis lors[9]. À ce titre, il a animé plusieurs campagnes nationales contre, notamment, le projet de Refondation sociale du MEDEF[10], contre la réforme Fillon de l'assurance maladie (2003) [11], contre l'intervention américaine en Irak[12](initiative Copernic - Le Mouvement de la paix), contre la taxation des indemnités des accidents du travail)[13], contre la remise en cause du droit à la retraite à 60 ans[14] (initiative Attac-Copernic) et contre le logement cher (DAL-Copernic)[15].
Plus récemment, il a animé des campagnes nationales unitaires « Travailler tue en toute impunité », ainsi que les mobilisations contre les réformes El Khomri et Pénicaud du droit du travail, de même que le collectif Marée Populaire. Il s'est également opposé à l'inégalité sociale introduite par le dispositif Parcoursup[16].
Après les attentats du , il lance la Coalition internationale contre la guerre (CICG) avec Christine Delphy, Catherine Lévy, Daniel Bensaid[17], qui s'oppose à l'intervention sous domination américaine en Afghanistan[18]. En 2012 et en 2017, il a soutenu la candidature de Philippe Poutou à l'élection présidentielle[19] et défend « l'identité de classe »[20]. Mais il milite surtout pour l'union de tous les courants de la gauche[21].
Refusant « l'union sacrée » après l'attentat du Bataclan[22] le , il est parmi les signataires de l'Appel des 58 : « Nous manifesterons pendant l'état d'urgence »[23],[24].
En 2019, il s'est engagé fortement au côté des Gilets jaunes, en participant au mouvement sur les ronds-points[25].
Travaux
Willy Pelletier a, de 1990 à 1996, animé avec, entre autres, Claude Grignon, Stéphane Beaud, Bernard Lahire, Bernard Lacroix, Florence Weber, la revue de sociologie critique Critiques sociales. Il y publie deux articles qui s'en prennent, sur des objets divers, à la pente misérabiliste d'une certaine sociologie[26].
Travaillant par ailleurs sur les « créations institutionnelles », il étudie la mise en place des institutions publiques (par exemple Pôle Emploi et France Telecom[27]) ainsi que la stabilisation des régimes politiques dans La crise de . La construction de la place et de la compétence présidentielle[28].
Il remet en cause les méthodes et préconisations de l'Observatoire de la pauvreté[29]. Puis il analyse les fluctuations des régimes d'indemnisation du chômage dans « L'indemnisation du chômage, une peau de chagrin »[30] puis dans « La nouvelle convention d'assurance-chômage : de la formation au formatage des demandeurs d'emploi »[31] (coécrit avec Didier Gélot et Catherine Lévy). On trouve une prolongation de ces analyses dans plusieurs articles[32] et dans l'ouvrage de la Fondation Copernic de 2003 : Pour un Grenelle de l'Unedic (coécrit avec Claire Villiers et Didier Gélot).
La canonisation libérale de Tocqueville
La canonisation libérale de Tocqueville, écrit avec Claire Le Strat, montre « comment Tocqueville n'existe pas indépendamment des interprétations qui lui confèrent des significations historiquement fort variables ». L'ouvrage prend l'aspect d'une archéologie du sens commun[pas clair] désormais assigné à Tocqueville, finalement promu par Raymond Aron, sociologue démocrate et libéral, au terme d'une importation dans le champ intellectuel français, de la définition de Tocqueville en cours dans les années 1950 aux États-Unis[33],[34].
L'État démantelé
L'État démantelé : enquête sur une contre-révolution silencieuse, procède d'une enquête collective développée sur plusieurs années et codirigée avec Laurent Bonelli. Les différents auteurs exposent comment, depuis 2007, se trouve accéléré un double processus : d'une part, « une compression du périmètre des services publics » (vendus à la découpe au privé ou restructurés par réduction du personnel et des budgets alloués), et d'autre part, « un renforcement d'une véritable caporalisation de l'action publique » (un renforcement des pouvoirs des managers d'État qui, comme jamais, contrôlent et brusquent les agents des services publics). Cette révolution silencieuse prend forme « avec l'arrivée en cabinets ministériels d'une nouvelle élite, d'une noblesse d'État libérale », plus qu'auparavant formée aux recettes du privé (elle cumule souvent passage par Sciences-Po ou l'ENA et passage en Business School), et qui circule entre postes de direction dans l'État et postes de direction dans les entreprises du CAC 40, les banques, les assurances[35].
L'ouvrage analyse les transformations à l'œuvre dans de très nombreux secteurs d'État : privatisations au ministère de la défense, politique du chiffre au ministère de l'Intérieur, compressions dans l'Éducation nationale, la Culture, au ministère de l'agriculture, création de nouvelles structures publiques régies comme des entreprises (Pôle Emploi, etc.), entre autres[36].
Ouvrages
- La canonisation libérale de Tocqueville, en collaboration avec Claire Le Strat, Éditions Syllepse, 2006. [présentation de l'ouvrage par Alain Garrigou], [présentation de l'ouvrage par Yves Déloye]
- L'État démantelé. Enquête sur une contre-révolution silencieuse, coordonné avec Laurent Bonelli, Éditions La Découverte, 2010 [présentation de l'ouvrage par Guillaume Arnould]
- Champ libre aux sciences sociales, La connaissance libère, Édition La Dispute et Le Croquant, 2013.
- Gérard Mauger et Willy Pelletier (dir), Les classes populaires et le FN : explications de vote, Vulaines-sur-Seine, Éditions du Croquant, , 282 p. (ISBN 978-2-36512-101-9), 282 pages, coll. « Savoir/agir ».
- Daniel Gaxie et Willy Pelletier (coord), Que faire des partis politiques ?, Editions du Croquant, 2018, 390 pages.
- Manuel Indocile de Sciences Sociales, coordonné avec Philippe Boursier, Éditions La Découverte, 2019, 1080 pages.
Notes et références
- « Sciences sociales, sciences critiques : “La connaissance libère” », sur Indiscipline !, (consulté le ).
- Sur les circonstances et les fonctions du projet, se référer à l'entretien d'Anna Musso avec Willy Pelletier, « C'est une mobilisation nouvelle qui veut armer les citoyens », L'Humanité, 12 juillet 2013, http://www.champlibre.org/cest-une-mobilisation-nouvelle-qui-veut-armer-les-citoyens/ ; et voir entretien avec Rémi Lenoir et Willy Pelletier, La connaissance pour arme, Politis, 18 juillet 2013 : [1]
- http://www.cira.ch/catalogue/index.php?lvl=notice_display&id=201054
- « Positions sociales et effets d’institutionnalisation chez Les Verts » (Contretemps, no 4, avril 2002) ; « Sociale nature. Représentations de l’écologie et usages sociaux des environnements » (dans Jean-Marie Harribey et Michael Löwy (dir), Capital contre Nature, Paris, PUF, 2003)
- « Willy Pelletier Un « héritier »... de l’esprit de résistance », sur L'Humanité, (consulté le )
- https://www.lesechos.fr/13/11/1996/LesEchos/17271-014-ECH_--etats-generaux-du-mouvement-social---les-23-et-24-novembre.htm et http://www.liberation.fr/france/1996/11/22/relayeurs-du-mouvement-social-un-an-apres-les-etats-generaux-tentent-de-relancer-la-reflexion_187794
- voir Ariane Chemin, La Fondation Copernic veut devenir le creuset de la gauche antilibérale, Le Monde, 13 octobre 1998 : [2]
- Sur l'activité de Willy Pelletier dans ces réseaux, se reporter à Emmanuel Lemieux, Pouvoir Intellectuel. Les nouveaux réseaux, Paris, Denoël, p. 380-390.
- Sur le travail de Willy Pelletier à la Fondation Copernic, voir Alain Beuve-Méry, Un foisonnement de réseaux et de travaux, Le Monde, 11 septembre 2001 : [3] ; et voir Caroline Monnot : La Fondation Copernic continue après le décès de Jacques Kergoat, Le Monde, 12 octobre 1999 : [4]
- voir Jean Magniadas, Willy Pelletier, Yves Salesse, Quand Mr Seillière se déguise, Le Monde, 12 décembre 2000 : [5] ; et voir La Fondation Copernic décortique la nov-langue du MEDEF, Le Monde, 20 juin 2001 : [6] ; et voir Caroline Monnot, La Fondation Copernic dénonce la refondation antisociale du Medef, Le Monde, 29 novembre 2000 : [7]
- Voir Willy Pelletier, La santé n'est pas un business, Le Monde, 12 avril 2012 : [8]
- Arielle Denis, Willy Pelletier, Pierre Tartakowski, Irak : la paix est possible, Libération, 28 janvier 2003 [9]
- Eric Beynel, Charles Hoareau, Noël Mamère, Willy Pelletier, Christiane Taubira, « Impunément travailler tue », Le Monde, 25 septembre 2009, [10]
- Voir Jean-Marie Harribey et Willy Pelletier, La retraite autrement, Libération, 6 septembre 2010 : [11] ; et plus récemment, Olivier Dartigolles, Sandra Demarcq, Gérard Filoche, Willy Pelletier, Retraite : la bourse ou la vie, Libération, 10 juillet 2013 : [12] ; sur l'une des 500 initiatives développées durant cette campagne, voir Sophie de Ravinel, Retraites : la gauche fait front commun, Le Figaro, 7 mai 2010 : [13]
- Josiane Balasko, Jean-Baptiste Eyraud, Willy Pelletier, « Urgence contre le logement cher », Libération, 20 mai 2012 [14] ; et Jean-Baptiste Eyraud, Jacques Gaillot, Albert Jacquard, Willy Pelletier, « Chers logements chers », Libération, 29 septembre 2011 [15]
- « Sélection universitaire : «Pas nés sous la même étoile…» », sur Libération.fr, (consulté le )
- Biographie et hommage de Willy Pelletier à Daniel Bensaid, dans l'Encyclopaedia Universalis [16]
- Daniel Bensaid et Willy Pelletier, « Dieu que ces guerres sont saintes ! », Le Monde, novembre 2001 [17]
- Sandra Demarcq, Alain Krivine, Willy Pelletier, « Qui sème la misère, récolte la colère », Libération, 19 mars 2012 [18]
- « Willy Pelletier : « Une identité de classe » », sur L'Humanité, (consulté le )
- « Appel à l’union de la gauche antilibérale », sur Libération.fr, (consulté le )
- « Le Monde.fr - Actualité à la Une », sur Le Monde.fr (consulté le )
- Collectif, « L'appel des 58 : « Nous manifesterons pendant l'état d'urgence » », Club de Mediapart, (lire en ligne).
- AFP, « État d'urgence : 58 personnalités revendiquent la liberté de manifester », Le Point, (lire en ligne).
- Willy Pelletier, « Les ronds-points ont sauvé la démocratie », sur l'Humanité, (consulté le ).
- En 1991, Willy Pelletier, « Description d'une militance et ethnocentrisme : l'implicite normatif du témoignage d'Anne Tristan », Critiques sociales, no 2, décembre 1991, Racisme et racisme de classe ; et en 1996, Willy Pelletier, « Questionnaire et promotions de soi - Quelques hypothèses autour d'un Merci », Critiques sociales, no 8-9, juin 1996, Usages sociaux de l'entretien sociologique
- voir Laurent Bonelli et Willy Pelletier (dir), L'Etat démantelé, Paris, La Découverte, 2010, chapitre 12 et chapitre 19.
- Dans Bernard Lacroix et Jacques Lagroye (dir,) Le Président de la République. Usages et Genèses d'une institution, 1992, FNSP
- Voir Catherine Lévy et Willy Pelletier, Restez pauvres, on vous observe, Le Monde, 13 juillet 2001
- Willy Pelletier, L'indemnisation du chômage, une peau de chagrin, Les Temps Modernes, novembre 1987, Chômages et chômeurs
- Willy Pelletier, La nouvelle convention d'assurance-chômage : de la formation au formatage des demandeurs d'emploi, Droit social, no 6, juin 2002
- Voir Willy Pelletier, Claire Villiers, Jacques Yon, La double peine des chômeurs, Libération, 8 octobre 2003 ; voir Didier Gélot, Claire Villiers, Willy Pelletier, Retour à l'emploi : plutôt vite que bien, Libération, 16 juillet 2002 ; Robert Crémieux, Catherine Lévy, Willy Pelletier, Évelyne Perrin, Philippe Villechalane, Un grenelle de l'Unedic, Libération, 20 décembre 2001
- recension de l'ouvrage par Louis Pinto dans Gérard Mauger et Louis Pinto, Lire les sciences sociales. Volume 6. 2008-2013, Paris, EMSH, , par Alain Garrigou http://www.monde-diplomatique.fr/2007/03/GRESH/14541
- Yves Déloye, « Claire Le Strat, Willy Pelletier [dir., La canonisation libérale de Tocqueville, Paris, Éditions Syllepse, 2006], Revue d'histoire du XIXe siècle, 35, 2007, p.161-208
- Voir plus récemment Sandra Demarcq, Pierre Khalfa, Francis Parny, Willy Pelletier, Cahuzac, symptôme de la collusion entre monde des affaires et direction de l’État, Le Monde, 5 avril 2013
- Guillaume Arnould, « Laurent Bonelli, Willy Pelletier, Serge Halimi, Collectif, L'Etat démantelé. Enquête sur une révolution silencieuse », Lectures, (lire en ligne).