Eugène Guillevic

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Eugène Guillevic (Carnac, Morbihan, - Paris, ) est l'un des plus importants poètes français de la seconde moitié du XXe siècle[réf. nécessaire]. Il ne signa jamais ses nombreux recueils que de son seul nom, Guillevic.

Biographie

Il vient au monde dans le paysage pierreux et marin de la Bretagne. Puis son père, d'abord marin, se fait gendarme et l'emmène à Jeumont (Nord) en 1909, à Saint-Jean-Brévelay (Morbihan) en 1912, à Ferrette (Haut-Rhin) en 1919.

Après avoir passé un baccalauréat de mathématiques, il est reçu au concours de 1926 dans l'administration de l'Enregistrement (Alsace, Ardennes). Nommé en 1935 à Paris rédacteur principal à la Direction Générale au Ministère des Finances et des Affaires économiques, il est affecté en 1942 au Contrôle économique. Il appartient de 1945 à 1947 aux Cabinets des ministres communistes François Billoux (Économie nationale) puis Charles Tillon (Reconstruction). En 1947 après l'éviction des ministres communistes, il réintègre l'Inspection générale de l'Économie où il s'occupe notamment d'études de conjoncture et d'aménagement du territoire, jusqu'à sa retraite en 1967.

Il devient dès avant guerre l'ami de Jean Follain qui l'introduit dans le groupe Sagesse. Puis il appartient au groupe de l'École de Rochefort.

Catholique pratiquant jusque vers trente ans, il devient sympathisant communiste au moment de la Guerre d'Espagne, adhère en 1942 au Parti communiste alors qu'il se lie à Paul Éluard et participe aux publications de la presse clandestine (Pierre Seghers, Jean Lescure). Il demeure, malgré bien des réticences sur la fin des années 60, fidèle à son engagement jusqu'en 1980.

Après une période de résistance, de rébellion contre l'ordre social et l'ordre des choses, s'esquisse un retour à l'interrogation, une tentative d'apprivoiser le monde et son silence. Refusant la métaphysique, il choisit l'ici, qu'il explore sans fin, passionnément. Sa poésie est concise, franche comme le roc, rugueuse et généreuse, tout en demeurant suggestive. Sa poétique se caractérise aussi par son refus des métaphores, auxquelles il préfère les comparaisons, jugées moins mensongères.

Guillevic a reçu le Grand Prix de poésie de l'Académie française en 1976, le grand Prix national de poésie en 1984, et le Prix Goncourt de la poésie en 1988.

Extraits

Le matin
T'est donné,
Ne le prends pas
Comme un dû.

Guillevic, Le matin in Possibles futurs (extrait), Gallimard poésie


Le soir parierait
Que c'est lui
Qui engrosse la nuit
De l'aurore à venir.

Guillevic, Le soir in Possibles futurs (extrait), Gallimard poésie


« Lorsque nous tremblions
L'un contre l'autre dans le bois
Au bord du ruisseau,

Lorsque nos corps
Devenaient à nous,

Lorsque chacun de nous
S'appartenait dans l'autre
Et qu'ensemble nous avancions,

C'était alors aussi
La teneur du printemps

Qui passait dans nos corps
Et qui se connaissait »

ou aussi

« Ce n'est pas vrai
Que tout amour décline,

Ce n'est pas vrai
Qu'il nous donne au malheur,

Ce n'est pas vrai
Qu'il nous mène au regret,

Quand nous voyons à deux
La rue vers l'avenir.

Ce n'est pas vrai
Que tout amour dérive,

Quand les forces qui montent
Ont besoin de nos forces.

Ce n'est pas vrai
Que tout amour pourrit,

Quand nous mettons à deux
Notre force à l'attaque.
Ce n'est pas vrai
Que tout amour s'effrite,

Quand le plus grand combat
Va donner la victoire.

Ce n'est pas vrai du tout,
Ce qu'on dit de l'amour,

Quand la même colère
A pris les deux qui s'aiment,

Quand ils font de leurs jours
Avec les jours de tous
Un amour et sa joie. »

Guillevic, « Élégie » (extrait), in Sphère, Gallimard Poésie, 1963


La feuille
Amie du silence
Laisse le vent
Parler pour elle


"Vivre tout événement quotidien dans les coordonnées de l'éternité, c'est pour moi la poésie"

Guillevic, « Vivre en Poésie» (extrait), 1980

Tais-toi, Chétif insecte, Disait la fourmi.

Rien de plus évident, Disait la mouche, Pour tous j'existe.

On ne m'aime pas, Disait la guêpe, Je comprends ça.

Drôle que le crapaud, Disait la grenouille, Ne chante jamais faux.

Essayons de courir, Disait la tortue, Moi je sais.

Si je chantais, Disait la couleuvre, On me verrait d'un autre oeil.

Moi, tout comme eux, Disait l'escargot, Je pourrais me décarcasser.

J'aimerais bien, Disait la limace, Être escargot.

Guillevic (Échos, disait-il)

Publications

Œuvres de jeunesse
  • L'Expérience Guillevic (1923-1938, documents de travail publiés en 1994)
  • Requiem (1938, plaquette de 6 poèmes non repris par l'auteur)[1]
Œuvres
Signature de Guillevic

Plusieurs de ces recueils ont été réédités dans la collection de poche Poésie/Gallimard, Paris :

  • Terraqué, suivi d’Exécutoire, préface de Jacques Borel, 1968.
  • Sphère suivi de Carnac, 1977.
  • Du domaine suivi de Euclidiennes.
  • Etier suivi de Autres, 1997 (ISBN 2070326284).
  • Art poétique précédé de Paroi et suivi de Le Chant.
  • Possibles futurs, 2007.

Par ailleurs, Guillevic a publié un très grand nombre de plaquettes accompagnées de dessins, gravures ou lithographies de ses amis peintres. Ces livres, en tirage souvent très limité, permettent de prendre la mesure de la plasticité de sa poésie et de sa poétique. Parmi les artistes avec lesquels il collaborera, citons Fernand Léger, Pignon, Dubuffet, Boris Taslitzky, Jacques Lagrange, Ubac, Beaudin, Manessier, Bazaine.

Les poèmes de Guillevic ont été traduits dans plus de quarante langues de soixante pays. Guillevic lui-même, qui a appris l'allemand et l'alsacien dans sa jeunesse, est l'auteur de traductions (Goethe, Georg Trakl, Bertolt Brecht) et d'adaptations des œuvres de poètes principalement d'Europe de l'Est.

Sur Guillevic

  • Pierre Daix, Guillevic, Poètes d'aujourd'hui, Ed. Pierre Seghers, Paris, 1954.
  • Jean Tortel, Guillevic, nouvelle édition entièrement remaniée, Poètes d'aujourd'hui, Ed. Pierre Seghers, Paris, 1962.
  • Jean Dubacq, Guillevic, Ed. de la Tête de Feuilles, Bordeaux, 1972.
  • Guillevic, Vivre en poésie, Entretien avec Lucie Albertini et Alain Vircondelet, Stock, Paris, 1980.
  • Guillevic/Raymond Jean, Choses parlées, entretiens, Champ Vallon, Seyssel, 1982.
  • Serge Gaubert (dir.), Lire Guillevic, Presses Universitaires, Lyon, 1983.
  • Jean Pierrot, Guillevic ou la sérénité gagnée, Champ Vallon, Seyssel, 1984.
  • Anne-Marie Mitchell, Guillevic, Le Temps parallèle, Marseille, 1989.
  • André Frénaud - Guillevic, Europe n° 734-735, Paris, juin-juillet 1990.
  • Pascal Rannou : Guillevic: du menhir au poème, Skol-Vreizh (Morlaix), 1991
  • M. Brophy, Eugène Guillevic, Rodopi, Amsterdam, 1993.
  • Guillevic/Jacques Lardoux, Humour-Terraqué, Entretiens-Lectures, Presses universitaires de Vincennes, Saint-Denis, 1997.
  • Bernard Fournier, Modernité de Guillevic, réflexions sur la création chez Guillevic, Presses universitaires du Septentrion, Villeneuve-d'Asq, 2 volumes, 1997.
  • Jean-Paul Giraux, "Un monde terraqué", revue Poètes au Raincy numéro spécial Guillevic avril 2001
  • Bernard Fournier, Le Cri du chat-huant, essai sur le lyrisme de Guillevic, avec une importante bibliographie, L'Harmattan, 2002.
  • María Lopo, Guillevic et sa Bretagne, Presses Universitaires de Rennes, 2004 (ISBN 2-86847-921-9).
  • Serge Mathurin Thébault, Guillevic, 13 poèmes sur une rencontre, avec le salut de Lucie Albertini-Guillevic, encres d'Aymée Darblay, Éditions Gérard Guy, Marly-le-Roi, 2005.
  • Monique W. Labidoire, S'aventurer avec Guillevic, Editinter [1], Soisy-sur-Seine, 2006 (ISBN 2-35328-003-X).
  • Marianne Auricoste, Guillevic, Les noces du goéland, L'Harmattan, 2007.
  • Brigitte Le Treut, L'Univers imaginaire de Guillevic, La Part Commune, 2007
  • Jean-Pierre Montier (dir.) Mots et images de Guillevic, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2007. Supplément DVD Guillevic et ses peintres, prod. CREA, université Rennes2.
  • Marilyse Leroux, "Petite suite pour Guillevic" dans Le Fil des jours, s.l, Éditions Donner à Voir, 2008.
  • Pierre Gérard-Fouché, "Comme en un tremblement, le dehors et le dedans" dans Guillevic Avec les Autres, catalogue d'exposition, Rennes, Bibliothèque de Rennes Métropole, 2008.

Voir aussi

Notes

  1. Ces six courts textes (« Bruyère », « Pin », « Vache », « Hanneton », « Écureuil », « Fourmi »,) sont cependant donnés dans l'étude Lire Guillevic (Pr. Univ. de Lyon, 1983).

Liens externes