Ali Jrad

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Ali Jrad
Illustration.
Ali Jrad dans un meeting populaire en 1943.
Fonctions
Secrétaire général du Parti communiste tunisien

(8 ans et 11 mois)
Successeur Mohamed Ennafaa
Biographie
Date de naissance
Lieu de naissance Métouia, Tunisie
Date de décès (à 65 ans)
Lieu de décès Tunis, Tunisie
Nationalité tunisienne
Parti politique Parti communiste tunisien
Diplômé de Université Zitouna
Université communiste des travailleurs d'Orient

Ali Jrad, également orthographié Ali Djerad (arabe : علي جراد), né le à Métouia et mort le à Tunis, est un homme politique tunisien.

Biographie[modifier | modifier le code]

Jeunesse et formation[modifier | modifier le code]

Né le à Métouia, Ali Jrad y vit avec sa mère les six premières années de son enfance avant de l'accompagner pour rejoindre, en 1917, son père qui travaille à Tunis[1]. Il effectue ses études primaires à l'école El Arfania, en obtient le diplôme de fin d'études et intègre l'université Zitouna tout en travaillant au marché central comme marchand, portefaix, ciseleur sur cuivre et ouvrier[2]. Anti-colonialiste et anti-féodal, il participe très vite et très jeune à tous les mouvements étudiants de l'époque (contre les guerres du Rif et de Syrie et contre l'érection de la statue du cardinal Lavigerie aux portes de la médina de Tunis[3]) ainsi qu'au renouveau culturel[4] en se liant avec l'intellectuel Tahar Haddad[5] qui défend l'émancipation de la classe ouvrière et de la femme. Il intègre également le groupe des destouriens révolutionnaires des cellules de Halfaouine et Tronja à Tunis, qui ont le projet de révolutionner la ligne politique de la direction du Destour et qui se solidarisent, contrairement à cette direction, avec la première centrale syndicale tunisienne, la Confédération générale des travailleurs tunisiens de Mohamed Ali El Hammi[6].

Arrêté pour la première fois le , pour distribution d'un tract anti-colonialiste, il est condamné à deux ans de prison et 2 000 francs d'amende pour « atteinte contre les droits et pouvoirs de la République française en Tunisie »[7],[8]. Durant sa détention, il s'initie, grâce à un codétenu communiste[9], au marxisme-léninisme et à la langue française. À sa sortie de prison, il intègre le groupe communiste alors clandestin du fait de la dissolution de la section tunisienne (créée au congrès de et interdite au mois de ) du Parti communiste français (PCF) et participe à la direction du Secours rouge international[10],[11] qui relance l'action des communistes.

Au début de 1933, il part à Moscou pour une formation à l'université communiste des travailleurs d'Orient[12]. Sitôt revenu en Tunisie, participant aux activités communistes, il est arrêté à maintes reprises, en particulier en et le de la même année ; il rejoint alors communistes et destouriens déjà détenus à Bordj le Bœuf, dans le sud de la Tunisie, depuis [13],[14].

Dirigeant communiste[modifier | modifier le code]

Relâchés avec ses camarades avec l'arrivée au pouvoir du Front populaire, Ali Jrad intègre, dès 1936, le secrétariat du Parti communiste tunisien (PCT)[15].

En , il est élu secrétaire général du PCT au congrès constitutif de l'Ariana qui marque l'officialisation de l'indépendance organique du PCT par rapport au PCF. Il fait aussi partie du comité de rédaction de L'Avenir de la Tunisie, l'organe central du PCT, avec Maurice Nisard et Victor Aubert[16].

Dès la dissolution du PCT en 1939, à la suite de la signature du Pacte germano-soviétique[17], il est envoyé en résidence surveillée à Makthar () et s'en évade le pour rejoindre la direction du PCT dans la clandestinité[18],[19]. Il est à nouveau arrêté en avec d'autres militants[20],[21], tous remis en liberté sous leur pression et alors que les troupes allemandes sont aux portes de Tunis à la suite du débarquement allié en Afrique du Nord.

Dans la clandestinité sous l'occupation allemande, Ali Jrad est reconfirmé par la direction clandestine du PCT dans ses fonctions de secrétaire général et participe activement à ses actions anti-hitlériennes. Il écrit en particulier plusieurs articles à ce sujet pour le journal du parti en langue arabe, Ettalia.

Après la libération de la Tunisie des troupes allemandes par les forces alliées et le retour à la légalité du PCT, avec une plus forte implantation au sein des masses populaires et un début d'implantation en milieu paysan, chez les jeunes et chez les femmes[16], Ali Jrad donne une impulsion en faveur d'une « tunisification » du PCT et d'une politique nouvelle qui doit permettre au pays de se relever de la ruine causée par l'occupation allemande et au parti de s'implanter mieux et davantage. Dans ce sens, la direction du PCT adopte dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, en , la priorisation de la lutte pour l'indépendance[22],[23].

En , à la veille du 3e congrès du PCT, Ali Jrad est exclu en raison de son opposition à une nouvelle stratégie de la direction. En effet, sous l'influence de la commission coloniale du PCF et conformément à celle de l'Internationale communiste, la direction du PCT adopte au 3e congrès la stratégie de la lutte contre l'impérialisme américain comme objectif principal, plaçant ainsi, de facto, la lutte contre le colonialisme français en second plan[24]. Interdit d'accéder au congrès du fait de son exclusion un mois auparavant, Ali Jrad ne peut y défendre ses positions devant les congressistes[24]. À la suite de son exclusion du parti, il est remplacé par Mohamed Ennafaa à la direction du PCT.

Exclusion et fin de vie[modifier | modifier le code]

Bien que deux ans plus tard, le PCT rectifie sa stratégie en s'engageant en priorité dans la lutte pour l'indépendance, donnant ainsi raison à la position défendue par Jrad en 1948, celui-ci n'est réhabilité et réintégré qu'en 1957[25]. Il refuse alors toutes responsabilités bien qu'il reprenne quelques activités en tant que militant de base, avant de s'éloigner progressivement du PCT dont il critique la stratégie politique adoptée après l'indépendance en 1956.

Il meurt le à Tunis[2], sans laisser d'autres écrits que quelques notes sur son enfance, son village et les luttes auxquelles il a participé durant sa jeunesse et qui sont intégralement reproduites dans le livre Ali Jrad, communiste tunisien : entre mémoire et histoire publié en 2019 par sa fille Neïla Jrad aux éditions Arabesques (Tunis).

Références[modifier | modifier le code]

  1. Jrad 2019, p. 93 et 110.
  2. a et b « Ali Jrad : un militant orthodoxe », Jeune Afrique, Paris, Société africaine de presse,‎ , p. 7 (lire en ligne).
  3. Jrad 2019, p. 124-129.
  4. Jrad 2019, p. 122.
  5. Jrad 2019, p. 65-76 et 112.
  6. Jrad 2019, p. 103-104 et 122-123.
  7. Jrad 2019, p. 51.
  8. Kraïem 1997, p. 109.
  9. Bien que certains historiens aient cité le nom de Robert Beck pour nommer ce détenu, Ali Jrad lui-même n'en a jamais parlé et il semble que Beck était déjà sorti de prison à l'époque où Jrad a été incarcéré.
  10. Jrad 2019, p. 56.
  11. Ce groupe comprend aussi Hassen Saadaoui et Taïeb Debbab selon Kraïem 1997, p. 136.
  12. Jrad 2019, p. 85.
  13. Jrad 2019, p. 149.
  14. Communistes et destouriens sont arrêtés en septembre 1934 alors que la le territoire se trouve sous le contrôle du nouveau résident général Marcel Peyrouton, envoyé pour maîtriser les troubles sociaux.
  15. Jrad 2019, p. 174.
  16. a et b Marzouki 1993, p. 308.
  17. Sebag 2001, p. 17-19.
  18. Jrad 2019, p. 316-320.
  19. Sebag 2001, p. 26 et 77.
  20. Sebag 2001, p. 77.
  21. Jrad 2019, p. 331.
  22. Raouf Hamza 1994, p. 96-104.
  23. Jrad 2019, p. 378-394 et 429-438.
  24. a et b Jrad 2019, p. 521.
  25. Jrad 2019, p. 496-500.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Hassine Raouf Hamza, Communisme et nationalisme en Tunisie : de la "libération" à l'indépendance, 1943-1956, Tunis, Publications de la faculté des sciences humaines et sociales de Tunis, , 391 p. (ISBN 9973-922-24-7).
  • Neïla Jrad, Ali Jrad, communiste tunisien : entre mémoire et histoire, Tunis, Éditions Arabesques, , 550 p. (ISBN 978-9938-07-367-6).
  • Mustapha Kraïem, « L'exclusion d'Ali Jrad du P.C.T. : à la mémoire d'Ali Jrad », Revue d'histoire maghrébine, nos 87-88,‎ (ISSN 0330-8987).
  • Mustapha Kraïem, Le Parti communiste tunisien pendant la période coloniale, Tunis, Institut supérieur d'histoire du mouvement national, , 369 p. (ISBN 9973-944-02-X).
  • Ilhem Marzouki, Le mouvement des femmes en Tunisie au XXe siècle : féminisme et politique, Paris, Exclusivité pour la France/Maisonneuve et Larose, , 310 p. (ISBN 978-2-7068-1103-6).
  • Paul Sebag, Communistes de Tunisie, 1939-1943 : souvenirs et documents, Paris, L'Harmattan, , 190 p. (ISBN 978-2747-50-888-9).

Liens externes[modifier | modifier le code]