Artillerie portée

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Un canon de 75 porté sur Panhard K13, photographié en 1919.

L'artillerie portée est un type particulier d'artillerie française, apparue pendant la Première Guerre mondiale et également utilisée pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle consiste en le transport de pièces d'artillerie sur des camions.

Historique[modifier | modifier le code]

Première Guerre mondiale[modifier | modifier le code]

En 1915, l'idée est proposée de monter des canons de 75 mm modèle 1897 sur des camions. En effet, les canons de 75, prévus pour la traction hippomobile, ne peuvent rouler à plus de 8 km/h[1]. Les camions testés sont des Saurer type B à deux roues motrices puis des Jeffery Quad à quatre roues motrices[2].

Le , deux batteries (31e et 32e) sont créées au 13e régiment d'artillerie de campagne. Le , elles sont rejointes par 33e batterie, ces trois batteries formant le Ve groupe du 13e RAC le . Un VIe groupe est créé le . Ces deux groupes forment le 213e régiment d'artillerie de campagne portée, premier de ce type d'unités[2].

À partir du , les régiments d'artillerie affectés à l'artillerie de corps d'armée deviennent des régiments d'artillerie portée à trois groupes[2]. En juin 1918, une 5e division est créée dans la réserve générale d'artillerie avec les 18 régiments d'artillerie portée, qui quittent leur rattachement aux corps d'armée. À la fin de la guerre, 34 régiments sont opérationnels et trois en formation[2].

Lors de la guerre, le principal modèle est le Jeffery Quad (et son successeur Nash Quad), ainsi que le Panhard K13 et le Latil TP, renforcés en 1918 par quelques Saurer type B[3].

Entre-deux-guerres[modifier | modifier le code]

Essai d'un tracteur Cletrac H pour la traction d'un canon de 75 au centre d'instruction automobile de Fontainebleau, 1924.

En 1920, l'Armée française expérimente l'emploi de tracteurs agricoles pour améliorer la mobilité des canons de l'artillerie portée. Ces tracteurs doivent être transportés comme les canons sur le plateau de camions. Pour la traction des canons de 75, une dizaine de tracteurs Cletrac sont livrés en 1921, renforcés par plus d'une centaine d'Ara Alpha Prime à partir de 1923. Le Renault HI est adopté pour la traction des canons de 105 long modèle 1913 et 155 court Schneider. L'Armée recourt également au principe de véhicule primé : elle récompense un modèle de tracteur agricole destiné au marché civil afin de disposer d'une quantité suffisante de tracteurs en cas de réquisition[3].

Canon de 75 porté sur un Nash Quad (version améliorée du Jeffery) en 1922.

À partir de 1922, la dotation de camions de l'artillerie portée de 75 est renforcée par des Berliet CBA, plus puissant, recarrossés pour l'emport de canons de 75[3]. À la même date, le camion Pierce-Arrow de 5 t modèle 1918 est adopté pour l'emport du 155 C et le Saurer B pour celui du 105 L[4].

Lors de la réorganisation de 1923-1924, les régiments d'artillerie portée sont renumérotés dans la série 300 à 360. Elle est équipée de canons de 75 (série 300 à 340), de 105 L modèle 1913 (série 350) et de 155 C Schneider (série 360)[5],[4].

Entre 1930 et 1933, les régiments d'artillerie portée de 75 en métropole sont tous transformés en régiments d'artillerie à tracteurs tous-terrains, type Citroën Kégresse, beaucoup plus faciles d'emploi. L'Armée ne compte plus que des régiments d'artillerie lourde portée, à l'exception de quelques canons de 75 portés dans les régiments d'artillerie de région fortifiée et dans les colonies[3].

Seconde Guerre mondiale[modifier | modifier le code]

Dessin d'un Citroën 32 (de) de réquisition utilisé comme porteur de canon de 75, d'après une photographie de mai 1940.

Au début de la Seconde Guerre mondiale, l'artillerie portée est considérée comme dépassée mais reste en service jusqu'à usure complète de ses matériels[4]. Une vingtaine de régiments d'artillerie portée sont recréés à la mobilisation[3]. Équipés de matériels anciens datant souvent de la guerre précédente, les RAP sont complétés par la réquisition de tracteurs agricoles d'origines diverses. Des camions civils sont également modifiés pour emporter des canons ou des tracteurs agricoles sur leur plateau[6].

Elle reste également en service dans les colonies, à l'image du canon utilisé lors de la bataille de Koufra par la colonne Leclerc. L'Armée commande 80 Renault AGR 2 porte-canons et porte-tracteurs pour renforcer l'artillerie portée en outre-mer et peut-être également en métropole[6].

Conscient que l'artillerie portée est dépassée, à cause du temps de mise en batterie des pièces, le commandement militaire lance la transformation des régiments d'artillerie portée en régiments d'artillerie tractée. Les nouveaux tracteurs sont pour partie des tracteurs tous-terrains semi-chenillés (type Unic P107) mais également des camions routiers importés, type Fiat SPA 38 et Studebaker K 25[6].

La transformation n'étant pas complète en mai 1940, les régiments d'artillerie portée participent néanmoins à la bataille de France. Un régiment comme le 304e RAP parvient à rester apte au combat jusqu'à la mi-juin alors qu'il s'oppose à l'avance allemande depuis le avec son matériel ancien[6].

Liste des unités d'artillerie portée[modifier | modifier le code]

Canon de 75 porté sur un Jeffery du 45e RACP le à Orléans.
Défilé d'un Jeffery et d'un Nash du 309e RAP portant des canons de 75 à Strasbourg le .

Références[modifier | modifier le code]

  1. Rémy Scherer, « 1918- ... L'artillerie portée », sur artillerie.asso.fr (consulté le ).
  2. a b c d et e François Vauvillier, « Jeffery et Nash Quad : L'oncle d'Amérique débarque avant l'heure », Guerre, blindés et matériels, Histoire & Collections,‎ , p. 24.
  3. a b c d e f g h i j k l m n o p q et r François Vauvillier et Guy François, « L'artillerie de campagne de 75 portée, 3e partie : En métropole et sur le Rhin », Histoire de guerres, blindés et matériels, no 142,‎ , p. 27-40.
  4. a b et c François Vauvillier et Jean-Michel Touraine, L'automobile sous l'uniforme 1939-40, Massin, (ISBN 2-7072-0197-9), « L'artillerie portée », p. 112-115.
  5. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x y z aa ab ac ad et ae « Regroupement des unités d'artillerie », Revue d'artillerie,‎ , p. 95-101 (lire en ligne).
  6. a b c d e f g h i j k l et m François Vauvillier, Rémy Scherer et Nicolas Palmier, « Les régiments d'artillerie de 75 portée en campagne, 4e partie », Histoire de guerres, blindés et matériels, no 143,‎ , p. 40-54
  7. Historique du 3e régiment d'artillerie coloniale : 1914-1918, Paris, Chapelot, 52 p. (lire en ligne), p. 25.
  8. a b c d e f g h i et j « Parcours et historiques des régiments d'artillerie durant 1914 1918 : N° 1 à 62 », sur chtimiste.com, (consulté le ).
  9. a b et c Historique du 212e régiment d'artillerie de campagne, Bordeaux, V. Cambette, , 46 p. (lire en ligne), p. 46.
  10. a et b Historique du 214e régiment d'artillerie de campagne, Bordeaux, Cambette, , 87 p. (lire en ligne), p. 56.
  11. Historique du 23e régiment d'artillerie coloniale : 1914-1918, Paris, Librairie Chapelot, 19 p. (lire en ligne), p. 9.
  12. a et b Historique des 28e et 228e régiments d'artillerie pendant la guerre 1914-1918, Paris-Nancy-Strasbourg, Berger-Levrault, 48 p. (lire en ligne), p. 33.
  13. a et b Historique du 226e régiment ACP, Paris, Librairie Chapelot, 16 p. (lire en ligne), p. 5, 11.
  14. Historique du 46e régiment d'artillerie de campagne pendant la guerre 1914-1918, Berger-Levrault, 27 p. (lire en ligne), p. 12-13.
  15. a b et c Historique du 272e régiment d'artillerie de campagne, Paris, Henri Charles-Lavauzelle, (lire en ligne), p. 15.
  16. a et b Lieutenant-colonel Perrier, Historique du 53e régiment d'artillerie pendant la Grande Guerre : 2 août 1914-20 janvier 1919, Clermont-Ferrand, Impr. générale de Bussac, , 107 p. (lire en ligne), p. 18.
  17. Pierre Briot, Naissance d'une garnison, (lire en ligne).
  18. a et b Henri Kauffer, « L'artillerie », dans Pierre Guinard, Jean-Claude Devos et Jean Nicot, Inventaire des archives de la Guerre : Série N 1872-1919, vol. 1 : Introduction, guide des sources, bibliographie, Troyes, Imprimerie La Renaissance, (lire en ligne), p. 160-161.
  19. a et b Historique du 203e régiment d'artillerie de campagne : campagne 1914-1919, Carcassonne, Imprimerie Gabellé, 16 p. (lire en ligne), p. 5, 7.
  20. a b c d e f g et h « Parcours et historiques des régiments d'artillerie de campagne et portés durant 14/18 : N° 201 à 279 », sur chtimiste.com, (consulté le ).
  21. Historique du 238e régiment d'artillerie de campagne, Paris, Librairie Chapelot (lire en ligne), p. 8, 18.
  22. a b et c François Vauvillier, « Les tracteurs d'artillerie Citroën-Kégresse », Histoire de guerre, blindés et matériel, Histoire & Collections, no 139,‎ , p. 23-32.
  23. Auguste Édouard Hirschauer, « Annexe 2 : Notice Historique », dans Rapport fait au nom de la Commission de l'armée, chargée d'examiner le projet de loi adopté par la chambre des députés, relatif à la constitution des cadres et effectifs de l'armée, Impressions du Sénat (no 263), (lire en ligne), p. 224-225.
  24. a b c d e et f « Regiments d'Artillerie », sur www.atf40.fr (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]