Paris sous l'occupation allemande
Paris sous l'Occupation allemande concerne le devenir de l'ancienne capitale de la France sous la IIIe République et de ses habitants entre le 14 juin 1940 (arrivée des troupes allemandes) et le 22 août 1944 (entrée de la 2e DB). Cette occupation se caractérise par la pénurie et la dictature de l'occupant.
Contexte en 1939-1940
Le 3 septembre 1939, la France déclare la guerre à l'Allemagne[1]. Pendant ce conflit, la ville est déclarée ville ouverte lors de la débâcle militaire de 1940. Ainsi épargné dans l'immédiat[2], Paris est dès lors occupé par les troupes de la Wehrmacht jusqu'à la Libération de 1944.
Paris cesse d'être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France (Militärbefehlshaber in Frankreich), impliquant une forte présence de troupes et de services ennemis.
Installation des troupes allemandes
Dès leur arrivée, les Allemands marquent leur empreinte dans une ville déclarée ville ouverte et qui n'est dès lors plus défendue, et amputée des deux tiers de sa population (il ne reste qu'un million de personnes) et de son gouvernement (installé en Touraine puis à Bordeaux). L'historienne Christine Levisse-Touzé dit, à propos des nouveaux occupants : « ils marquent leur territoire symboliquement en remplaçant les drapeaux tricolores par l'oriflamme nazie sur les édifices publics, les sièges de la République, comme l'Assemblée nationale et le Sénat, qu'ils investissent. La Wehrmacht défile sur les Champs-Élysées. D'entrée de jeu, il y a cette force affichée de puissance occupante »[3], bien qu'un des soucis de l'occupant allemande et de maintenir la paix civile[3]. On interdit d'abord aux habitants de sortir, puis le lendemain déclare un couvre-feu. Les soldats allemands ont de leur côté ordre de bien se comporter sous peine de sanctions ; des affiches vantent, pour la population, les mérites de ces-derniers (« Faites confiance au soldat allemand »[4]).
Peu à peu, de nouveaux panneaux voient le jour, écrit en allemand pour aider l'occupant à se diriger, les horloges principales sont réglées à l'heure de l'Allemagne, un nouveau cours monétaire entre le franc et le mark est créé[4]. 400 millions de francs sont demandés quotidiennement à titre de frais d'occupation. L'historienne Cécile Despraries note que l'occupation de Paris par les Allemands, si elle est plus rapide que prévu ne montre « aucune improvisation, ils préparaient ce jour depuis trois ans, en s'appuyant sur les plans du cadastre, et avaient établi un recensement scrupuleux des immeubles à réquisitionner selon deux critères : haussmanniens - parce que confortables - et possédant une double entrée, en cas d'attaque ». On compte alors :
- hôtel Majestic, avenue Kléber : siège du haut commandement militaire allemand en France (MBF)
- hôtel Lutecia, boulevard Raspail : siège de l'Abwehr
- hôtel Ritz : siège de la Luftwaffe
- angle de la rue du 4-septembre et de l'avenue de l'Opéra : siège de la Kommandantur
- avenue des Champs-Elysées : Propagandastaffel
- rue de Lille : ambassade d'Allemagne
- hôtel Continental, 3 rue de Castiglione et rue de Rivoli : tribunal d'exception
- 72, avenue Foch : siège de la Sipo-SD
- rue de la Pompe, rue des Saussaies, 93 rue Lauriston : bureaux de la Gestapo
- palais Rose (avenue Foch), villa Coty (avenue Raphaël), hôtel Ritz (place Vendôme), hôtel Crillon (place de la Concorde), 57 boulevard Lannes (domicile de Karl Oberg) : domiciles des hautes personnalités allemandes.
- château de la Muette : quartier général du commandement de la Kriegsmarine
- hôtel de la Marine : lieux occupés par la Kriegsmarine[5].
La vie des parisiens sous l'Occupation
Se nourrir et se loger
La pénurie et le rationnement deviennent le quotidien des habitants, provoquant le développement du marché noir, encouragé de fait par l'occupant[6], que ce soit pour la nourriture ou le charbon. Il y a peu d'essence ; « les images de l'époque montrent de rares voitures et l'apparition de transports de substitution : les fiacres réapparaissent, tout comme les vélos-taxis et les moyens hippomobiles. En 1942, la ville compte deux millions de bicyclettes pour trois millions d'habitants ».
Éducation
Les écoles rouvrent en octobre 1940, lors de la rentré scolaire.
Pendant l'Occupation, les Allemands, sous l'administration du « Personnel spécial pour l'art pictural » (Sonderstab Bildende Kunst) de l'Institut du Reichsleiter Rosenberg pour les territoires occupés (Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg für die Besetzen Gebiete ou ERR), commence à travers la France un pillage systématique des œuvres des musées et des collections privées, principalement celles appartenant à des Juifs déportés ou ayant fui. Six salles du département des antiquités orientales font alors du musée du Louvre en partie vidé un dépôt où transitent les œuvres volées aux Juifs aisés et où le Reichsmarschall Hermann Göring lui-même vient à l'instar du 3 mai1941 choisir des pièces qui orneront ses résidences[3]. La galerie nationale du Jeu de Paume devient une annexe pour le stockage. Entreposées dans des caisses marquées des initiales de leurs anciens propriétaires, les objets d'art dérobés sont répertoriés en cachette par Rose Valland (la conservatrice du musée du Jeu de Paume), ce qui permettra après la guerre de rendre à qui de droit leurs antiquités. Le Musée du Louvre retrouve lui, après un voyage inverse, la quasi-totalité de ses chefs-d'œuvre.
Divertissements
Les lieux de divertissement en cours sous les années 1930 reprennent leurs droits, comme la piscine Deligny, le vélodrome d'Hiver ou comme cinéma le Gaumont Palace (rue Caulaincourt) ou le Maillot Palace (avenue de la Grande-Armée). Le cinéma Normandie (avenue des Champs-Elysées) est réservé aux soldats allemands ainsi que le club du cercle de l'Union interalliée (rue du Faubourg Saint-Honoré)[7] ou certaines maisons-closes (le One-two-two 122 rue de Provence, Le Chabanais, 12 rue Le Chabanais[8]). Les officiels allemands fréquentent également des restaurants comme Maxim's (rue Royale), La Coupole (boulevard du Montparnasse), ou La Mère Catherine (rue Norvins).
Des expositions de propagande sont crées, comme « La France européenne » (Grand-Palais, 635 000 visiteurs), une exposition contre les franc-maçons (Petit Palais, en octobre 1940), Le Juif et la France (Palais Berlitz, boulevard des Italiens, entre 250 000 et 1 million de visiteurs, à partir de septembre 1941) ou encore Le Bolchevisme contre l'Europe (salle Wagram, avenue de Wagram, à partir de mars 1942)[7].
En 2008, une exposition de la ville de Paris présentant des photographies d'André Zucca de la vie des Parisiens fait scandale. En effet, certains tenants d'une histoire de l'Occupation marquée seulement par des évènements durs (rationnement, déportation des Juifs, etc.) critiquent la non-contextualisation de clichés de Parisiens faisant les boutiques, se promenant avec leurs enfants dans le jardin du Luxembourg, flânant à la terrasse des cafés ou sur les bords de Seine ou, pour les plus aisés, se rendant aux courses hippiques de Longchamp). L'exposition a au moins le mérite, selon ses défenseurs, de rappeler la seconde face de l'occupation, celle d'une vie quotidienne qui bon an mal continue.
Paris est le siège, entre 1939 et 1940 et entre 1943 et 1945 de la Radiodiffusion nationale. Radio Paris a un rôle de propagande.
Déportation des Juifs
Les 16 et 17 juillet 1942, se déroule la rafle du Vel' d'Hiv', arrestation de 12 884 Juifs, la plus massive en France. 6 000 sont dirigés vers le camp de Drancy et 6 900 sont concentrés dans le vélodrome d'Hiver durant plus d'une semaine, pour l'essentiel des femmes et des enfants.
Ce n'est qu'en 1986 que le maire de Paris, Jacques Chirac, inaugure dans le XVe arrondissement la place des Martyrs-Juifs-du-Vélodrome-d'Hiver.
Résistance
Une nouvelle presse apparaît, celle des journaux collaborant avec les Allemands[9]. Le 23 décembre 1940, l'ingénieur Jacques Bonsergent est le premier résistant fusillé à Paris. L'attitude collaboratrice des autorités françaises pousse nombre de Parisiens à s'engager dans la Résistance[10].
Libération
À partir du 19 août 1944, à l'approche des troupes alliées arrivant de Normandie, se produit un soulèvement armé sous l'impulsion de la Résistance intérieure. Le 25 août, après l'entrée dans Paris de la 2e division blindée du général Leclerc, le commandant de la garnison allemande, le général von Choltitz, capitule sans exécuter les ordres d'Hitler qui étaient de détruire la ville, « Paris ne doit pas tomber aux mains de l'ennemi, ou il ne doit trouver qu'un champ de ruines »[11]. Les ponts et les monuments de Paris sont ainsi relativement épargnés par les combats de la Libération[12]. La ville est l'une des seules communes de France à se voire décerner le titre de compagnon de la Libération[13].
Notes et références
- Marcel Le Clère, Paris de la Préhistoire à nos jours, p. 593-611.
- Paris souffrit malgré tout de bombardements, qui se multiplient à partir de 1942.
- L'Express n°3117, 30 mars 2011, page VIII. Erreur de référence : Balise
<ref>
incorrecte : le nom « a » est défini plusieurs fois avec des contenus différents. - L'Express n°3117, 30 mars 2011, page IX.
- http://www.bouygues.com/fr/mecenat/rappel-historique/rappel-historique/
- Marcel Le Clère, Paris de la Préhistoire à nos jours, p. 613-620.
- L'Express n°3117, 30 mars 2011, page XXI.
- L'Express n°3117, 30 mars 2011, page XX.
- Ibid., p. 616-618.
- Ibid., p. 620-628.
- Ordres d'Hitler de détruire Paris
- Ibid., p. 628-632.
- Ordre de la Libération - Paris
Bibliographie
- Marcel Le Clère, Paris de la Préhistoire à nos jours, Éd. Bordessoules, 1985, 705 pages.
- Cécile Desprairies, Ville lumières, années noires, Denoël, 2008, 347 pages.
- Julian Jackson, La France sous l'Occupation, 2004, Flammarion, 855 pages.
- Anne Thorval, Paris, les lieux de la Résistance, Parigramme, 2007, 288 pages.