Macrons

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Macrons ou Macrones
Image illustrative de l’article Macrons
Localisation des Macrons près de Trébizonde, au sud-ouest du royaume de Colchide.

Période Antiquité
Ethnie caucasienne
Langue(s) kartvélienne
Religion polythéisme
Villes principales Trébizonde (colonie grecque)
Région d'origine Pont
Région actuelle Turquie du Nord-Est
Frontière Pont-Euxin au nord, Alpes pontiques au sud

Les Macrons, Macrones ou Makrones (géorgien : მაკრონები, Makronebi ; grec ancien : Μάκρωνες) sont un peuple antique de la région du Pont, entre les Alpes pontiques et le Pont-Euxin.

Noms[modifier | modifier le code]

Le nom de Macrons peut être relié à celui de Kromni (el) (Κρώμνη, aujourd'hui Yağlıdere en Turquie, au nord-est de Gümüşhane qui a été au XIXe siècle un haut-lieu crypto-chrétien (en)) ; ma- ou mo- est un préfixe kartvélien qui marque souvent la formation d'un ethnonyme à partir d'un nom de lieu[1]. La linguistique caucasienne y a aussi vu la racine kol=kar de Colchide[2].

Dans le Périple du Pseudo-Scylax figurent à cet endroit les grec ancien : Μακροκέφαλοι : Makroképhaloi (« grosses têtes »[3]), peut-être un sobriquet des Macrons[4],[5]. Le Circuit de la Terre du pseudo-Scymnos[6] comme le Périple apocryphe du Pont-Euxin (es) font explicitement des synonymes de ces deux noms[4].

Le nom de Machelons peut désigner soit des voisins étroitement liés aux Macrons, soit les Macrons eux-mêmes[7].

Histoire[modifier | modifier le code]

Les Macrons font l'objet de nombreuses références dans les récits classiques[8]. Venant après Hécatée de Milet[5], Hérodote (vers 450 av. J.-C.) dit d'eux que, inclus sous Darius Ier dans la 19e satrapie[9], comme leurs voisins les Mosches, Tibarènes (en), Mosynèques et Marres (en), ils payaient tribut à l'Empire achéménide ; qu'ils ont combattu sous Xerxès Ier[1] et qu'ils pratiquaient la circoncision, signe d'une influence colchidienne[9].

Xénophon (430-355 av. J.-C.) situe leur territoire entre le mont Techès (en), à l'est, et les abords de Trébizonde (Trabzon en Turquie moderne)[1]. Le pseudo-Scylax et Strabon confirment une position dans l'arrière-pays de cette colonie grecque ; en revanche, Hécatée et, sans doute à sa suite, Apollonios de Rhodes et Denys le Périégète, ainsi que Pline l'Ancien, quoique de façon confuse, ou encore l'auteur du Périple apocryphe du Pont-Euxin, qui suit artificiellement Arrien[5], placent les Macrons plus à l'ouest, entre Trébizonde et Kérassonte[4]. Ces variations se mêlent à celles des limites données à la Colchide, que Xénophon étend vers le sud-ouest jusqu'à cette région[1] tandis que le pseudo-Scylax la cantonne à peu près au bassin du Phase[10].

Les Macrons sur une carte du voyage des Argonautes d'Abraham Ortelius (1624).

Strabon écrit que les populations anciennement appelées Macrons portent, à son époque (à l'approche du Ier siècle), le nom de Sanni[1], alors que Pline les mentionne comme deux peuples distincts[9]. Cette identification, reprise par Étienne de Byzance (VIe siècle), combinée à l'affirmation de Procope de Césarée qui fait de Sanoi l'ancien nom des Tzanniens, permet de relier ceux-ci aux Macrons[1].

Les kartvélologues modernes considèrent souvent les Macrons, avec leurs voisins les Chalybes, Mosynèques, Tibarènes ou Leucosyriens (en), comme une population aborigène dont la présence dans le Nord-Est de l'Anatolie aurait précédé celle des Hittites ; les noms énumérés par Hérodote renverraient à des peuples caucasiens de langues kartvéliennes qui auraient survécu à la disparition de l'Urartu[1] et dont descendraient les Zanes, ethnie géorgienne de l'actuelle Turquie[11]. La mention des Macrons parmi les Pélasges, tirée du scholiaste d'Apollonios de Rhodes, est invoquée à l'appui d'une hypothèse kartvélienne de déchiffrement du linéaire A[12].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e f et g (en) Giorgi Leon Kavtaradze, « An Attempt to Interpret Some Anatolian and Caucasian Ethnonyms of the Classical Sources », Sprache und Kultur, Staatliche Ilia Tschawtschawadse Universität Tbilisi für Sprache und Kultur. Institut zur Erforschung des westlichen Denkens, vol. 3,‎ , p. 68–83 (lire en ligne [PDF]).
  2. Alexandre Baschmakoff, « La synthèse des Périples pontiques, instrument de précision de la paléo-ethnologie pontique » () (lire en ligne)
    XVIe Congrès international d'anthropologie et d'archéologie préhistorique : VIe assemblée générale de l'Institut international d'anthropologie (Bruxelles, 1-8 septembre 1935)
    « (ibid.) », dans (ibid.), Imprimerie médicale et scientifique, p. 689-694
    .
  3. (de) Iris von Bredow (Bietigheim-Bissingen), « Makrokephaloi », dans Der Neue Pauly, (lire en ligne).
  4. a b et c Counillon 2019, « Makrokephaloi ».
  5. a b et c Marcotte 2000, p. 144, note 21.
  6. Franck Wojan, « Kérasonte du Pont sous l'Empire romain : étude historique et corpus monétaire », Revue Numismatique, vol. 6, no 159,‎ , p. 257–290 (DOI 10.3406/numi.2003.2515, lire en ligne).
  7. Counillon 2019, « La valeur agricole ».
  8. Hécatée, fragm. 191 ; Hérodote, II - 104, III - 94, VII - 78 ; Xénophon, Anabase, IV - 8 ; V - 5, § 18 ; VII - 8, § 25 ; Pseudo-Scylax, § 85 ; Apollonios de Rhodes, I, 1023-1024 ; II, 392 ; Pseudo-Scymnos, fragm. 21 ; Strabon, XII - 3, § 18 ; Pline, VI - 4 ; Denys le Périégète, 766 ; Étienne de Byzance, Les Ethniques, § M429.5 ; Eux. (es), 9r34.
  9. a b et c (de) Iris von Bredow (Bietigheim-Bissingen), « Makrones », dans Der Neue Pauly, (lire en ligne).
  10. Counillon 2019, « La Colchide ».
  11. Salia 1980, p. 28.
  12. (en) Gia Kvashilava « On Decipherment of the Inscriptions of Linear A in the Common Kartvelian Language » () (lire en ligne) [PDF]
    Academic International Conference on Social Sciences and Humanities (University of Cambridge, Newnham College, Cambridge, Royaume-Uni, 22-24 mai 2017)
    « (ibid.) », dans AICSSH 2017 (Cambridge) Conference Proceedings (ISBN 978-1-911185-25-3), p. 65-73
    .

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Patrick Counillon, Pseudo-Skylax : le périple du Pont-Euxin : Texte, traduction, commentaire philologique et historique, Ausonius Éditions, coll. « Scripta Antiqua », (ISBN 978-2-35613-291-8, lire en ligne), chap. 4 (« Analyse du périple pontique »), p. 70–134.
  • Didier Marcotte, Les Géographes grecs, t. I : Introduction générale. Pseudo-Scymnos, Circuit de la terre, Paris, Les Belles Lettres, (ISBN 2-251-00487-4, lire en ligne [PDF]).
  • Kalistrat Salia, Histoire de la nation géorgienne, Paris, Nino Salia, (présentation en ligne).