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Jacques Henriot
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Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 96 ans)
MentonVoir et modifier les données sur Wikidata
Nom de naissance
Jacques Jean HenriotVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Formation
Activité
Œuvres principales
  • Le Jeu, (1969)
  • "Sous Couleur de Jouer", (1989)

Jacques Henriot est un philosophe, chercheur et auteur français, né le à Saint-Mandé et mort le à Menton (Alpes-Maritimes). Il a fondé le DESS sciences des jeux à l'Université Sorbonne Paris Nord en 1981.[1]

Biographie[modifier | modifier le code]

Henriot a fait ses études de philosophie à l'École normale supérieure de Saint-Cloud, il y obtenu l'agrégation de philosophie en 1949.[2]

En 1981, il fonde le DESS sciences des jeux à l'Université Sorbonne Paris Nord.

En 1984, il participe en tant qu'intervenant dans le court métrage documentaire Le joueur et son jouet[3], réalisé par Raoul Rossi et produit par SFRS-CERIMES.

Experice[modifier | modifier le code]

Entre 1990 et 1996[4], avec d'autres chercheurs, ils fondent à Paris 8 le centre de recherche EXPERICE.

Le centre de recherches se concentre autour de la thématique de l'apprentissage et de l'éducation hors de l'école. Les recherches se portent sur les enfants mais aussi les adultes. En ne s'intéressant pas sur ce qui prend la forme scolaire, le centre pense à la cohérence globale des activités non-scolaire.

Thème de son Œuvre[modifier | modifier le code]

La majorité du travail de Jacques Henriot se base sur le jeu, le jouet et son joueur.

Étude phénoménologique du Jeu[modifier | modifier le code]

Pour Jacques Henriot un « jouer » n’est jamais insignifiant ni « gratuit » ; il suppose un joueur responsable, garant de ce qu'il fait et des conséquences éventuelles de son acte.

Il a commencé par prendre pour objet d'analyse la notion d'obligation : elle semble à première vue diamétralement opposée à l'idée que l’on se fait de ce que c’est que « jouer », cherchant à savoir si l’on peut réellement se considérer comme « obligé » alors que l’on ne fait que subir une contrainte venue d’ailleurs, imposée du dehors, ou s'il ne fallait pas d'abord y consentir pour pouvoir se dire obligé.

Jacques Henriot passât alors de la considération d'une psychologie du jouer à celle d'une phénoménologie du jouant pris comme symbole de l’existentiel : « Le tournant, s'il m’est permis d'en juger, se situe approximativement entre La condition volontaire, où je tentais de mettre au jour l’ambiguïté d'une approche purement phénoménologique de la conduite ludique. »

Pour Jaques Henriot parler de « jeu », c'est parler de quelque chose dont « on » se fait l'idée, en donnant la parole à ce « on » auquel on tend à s’identifier et dont on se sent proche parent. Puis, à la suite des précédentes approches du jeu selon une approche purement phénoménologique, Jacques Henriot décidât d’étudier une approche socio-culturelle du phénomène « jeu » il en est donc venu à participer à la création et au développement du centre de recherche de l'Université Paris Nord[5]

L’évolution de la perception du jouet par le joueur selon Henriot[modifier | modifier le code]

D’après Henriot, le jeu / jouet est un concept d’adulte. En effet un enfant, en bas âge, ne peut pas déterminer si un objet est un jouet car l’enfant n’a pas le comportement d’un joueur. Dans la vidéo « Le joueur et son jouet », Henriot fait la conjecture que tant que l’enfant n’a pas la notion de jeu, l’objet qu’il manipule ne peut pas être considéré comme un jouet, c’est en grandissant que l’enfant va commencer à sélectionner les objets, qui pour lui, peuvent se prêter à son jeu : Il cherche un objet pour jouer. La découverte du jouet, qui ne fait qu’un avec la découverte par le joueur avec son propre pouvoir de jouer, est avant tout la découverte d’une signification, c’est alors qu’une approche interrogative et hésitante de l’objet se présente. A ce moment, le joueur ne semble pas encore savoir comment s’en servir. ‘’Un enfant n’utilise pas forcément un jouet comme il faut, le « comme il faut » est une idée d’adulte. Ce qui fait un jouet c’est ce que l’on en fait’’. Il est dit que ‘’le jeu c’est la liberté, la liberté c’est de pouvoir faire autrement.’’ Jacques Henriot se pose ensuite la question suivante : ‘’Donc comment s’y prendre pour que la possibilité de jouer autrement soit induite par le jouet lui-même ?’’. La solution ne réside pas dans l’intégration des possibles, mais dans l’ouverture de l’objet sur les possibles. La fonction de jouet, le coefficient de jouabilité d’un objet quelconque, tient aux possibilités de jeu qu’il offre. Un grand nombre de jouets sont dits « uni-fonctionnels », ils ne peuvent être utilisés que pour la fonction pour laquelle ils ont été créés. Il en découle que l’utilisation de l’objet est induite par sa forme et sa matérialité (exemple : la toupie, ronde avec une pointe). Ainsi, s’il y a uni-fonctionnalité, il a plurifonctionnalité. La plurifonctionnalité d’un jouet peut s’exprimer de 2 manières différentes :

  • Créé par le joueur lorsqu’il utilise l’objet (exemple : un ballon)
  • Induite par le design de l’objet (exemple : téléphone Fisher Price -> Téléphone et jouet à roulettes)

L’ajout du numérique dans le jeu a eu un effet désinfantilisant. C’est ici que s’introduit le passage du jeu avec partenaire réel au jeu avec partenaire fictif. ‘’Le jouet n’est donc plus la chose avec quoi on joue mais, le médiateur d’une double action réciproque.’’ ‘’Il devient un autre, pas tout à fait quelqu’un, mais à coup sur quelque chose.’’ Pour Henriot le mot jouet semble devenu trop petit pour ce qu’il désigne. Le jouet évolue de plus en plus vers un statut d’intermédiaire fonctionnel, de médiateur technique entre le joueur et son jeu. Le dernier mot appartient au joueur qui enfin de compte fait ce qu’il veut du jouet, c’est le joueur qui par son jeu, fait le jouet. Il est donc dit que tant qu’il y aura des joueurs il y aura des jouets.

Le Jeu[modifier | modifier le code]

Si le jeu est un fait, il s’agit :

  • D’établir ce fait, autrement dit : d’énumérer ses caractères objectifs et de définir les conditions dans lesquelles il est permis de l’identifier.
  • D’en classer les formes. Il y a des jeux, qui sont façons différentes de jouer : il faut découvrir ou introduire dans cette multiplicité un principe d’ordre.
  • De l’expliquer : recherche de ses causes, formulation de ses lois, détermination de sa fonction.

La question de la réalité objective ou de l’évidence du jeu considéré comme type de comportement ne devrait-elle pas être primordiale ? Deux tentations :

  • La première est de se laisser fasciner par son objet au point de voir le jeu en tout et partout.
  • La seconde, d’adopter une attitude méthodologique telle qu’il ne soit plus possible de découvrir de jeu nulle part.

Tout est Jeu[modifier | modifier le code]

Le jeu est plus ancien que la culture. Toute forme d’activité peut être considérée sous l’angle du jeu. « Que sommes-nous donc si nous avons l’obligation constante de nous faire être ce que nous sommes ? » La réponse surgit immédiatement : exister, c’est d’abord jouer. Si le garçon de café « joue à être garçon de café », il semble normal de penser qu’il joue sans le savoir. De même, dans la perspective tracée par Huizinga, le poète, l’artiste, le guerrier, le juriste agissent en prenant au sérieux ce qu’ils font, sans en percevoir le caractère ludique. Mais « peut-on jouer sans savoir qu’on joue ? La conscience de jouer ne fait-elle pas partie intégrante de l’acte de jouer ? Un jeu dont on n’est pas conscient n’est pas un jeu. » Peut-être est-ce d’ailleurs cette dialectique qui compose l’essence même du jeu, car s’il est juste de dire qu’un jeu dont personne n’est conscient n’est pas un jeu, il convient d’affirmer à l’opposé « qu’un jeu dont on est conscient n’est plus un jeu. » Une seconde objection peut être adressée aux auteurs qui font du jeu l’essence même de l’existence : si tout est jeu, rien n’est jeu. Au sein du jeu pris comme phénomène total. Henriot se pose donc la question suivante : Comment discerner le jeu « proprement dit » ? Y-a-t-il encore quelque chose qui mérite le nom de jeu ?

Rien n’est Jeu[modifier | modifier le code]

Rien n’est jeu dans la nature, puisque tout est déterminé. « Non seulement rien n’est jeu, mais le type même de comportement de jeu ne possède pas de signification réellement ludique : rien n’est jeu, pas même le jeu. » Le jeu et le jouet, le jeu qui s’élabore à partir du jouet et prend appui sur lui, mais sans lequel en retour le jouet n’aurait pas sens et valeur de jouet, puisqu’il n’est rien en dehors de l’usage qu’en fait le joueur. Le jeu est un langage qu’il s’agit de déchiffrer ; ce langage est analogue à celui du rêve ; il est un mode indirect de résolution du conflit plus ou moins angoissant qui se développe dans l’inconscient du sujet. Il y a dans le jeu une structure, jouer, c’est faire quelque chose d’une certaine façon, et un sens, ne serait-ce que le plaisir qu’y trouve le joueur, même si ce plaisir se découvre dans certains cas « au-delà du principe de plaisir » sous la forme d’un plaisir dérivé ou second. Le jeu apparaît comme un mode d’expression. Le joueur exprime ce qu’il porte au fond de lui, ce qui le gêne ou l’obsède. Il s’en délivre ainsi plus ou moins ; le jeu purge et purifie : il a une valeur cathartique.

Trois Niveaux[modifier | modifier le code]

Le jeu est, en un premier sens, ce à quoi joue celui qui joue. Structuré, plus ou moins nécessairement codifié, il s’offre sous la forme d’un système de règle traçant pour le joueur le schéma d’une conduite hypothétiquement obligatoire. En second sens, le jeu peut être conçu comme ce que fait celui qui joue. Lorsqu’un sujet s’adonne à un jeu déterminé, le jeu consiste aussi pour lui dans l’acte même de jouer. Cette forme de conduite peut se manifester en dehors de toute structure ludique constituée. L’analyse du phénomène « jeu » doit donc s’étager sur trois niveaux : A un premier niveau, il faudra considérer d’un point de vue objectif, le jeu comme structure constituée. A un second niveau, il faudra s’attacher à la recherche du facteur commun à ces différents actes de jouer. Avant d’être structure, le jeu est idée. En dernier lieu, partir d’une psychologie objective du jeu considéré comme forme de comportement.

Des choses nommées jeux[modifier | modifier le code]

Pour l’observateur qui voit les choses du dehors, le jeu est d’abord ce à quoi joue celui qui joue. Considérer comme forme de comportement, le jeu présente deux types de structurations. Il se pratique quelque part, occupe une certaine place, se déroule suivant des schémas spatiaux plus ou moins rigoureusement tracés. Mais cette structuration spatiale se double d’une structuration temporelle. Tout jeu se compose d’une suite organisée d’éléments ou d’actes qui doivent être exécutés selon un ordre : ‘’on ne joue pas n’importe comment.’’ Cet acte de dénomination est fondamental : c’est lui qui, décidant du caractère ludique de l’activité, attribue au jeu son statut de jeu. Le statut de jeu est accordé par le groupe à une forme d’activité déterminée présentant des caractères matériellement définissables. 1/ il est possible qu’il y ait une variation dans le statut des formes d’activité considérées. Cette variation s’observe suivant les temps (évolution) ou les lieux (diversité) ce qui est jeu ici peut ne pas l’être ailleurs. Ce qui est jeu quelque part, à une certaine époque, peut n’avoir pas été jeu (en un autre temps) ou n’être pas jeu (en un autre lieu). 2/ Il est possible de rencontrer des statuts mixtes. Certaines formes d’activité peuvent participer à des dénominations hétérogènes. Sur la détermination de leur statut, l’accord des membres du groupe n’est pas unanime. Soit un premier exemple : celui de la distinction à établir entre jeu et travail. L’écolier apprend très tôt que l’on travaille en classe, durant les heures réglementaires, et que l’on joue dans la cour de l’école pendant la récréation. S’il est adopté une méthodes pédagogique telle que le travail obligatoire se présente à l’élève sous l’aspect d’un jeu, comme c’est le cas avec les méthodes que l’on appelle « actives », faut-il dire que l’écolier travaille ou bien qu’il joue ?

L’enfant est par définition, « un être qui joue, et rien d’autre ». Le jeu s’oppose au travail comme l’état d’enfance à l’état adulte. L’enfant peut-il faire autre chose que jouer. Lui est-il permis de « travailler » à sa guise ? Que ferait-il s’il était livré à lui-même ? ‘’Il est possible d’établir, toujours d’un point de vue objectif, la différence entre jeu et sport. Le billard, le patinage, le tir à l’arc, le tennis, la natation, le golf sont-ils des jeux ? sont-ils des sports ? ‘’ Le sport impliquerait d’abord la lutte et la tentative de réalisation d’une performance ; il s’appuierait d’autre part sur une réglementation précise permettant une confrontation dans des conditions identiques. La transition du jeu au sport se marquerait ainsi par le passage de la règle au règlement, par la substitution de compétitions organisées aux simples rencontres occasionnelles. Mais il y a des championnats d’échec : le jeu d’échecs est-il pour autant un sport ?

Henriot induit pour la seconde fois cette hypothèse que le jeu n’est pas dans la chose, mais dans l’usage qu’on en fait. Prise en elle-même la natation n’est qu’un moyen de locomotion : il est possible de s’en servir par jeu, la pratiquer de façon sportive, en faire l’instrument d’un travail. Non seulement les règles permettent de définir et d’identifier le jeu, mais ce sont elles qui le constituent : le jeu n’est rien en dehors des règles. Si elles étaient modifiées, il serait différent : se serait un autre jeu. Dans un jeu, quel qu’il soit, il faut d’abord faire ceci, ensuite cela ; nul n’a le droit de revenir en arrière, excepté dans des conditions précisément déterminées, qui constituent les éléments d’une progression dans le déroulement du jeu. L’irréversibilité du jeu constitue peut-être son caractère le plus important, puisque c’est par là qu’il prend forme dramatique. Cette asymétrie découle « de la contingence des évènement » ceux-ci relevant, selon Levi Strauss, « de l’intention, du hasard ou du talent ». A cette description, on peut sans doute reprocher de ne pas distinguer plus explicitement le jeu (Game) à quoi jouent les joueurs, du jeu (Play) qu’ils jouent lorsqu’ils s’engagent dans l’aventure. Pris en tant que chose, le jeu peut être défini comme un système de règles, mais le jouer, qui donne vie à cette abstraction, relève d’une entreprise. C’est lui et non le « jeu » au sens de Game, qui « produit des évènements à partir d’une structure ». Cela amène à définir le jeu, de ce point de vue, comme une structure par essence temporelle. Il en est de même pour le jeu, pris sous sa forme structurale : un jeu est une structure fermée, mais temporelle. C’est le fait que tout jeu se présente, en tant que structure, comme le schéma d’un « quelque chose » qui commence, se poursuit et s’achève, et dont les éléments ne pourraient se succéder dans un ordre différent. Tout jeu est le dessin d’une aventure possible.

Ébauche de l’analyse de la structure diachronique du jeu[modifier | modifier le code]

Elle s’organise dans un temps théorique (abstrait). D’un point de vue objectif, ce caractère peut aider à distinguer le jeu du sport. Dans la plupart des sports la mesure du temps réel intervient de façon importante et presque toujours essentielle. Dans le schéma du déroulement d’un jeu, le principe d’une telle mesure n’est pas posé au départ : il peut jouer aussi longtemps qu’il le désire, et les séquences dont se compose la structure ludique peuvent être distendus ou contractées à volonté. Un jeu se présente comme un processus orienté : jamais, par définition, l’ordre de succession des opérations ne peut être inversé. Il n’est pas possible de jouer à l’envers. Entre le commencement et la fin du jeu s’établit un enchainement d’opérations qui doivent être exécutées dans le sens et l’ordre que fixe la règle.

Classification des jeux[modifier | modifier le code]

Une évidence s’impose lorsqu'est abordé le phénomène « jeu » sous l’angle d’une psychologie du comportement ou d’une sociologie des institutions : ‘’ il n’y a pas un jeu, mais des jeux.’’ Seules retiendront notre attention les classifications de type structuraliste, c’est-à-dire celles qui, dans un esprit de rigueur scientifique, ne prétendent pas recenser le plus grand nombre possible de jeux constitués afin de les rassembler en familles, mais cherchent à atteindre la racine même des choses et à découvrir des structures ludiques fondamentales irréductibles les unes aux autres. Il est possible de distinguer, dans le système des jeux, trois catégories irréductibles : jeux d’exercice, jeux de symboliques, jeux de règles :

  • Les jeux d’exercice se font un jour les premiers. Ils consistent en manifestations spontanée d’activité, sans thèmes définis de réalisation, qui prennent les formes les plus variées : gesticulations, « gazouillis », jeux de manipulation, d’exploration, de destruction.
  • Les jeux symboliques, ou jeux de fiction, apparaissent vers 2-3 ans et dominent dans l’activité de l’enfant jusqu’à l’âge d’environ 6 ans. Lorsque l’enfant fait semblant de dormir, la part de jeu qui entre dans cette conduite ne tient pas à la précision avec laquelle elle reproduirait un modèle : l’enfant fait tout, sauf précisément de dormir.
  • A partir de 5-6 ans, ces jeux cèdent progressivement la place aux jeux de règle. L’importance des jeux de règles croît rapidement, au point qu’ils en viennent à constituer, chez l’adolescent puis chez l’adulte, la forme essentielle du jeu. Les caractères les plus importants d’un jeu de règles sont les suivants : il est une institution, implique une coopération, suscite une obligation.

Institution : « les jeux des enfants constituent d’admirables institutions sociales ». Leurs règles « se transmettent de générations en générations ». Elles ont une existence indépendante de la conscience et de la volonté des joueurs. Coopération : les jeux de règles sont des jeux collectifs dans lesquels chaque joueur joue son rôle, occupant la place qu’il doit occuper et participant à l’entreprise du groupe. Obligation : le jeu de règle n’est possible qu’au niveau de la seconde morale de l’enfant, moral de la coopération et du respect mutuel, qu’il contribue d’ailleurs à fonder.

De la structure au sens[modifier | modifier le code]

Si l’on veut appréhender le phénomène « jeu » dans sa totalité, discerner la part de jouer (Play) qui entre dans l’accomplissement d’un jeu (Game). « Qu’est-ce qui fait » que, dans un jeu d’exercice comme dans un jeu symbolique, dans un jeu de hasard comme dans un jeu de vertige, on joue ? La question s'impose : « qu'est-ce qui fait » que, dans tout jeu, il y a jeu ? L'essentiel dans une telle étude n'est pas réelle¬ment le jeu auquel joue le sujet, mais le jeu qu'il joue quand il y joue. Car c'est seulement parce qu'il y joue que le jeu prend forme et sens de jeu : « La réalité des jeux est dans l'homme seul ». Jouer, c'est faire quelque chose. La chose faite présente deux versants : l'un objectif ou externe, l'autre subjectif ou interne. Ne saurait comprendre le jeu qu'un être posé d'abord comme capable de jouer. Le phénomène « jeu » appartient à l'ordre du signifiant. Ce qu'il y a de jeu dans un acte ludique relève unique¬ment du sens. Il a sens de jeu : à cela se ramène le fait qu'il soit jeu. Il est possible de faire quelque chose sans jouer ; faire la même chose par jeu. La différence tient seulement au sens donné à son acte.

Possibilité d’une détermination objective des critères du jouer[modifier | modifier le code]

Le problème de la « naissance du jeu »[modifier | modifier le code]

Henriot pose une première question : observer le comportement d'un enfant, d'un animal, n'est pas : « pourquoi joue-t-il ? », mais : « joue-t-il ? » Il dit ce que c'est que jouer : il ne dit pas si l'enfant joue, ni à quels traits on peut reconnaître qu'il joue. Si le rire est preuve du jeu, il y a pourtant des jeux qui ne se traduisent pas par le rire. il faut donc s'em¬presser d'ajouter que le plaisir n'est pas spécifique du jeu et, par suite, ne peut suffire à le caractériser.

Description du jouer[modifier | modifier le code]

Elle juxtapose d'autre part deux significations du terme « jeu » qu'il parait nécessaire de distinguer : le jeu à quoi joue celui qui joue, (à ce Jeu chose, institution, structure ou système de règles s'appliquent les caractères formulés dans la seconde moitié de la définition) et le jeu qu'il Joue quand Il y Joue (à ce ‘’Jouer’’ s'appliquent les caractères énoncés dans la première moitié). Mais la définition qu'il élabore à son tour diffère-t-elle profondément de celle qu'il critique ? Le jeu est pour lui une activité :

  • « 1° Libre : à laquelle le joueur ne saurait être obligé sans que le jeu perde aussitôt sa nature de divertissement attirant et joyeux ;
  • « 2° Séparée : circonscrite dans des limites d'espace et de temps précises et fixées à l’avance ;
  • « · 3° Incertaine : dont le déroulement ne saurait être déterminé ni le résultat acquis préalablement, une cer¬taine latitude dans la nécessité d'inventer étant obligatoirement laissée à l'initiative du joueur ;
  • « 4° Improductive : ne créant ni biens, ni richesse, ni élément nouveau d'aucune sorte ; et, sauf déplacement de propriété au sein du cercle des joueurs, aboutissant à une situation identique à celle du début de la partie ;
  • « 5° Réglée : soumise à des conventions qui suspendent les lois ordinaires et qui instaurent momentanément une législation nouvelle, qui seule compte ;
  • « 6° Fictive : accompagnée d'une conscience spéci¬fique de réalité seconde ou de franche irréalité par rap¬port à la vie courante.
Le jeu tient d'abord au jeu qu'il y a entre le joueur et son jeu[modifier | modifier le code]

La démonstration peut en être faite à propos de diffé¬rentes sortes de jeux.

  • 1° Imitation. - Dans de tels jeux, le « plaisant » ne tient pas au fait même de l'imitation considérée en tant que reproduction aussi exacte que possible du modèle.
  • 2° Masques et personnages. - La condition du jeu est, ici encore, l'existence d'un « jeu » établi et maintenu par le sujet entre son visage et le masque, entre l'être qu'il est et celui qu'il veut paraître.
  • 3° Hasard. - A l'intérieur du système des jeux défini par Caillois, s’il tend vers le pôle paidia de la catégorie alea, c'est-à-dire vers des formes de jeux de hasard où dominent le désordre, la turbulence et du même coup, l'abandon du sujet à ces impulsions qui disloquent et dérèglent le jeu, c’est la rencontre dans cette région des types de « choses » qui n’offrent pour ainsi dire plus le caractère de jeux.
  • 4° Vertige. - Ce que recherche le joueur qui, dans les jeux de vertige, veut réellement jouer, ce n'est pas le vertige lui-même. Là où se produit le vertige, on se trouve projeté au-delà des limites : on ne joue plus.
  • 5° Jouets et appareils à jouer. - S'il est vrai que tout jeu suppose l'utilisation d'un instrument et se mesure à la marge de jeu qui sépare le joueur de son objet, le jeu ne tient pas à la chose mais à l'usage qu'on en fait.

L’attitude Ludique[modifier | modifier le code]

Incertitude[modifier | modifier le code]

En accord avec la plupart des auteurs, il faut considérer l'incertitude comme le caractère le plus apparent de toute conduite ludique. Le « jeu » de l'artiste diffère du travail, de l'exercice patient par lequel il assure sa technique et construit la base sur laquelle il peut ensuite prendre appui pour « jouer ».

Duplicité[modifier | modifier le code]

L'intervalle qui sépare l'acteur de son acte fonde la duplicité du joueur qui sait qu'il joue.

Illusion[modifier | modifier le code]

Pour jouer, il faut entrer dans le jeu. Pour entrer dans le jeu, il faut savoir que c'est un jeu. Il y a donc, de la part de celui qui se met à jouer, une compréhension préalable du sens du jeu. L'attitude ludique, comme toute attitude, se prend. Comme toute attitude, elle se comprend. Jouer c'est d’abord supposer qu’il y a jeu. Le jeune enfant qui joue à cache-¬cache admet que l'adulte se cache, et par la suite disparait pendant quelques instants, parce qu’il comprend que cette disparition n’est que provisoire : ce n’est qu’un jeu. L’ « illusion » , l’entrée dans le jeu, n’est possible qu’à partir du moment où l’enfant accepte cette convention.

Poésie de l’action[modifier | modifier le code]

Il est impossible de ne pas être renvoyé pour finir au joueur qui fait le jeu et sans qui le jeu n'aurait ni sens, ni fonction - à celui qui, parce qu'il est capable de jouer, peut seul comprendre ce que c'est que jouer. Non seulement le jeu pris comme tel renvoie au joueur, mais il n'y a pas de jeu sans joueur. Le jouer implique le jouant. Le jeu n'est rien d'autre que ce que fait le joueur quand il joue. Une fois qu'il a cessé de jouer, que reste-t-il de son jeu ? Le postulat suivant lequel il n'y a pas de jeu sans joueur se heurte pourtant à deux objections : La chose nommée jeu existe en soi, indépendamment des sujets appelés à y jouer et de ceux qui en transmettent les règles. Mais tout jeu, pris comme institution, suppose l'exis¬tence d'un joueur, au moins virtuel. La seconde objection peut être tirée de l'existence d'une théorie mathématique des jeux de stratégie, ainsi que de la fabrication, au moins possible, de machines à jouer. A partir du moment où un « mannequin » suffit, où la machine à elle seule se comporte en obéissant aux règles qui lui impose le constructeur, on ne peut plus employer le terme de jeu.

Qu'est-ce qu'être jouant ?[modifier | modifier le code]

Premier moment : magie (irréalisme). - Pris par son jeu, le joueur semble dupe de l'illusion. Il métamorphose le monde. La chaise n'est plus chaise, mais automobile. La poupée dort. Le bâton n'est pas un morceau de bois, mais une épée. Dans le jeu s'opère une transmutation magique de l'objet. Le monde devient autre. On perd le contact avec le réel, on pénètre dans l'univers féerique de la fiction. Second moment : lucidité (réalisme). - L'irréalisme du joueur n'est qu'une invention de ceux qui le voient jouer. Le joueur reste lucide. Il n'est jamais dupe. Il sait que la chaise n'est qu'une chaise et que la poupée ne vit pas. Si, devenant le jouet de son jeu, il s'y laissait prendre, une confusion s'établirait entre le réel et l'ima¬ginaire : Il faudrait sortir du domaine ludique pour entrer dans celui de l'hallucination. Le joueur sait qu'il joue. Troisième moment : illusion (surréalisme). - Il ne suffit pourtant pas d'opposer à la prétendue magie du jeu le principe d'une lucidité du joueur, et de réfuter l'irréalisme ludique au nom du réalisme. ‘’Un jeu dans lequel on n'entre pas, auquel on ne se laisse pas plus ou moins prendre n'est pas un jeu.’’ Le jeu forme autour du joueur un cercle envoûtant : il faut être dedans pour jouer. ‘’Si l'on reste dehors, on ne joue pas - on risque de ne pas comprendre de quel jeu il s'agit, ni même s'il s'agit d'un jeu.’’ Qui n'entre pas ne joue pas ; qui se laisse prendre ne joue plus. Nombreux sont les arguments qui viennent à l'appui de cette thèse d'un sérieux passionné du joueur se laissant prendre à son jeu. Jouer, c'est faire quelque chose d'une certaine façon, et non n'importe quoi n'importe comment. La façon de faire est comprise dans la définition du jeu. Sans doute ne s'agit-il pas seulement de gagner quelque avantage matériel, mais aussi, en remportant la victoire, de s'assurer un prestige : le fait de gagner est souvent plus important que le gain. Il reste que le joueur joue mieux, qu’il se passionne davantage quand il y a un enjeu. Il faut comprendre que, dans le jeu, ce n'est pas l'objet qui se trouve métamorphosé, mais le sujet. L'objet n'est jamais qu'un moyen, un accessoire, un prétexte à méta¬morphose : « Un chapeau de papier donne l'attitude militaire. Un bâton tient lieu de cheval. Le fouet du dompteur fait le lion. » Tenant entre ses mains un objet rond qui simule le volant d'une automobile, il ne prend pas cet objet pour un volant, ne croit pas que c'est un volant, mais il se prend lui-même pour un automobiliste et, dans cette mesure, pour quelques instants, il est un automobiliste. Ce qui compte, c'est que l'objet « dispose les mains comme elles seraient sur un volant de direction ». Ce n'est pas l'objet que transfi¬gure le jouer, mais le joueur lui-même : « L'action suffit à tout » Que faut-il être pour jouer ?

« Je »[modifier | modifier le code]

Il faut qu'il se projette et s'invente dans la production de son acte, autrement dit que son être même soit d'être jouant. « Je » désigne en moi la fonction sujet, capacité de conjugaison de l'ensemble des verbes qui expriment mon action à commencer par le verbe être. Quant au Moi, il représente le contenu objectif de l'être que je suis, tant pour moi-même que pour les autres.

Signification du jeu[modifier | modifier le code]

Par destination, bien que sans toujours s'en rendre compte, le jeu est sacrilège. Ce n'est pas au sérieux qu'il s'oppose car il y a un sérieux du jeu, de même qu'il y a un jeu du sérieux, et ce sérieux n'exclut pas l'ironie mais au sacré. Le jeu n'apparaît qu'au moment où meurt le sacré. Le fait de jouer résulte de l'inquiétude profonde d'un être incapable, par nature, de coïncider avec lui-même et de se satisfaire de ce qu'il est. Si l'homme joue, c'est parce qu'il y a du jeu dans l'être de l'homme. Pascal nous invite donc à distinguer deux degrés dans le jeu : le divertissement de surface par lequel l'homme se détourne de lui-même, et qui revêt la forme des « plaisirs » et des « jeux », et le jeu secret d'un être inquiet et malheureux, dépendant et vide. « Ainsi s'écoule toute la vie. On cherche le repos en combattant quelques obstacles ; et si on les a surmontés, le repos devient insupportable » De même que l'homme se croit libre, de même il se croit jouant parce que, conscient de son action, il demeure ignorant des causes qui le font agir. Le jeu n'est pas le tout de l'existence. Il ne fait qu'en exprimer la forme possible, l'ouverture. II en est l'instrument. Le tout est jeu du premier veut dire : toutes les formes de conduites que l’anthropologie peut observer et recenser sur le plan des actions manifestées (tant dans l'espace que dans l'histoire) sont des façons de jouer. Le tout est jeu du second veut dire : tout dans l'existence de l'homme pris comme être dialectique résulte du jeu qui, se creu¬sant dans son être même, le tient à distance de soi, le fait être pour soi.

Annexes[modifier | modifier le code]

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • L'Obligation, Paris, Presses universitaires de France, 1967.
  • Existence et obligation, Paris, Presses universitaires de France, 1967.
  • La Proportionnalité par Jacques Henriot, Yves Guyot et collaborateurs, Paris, CDU Sedes. 1968.
  • Le Jeu, Paris, Presses universitaires de France, 1969. Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • La Condition volontaire, Louvain, Nauwelaerts ; Paris, Béatrice Nauwelaerts, 1970.
  • Sous couleur de jouer, la métaphore ludique, Paris, José Corti, 1989. (ISBN 2714303250)

Directeur de recherche[modifier | modifier le code]

  • Les jeux de pions, Université Paris 13, Michel Boutin (Auteur), Jacques Henriot et Jean Perrot et Michel Manson (Responsables de l'équipe de recherches), 2012.
  • Le jeu dans les albums d'enfant en Allemagne Fédérale de 1970 à 1980, Université Paris 13, Verena Pandini (Auteur), Jacques Henriot, 2012.

Liens externes[modifier | modifier le code]

Revues[modifier | modifier le code]

Documentaire[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. « Jacques Henriot », sur IdRef.
  2. Les agrégés de l'enseignement secondaire : Répertoire 1809-1960, sur Ressources numériques en histoire de l'éducation.
  3. « Le Joueur et son jouet | Canal U », sur www.canal-u.tv (consulté le )
  4. « PRT3 – Experice », sur EXPERICE (consulté le )
  5. Jacques Henriot, « Il y a trente ans… », Sciences du jeu, no 1,‎ (ISSN 2269-2657, lire en ligne, consulté le )


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