Magicicada

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Cigale périodique

Magicicada est un genre d'insectes hémiptères de la famille des cigales (sous-famille des Cicadettinae, tribu des Lamotialnini (en)), seulement présent dans l'Est de l'Amérique du Nord. Ces insectes, communément appelés cigales périodiques, ont un cycle de vie de — et apparaissent en grand nombre tous les — 13 ou 17 ans selon les espèces.

Étymologie et noms vernaculaires[modifier | modifier le code]

Le nom donné au genre par William T. Davis (en) en 1925[1], Magicicada, est une apocope de l'anglais magic cicada (« cigale magique »).

Le nom vernaculaire en français (cigale périodique) et en anglais (periodic cicada)[a] traduit la périodicité des éclosions observée pour le genre, 13 ans pour les cigales treize-ans (Magicicada tredecim, Magicicada neotredecim, Magicicada tredecassini et Magicicada tredecula), 17 ans pour les cigales dix-sept-ans (Magicicada septendecim et Magicicada septendecula)[3],[4]. Cette longévité de dix-sept ans est le record mondial pour des insectes vivant en milieu naturel[5],[6].

En japonais, « cigale périodique » se dit 周期ゼミ (Shūkizemi?, litt. « Cigale périodique »), mais une autre dénomination courante est 素数ゼミ (Sosūzemi?, litt. « Cigale nombre premier »)[7],[8] en raison du caractère premier des nombres 13 et 17.

Description et cycle vital[modifier | modifier le code]

Dessin en noir et blanc représentant différents stades de la mue d'un insecte ailé.
Mue de Magicicada, du stade nymphal à la forme adulte.
Accéléré (1 image toutes les dix secondes, donnant une vidéo d'une minute pour 4 à 5 heures de temps réel) de la mue d'un magicicada.

Les cigales du genre Magicicada sont généralement rouges et noires, parfois jaunes et noires, et d'une longueur moyenne variant de 30 à 40 mm[3]. Elles sont dotées d'une paire d'yeux rouges[2]. Les femelles possèdent un oviscapte mobile, repliable le long de la partie terminale de leur abdomen en forme de pointe[9].

Les larves vivent enfouies sous terre pendant treize ou dix-sept ans, avant de rejoindre l'air libre par centaines de milliers ou par millions[b] pour effectuer leur mue et se reproduire[3],[4],[11]. L'émergence printanière se déroule après le coucher du soleil. Les mâles précèdent les femelles de quelques jours. La durée de la mue imaginale est de l'ordre d'une heure. La rigidification de l'exosquelette de l'imago nécessite au moins cinq jours d'attente silencieuse[2]. Après leur sortie du sous-sol, les cigales périodiques disposent de quelques semaines de durée de vie pour assurer la continuité de leurs lignées[11],[2].

Contrairement à la plupart des espèces de cigales, les populations de cigales périodiques vivent à l'état larvaire de manière quasi synchronisée, à l'échelle régionale. De ce fait, alors que les formes adultes des autres genres sont présentes chaque année, celles du genre Magicicada ne sont observées dans une zone géographique donnée que tous les treize ou dix-sept ans[9],[11],[2].

Carte prévisionnelle des émergences de cigales périodiques, comté par comté. Service forestier de l'USDA, 2013.

Couvains[modifier | modifier le code]

Les populations de cigales périodiques sont classées en « couvains » définis en fonction de l'année civile où elles émergent, d'extension géographique limitée. En 2014 par exemple, le couvain XXII (cigales 13-ans) a émergé en Louisiane, et le couvain III (17-ans) dans l'Ouest de l'Illinois et l'Est de l'Iowa.

Cette numérotation a été introduite en 1898 par l'entomologiste américain Charles Lester Marlatt (en) : de I à XVII pour les cigales 17-ans (années d'émergence de 1893 à 1909) et de XVIII à XXX pour les 13-ans (1893 à 1905)[12]. Seuls dix-sept de ces trente couvains potentiels ont réellement été observés, et deux d'entre eux sont désormais éteints. Il ne subsiste aujourd'hui que les couvains I à X, XIII et XIV (17-ans) et XIX, XXII et XXIII (13-ans)[13].

Taxonomie[modifier | modifier le code]

Phylogénie[modifier | modifier le code]

La tribu des Lamotialnini (en), qui comporte 19 genres dont Magicicada, est présente dans le monde entier sauf en Amérique du Sud. Bien que Magicicada ne se trouve que dans l'Est de l'Amérique du Nord, ses plus proches parents sont les genres Tryella (en) et Aleeta, uniquement présents en Australie[14]. En Amérique, son parent le plus proche est le genre Chrysolasia, présent au Guatemala[15].

Espèces[modifier | modifier le code]

On connaît sept espèces du genre Magicicada, trois de 17 ans et quatre de 13[16],[1]. Elles se différencient par des motifs visibles de couleurs diverses, leurs chants et la longueur de leur cycle de vie[2],[3].

Chaque espèce de 17 ans présentant de fortes similarités avec une ou deux espèces de 13 ans, les sept espèces sont rassemblées en quatre groupes[17].

Groupe d'espèces Cycle de 17 ans Cycle de 13 ans
Image Nom scientifique Nom vernaculaire Répartition Image Nom scientifique Répartition
Decim M. septendecim
Linné, 1758
Sauterelle 17-ans
Cigale Pharaon
Canada et États-Unis M. tredecim
Walsh et Riley, 1868
Sud-Est des États-Unis
M. neotredecim
Marshall et Cooley, 2000
États-Unis
Cassini M. cassinii
Fisher, 1852
Cigale 17-ans
Cigale périodique naine
États-Unis M. tredecassini
Alexander et Moore, 1962
États-Unis
Decula M. septendecula
Alexander et Moore, 1962
États-Unis M. tredecula
Alexander et Moore, 1962
États-Unis

Distribution[modifier | modifier le code]

Les cigales périodiques se rencontrent dans l'Est des États-Unis, au-delà des Grandes Plaines[2],[7]. Les cigales dix-sept-ans sont majoritairement présentes dans le Nord, les cigales treize-ans dans le Sud et le Middle West[9],[2]. Des populations découvertes en Ontario (Canada) sont considérées comme éteintes[2]. D'autres ont été signalées en 2016 dans la province canadienne du Nouveau-Brunswick[10].

Habitat[modifier | modifier le code]

Les cigales périodiques peuplent les forêts décidues de montagne, à l'est des Grandes Plaines[2].

Adaptation évolutive[modifier | modifier le code]

L'émergence synchronisée des cigales périodiques et un long cycle de vie larvaire correspondent à une stratégie de saturation des prédateurs potentiels. Émergeant en grand nombre, les espèces du genre Magicicada réduisent la probabilité qu'un prédateur ou un parasite soit présent en abondance durant leur période de vie adulte et puisse causer la disparition de toutes les populations de l'hémiptère[11]. Une durée de vie larvaire de 13 ou 17 années, deux nombres premiers, rend plus rare encore la coïncidence d'un pic d'abondance d'un prédateur ou d'un parasite avec l'émergence des cigales[11],[6],[18].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Au singulier, periodical cicada désigne couramment l'espèce Magicicada septendecim[2].
  2. En 2016, dans le Nord-Est des États-Unis et dans la province canadienne du Nouveau-Brunswick, des millions de cigales dix-sept ans sortant de terre, jusqu'à 2 000 individus/m2, ont été observées[10].

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Integrated Taxonomic Information System (ITIS), www.itis.gov, CC0 https://doi.org/10.5066/F7KH0KBK, consulté le 26 juillet 2020
  2. a b c d e f g h i et j (en) John L. Capinera (dir.) et David C. Marshall, Encyclopedia of Entomology, Springer, , 2e éd. (1re éd. 2004), 4346 p. (ISBN 9781402062421 et 1402062427, OCLC 799559035), p. 2785-2794.
  3. a b c et d Patrice Leraut, Les insectes : histoires insolites, Versailles, éditions Quæ, coll. « Carnets de sciences », , 119 p. (ISBN 9782759223527 et 2759223523, OCLC 918866918, BNF 44357487), p. 32-33.
  4. a et b Thierry Lodé, Pourquoi les animaux trichent et se trompent : Les infidélités de l’évolution, Odile Jacob, , 326 p. (ISBN 9782738129741, OCLC 862986569, BNF 43681538), p. 211.
  5. Vincent Albouy, Les insectes ont-ils un cerveau ? : 200 clés pour comprendre les insectes, Versailles, Quae, , 199 p. (ISBN 9782759206421 et 2759206424, OCLC 690294397, BNF 42208772), p. 181.
  6. a et b Simon Singh (trad. de l'anglais par Gerald Messadié), Le Dernier théorème de Fermat : l'histoire de l'énigme qui a défié les plus grands esprits du monde pendant 358 ans [« Fermat's Last Theorem »], Hachette, (1re éd. 1998), 304 p. (ISBN 9782012789210, OCLC 757222127), p. 120-121.
  7. a et b (ja) Asahi shinbun, « 周期ゼミ » [« Cigale périodique »], sur Kotobank,‎ (consulté le ).
  8. (ja) Yu Kotsubo, « 素数ゼミ、221年に1度の交雑確認 大発生の謎に迫る » [« Cigales nombres-premiers : confirmation de croisements tous les 221 ans, éclaircissant le mystère des naissances en masse »], sur Asahi shinbun,‎ (consulté le ).
  9. a b et c (en) David Marshall, John Cooley et Mark O'Brien, « Periodical Cicada Page », sur Musée de zoologie de l'université du Michigan, (consulté le ).
  10. a et b Stéphane Baillargeon, « La cigale caniculaire, inlassable chanteuse des bois », Le Devoir, (consulté le ).
  11. a b c d et e Vincent Albouy, « La Cigale périodique de dix-sept ans », dans Histoires remarquables. Les insectes, Delachaux et Niestlé, , 279 p. (ISBN 9782603021415 et 2603021419, OCLC 909899417, BNF 44316144).
  12. (en) C. L. Marlatt, The Periodical Cicada (Bulletin No. 71 - U.S. Department of Agriculture, Bureau of Entomology), Washington, D.C., United States Government Printing Office, (lire en ligne), https://archive.org/details/periodicalcicad00marlgoog/page/n33 28.
  13. (en) Susan Post, « A Trill of a Lifetime », sur Illinois Natural History Survey (en), (consulté le ).
  14. (en) David C. Marshall, Max Moulds, Kathy B. R. Hill, Benjamin W. Price, Elizabeth J. Wade, Christopher L. Owen et Geert Goemans, « A molecular phylogeny of the cicadas (Hemiptera: Cicadidae) with a review of tribe and subfamily classification », Zootaxa, vol. 4424, no 1,‎ , p. 1–64 (ISSN 1175-5334, DOI 10.11646/zootaxa.4424.1.1, lire en ligne).
  15. (en) Dave says, « Chrysolasia guatemalena (Distant, 1883) », sur Cicada Mania, .
  16. Catalogue of Life Checklist, consulté le 26 juillet 2020
  17. (en) « General Periodical Cicada Information », sur Université du Connecticut (consulté le ).
  18. « La cigale et le nombre premier », Le Temps,‎ (ISSN 1423-3967, lire en ligne, consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Liens externes[modifier | modifier le code]