Grève des femmes du 14 juin 1991

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Grève des femmes du 14 juin 1991
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Grève des femmes à Zurich.
Informations
Date 14 juin 1991
Localisation Ensemble du territoire suisse
Caractéristiques
Organisateurs Union syndicale suisse
Revendications Amélioration des droits des femmes en Suisse
Nombre de participants 500 000
Types de manifestations Grève et manifestations

La grève des femmes du s'est déroulée en Suisse et a impliqué plus de 500 000 femmes. Mouvement lancé par l'Union syndicale suisse (USS), cette grève avait pour but de faire appliquer l'article constitutionnel fédéral sur l'égalité hommes-femmes inscrit dix ans plus tôt, le . La journée du 14 juin 1991 est généralement perçue comme l'accélérateur de l'application législative de l'article précité qui survient en 1996.

Genèse[modifier | modifier le code]

Le constat général dix ans après l'article inscrivant l'égalité entre femmes et hommes dans la constitution suisse est que ce dernier n'est pas appliqué et que l'égalité en matière de salaires n'est pas atteinte[1].

Des horlogères de la Vallée de Joux sont à l'origine de la grève[1]. L'idée originelle reviendrait à la syndicaliste Liliane Valceschini[2], qui en parle à Christiane Brunner, alors secrétaire de la Fédération suisse des travailleurs de la métallurgie et de l'horlogerie (FTMH). Cette dernière réussit à convaincre l’Union syndicale suisse[3] qui, malgré l'opposition de certains hommes, valide l'initiative le et l'idée de l'organisation d'une grève et non d'une journée d'action. Un comité national de grève voit le jour au mois de , suivi par des groupes d'organisation cantonaux.

L'USS organise ensuite le mouvement au niveau fédéral[4] pour l'anniversaire des 10 ans de l'inscription de l'égalité hommes-femmes dans la Constitution fédérale à la suite de la votation populaire du , afin de demander son application concrète :

« L’homme et la femme sont égaux en droits. La loi pourvoit à l’égalité, en particulier dans les domaines de la famille, de l’instruction et du travail. Les hommes et les femmes ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale. »

— Accepté en votation populaire du 14 juin 1981[5].

L'initiative syndicale est rejointe par le nouveau mouvement des femmes, l'Organisation pour la cause des femmes (Ofra), Frauen macht Politik! (Frap!), l'Association suisse pour les droits de la femme, le parti socialiste ouvrier (trotskiste), le parti socialiste (PS), le comité hors parti pour la réalisation de l'égalité des droits et nombre de femmes sans affiliation politique, syndicale ou associative. Une aide financière et matérielle est fournie par les organisations syndicales.

Au niveau des cantons, l'organisation est souvent décentralisée et a parfois pris la forme de collectifs comme dans le canton de Genève, le « collectif du  » qui s'est formé dès l'automne 1990 et qui a poursuivi son action après le [6].

Certains employeurs menacent de représailles et de licenciement, considérant que cette grève remet en cause le concept suisse de paix du travail[1].

Revendications[modifier | modifier le code]

Le manifeste du exprime neuf revendications pour cette grève[7] :

  • l'application de la loi du
  • l'égalité salariale
  • la protection contre le harcèlement sexuel sur les lieux de travail
  • la création de possibilités de formation, de perfectionnement, de recyclage du travail et de promotion professionnelle
  • l'interdiction du travail de nuit et du dimanche des femmes et des hommes
  • la création de crèches et de systèmes de garde d'enfant à des prix accessibles
  • le partage égal des tâches familiales entre les femmes et les hommes
  • le respect des femmes dans la société notamment la possibilité de ne pas être exposées aux abus sexuels et à la violence

Conséquences[modifier | modifier le code]

La grève a eu d'importants retentissements en Suisse. Près d'un demi-million de femmes, soit une sur quatre, descendent dans la rue pour manifester[4],[8].

Médiatisation[modifier | modifier le code]

La grève est relayée dans les médias suisses et internationaux, la Pravda, journal officiel du Parti communiste en URSS consacrant même un article à l'évènement[9]. L'article du journal soviétique, qui s'étonne du retard de la Suisse en matière de droits des femmes est à son tour repris par la presse suisse qui cite les propos suivants:

« Même en Suisse, un pays si aisé, il y a une raison de faire la grève »

— Komsomolskaya Pravda, recension par le Journal de Genève[10]

En Suisse romande, Valérie Hoffmeyer note, dans le Journal de Genève en 1991, qu'à Genève, les esthéticiennes et les coiffeuses sont toutefois les oubliées de la grève[11]. Le , la Gazette de Lausanne consacre un dossier au sujet de l'inégalité entre hommes et femmes[12], évoquant le manque de crèches, la grève des femmes journalistes du Palais Fédéral et le Congrès suisse des intérêts féminins de 1975 durant l'année internationale de la femme, ainsi que le Rapport de la Commission nationale suisse pour l'Unesco sur la situation de la femme dans la famille[13],[14]. L'Hebdo consacre également une double prise de position au sujet[15].

Création de la loi fédérale sur l’égalité[modifier | modifier le code]

En 1996, l'article constitutionnel sur l'égalité est mis en œuvre législativement, notamment grâce à la grève du  : c'est la loi fédérale sur l’égalité (LEg)[16].

La journée du 14 juin est demeurée une journée emblématique de la lutte pour les droits des femmes en Suisse, particulièrement autour des thématiques d'égalité[17],[18]. Chaque année, des actions sont organisées le [19],[20],[21] en faveur de l'égalité entre hommes et femmes, surtout en matière d'égalité salariale. Le [8], une autre manifestation d'ampleur nationale est organisée pour fêter, entre autres, les 20 ans de cette manifestation[22],[23],[24],[25].

Grève des femmes du 14 juin 2019[modifier | modifier le code]

Manchette de la Tribune de Genève.
Rassemblement sur la Plaine de Plain-Palais pour la grève des femmes du 14 juin 2019.

En 2019, une réédition de la grève a lieu dans toute la Suisse, réunissant à nouveau plus de 500 000 femmes[26],[27],[28],[29],[30],[31],[32].

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Le groupe des Éditions d'en bas en juin 1991.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c Brigitte Studer (trad. Dominique Quadroni), « Grève des femmes (1991) » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du .
  2. « L'idée de la grève ? Un coup de colère ! Liliane Valceschini est à l'origine de la grève des femmes qui a secoué le pays il y a 20 ans. Elle se confie », sur evenement.ch (consulté le ).
  3. « Liliane Valceschini », sur vd.ch (consulté le ).
  4. a et b « 14 juin 2011 – Genève » Historique », sur 14juin2011-ge.ch (consulté le ).
  5. « Constitution fédérale de la Confédération suisse du 29 mai 1874 (Etat le 20 avril 1999), p. 101 » [PDF], sur ejpd.admin.ch.
  6. Marina Decarro et Annette Zimmerman, « Actions du Collectif du 14 juin pour l’égalité à l’école », Nouvelles Questions Féministes, vol. 29,‎ , p. 138–142 (ISSN 0248-4951, lire en ligne, consulté le ).
  7. Collectif 14 juin de Genève, Fuchsia, femmes en grève à Genève, Genève, collectif 14 juin, , 112 p., les neuf raisons de faire grève le 14 juin, pages 6 et 7.
  8. a et b Isabelle Eichenberger, « Vingt ans après leur grève, les femmes dans la rue », SWI swissinfo.ch,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  9. Olivier Perrin, « «Même en Suisse, il y a une raison de faire grève», disait la «Pravda» en 1991 », Le Temps,‎ (ISSN 1423-3967, lire en ligne, consulté le ).
  10. « La grève des femmes dans la presse soviétique », Journal de Genève,‎ , p. 12 (lire en ligne).
  11. « Journal de Genève - 14.06.1991 - Pages 24/25 », sur letempsarchives.ch (consulté le ).
  12. « Gazette de Lausanne - 14.06.1991 - Pages 12/13 », sur letempsarchives.ch (consulté le ).
  13. « La commission fédérale pour les questions féminines », Revue syndicale suisse : organe de l'Union syndicale suisse,‎ (lire en ligne).
  14. « ETH - serveur pour des revues numérisées », sur e-periodica.ch (DOI 10.5169/seals-385992, consulté le ).
  15. Marylou Rey et Jean-Claude Péclet, « Grève du 14 juin », L'Hebdo,‎ (lire en ligne).
  16. Gaby Ochsenbein, « Le 14 juin 1991: un jour qui est entré dans l’histoire », SWI swissinfo.ch,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  17. « 14 JUIN 2008 - Pour cette date symbolique, les associations féminines invitent à un spectacle-rencontre. », LeCourrier,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  18. auteures et a autrices divers, « ACTUELLEMENT (dossier du 14 juin) », LeCourrier,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  19. Dominique Hartman, « Vingt-cinq ans plus tard, elles luttent toujours », LeCourrier,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  20. « Grève des femmes: à se recroiser les bras », sur m.lecourrier.ch (consulté le ).
  21. « Les Podcasts de Radio Resistencia 14 juin 2011 - Communauté genevoise d’action syndicale », sur cgas.ch (consulté le ).
  22. « 14 juin 2011 », sur 14juin2011.ch (consulté le ).
  23. « D'égal à égale », sur bureau égalité du canton du Jura (consulté le ).
  24. « Mobilisation pour les 20 ans de la grève des femmes », rts.ch,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  25. Anne-Marie Ley, « Quatre humeurs sur la grève des femmes du 14 juin 1991 », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  26. « Des centaines de milliers de femmes ont pris part à la grève nationale », sur rts.ch, (consulté le ).
  27. Catherine Frammery, « La grève des femmes de Suisse expliquée au reste du monde », Le Temps,‎ (ISSN 1423-3967, lire en ligne, consulté le ).
  28. Yannick Van der Schueren, « La grève des femmes vue de l’étranger », VQH,‎ (ISSN 1424-4039, lire en ligne, consulté le ).
  29. « Les femmes s’emparent de Genève », sur Le Courrier, (consulté le ).
  30. « En finir avec les Cendrillon de l’État », sur Le Courrier, (consulté le ).
  31. « Femmes précaires le poing en l’air », sur Le Courrier, (consulté le ).
  32. « Une belle ambiance violette à l’Uni », sur Le Courrier, (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]