Les Vitelloni

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Les Vitelloni
Description de cette image, également commentée ci-après
Les Vitelloni au bar.
Titre original I vitelloni
Réalisation Federico Fellini
Scénario Federico Fellini
Tullio Pinelli
Ennio Flaiano
Acteurs principaux
Sociétés de production PEG Film
Cité-Films
Pays de production Drapeau de l'Italie Italie
Drapeau de la France France
Genre Comédie dramatique
Durée 103 minutes
Sortie 1953

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution.

Les Vitelloni (I vitelloni) est un film franco-italien de Federico Fellini, de style proche du néoréalisme italien, sorti en 1953, tourné en noir et blanc, et qui fut aussi commercialisé[réf. nécessaire] en France sous le titre Les Inutiles. Il reçut le Lion d'argent au Festival de Venise en 1953.

Le sujet du film, écrit initialement par Ennio Flaiano, se situe dans la petite ville de Pescara, sa ville natale. Le terme vitelloni[1] est une expression qui était utilisée à Pescara immédiatement après guerre pour désigner les jeunes sans emploi qui passaient leurs journées au bar. Fellini décide de déplacer la localisation du film à Rimini, sa ville natale, il recrée l'univers de sa jeunesse, de ses souvenirs les plus chers et raconte un monde avec un regard nostalgique, sarcastique et mélancolique.

Synopsis[modifier | modifier le code]

Cinq adolescents attardés, déjà âgés d'une trentaine d'années, vivotent aux crochets de leurs parents dans une petite ville italienne du littoral romagnol. Ils n'ont pas commencé à travailler, n'en ont même pas l'intention et ne savent comment donner à leur existence du rêve, de l'aventure voire de l’amour[2]. Tous de profils différents (un tombeur, un ténébreux, un apprenti-écrivain, un ténor de bord de plage, un cynique), ils se rassemblent en bande mais la médiocrité, la frustration, la solitude de leurs conditions et situations ne parviennent pas à disparaître malgré leurs pauvres tentatives illusoires et désespérées d'échapper au quotidien ensemble, et devant le désespoir de leurs parents respectifs. Seule la fuite de leur ville leur permettrait de s'échapper du nid familial petit-bourgeois mais ils ne s'y résolvent pas et parcourent la ville et la nuit, désœuvrés.

Le film suit plus particulièrement l'évolution de Fausto, « chef et guide spirituel » de la bande, dans sa relation avec Sandra [2]: la première scène est la découverte de la grossesse de Sandra (juste après que Fausto, flirtant avec une autre demoiselle, a déclaré : « Sandra ? Qui c'est, Sandra ? »), puis s'ensuit le mariage, et les… difficultés de Fausto pour accepter ses responsabilités d'époux, voire de père. Il semble pourtant qu'à la fin, Fausto, dûment corrigé, rentre dans le rang, aidé par l'amour de l'honnête mais un peu naïve Sandra.

L'autre personnage central, même s'il se maintient toujours en retrait (sauf dans les scènes avec la statue volée) est Moraldo, le seul dont on sent que le rôle de parasite, d'inutile, lui pèse, et dont l'évolution, solitaire et silencieuse, conclura le film.

Personnages[modifier | modifier le code]

  • Moraldo
    Sérieux, rêveur et romantique, il est le frère de Sandra, une jeune fille séduite et mise enceinte par son ami Fausto. Quoique le plus jeune de la bande, il est également le plus mature, et essaie d'aider les autres, en particulier Fausto, à évoluer, sans pour autant se poser en donneur de leçons. Dans la scène finale, Moraldo quitte la ville et, seul de la bande, s'arrache au désœuvrement et à la médiocrité pour tenter sa chance ailleurs. Même s'il n'est pas clair dans le film si Moraldo en est le narrateur (puisque le narrateur parle de Moraldo à la troisième personne, comme de tous les autres personnages), il est clairement le personnage le plus positif de la bande, et le plus sympathique. Il représente Fellini lui-même, qui a déclaré que le film était largement autobiographique, et a laissé un indice dans la dernière scène du film : lorsque le train quitte la gare, c'est la voix du réalisateur qui se substitue à celle de l'acteur pour dire au-revoir à Guido, le jeune employé des chemins de fer, laissant pressentir que Moraldo est enfin devenu Federico, en route vers son destin. Une suite aux Vitelloni, intitulée Moraldo in città (Moraldo dans la ville) a été envisagée par Fellini en 1954, mais il semble que cette idée ne soit pas allée plus loin qu'une ébauche de scénario.
  • Fausto
    Coureur de jupon, lâche et vaniteux, il séduit et engrosse la sœur de Moraldo. Obligé à l'épouser de vive force, il continue à la tromper, jusqu'à tenter de séduire la patronne de la boutique d'objets de piété où son beau-père lui a finalement trouvé un emploi de magasinier[2]. Après avoir poussé sa jeune femme au désespoir, il rentrera dans le rang à la suite d'une correction administrée à coups de ceinturon par son père.
  • Alberto
    Personnage léger, capricieux et émotif. Son affection sans borne pour sa mère, l'attention jalouse qu'il porte à sa sœur, ainsi que quelques scènes équivoques (dont celle du carnaval) font planer sur Alberto un soupçon d'homosexualité refoulée.
  • Leopoldo
    Intellectuel aux ambitions littéraires avouées, écrivain que personne ne lit[2], Leopoldo se trouve au centre d'une des scènes les plus étranges du film. Ayant appris le passage, au théâtre local, d'un acteur célèbre auquel il souhaite présenter son manuscrit, Leopoldo, accompagné de ses amis Vitelloni, le retrouve dans le recoin sordide qui lui sert de loge, puis finit la soirée seul avec lui, pour réaliser que l'intérêt que lui porte le vieux cabot n'a rien de littéraire.
  • Riccardo
    Figure secondaire du quintette, Riccardo est le bon camarade, solidaire et bon vivant, distrayant les autres par ses talents de chanteur et toujours prêt à suivre la dernière mode qu'ils ont adoptée.
  • Sandra
    Sœur de Moraldo, elle sert de fil rouge au scénario. Dans les premières scènes du film, elle s'évanouit pendant un concours de beauté et on découvre vite qu'elle est enceinte et que Fausto est le père de son enfant. L'aveu, le mariage, le départ en voyage de noces et le retour, le ménage et les tromperies de son nouvel époux émaillent le film d'incidents domestiques qui évoquent le carcan des règles provinciales et constituent un repoussoir pour les autres Vitelloni.

Scène culte[modifier | modifier le code]

Alors que Sandra, lassée d'être honteusement trompée, s'est enfuie du domicile conjugal et pourrait bien commettre l'irréparable, les cinq compères se lancent à sa recherche à bord d'une énorme voiture de maître (plus qu'à moitié délabrée et fort gloutonne en essence), une Lancia Dilambda, haut de gamme ostentatoire datant des années 1930.

Alors qu'ils passent au milieu d'un chantier routier, le très inconséquent Alberto, debout derrière le conducteur, ne peut s'empêcher de montrer très ostensiblement son mépris du travail manuel en faisant un bras d'honneur aux cantonniers , accompagné d'une adresse sans équivoque Laaavoratoriii! (travailleurs) suivie d'une onomatopée évoquant un pet. Comme par une manifestation de justice immanente, la voiture (dont le radiateur bouillait depuis un bon moment) tombe en panne cent mètres après le chantier. Les cantonniers, poings en avant, se ruent vers les Vitelloni qui tentent de trouver le salut dans la fuite. Leopoldo, l'« intellectuel » du groupe, tente de les amadouer en disant « qu' il est socialiste »... et reçoit pour ses efforts diplomatiques une série bien ajustée de coups de pied dans le... bas des reins[3]

À elle seule cette séquence résume le statut des personnages du film, des oisifs improductifs, d'autant plus difficilement tolérables que l'Italie se relève de ses ruines après la Seconde Guerre Mondiale et que le miracle économique italien n'en est encore qu'à ses balbutiements.

Fiche technique[modifier | modifier le code]

Distribution[modifier | modifier le code]

Récompenses[modifier | modifier le code]

  • Au Festival de Venise en 1953 : Les Vitelloni reçut le Lion d'argent (le Lion d'or ne fut pas attribué cette année-là). Le « Prix de la meilleure régie » alla à Fellini, et le « Prix du meilleur second-rôle » à Alberto Sordi.
  • En 1955, Les Vitelloni obtint trois prix dans le cadre de l'Étoile de Cristal : le « Prix International » au film lui-même, le « Prix de la Meilleure Actrice Étrangère » à Leonora Ruffo, et le « Prix du Meilleur Acteur Étranger » à Franco Fabrizzi.

Accueil[modifier | modifier le code]

« C’est une œuvre satirique où l’étude des mœurs d’un certain milieu est l’occasion de nombreuses scènes fort drôles et parfois dramatiques (…). Tout cela est fort bien évoqué par le metteur en scène et par les interprètes au premier rang desquels il faut signaler Fabrizi dans le rôle du Don Juan local, et Sordi, dans une composition étonnante (…). Les Vitelloni sont une œuvre intéressante qui ouvre, dans un registre inhabituel, des possibilités nouvelles au sein de l’école néo-réaliste. »

— Armand Monjo, L’Humanité, 08 avril 1954

« Il manquait encore un grand satirique au néo-réalisme, Federico Fellini sera celui-là s’il tient et développe les promesses d’une œuvre déjà aussi accomplie que ses Vitelloni. Son film a le mérite d’ambitionner la densité romanesque. Il ne l’atteint pas toujours, parce que l’arrière-plan (les parents notamment) est un peu trop sommairement esquissé. Le décor est souvent mieux vu que le fonds social proprement dit. Mais l’œuvre reste importante et riche. Saluons donc avec joie la nouvelle gloire de Federico Fellini. »

— Georges Sadoul, Les Lettres françaises, 29 avril 1954

« Nous aurions préféré un peu plus de nerf dans le dessin des personnages et la conduite de l’action. Le réalisateur semble avoir été contaminé par la mollesse et l’aboulie de ses héros. Le film est terne et lent et bourbeux. On ne sait vraiment à qui ou à quoi accrocher son intérêt. »

— Jean de Baroncelli, Le Monde, 28 avril 1954

Autour du film[modifier | modifier le code]

  • La traduction littérale du titre italien serait « Les Gros Veaux », ou bien, au sens premier du terme vitellone, « Les Vieux Veaux », c'est-à-dire ceux qui ont dépassé l'âge d'un an. Dans le film, sous-titré les Inutiles, c'est une façon ironique de nommer la bande d'adolescents attardés, sans but, que sont ces vieux jeunes gens qui ne vivent que des subsides de leurs parents et ne sortent que la nuit à l'abri de la lumière, comme les veaux de lait.
  • Le mot vitellone est passé dans le langage courant en italien : les vitelloni sont des jeunes gens fainéants, excessivement attirés par les femmes et par l'argent.
  • La musique de Nino Rota inclut deux occurrences de la mélodie de la chanson Je cherche après Titine, l'une sifflotée, l'autre jouée par un orchestre lors d'une fête de carnaval.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. En italien, il vitello signifie le veau et il vitellone, le veau à l’engrais, « le gros veau ». Le pluriel de vitellone est vitelloni.
  2. a b c et d Jean-François Rauger, « Six films pour faire “la révolution de l’oisiveté”. “Les Vitelloni” (1953) : le refus de l’âge adulte », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  3. Extrait.

Liens externes[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :