Dravidiens

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Les peuples dravidiens, également appelés Dravidiens sont les termes utilisés pour désigner, parmi les peuples non aryens et non himalayens en Inde, ceux parlant des langues dravidiennes[1]. Vingt-six langues dravidiennes sont recensées, parlées par plus de 250 millions de personnes. Pour la plupart, elles sont concentrées dans la moitié sud de la péninsule indienne, mais deux exceptions existent dans le nord : les Brahouis au nord-ouest et les Kurukhs et Maltos au nord-est[2]. D'autres locuteurs d'une langue dravidienne, le tamoul, vivent au Sri Lanka. Les plus nombreux peuples dravidiens (30-70 millions de personnes chacun) sont les Télougous, les Tamouls, les Kannadigas et les Malayalis. Il existe de plus petites communautés (de 1 à 5 millions de locuteurs) au Pakistan et dans le centre de l'Inde.

Origine

Le terme « dravidien » provient du mot « drâvida », qui désigne en sanskrit les peuples occupant le sud de l'Inde. Ce mot présente pour variantes « dramila » et « damila », qui ont donné le mot « tamil » (qui signifie « harmonieux » en s'appliquant à la langue) ; « tamoul » est une forme francisée à partir de la prononciation populaire du mot Tamil.

Histoire

Il y a quatre histoires des Dravidiens : celle déduite des fouilles archéologiques et du patrimoine monumental, celle des textes issus des anciens États de l'Inde et des historiens qui les ont étudiés, celle des légendes, mythes et récits panégyriques qui mêlent épopées, religion et évènements historiques, et celle réinventée par des auteurs nationalistes modernes pour magnifier les origines et le passé des peuples dont ils sont issus. Le plus souvent, les deux premières sont compatibles entre elles, de même que les deux dernières entre elles, mais on trouve des différences parfois marquées entre le premier groupe d'un côté, et le second groupe de l'autre.

Préhistoire

Durant la préhistoire, et selon les légendes, le peuple tamoul aurait eu un grand empire au sud de l'Inde actuel sur un continent légendaire appelé Kumari Kandam, que des auteurs comme William Scott-Elliot (en)[3] ou Jules Hermann préfèrent assimiler à la mythique Lémurie.

Panjâb, Gujarât, Inde…

En 1992, dans une figuration concernant la situation des différents peuples vers la fin de l'âge du bronze moyen, l'auteur Lothar Kilian place les indiens ou drâvidiens dans une aire culturelle très proche des mèdes ou médo-perses, des iraniens, des indo-européens orientaux et de l'ensemble des peuples du Caucase[4]. En 1994, les généticiens Luca et Francesco Cavalli-Sforza affirment[5] que les Dravidiens seraient des « caucasiens à peau brune, aux traits faciaux et corporels caucasoïdes ». Ils les classent parmi les « caucasiens non européens » et en font des « méditerranéens orientaux ». Le groupe caucasoïde à peau foncée résulterait d'un habitat prolongé en zone tropicale : la péninsule indienne, la couleur de la peau étant pour eux une adaptation au climat[6].

En 1996, l'auteur Louis Frédéric fait la découverte de squelettes humains, inhumés en position repliée, parfois en compagnie d'un chien, dans le Gujarât, notamment à Langhnaj et à Hirpura. Selon lui, ils montreraient des caractéristiques hamites similaires aux proto-Égyptiens. Les porteurs de cette culture microlithique étaient des chasseurs-cueilleurs vivant dans les collines. D'après les restes de leurs repas, ils chassaient le crocodile, l'aurochs, le tarpan, des ovins, des rats et pêchaient des poissons[7]. En 2006, Iaroslav Lebedynsky, spécialiste des peuples de la steppe et du Caucase, signale la variété des phénotypes humains répertoriés dans la région du Pamir et dans le sud de l'Asie centrale et pense que les Dravidiens ont des origines multiples, le sud de la péninsule indienne étant un « cul-de-sac » géographique propice à un melting-pot très ancien. C'est ce que semble confirmer la génétique des populations, les Dravidiens faisant partie des haplogroupes mitochondriaux « R » et « N », issus de l’haplogroupe L3[8].

Selon une étude génétique publiée en 2015[9], la population actuelle du l'Inde pourrait être en grande partie issue d'un mélange assez récent, datant de trois millénaires seulement, entre une ancienne population autochtone de l'Inde qui était relativement proche génétiquement des Andamanais, et d'une population eurasienne originaire des environs du Caucase et du Pamir, arrivée plus tardivement par le nord-ouest de l'Inde. Dans ce mélange, les populations du sud de l'Inde seraient restées un peu plus proches des Andamanais, tandis que les populations du nord de l'Inde seraient plus proches des eurasiens venus du nord-ouest.

Les migrations des peuples

Il est difficile aujourd'hui de reconstituer les mouvements de peuples qui aboutirent au peuplement du sous-continent indien aux périodes préhistoriques et protohistoriques, en raison d'études systématiques sur le sujet. Les vues officielles du gouvernement indien sont fondées sur les opinions d'anthropologues qui donnent à ce peuplement au moins sept types de peuples répartis sur la péninsule et qui seraient arrivés les uns après les autres :

  1. les négritos à peau noire seraient les habitants les plus anciens. Ils vivent aujourd'hui sur l'archipel d'Andaman, dans la péninsule malaise et dans quelques zones tribales de l'Inde du sud.
  2. les Proto-Australoïdes à peau sombre, dont les représentants les plus connus sont les Veddas de Ceylan.
  3. des méditerranéens orientaux, dont une migration ultérieure, mais antérieure à l'expansion des langues indo-européennes, aurait donné naissance à ce que nous appelons de nos jours les Drâvidiens[10].
  4. à leur suite, des peuples « causasoïdes » ou « arménoïdes », apparentés aux Drâvidiens.
  5. des « Alpins » parlant des langues indo-européennes apparentées à la forme la plus ancienne de la langue védique.
  6. des Aryas, venus de l'aire iranienne, parlant une forme ancienne du sanskrit : le védique.

Tous ces peuples, hormis peut-être les Négritos, étaient déjà fortement métissés à leur arrivée en Inde, où ils se superposèrent et se mélangèrent plus ou moins entre eux. Sur les marches nordiques du sous-continent indien, ils rencontrèrent divers peuples proto-mongoloïdes (appelés Kirâta, Munda ou Kôl dans les écrits les plus anciens), notamment en Assam, au Sikkim, au Népal et au Bhoutan.

On pense qu'à l'arrivée des Aryas, le groupe aborigène devait être celui des Drâvidiens comme en témoignent de nos jours des « îlots linguistiques » apparentés comme les Brahouis du Balouchistan, ou ceux des Gonds, des Kui ou des Orâon dans le reste de l'Inde, ainsi que la survivance de nombreux vocables adoptés par les textes védiques.

La théorie de l'invasion aryenne (TIA) situe l'origine des populations de l'Inde moderne dans une région peut-être située dans le sud de l'Asie centrale, autour du Pamir, avant de migrer dans la région de l'Hindou Kouch d'où un premier groupe se serait par la suite déplacé vers l'ouest vers l'Iran en longeant la mer d'Arabie ; un deuxième groupe serait parti vers l'Est vers l'Assam en longeant les contreforts de l'Himalaya, tandis qu'un dernier groupe, longeant les côtes indiennes par l'ouest et par l'est, atteignit le sud de la péninsule et y constitua les Drâvidiens. De nos jours, à la suite du mélange de toutes ces populations, on ne parle plus de « culture raciale » à propos des Drâvidiens, mais de « cultures linguistiques », chacune d'elles correspondant (très approximativement) à des groupes humains à prédominance ethnique distincte[11].

Religions

Aujourd'hui la grande majorité des Dravidiens pratique l'hindouisme, mais il existe des communautés de langue dravidienne qui sont musulmanes (par exemple les Brahouis), chrétiennes (par exemple à Pondichéry) et juives (par exemple à Calicot et Cochin).

Art dravidien

L'art dravidien est essentiellement un art hindouiste, mais si la civilisation de Indus est bien une civilisation dravidienne dont les Brahouis seraient les derniers descendants, on peut alors considérer les artefacts de cette culture comme des témoignages d'un art dravidien ancien[12].

Génétique

Une étude génétique publiée en 2018 semble montrer que les populations dravidiennes d'Asie du Sud sont issues d'un mélange génétique entre une population proche des Onges et une population proche des individus de la culture de Namazga[13].

Notes et références

  1. The A to Z of Hinduism, par B.M. Sullivan publié par Vision Books, page 70, (ISBN 8170945216)
  2. Encyclopedia of Hinduism par C.A. Jones et J.D. Ryan publié par Checkmark Books, pages 137 et 138, (ISBN 0816073368)
  3. W. Scott-Elliot, La Lémurie perdue, Adyar, 2e édition, 1930, traduit de l'anglais
  4. Carte de P. Bosch-Gimpera, p. 48 in De l'origine des indo-européens de Lothar Kilian, ed. Le labyrinthe, 1992
  5. Cavalli-Sforza, Qui Sommes-nous ?, ed. Flammarion, 1994
  6. Cavalli-Sforza, op. cit. p. 171, « Les caucasoïdes sont essentiellement des peuples à la peau blanche, mais ils comprennent également les populations de l'Inde du sud, située en zone tropicale et où l'on observe un fort noircissement de la peau, avec cependant des traits faciaux et corporels qui restent caucasoïdes et non africains ou australiens ».
  7. Louis Frédéric, Histoire de l'Inde et des Indiens,cit. p.28, ed. Criterion, 1996
  8. D'après R. Fregel, V. Cabrera, J.M. Larruga, K.K. Abu-Amero et A.M. González, « Carriers of Mitochondrial DNA Macrohaplogroup N Lineages Reached Australia around 50,000 Years Ago following a Northern Asian Route », PLOS ONE, vol. 10, no 6,‎ , e0129839 (PMID 26053380, PMCID 4460043, DOI 10.1371/journal.pone.0129839)
  9. Jones et al., Upper Palaeolithic genomes reveal deep roots of modern Eurasians, 2015, http://www.nature.com/ncomms/2015/151116/ncomms9912/abs/ncomms9912.html
  10. Louis Frédéric, Histoire de l'Inde et des Indiens,, 1996, p.31.)
  11. Louis Frédéric, ibid., p.32.
  12. (en) R. P. Wright, The Ancient Indus: Urbanism, Economy and Society, Cambridge, Cambridge University Press, 2010.
  13. (en) Peter de Barros Damgaard et al., The first horse herders and the impact of early Bronze Age steppe expansions into Asia, Science, Vol. 360, Issue 6396, 29 juin 2018: