Happy Ending problem
Le happy ending problem, ou happy end problem, est un résultat de géométrie plane sur la relation entre la taille d'un ensemble de points en position générale et la taille de son plus grand sous-ensemble formant un polygone convexe. La formulation générale du problème est la conjecture d'Erdős-Szekeres.
Le problème d'origine, que l'on pourrait traduire par le problème à la fin heureuse, a été appelé ainsi par Paul Erdős parce qu'il a finalement conduit au mariage de deux chercheurs impliqués, George Szekeres et Esther Klein. L'énoncé est le suivant :
Théorème — Tout ensemble de cinq points du plan en position générale[1] contient un sous-ensemble de quatre points qui forment un quadrilatère convexe.
Ce théorème peut être prouvé par une simple analyse par cas : s'il y a quatre points qui sont les sommets de l'enveloppe convexe des points, on choisit quatre de ces points. Sinon, l'enveloppe convexe est un triangle, et ce triangle contient en son intérieur les deux points restants. Dans ce cas, on prend ces deux points intérieurs et un côté du triangle. Peterson 2000 contient une explication illustrée de cette preuve, et Morris et Soltan 2000 donne un survol plus détaillé du problème.
La conjecture d'Erdős-Szekeres formule précisément la relation générale entre le nombre de points d'un ensemble de points en position générale et la taille de son plus grand sous-ensemble formant un polygone convexe. La conjecture n'est pas prouvée, mais des bornes approchées sont connues.
Polygones plus grands
[modifier | modifier le code]Erdős et Szekeres 1935 prouvent la généralisation suivante[2]:
Théorème — Pour tout entier , tout ensemble assez grand de points du plan en position générale contient un sous-ensemble de points qui forment un polygone convexe.
La preuve figure dans le même article qui contient la démonstration du théorème d'Erdős-Szekeres sur les sous-suites monotones de suites de nombres.
Notons le plus petit des entiers tels qu'un ensemble de points en position générale contient un polygone convexe à sommets.
- trivialement ;
- . Ceci est le problème d'origine, résolu par Esther Klein et traité plus haut[2];
- . D'après Erdős et Szekeres 1935, ceci a été prouvé en premier par E. Makai et Pál Turán[2]. La première preuve publiée figure dans Kalbfleisch, Kalbfleisch et Stanton 1970.
La figure montre un ensemble de huit points sans pentagone convexe, ce qui montre que ; la partie difficile de la preuve consiste à prouver que tout ensemble de neuf points en position générale contient les sommets d'un pentagone convexe ; - . Cette égalité a été démontrée dans Szekeres et Peters 2006. La preuve utilise un modèle combinatoire de configuration planes. Trois implémentations différentes de la preuve par ordinateur ont été réalisées, montrant par là que le résultat est facilement reproductible[2].
La valeur de pour est inconnue ; on sait seulement, par le résultat de Erdős et Szekeres 1935 énoncé plus haut, qu'elle est finie[2]. Sur la base des valeurs de connues alors pour , et , Erdős et Szekeres formulent dans leur article la conjecture suivante[2]:
Conjecture d'Erdős-Szekeres — Soit le plus petit des entiers tels qu'un ensemble de points en position générale contient une polygone convexe à sommets. Alors on a
pour .
Ils ont prouvé ultérieurement, dans Erdős et Szekeres 1961 que
par la construction d'exemples[2]. La majoration
pour est due à Tóth et Valtr 2005.
Polygones vides
[modifier | modifier le code]Une variante du problème, proposée par Paul Erdős dans Erdős 1978 est de déterminer si un ensemble de points suffisamment grand en position générale contient un quadrilatère, pentagone, etc. « vide », c'est-à-dire ne contenant pas d'autre point de l'ensemble en son intérieur. On peut modifier la solution du Happy Ending Problem initial pour montrer que cinq points en position générale ont un quadrilatère convexe vide, comme montré dans la première figure, et que dix points contiennent un pentagone convexe vide[3]. Toutefois, il existe des ensembles arbitrairement grands de points en position générale qui ne contiennent pas d'heptagone vide[2],[4].
Pendant longtemps, l'existence d'un hexagone convexe vide est restée ouverte, puis Nicolás 2007 et Gerken 2008 ont prouvé que tout ensemble assez grand de points en position générale contient un hexagone convexe vide[2]. Plus précisément, Gerken a montré que le nombre, traditionnellement noté , de points requis vérifie , avec défini plus haut, alors que Nicolás a montré que . Valtr (2008) simplifie la preuve de Gerken au prix du remplacement de par . Le nombre de points doit être au moins 30 ; en effet, Overmars 2003 donnent un ensemble de 29 point en position générale sans hexagone convexe vide. Koshelev 2007 améliore la borne supérieure, de sorte que l'encadrement de est . En 2024, l'article de Heule et Scheucher 2024 répond finalement à la question en montrant, à l'aide d'un solveur SAT, que .
Problèmes voisins
[modifier | modifier le code]Trouver des ensembles de points qui minimisent le nombre de quadrilatères convexes est équivalent au problème de minimiser le nombre de croisements dans un tracé du graphe complet par segments de droites. Le nombre de quadrilatères est proportionnel à la quatrième puissance de , mais la constante de proportionnalité n'est pas connue[5].
Il est facile de montrer que, dans un espace euclidien de dimension supérieure, des ensembles assez grands de points contiennent toujours points qui forment un polytope convexe, pourvu que soit supérieur à la dimension ; ceci résulte immédiatement de l'existence polygones convexes à sommets dans tout ensemble assez grand de points dans le plan, par une projection de l'ensemble de points de départ dans un quelconque sous-espace de dimension deux. Toutefois, le nombre de points nécessaires pour trouver k points en position convexe peut être inférieur, dans les dimensions plus élevées, que dans le plan, et on peut trouver des sous-ensembles satisfaisant à des contraintes additionnelles. En particulier, en dimension , tout ensemble de points en position générale contient un sous-ensemble de points qui forment un polytope cyclique (en)[6]. Plus généralement, pour tout et pour tout , il existe un entier tel que tout ensemble de points en position générale admet un sous-ensemble de points qui forment un "neighborly polytope" (en), c'est-à-dire tel que tout ensemble de sommets ou moins forme une face[7].
Notes
[modifier | modifier le code]- Dans ce contexte, cela signifie que les points sont deux-à-deux distincts, et que trois points quelconques ne sont pas alignés.
- Jean-Paul Delahaye, « À la recherche de l'ordre caché », Pour la Science, no 553, .
- Harborth 1978.
- Horton 1983.
- Scheinerman et Wilf 1994.
- Grünbaum 2003, Ex. 6.5.6, p. 120. Grünbaum attribue ce résultat à une communication privée de Micha A. Perles.
- Grünbaum 2003, Ex. 7.3.6, p. 126. Ce résultat suit par un argument à la Ramsey similaire à celui employé dans la preuve originale de Szekeres, et du résultat de Perles dans le cas .
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- (en) Fan R. K. Chung et Ronald L. Graham, « Forced convex n-gons in the plane », Discrete Comput. Geom., vol. 19, no 3, , p. 367-371 (DOI 10.1007/PL00009353).
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- (en) Marijn J. H. Heule et Manfred Scheucher, « Happy Ending: An Empty Hexagon in Every Set of 30 Points », Tools and Algorithms for the Construction and Analysis of Systems, Springer-Verlag, vol. 14570, , p. 61-80 (DOI 10.1007/978-3-031-57246-3_5)
Liens externes
[modifier | modifier le code]- Happy ending problem et Ramsey-theoretic proof of the Erdős-Szekeres theorem sur PlanetMath
- (en) Eric W. Weisstein, « Happy End Problem », sur MathWorld
- Pierre-Alain Cherix, Shaula Fiorelli Vilmart et Pierre de la Harpe, « Polygones convexes : le problème de la fin heureuse », sur Images des maths,