Aller au contenu

Jacques Viret

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 30 juin 2017 à 10:01 et modifiée en dernier par Do not follow (discuter | contributions). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.
Jacques Viret
Jacques Viret en mai 2014.
Biographie
Naissance
Nationalité
Formation
Activités
Autres informations
A travaillé pour
Membre de
Approches Contemporaines de la Création et de la Réflexion Artistiques (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Maître
Directeur de thèse
Titre honorifique
Émérite

Jacques Viret, né le à Lausanne, est un musicologue français d’origine suisse.

Biographie

Pianiste et organiste, licencié en lettres classiques de l’université de Lausanne, diplômé pour l'enseignement de la théorie musicale (Société suisse de pédagogie musicale), il s’est perfectionné en musicologie à l’université Paris Sorbonne-Paris IV, auprès de Jacques Chailley qui a dirigé sa thèse de doctorat d’État ès lettres sur le chant grégorien (1981). Depuis 1972, Jacques Viret enseigne la musicologie à l’université de Strasbourg, en qualité d'assistant puis maître de conférences et professeur, émérite depuis 2009.

Chant grégorien et musique médiévale

La recherche et la réflexion de Jacques Viret se réfèrent essentiellement à la notion de Tradition, telle que l’a définie René Guénon dans la ligne du pérennialisme (ou Gnose) : non comme la conservation d’un héritage figé, plus ou moins ancien, mais comme la manifestation, diversifiée selon les cultures, les époques, les disciplines, d’une Vérité sacrée, universelle et intemporelle, source féconde d’inspiration, de créativité, en perpétuel devenir et renouvellement. Pour la musique, Pythagore demeure, à cet égard, une référence permanente. La série des harmoniques apparaît ainsi, en tant qu’expression audible des nombres et proportions, comme une image de l’ordre cosmique. Le Principe créateur de l’univers est symbolisé par la fréquence fondamentale dans l’ordre harmonique, par la tonique des modes dans l’ordre mélodique (toute musique traditionnelle est d'essence modale). Notamment par la tonique sol, « soleil » en latin, élément central du cryptogramme théologique et ésotérique que Jacques Viret a découvert en 1978 dans les notes de la gamme (ut, , mi…, extraites de l’hymne à saint Jean-Baptiste Ut queant laxis) et dont Jacques Chailley a complété l’explication[1].

Chant liturgique officiel de l’Église catholique romaine, le chant grégorien est surtout l’expression par excellence de la Tradition pour la musique d'Occident. Jacques Viret l'étudie sous cet angle. Il met en évidence, en amont, l’enracinement de ce corpus dans les autres traditions musicales du monde, notamment orientales (et, probablement, l’antique musique celtique) ; en aval, son importance comme terreau nourricier de la musique d’Europe, tant savante que – en partie – folklorique. Cette approche réellement traditionnelle éclaire le chant liturgique latin sous son véritable jour et permet de retrouver, autant que faire se peut, son interprétation authentique (cf. rythme) d’avant l’an mil, bien différente du style instauré au XIXe siècle par les bénédictins de l’Abbaye Saint-Pierre de Solesmes. Elle n’en tire pas moins profit de l’étude minutieuse des neumes faite par Dom Eugène Cardine et ses élèves (« sémiologie grégorienne », paléographie musicale). Il s’agit d’un comparatisme tributaire de l’ethnomusicologie, dans la mesure où il met en rapport mutuel les écrits du Moyen Âge (manuscrits notés, traités) et les traditions actuellement vivantes. Cette démarche est aussi illustrée par les travaux du musicologue hongrois Benjámin Rajeczky, ainsi que par les interprétations de Marcel Pérès.

Selon le même esprit, la collection Diaphonia, créée par Jacques Viret en 2000 aux éditions À Cœur Joie, Lyon, procure aux choristes amateurs un répertoire de chants médiévaux transcrits en notation musicale moderne avec une grande précision, de manière à restituer toutes les finesses des notations originales et à y ajouter des données qui n’y figurent pas et proviennent d'autres sources[2],[3],[4],[5].

Une science intégrale de la musique

Les travaux de Jacques Viret s’appuient sur une investigation rigoureuse à partir des sources, comme l’exige la musicologie scientifique. Ils élargissent cependant le positivisme historiciste et l’analyse musicale où se cantonne généralement celle-ci, pour se situer dans deux mouvances corrélées : d’une part, la philologie musicale de Jacques Chailley, qui élucide les lois générales des langages musicaux et de leur perception ; d’autre part, le Nouveau Paradigme, qui réconcilie modernité et Tradition, science et spiritualité. Jacques Viret est aujourd'hui l’un des très rares musicologues se réclamant du Nouveau Paradigme ; à ce titre, il a rejoint l’équipe Contrelittérature d’Alain Santacreu. Sa perspective, par conséquent, se définit comme totalisante, holistique : le fait musical est envisagé non plus seulement sous l’angle objectif et partiel de la musicologie ordinaire, mais sous celui du sujet réceptif ou actif (sa conscience), au-delà du clivage entre les divers types de musique. L’explication et le commentaire restituent alors sa légitime primauté au sonore face à l’écrit, et relient étroitement la signification musicale à l’être humain en sa triple constitution de corps, âme, esprit. Ils restaurent, sous une forme nouvelle, la science musicale d’obédience pythagoricienne cultivée dans l’Antiquité et au Moyen Âge : hautement rationnelle d’un côté, en son versant mathématique ; irrationnelle de l’autre, en son versant sensible, intuitif, voire magique (théorie de l’ethos, issue de la primitive incantation). Aux yeux des penseurs du romantisme allemand aussi – entre autres Schopenhauer, admiré par Richard Wagner –, la musique vaut bien mieux que comme un art d’agrément : langage de l'âme, de l'intériorité, révélation de l'indicible, elle ouvre un accès à l’Âme du monde (empathie, Einfühlung selon Herder, « correspondances » selon Baudelaire).

La musicologie humaniste, anthropologique, que s’attache à promouvoir Jacques Viret intègre les apports de la psychologie (psychologie de la forme, psychologie analytique de Carl Gustav Jung, psychologie transpersonnelle, neuropsychologie). Elle se ramifie vers l’esthétique, l'acoustique, l’herméneutique, la symbolique, la métaphysique, la sociologie, la musicothérapie, la pédagogie, la psychopédagogie, la rhétorique, et inclut les recherches sur l'interprétation (Aufführungspraxis) permettant d’exécuter les répertoires anciens selon leur authenticité. Elle revalorise l’oralité comme vecteur vivant des pratiques et savoirs traditionnels, porteur de valeurs précieuses : vitales, humaines, spirituelles (cf. Marcel Jousse). Cette conception large, ouverte, spiritualiste de la science musicale confère leur originalité aux ouvrages que Jacques Viret a publiés depuis 2004 aux éditions Pardès, sur le chant grégorien, la musique médiévale, Richard Wagner, la musicothérapie, la musique baroque, l'opéra. Parmi les problématiques transversales qu’ils exposent, on mentionnera particulièrement celle du chant en rapport (vocal, rythmique, émotionnel) avec la parole, comme expression la plus directe du sentiment ou instinct musical, et ce, dès la prime enfance (chantonnements spontanés enfantins où émergent les matériaux musicaux élémentaires, archétypes mélodiques et rythmiques[6]).

Bibliographie

  • Aloÿs Fornerod, ou le musicien et le pays, Lausanne, Cahiers de la Renaissance Vaudoise, 1981.
  • Le Chant grégorien, musique de la parole sacrée, Lausanne, L'Âge d'Homme, 1986.
  • La Modalité grégorienne, un langage pour quel message ?, Lyon,À Cœur Joie, 1987, rééd. augmentée 1996.
  • Le Symbolisme de la gamme – L'hymne UT QUEANT LAXIS et ses quatre cryptogrammes (en collaboration avec Jacques Chailley), Paris, La Revue Musicale, 1988.
  • La musique d'orgue du XVIe siècle et son interprétation, cinq articles, L'Orgue francophone, 1990-1992.
  • Regards sur la musique vocale de la Renaissance italienne, Lyon, À Cœur Joie, 1992.
  • Aux sources de l’expression musicale : la créativité mélodique enfantine, trois articles, L’Éducation musicale, 1993-1994.
  • Les Premières Polyphonies, 800–1100, Lyon, À Cœur Joie, 2000 (Diaphonia 1).
  • Le Chant grégorien et la tradition grégorienne, Lausanne, L'Âge d'Homme, 2001.
  • Approches herméneutiques de la musique (dir. J. Viret), Presses Universitaires de Strasbourg, 2001.
  • L’École de Notre-Dame et ses conduits polyphoniques, Lyon, à Cœur Joie, 2001 (Diaphonia 2).
  • B.A.-BA du chant grégorien, éditions Pardès, 2004.
  • B.A.-BA de la musique médiévale, éditions Pardès, 2005.
  • Le « Libre Vermell » de Montserrat, Lyon, À Cœur Joie, 2005 (Diaphonia 3).
  • Métamorphoses de l’harmonie : la musique occidentale et la Tradition, dans Les Pouvoirs de la musique, à l’écoute du sacré, dossier de la revue Connaissance des Religions, Paris, éditions Dervy, 2005.
  • Qui suis-je ? Wagner, éditions Pardès, 2006.
  • De la Musique et des Vaudois, itinéraire photographique 1905-2005, Lausanne, Bibliothèque Cantonale et Universitaire, 2006.
  • B.A.-BA de la musicothérapie, éditions Pardès, 2007.
  • B.A.-BA de la musique baroque, éditions Pardès, 2008.
  • B.A.-BA de l'opéra, éditions Pardès, 2009.
  • Le chant grégorien, Eyrolles, 2012, 206 p. (CD audio encarté : 75 min).
  • Philologie musicale et modes grégoriens : de la théorie à l’instinct dans Musurgia, vol. XIX/1-3 (hommage à Jacques Chailley), 2012, p. 103-121.

Notes et références

  1. Cf. Viret 1986, 1987, 2001 (Le Chant grégorien…), 2004 ; Viret/Chailley 1988.
  2. Gream unistra, Biographie
  3. Revue Ultreia
  4. Entretien avec Jcques Viret
  5. La galerie.com
  6. Cf. Viret 2001 (Le Chant grégorien…).

Liens externes