Chancelier de Savoie

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Le chancelier de Savoie, parfois dit grand chancelier, est un grand officier du comté, puis surtout du duché de Savoie, nommé par les princes de Savoie et chargé de l'administration savoyarde. Il ne doit pas être confondu avec le chancelier du conseil comtal.

Histoire[modifier | modifier le code]

Les comtes Humbertiens, devenus de Savoie, dans le contexte de la création d'un État et d'une cour itinérante, ont recours à un personnage, appartenant à l'Hôtel comtal et ayant la responsabilité de la rédaction et du scellement des actes, le chancelier[1],[2]. La première mention d'un chancelier comtal est un certain Mathieu, qui occupe cette fonction auprès du comte Amédée III, en 1129[1],[3]. Un second, Richard, est chancelier du comte Humbert III, vers l'an 1173, puis Maurice en 1189, au début du règne de Thomas Ier[1],[3]. Le rôle du chancelier au cours des XIe – XIIe siècles reste limité[1],[4]. Les comtes font le choix de recourir à des scriptores — une personne qui écrit — pour la rédaction des actes et des sigillatores (garde-scel) pour sceller les expéditions[3]. À la suite de Demotz[4], le médiéviste Nicolas Carrier souligne que « très tôt, le comte semble avoir voulu éviter de confier son sceau (symbole et instrument essentiel de pouvoir) pendant une longue période à la même personne, encore moins à la même famille. »[2]. Ainsi, le comte Thomas Ier supprime l'office — Maurice n'est plus désigné comme chancelier, mais comme rédacteur[1] — et son fils, Pierre II, le confie à un laïc juriste[4]. Pour Bernard Demotz (2000) la disparition du chancelier correspond au désir des comtes d'éviter « l'usage d'un titre qui rappelle trop qu'un archevêque situé hors de leur contrôle porte le titre de chancelier du royaume de Bourgogne. »[1]

L'expansion territoriale au cours du XIIIe siècle implique la mise en place, l'institutionnalisation, d'une organisation territoriale alors que jusqu'à présent les comtes s'appuient principalement sur l'échelon local[4]. La Chancellerie devient un rouage important de cette administration centrale naissante où l'usage de l'écrit et des supports sur des parchemins se développent[1]. Le nombre de secrétaires augmentant, le recours à un supérieur pour superviser l'ensemble devient nécessaire[1].

La charge de Chancelier redevient officielle à partir de l'année 1330[4], le plus précisément[1], sous le règne du comte Aymon, où le chancelier est défini comme le « véritable chef du Conseil et de toute l’administration »[2]. Jean de Méry, un juriste, prend la place occupée jusque-là par des clercs et obtient rapidement la place de « vice-président du Conseil itinérant » ainsi qu'un droit de regard de plus en plus important sur l'ensemble des actes signés et scellés[1]. François Capré de Megève (1620-1706), secrétaire d'État et maître ordinaire en la Chambre des comptes du duc de Savoie, indiquait que le chancelier ne commence formellement à être chef de la justice qu'en 1350[5].

Les Statuts de Savoie de 1430 confirment le rôle du chancelier comme chef du conseil résident ducal[6]. Au cours du règne du duc Emmanuel-Philibert de Savoie, l'office se maintient, demeurant « la principale charge et dignité de l'État », selon Perret[7]. C'est au cours de cette période où il est d'usage de parler de grand chancelier[7]. On observe par ailleurs, que désormais l'office est, depuis le XVe siècle, tenue par des Piémontais[7]. Il faut attendre 1580 pour qu'il passe à nouveau à un Savoyard, Louis Milliet[7].

Avec le transfert de la capitale politique savoyarde de Chambéry à Turin, en 1563, le siège de la Chancellerie est également déplacée, même s'il reste une petite chancellerie à Chambéry[7]. Le président du Sénat de Savoie se substitue au chancelier pour cette partie du duché[7].

Attributions[modifier | modifier le code]

Personnage clef de la Cour savoyarde, acteur majeur dans les décisions tant politiques, diplomatiques que judiciaires, responsable de la Chancellerie, Castelnuovo (2011) considère cet officier comme « L'une des clefs de voûte de l'organisation idéologique et documentaire de la principauté »[8]. Il est le second personnage de l'État[4]. Le chancelier tout comme les officiers auprès du prince sont nommés pour une durée limitée et ils sont révocables[4].

L'historiographe Samuel Guichenon (1660) apportait une définition du rôle du chancelier, citée notamment par l'historien Roger Devos (1985)[9] ou encore le médiéviste Guido Castelnuovo (2011)[8] :

« C'est l'œil du Prince, par lequel il regarde la face de son État ; c'est son oreille, par laquelle il entend les plaintes de ses Sujets ; c'est sa langue qui déclare sa volonté, & prononce les Oracles de ses Édits. »

— Histoire généalogique de la royale maison de Savoie (1660)[10].

Le chancelier acquiert sa dimension de grand officier au cours des XIIIe – XIVe siècles av. J.-C., jusque-là leur pouvoir était limité[4]. Il faut attendre l'année 1330 pour que son rôle acquière une nouvelle dimension, avec le développement de l'usage des sceaux sur les actes en partance de l'Hôtel du prince[4]. Il est désormais « au courant de toutes les affaires ! »[4] Il contrôle tous les actes et il est responsable de l'ensemble des notaires-secrétaires du comte[4]. Il est aussi parfois chargé de diriger le Conseil du comte, voire parfois « de conduire des ambassades importantes et difficiles, et de recevoir les serments des officiers »[4]. Il reçoit ainsi ceux des juges ainsi que des principaux fonctionnaires avant leur entrée en fonction[6].

Si le chancelier possède le sceau, il n'en est pas le seul dépositaire[1]. Le comte possède « depuis longtemps un grand sceau équestre qui comporte au XIIIe siècle, au moins depuis Amédée IV, un revers appelé secret et servant de contre-sceau. »[1] Certains membres de la famille comtale, la comtesse ou encore les frères du comte, ou encore le chancelier du Conseil résident et les juges possèdent également le leur[1].

Chanceliers de Savoie[modifier | modifier le code]

Samuel Guichenon (XVIIe siècle) produit une liste, d'après le Catalogue des chanceliers de Savoie de Louis della Chiesa, du milieu du XIIe siècle à 1658[10]. La liste est complétée par l'apport d'études récentes.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u et v Demotz, 2000, p. 333-338.
  2. a b et c Adm, p. 3, « Les institutions centrales du comté de Savoie : organismes politiques et juridiques (XIe – XVe siècles) » (présentation en ligne).
  3. a b c d et e Perret, 1981, p. 55.
  4. a b c d e f g h i j k et l Bernard Demotz, « Chapitre VIII - L'effort d'organisation administrative », dans Réjane Brondy, Bernard Demotz, Jean-Pierre Leguay, La Savoie de l’an mil à la Réforme, XIe siècle-début XVIe siècle, Rennes, Ouest-France, , 455 p. (ISBN 2-85882-536-X, lire en ligne), p. 149-165.
  5. a b et c Joseph Henri Costa de Beauregard, Mémoires historiques sur la maison royale de Savoie et sur les pays soumis à sa domination depuis le commencement du onzième siècle jusqu'à l'année 1796 inclusivement, enrichis de notes et de tableaux généalogiques et chronologiques (Tome 1), Turin, P.-J. Pic librairie, (lire en ligne), p. 34.
  6. a et b Perret, 1981, p. 56.
  7. a b c d e et f Perret, 1981, p. 72.
  8. a et b Castelnuovo, 2011, p. 215.
  9. Roger Devos, « Girard d'Estrées, chancelier des comtes de Savoie, 1362-1391 », dans Roger Devos, Bernard Grosperrin, Histoire de la Savoie : La Savoie de la Réforme à la Révolution française, Rennes, Ouest France Université, , 566 p., p. 48.
  10. a et b Samuel Guichenon, Histoire généalogique de la royale maison de Savoie, justifiée par titres, fondations de monastères, manuscrits, anciens monuments, histoires et autres preuves authentiques (Volume 1), (lire en ligne), p. 116-117.
  11. Demotz, 2000, p. 407-408.
  12. a et b Bruno Galland, « Les papes d’Avignon et la Maison de Savoie (1309-1409) », Publications de l'École française de Rome, vol. 247,‎ , p. 138 (lire en ligne [PDF], consulté en ).
  13. a b et c Bruno Galland, « Les papes d’Avignon et la Maison de Savoie (1309-1409) », Publications de l'École française de Rome, vol. 247,‎ , p. 423 (lire en ligne [PDF], consulté en ).
  14. Bruno Galland, « Les papes d’Avignon et la Maison de Savoie (1309-1409) », Publications de l'École française de Rome, vol. 247,‎ , p. 103-104, 264 (lire en ligne [PDF], consulté en ).
  15. Castelnuovo, 2011, p. 217.
  16. Bernard Andenmatten, Agostino Paravicini Bagliani, avec la collaboration de Nadia Pollini, Amédée VIII : Félix V, premier duc de Savoie et pape (1383-1451). Actes du colloque international, Ripaille-Lausanne, 23-26 octobre 1990, vol. 103, Bibliothèque historique vaudoise, Lausanne, Fondation Humbert II et Marie José de Savoie, , 523 p., p. 138.
  17. a et b Joseph-Marie Henry, Histoire populaire, religieuse et civile de la Vallée d'Aoste, Imprimerie Valdotaine, , 789 p. (lire en ligne), « Volume 1 », p. 279.
  18. a et b Bruno Galland, « Les papes d’Avignon et la Maison de Savoie (1309-1409) », Publications de l'École française de Rome, vol. 247,‎ , p. 351, 353-354 (lire en ligne [PDF], consulté en ).
  19. Jean-Daniel Morerod, « Guillaume de Challant » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du .
  20. a et b Edmond Révérend Du Mesnil, Armorial historique de Bresse, Bugey, Dombes, Pays de Gex, Valromey et Franc-Lyonnais, d'après les travaux de Guichenon, d'Hozier… (lire en ligne), p. 400-401.
  21. Bruno Galland, « Les papes d’Avignon et la Maison de Savoie (1309-1409) », Publications de l'École française de Rome, vol. 247,‎ , p. 358 (lire en ligne [PDF], consulté en ).
  22. Eugène Burnier (1831-1870), Histoire du Sénat de Savoie et des autres compagnies judiciaires de la même province, 1329-1844, vol. 2, Chambéry, Puthod, 1864-1865 (lire en ligne sur Gallica), p. 82
  23. Jean-Rémy Palanque, Histoire des diocèses de France : (Volume 13), Editions Beauchesne, (ISSN 0336-0539), p. 58.
  24. François Croisollet, Histoire de Rumilly : abrégé chronologique des principaux faits municipaux, militaires, ecclésiastiques et littéraires de la ville de Rumilly (Haute-Savoie), depuis l'époque romaine jusqu'à la fin de l'année 1866, Chambéry, impr. de F. Puthod, , 430 p. (lire en ligne), p. 63.
  25. « Conférence à Aiton. Jean de Ségovie », Travaux de la Société d'histoire et d'archéologie de la province de Maurienne,‎ , p. 35 (lire en ligne).
  26. Claire Martinet, « AntoineChampion » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du .
  27. Pietro Gioffredo et Hervé Barelli (trad. de l'italien), Histoire des Alpes maritimes : une histoire de Nice et des Alpes du sud des origines au 17e siècle (Partie 1), Nice, Éditions Nice Musées, (ISBN 978-2-913548-91-6), p. 542.
  28. (it) Valerio Castronovo, « Cacheran d'Osasco, Ottaviano », dans Enciclopedia Treccani, vol. 16 : Dizionario Biografico degli Italiani, Rome, Istituto dell'Enciclopedia Italiana, (lire en ligne).
  29. (it) Paolo Cozzo, « Provana, Giovanfrancesco », dans Enciclopedia Treccani, vol. 85 : Dizionario Biografico degli Italiani, Rome, Istituto dell'Enciclopedia Italiana, (lire en ligne).
  30. (it) Paolo Castagno, Notizie sulla famiglia Provana, Carignan, Stultifera Navis, , 92 p. (lire en ligne [PDF]), p. 42-43.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Lien externe[modifier | modifier le code]