Uranium naturel graphite gaz
La filière des réacteurs nucléaires à l'uranium naturel graphite gaz (UNGG) est une technologie de réacteur refroidi au gaz, maintenant obsolète et en cours de démantèlement, développée en France dans les années 1950.
Technologie
Cette technologie regroupe les réacteurs nucléaires dont :
- le combustible est de l'uranium naturel sous forme métallique, ce qui est l'avantage majeur de cette filière, les coûteux stades d'enrichissement devenant inutiles.
- le modérateur est du graphite : le combustible est dispersé dans un bloc de graphite sous forme de cartouches de 10 kg. La faible puissance massique apporte une très grande inertie thermique en cas de perte de contrôle du coeur, environ 45 fois plus que pour les REP actuels.
- le refroidissement se fait avec du dioxyde de carbone CO2 gazeux.
Les barres de combustible sont horizontales (verticales pour les centrales de Saint-Laurent-des-Eaux et du Bugey) et gainées d'un alliage de magnésium et de zirconium.
Le tout est dans un caisson en béton précontraint de plusieurs mètres d'épaisseur, qui peut contenir soit tout le circuit de CO2 et son échangeur (cas des centrales de Saint-Laurent-des-Eaux et du Bugey), soit uniquement le cœur du réacteur, le circuit de CO2 sortant alors du caisson pour traverser le générateur de vapeur (Chinon et Marcoule). La faible teneur en isotope fissile de l'uranium naturel conduit à des taux de "combustion" modestes, ce qui nécessite un renouvellement fréquent du combustible, et donc un dispositif de retraitement important.
Ces centrales ont été utilisées pour produire du plutonium pour la fabrication d'armement atomique.
Historique
La filière française des UNGG a été développée conjointement par le CEA et EDF après la Seconde Guerre mondiale, jusqu’à son abandon en 1969 au profit de la filière des réacteurs à eau légère pressurisée (REP) développée ensuite sous licence américaine Westinghouse.
Dans les années 1950 et 1960, neuf réacteurs nucléaires furent construits selon les plans de la filière dite graphite-gaz (voir aussi la liste des réacteurs nucléaires en France). Les trois premiers - les réacteurs G1, G2 et G3 - sont construits par le Commissariat à l'énergie atomique sur le site nucléaire de Marcoule. Puis EDF met en place un programme de 6 réacteurs du même type :
- les réacteurs EDF1, EDF2 et EDF3 à la centrale nucléaire de Chinon
- les réacteurs EDF4 et EDF5 à la centrale nucléaire de Saint-Laurent
- le réacteur Bugey 1 à la centrale nucléaire du Bugey
Cette filière a longtemps été soutenue par le général de Gaulle, qui voulait ainsi assurer à la France son indépendance énergétique et un rayonnement technologique dans le monde. Mais dans les derniers mois de sa présidence, De Gaulle a admis que les centrales nucléaires françaises seraient construites suivant une technologie américaine.
En septembre 1969, Marcel Boiteux, directeur général d'EDF, déclare dans l'Express que son entreprise souhaite réaliser quelques centrales de type américain[1]. Et en novembre 1969, le président Georges Pompidou a définitivement choisi la filière américaine, pour des motifs économiques, mais aussi en raison d'un début de fusion du cœur un mois auparavant, à la Centrale nucléaire de Saint-Laurent, qui utilisait alors cette technologie.
À la fin des années 1960, l'industrie du nucléaire civil emploie plusieurs centaines de personnes en France, notamment au sein des entreprises :
- GAAA (Groupement Atomique Atlantique Alsacienne), créée par les Chantiers de l'Atlantique et la Société alsacienne de constructions mécaniques.
- SOCIA (Société pour l'industrie atomique), fondée par un important groupe d'entreprise dont le groupe Schneider et la Compagnie Générale d'Électricité.
- SOGERCA (Société Générale pour l'Entreprise de Réacteurs et de Centrales Atomiques), créée à égalité par Alstom et la Société alsacienne de participations industrielles (ALSPI).
- Framatome (Société franco-américaine de constructions atomiques) qui travaille à la construction d'un réacteur à eau légère dans la centrale nucléaire de Tihange[2]
Défaillances majeures
Deux accidents nucléaires ont eu lieu en France sur les réacteurs UNGG de la centrale nucléaire de Saint-Laurent en 1969 et 1980, entrainant la fusion d'une partie du cœur de ces réacteurs.
Centrales de cette filière hors de France
- Centrale nucléaire de Vandellos (Espagne), réacteur no 1.
- Centrale nucléaire de Dimona (Israël)
Technologies similaires
Le Royaume-Uni a développé une technologie similaire, appelée Magnox. Par rapport à la technologie française, les barres de combustible sont verticales et gainées d’un alliage magnésium-aluminium.
Les États-Unis ont également développé un réacteur expérimental graphite-gaz appelé Ultra High Temperature Reactor Experiment ((UHTREX)) à cette époque ; mais ce réacteur utilisait de l’uranium enrichi, et de l’hélium comme gaz caloporteur.
Les réacteurs de conception soviétique RBMK (comme ceux de Tchernobyl) utilisent également le graphite comme modérateur, mais utilisent de l’uranium légèrement enrichi refroidi par de l’eau liquide.
Démantèlement
Le démantèlement des centrales nucléaires UNGG (Uranium Naturel Graphite Gaz) génèrera en France environ 23 000 tonnes de déchets radioactifs graphités de faible activité à vie longue[3], en particulier du Carbone-14 de demi-vie supérieure à 5000 ans.
En 2011, 6 réacteurs UNGG français sont en cours de démantèlement dans 3 centrales : Bugey, Saint Laurent, Chinon. Selon l’Autorité de sécurité nucléaire, l’ASN, ces installations de première génération devraient être démantelées par EDF d’ici 2036[4].
Références
- L'Express, 1er septembre 1969
- Le pari nucléaire français, histoire politique des décisions cruciales, par Lionel Taccoen, Editions L'Harmattan (1 novembre 2003)
- http://www.ipnl.in2p3.fr/spip.php?article1389
- http://www.franceculture.fr/emission-science-publique-10-11-quels-problemes-pose-le-demantelement-des-centrales-nucleaires-2011-
Bibliographie
- Gabrielle Hecht, Le rayonnement de la France — Énergie nucléaire et identité nationale après la Seconde Guerre mondiale, Editions Amsterdam, 2014 (2004).