Ophiocordyceps sinensis
Règne | Fungi |
---|---|
Embranchement | Ascomycota |
Sous-embr. | Pezizomycotina |
Classe | Sordariomycetes |
Sous-classe | Hypocreomycetidae |
Ordre | Hypocreales |
Famille | Ophiocordycipitaceae |
Genre | Ophiocordyceps |
VU A2bcd+3bcd+4bcd : Vulnérable
Ophiocordyceps sinensis (anciennement Cordyceps sinensis) [1], aussi appelé « champignon chenille » ou yarsagumbu (tibétain : དབྱར་རྩྭ་དགུན་འབུ་, Wylie : dbyar rtswa dgun 'bu, littéralement : « herbe l'été, ver l'hiver », parfois également translittéré en yarchagumba ou yartsa gunbou) (chinois : 冬虫夏草 ; pinyin : , hindi यार्चा गुम्बा, népali यार्सा गुम्बा), est une espèce de champignons ascomycètes de la famille des cordycipitacées originaire du Tibet. On le trouve au Bhoutan, en Chine (région autonome du Tibet, Qinghai, dans l'ouest du Sichuan, le sud-ouest du Gansu et le nord-ouest du Yunnan), en Inde (Arunachal Pradesh, Sikkim, Ladakh) et au Népal.
Ophiocordyceps sinensis a été évaluée pour la Liste rouge de l'IUCN en 2019. L’espèce est classée comme « vulnérable »[2].
Nomenclature et étymologie
[modifier | modifier le code]En 1878, le premier descripteur Miles Joseph Berkeley, nomma l’espèce Cordyceps sinensis (Berk.) Sacc., Michelia 1(no. 3): 320[3].
Puis en 2007, G.H. Sung, J.M. Sung, Hywel-Jones & Spatafora, transférèrent l’espèce dans le genre Ophiocordyceps.
Le nom de genre Ophiocordyceps se décompose en ophio.cordy.ceps
- du grec ancien ὄφις, εως (ὁ) ophis « serpent » (Bailly.app)
- du grec ancien κορδύλη, ης (ἡ) [ῡ] kordyli « bosse, massue, tumeur »
- du latin căpŭt, ĭtis, « tête, extrémité » (Gaffiot.fr)
soit au final « serpent à tête en massue ».
L'épithète spécifique sinensis est composé latin récent de sin[o], « Chine », et du suffixe latin -ensis, « qui vit dans, qui habite », donc « originaire de Chine ».
Ce qualificatif a été donné par le mycologue britannique Miles Berkeley en 1878 parce que ce champignon est endémique des habitats alpins (à 3600–5000 m d’altitude) sur le plateau tibétain dans le sud-ouest de la Chine[4].
Le nom chinois dōngchóngxiàcǎo 冬虫夏草 s’analyse morphologiquement comme « hiver – bestiole, été – plante ».
Description et biologie
[modifier | modifier le code]O. sinensis est un parasite des larves de lépidoptères du genre Thitarodes (T. armoricanus, T. oblifurcus et T. varians) [5].
Les chenilles Thitarodes passent l'hiver sous terre et se nourrissent de racines d'arbres et de buissons qui vivent sur les hauts plateaux de l'Himalaya entre 3000 et 5000 m d'altitude. Elles se développent en plusieurs années (jusqu'à 5 ans) et les adultes ont une durée de vie d'environ une semaine. C'est au printemps que la fructification d' O. sinensis s'effectue. Il tue la chenille, la momifie, puis le cordyceps pousse à partir du corps de l'insecte. Il produit des stromas jaune-orangé[5].
À l'extrémité se trouve la partie fertile qui libère des ascospores qui sont susceptibles d'être absorbées par de nouvelles chenilles au cours de leur alimentation. Si cette contamination a lieu, un mycélium se développe en endoparasite dans le corps de la chenille, l'envahissant totalement et finissant par la tuer. C'est à partir de cette masse mycélienne que le stroma s'organise alors, traversant le corps de la chenille du côté de la tête, et apparaissant enfin à la surface du sol, permettant la poursuite de ce cycle parasitaire. L'ensemble - corps de la chenille momifiée et sa tige - fait moins de dix centimètres.
Propriétés
[modifier | modifier le code]Il est connu comme champignon médicinal aphrodisiaque et son utilisation a une longue histoire dans la médecine traditionnelle chinoise ainsi que la médecine traditionnelle tibétaine[6],[7]. Au Tibet, il est utilisé depuis plus de 500 ans comme tonifiant, et pour traiter des personnes présentant certaines affections cardiaques et rénales, ainsi que pour accroître la virilité. Son utilisation en Chine est attestée depuis les années 1730[8].
Au niveau international, la popularité d'O. sinensis date de 1993, où deux athlètes chinoises ont battu trois records du monde de course de fond. Ces sportives s'étaient entraînées en altitude tout en consommant régulièrement des décoctions d' O. sinensis dans le but d'éliminer leur stress[5].
Ophiocordyceps sinensis a des activités pharmacologiques reconnues, de nombreuses publications récentes traitent de ses propriétés. Ce champignon a un large spectre d'action, il agit sur le métabolisme énergétique, a une activité antioxydante, détoxifiante rénale, agit sur le système endocrinien, a un effet vasodilatateur sur le système cardiovasculaire, a été utilisé pour soigner des patients atteints de cancer du poumon, de la gorge et de leucémies, et a un effet immunosuppresseur. Plusieurs produits naturels actifs en ont été extraits comme la cordycépine ou l'ophiocordine[5].
Substrat artificiel
[modifier | modifier le code]Des scientifiques chinois ont pu extraire et cultiver l'hyphe du champignon Ophiocordyceps sinensis après 11 ans de recherche, en produisant un substrat artificiel. Des parties inutiles et isolées du champignon sont retirées pendant la culture[9].
Il est probable que le métabolisme du champignon soit perturbé par sa mise en culture artificielle et que cela induise des modifications quantitative et qualitative sur les molécules actives. Cependant, le mycélium de O. sinensis cultivé aurait une efficacité similaire au sauvage avec une moindre toxicité. L'activité de souches sauvages et cultivées ont été comparées et étaient similaires mais avec une plus grande variation pour les souches cultivées[5].
Malgré le coût 100x moins élevé des mycéliums de culture, les Ophiocordyceps de souches sauvages sont beaucoup plus prisés[5].
Économie
[modifier | modifier le code]Au Tibet, le yartsa gunbou s'est développé pour devenir la source la plus importante de revenus en espèces dans les régions rurales contribuant pour 40 % au revenu annuel des ménages locaux et de 8,5 % du PIB en 2004.
Les prix n'ont cessé d'augmenter, surtout depuis la fin des années 1990. En 2008, un kilogramme se négociait entre 2 500 euros (moins bonne qualité) et 16 000 euros (meilleure qualité, les plus grosses larves). En 2015, il se vendait 20 000 euros[10]. La production annuelle sur le plateau tibétain est estimée de une à deux cents tonnes[5]. La demande est la plus élevée dans les pays comme la Chine, la Thaïlande, la Corée et le Japon.
L'effet d'aubaine que prend dès lors le revenu tiré de sa récolte dans les prairies naturelles[11] crée des désordres sociaux[12] et environnementaux[13]. Sa valeur lui a également donné un rôle dans la guerre civile népalaise, les maoïstes népalais et les forces gouvernementales se sont battus pour le contrôle de ce commerce d'exportation lucratif. La collecte du yarchagumba au Népal a seulement été légalisée en 2001.
-
Magasin de Lanzhou dont le fronton fait de la publicité pour O. sinensis (Dong chong xia cao)
-
Pesée à Gyegu-Yushu, Sud de Qinghai, Chine,
-
Deux alcools d'Orge du Tibet de la province de Qinghai. Celui de droite titre 35 % et contient O. sinensis.
Références taxonomiques
[modifier | modifier le code]- (en) Référence Index Fungorum : Ophiocordyceps sinensis
Références
[modifier | modifier le code]- (en) Sung, G.H., Hywel-Jones, N.L., Sung, J.M., Luangsa-Ard, J.J., Shrestha, B. & Spatafora, J.W., 2007. Stud Mycol. Phylogenetic classification of Cordyceps and the clavicipitaceous fungi. Studies in Mycology, 57 (1), 5-59. DOI Résumé
- Red List IUCN, « Chinese Caterpillar Fungus » (consulté le )
- Kew Mycology (2015), « Species Fungorm > Ophiocordyceps sinensis (Berk.) G.H. Sung, J.M. Sung, Hywel-Jones & Spatafora » (consulté le )
- E.J. Buenz, B.A. Bauer, T.W. Osmundson, T.J. Motley, « The traditional Chinese medicine Cordyceps sinensis and its effects on apoptotic homeostasis », Journal of Ethnopharmacology, vol. 96, nos 1-2, , p. 19-29 (The traditional Chinese medicine Cordyceps sinensis and its effects on apoptotic homeostasis - ScienceDirect)
- L'Insecte médicinal, Roland Lupoli, Ed Ancyrosoma, 05/2010, (ISBN 2953666109)
- Die Pilzzeitung 2007 en ligne (de)
- Daniel Winkler Yartsa Gunbu Ophiocordyceps sinensis (en)
- David Winston, Steven Maimes Adaptogens: Herbs for Strength, Stamina, and Stress Relief, p 151-152
- « Substitute developed for cancer-resisting Tibetan herb », sur xinhuanet.com (consulté le ).
- Ce champignon qui hallucine la Chine L'express, 14 août 2015
- « Le Yarsagumbu, l'or himalayen », sur Franceinfo, (consulté le )
- AFP, « Népal : le «Viagra de l’Himalaya» sème le trouble dans les écoles », sur Libération (consulté le )
- Arnaud P, « La fin des champignons aphrodisiaques de l’Himalaya ? », sur Altitude News, (consulté le )
Annexes
[modifier | modifier le code]- Cet article est partiellement ou en totalité issu de l'article intitulé « Yarsagumbu » (voir la liste des auteurs).