Triplet (architecture)

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En architecture, un triplet est un ensemble de trois baies ou de trois arcs (souvent réunis sous un arc de décharge). Les deux éléments latéraux sont semblables et peuvent être différents de l'élément central. Un triplet peut par exemple être constitué d'une fenêtre encadrée par deux niches ou encore d'un arc en mitre encadré de deux arcs en plein cintre.

Triplet roman

Définition

Un triplet est formé de trois éléments qui sont de simples baies ouvertes ou aveugles dont l'élément central peut être différent des deux autres mais pas obligatoirement[1],[2]. Ces éléments peuvent être reliés entre eux par une arcature ou simplement former un ensemble dans une façade. Le triplet que Lucien Musset qualifie aussi de trifore[3], correspond à la deuxième interprétation du terme trifora qui désigne trois baies incluses ou non sous un arc de décharge, le premier sens du mot italien désignant un type de fenêtre divisée verticalement par son remplage en trois ouvertures[4]. On le trouve au-dessus du portail occidental des églises, dans les chevets plats ou dans les clochers non circulaires des édifices religieux. S'il apparaît en abondance dans l'architecture gothique, il est loin d'être absent des constructions romanes et de transition. Quand les ouvertures sont séparées par des contreforts, on évite de nommer triplets ces groupements de fenêtres[5].

Signification possible du triplet dans l'architecture religieuse chrétienne

Il serait un symbole de la Sainte Trinité , hypothèse avancée par des auteurs anglais du XIXe siècle, fondateurs d'une société et d'un journal : The Ecclesiologist, pour l'étude de l'architecture religieuse[6]. D'après l'un d'eux , John Mason Neale, le triplet extrêmement présent dans les chevets des églises de style « early english gothic » : gothique primaire anglais, en est un élément essentiel. Il précise tout de même que bien que sa réflexion soit basée sur la traduction des écrits de Guillaume Durand, évêque français du XIIIe siècle, ce dernier ne mentionne pas les triplets[7]. Cette idée d'adéquation entre triplet et Sainte Trinité est reprise ici et là dans des brochures[8], [9], sites[10] ou auteurs[11]

Diverses formes du triplet

Triplet formé de trois éléments identiques

Le triplet constitué de trois baies en plein-cintre de mêmes dimensions est présent dans l'architecture religieuse romane à l'intérieur de grandes églises comme au-dessus des arcades de la nef de Notre-Dame de Jumièges[3], dans les tribunes de Notre-Dame-du-Port[12] où il existe également à l'extérieur de l'édifice , comme dans celui de toutes les églises majeures d'Auvergne. On le remarque aussi dans des tours et clochers [13]. Absent de manière générale dans le chevet des églises romanes[5], il est pourtant un élément récurrent mais non obligatoire du chevet plat des chapelles templières du XIIe siècle de Charente, comme la chapelle de Cressac, et de Gironde comme l'église de Marcenais. À leur tour les architectes du XIXe siècle ont largement utilisé ce système d'ouvertures dans les églises néo-romanes et cela jusqu'en Australie[14]. On voit aussi des triplets de baies de mêmes dimensions en arc brisé par exemple dans le chevet de l'abbaye cistercienne de Fontmorigny[1] ou à l'Église Saint-Didier de Villiers-le-Bel dont la façade occidentale date du XIIIe siècle.

Triplet formé de deux baies identiques encadrant un élément différent

Triplet avec arcs en mitre et en plein-cintre

Les murs extérieurs des absides de la chapelle wisigothique São Frutuoso de Montélios près de Braga au Portugal sont ornés de triplets constitués d'un arc en mitre encadré de deux arcs en plein-cintre. Un des murs de la chapelle présente également un triplet de deux baies en mitre encadrant une baie en plein-cintre. Cette chapelle présente le même plan en croix que le mausolée de Galla Placidia à Ravenne[15].

Un triplet constitué d'un arc en plein cintre et de deux arcs en mitre orne le baptistère mérovingien Saint-Jean de Poitiers (au niveau de la façade sud-ouest du baptistère, entre les oculi et le fronton[16]).

À l'intérieur de l'édifice la composition est l'inverse : deux arcs plein-cintre autour d'un arc en mitre [17],[18]

  • À l'époque romane

Au XIe siècle un triplet formé de deux baies plein-cintre encadrant un élément surmonté d'un arc en mitre apparaît sur le mur du fond à l'intérieur des transepts de quelques églises, l'abbatiale Saint-Géraud d'Aurillac[19], l'église Saint-Étienne de Nevers, l'église Saint-Léger d'Ébreuil, (bras nord du transept)[18], l'église d'Ennezat[20].

Au XIIe siècle : cette forme de triplet revient en force en Auvergne

On le retrouve à l'extérieur au-dessus du portail d'entrée de l'église Saint-Maurice de Mainzac en Charente et en Drôme provençale sur la façade du prieuré du Val des Nymphes, près de La Garde-Adhémar, chapelle typique de l'art roman provençal inspiré de l'antique. L'arc en mitre central est ici supporté par des pilastres cannelés ornés de chapiteaux à feuilles d'acanthe.

Plus tard au XIVe siècle la Chapelle Vieille de l'église Saint-Pierre et Saint-Paul de Souvigny est ornée également d'un triplet de baies aveugles avec un arc en mitre central[18].

« Triplet inégal »

Le triplet parfois qualifié d'inégal[24] est constitué de baies de la même forme mais celle du milieu est plus haute et parfois plus large que les deux autres, toujours strictement similaires. Il apparaît au cours du XIIe siècle. Il est très prisé par les constructeurs d'églises cisterciennes qui le placent le plus souvent dans le chevet de l'édifice ou la façade[25]. Arcisse de Caumont observe qu'à cette époque, dans les triplets de fenêtres, «celle du milieu quelquefois plus haute que les deux autres est ordinairement seule ouverte; les deux petites sont bouchées»[26], le triplet à baies de dimensions semblables est donc encore de règle au XIIe siècle, La transition s'annonce par des baies de plus en plus élancées, même si elles ne sont pas encore en arc brisé[27]. Le triplet inégal aux baies en arc-brisé devient très courant au XIIIe siècle.

Triplet et serlienne

Une serlienne est un type de triplet particulier, formé par une baie centrale couverte d'un arc en plein cintre et encadrée par deux baies plus étroites couvertes d'un linteau ou d'une plate-bande à la hauteur de la naissance de l'arc central.

Notes et références

  1. a et b Jean-Marie Pérouse de Montclos, Architecture : Description et vocabulaire méthodiques, Paris, éditions du patrimoine, (ISBN 9782757701249), p. 207.
  2. Dans l'édition de 1972 de l'ouvrage de J. M. Pérouse de Montclos la définition du triplet présente l'élément central comme étant différent des deux autres. L'édition de 2011 est plus nuancée.
  3. a et b Lucien Musset, Normandie Romane : La Haute Normandie, vol. 2, La Pierre qui Vire, coll. « Zodiaque », , p. 114-115.
  4. (it)Veniero Colasanti - Enciclopedia Italiana (1937)
  5. a et b Jean-Jacques Bertaux, « Contribution à l'étude de l'art roman en Normandie : L'architecture des églises paroissiales romanes de l'ancien doyenné de Creully », Annales de Normandie, sur Persée, (consulté le ), p. 26.
  6. Pierre Fontaney, Le Renouveau gothique en Angleterre idéologie et architecture, Presses Universitaires de Bordeaux, 1989, (ISBN 2867810817 et 9782867810817) p.17 à 19
  7. (en) John Mason Neale, The Symbolism of Churches and Church Ornaments, T.W. Green, (lire en ligne), début chap VIII « Durandus's silence on triplets only proves, what is well known to Ecclesoliogists, that they are far less common in foreign than in our own architecture » et page 122.
  8. Borcq-sur-Airvault (Deux-Sèvres) l'église Saint-Martin
  9. Histoire et architecture de l'église Notre-Dame-de-l'Assomption de Soignolles-en-Brie
  10. La symbolique Templière
  11. Alain Tourreau, Le Pays de Saint-Saturnin: D'AYDAT À MONTPEYROUX, Creer, , 141 p. (ISBN 9782909797557), page 19.
  12. PDF: La collégiale Notre-Dame-du-Port de Clermont-Ferrand, thèse de doctorat de David Morel, p38 et pl. 173 et 174.
  13. Charles Lelong, « Le clocher-porche de Saint-Julien de Tours et les vestiges romans de l'abbaye », Cahiers de civilisation médiévale, sur Persée, (consulté le ), p. 345.
  14. (en)John W. East, Australian romanesque, a history of romanesque inspired architecture in Australia. University or Queensland, page 11.
  15. Xavier Barral i Altet, Haut Moyen Âge, Taschen, p.111.
  16. Xavier Barral i Altet, Haut Moyen Âge, Taschen, p.89.
  17. François Eygun, le baptistère Saint-Jean de Poitiers sur Persée , page 158.
  18. a b et c Bruno Phalip, une Auvergne médiévale partagée, paragr.27.
  19. Pierre Moulier, Églises romanes de Haute-Auvergne, Créer, 2001.
  20. a et b Dominique de Larouzière-Montlosier, L'invention romane en Auvergne: de la poutre à la voûte (fin Xe-XIe siècle), EDITIONS CREER, coll. « Livre numérique », , 356 p..
  21. Bernard Craplet, Auvergne Romane, Abbaye de la Pierre-qui-Vire, Zodiaque, coll. « La Nuit des Temps », , 373 p., page 118.
  22. Églises de Corrèze.
  23. Site de la mairie de Champdieu, histoire et photos de l'église.
  24. (en)The Ecclesiologist, vol 1 à 3, Cambridge Camden Society, 1842.
  25. PDF: Ordre et art cisterciens, paragr. Constantes de l'architecture cistercienne.
  26. Arcisse de Caumont, !Abécédaire ou rudiment d'archéologie : Architecture religieuse, Caen, Le Blanc-Hardel, , 800 p., page 187.
  27. Arcisse de Caumont, statistique Monumentale du Calvados, vol. 1, Derache, Dumoulin,Hardel, (lire en ligne), pages 285-286.

Voir aussi

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Articles connexes

Bibliographie

  • Dom Melchior de Vogüé, dom Jean Neufville, Glossaire de termes techniques, Zodiaque, 1971
  • Jean-Marie Pérouse de Montclos (sous la dir.), Architecture : vocabulaire et méthode, Paris, Imprimerie nationale, 1977