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Le Chant des déportés

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Mémorial à l'entrée du site du camp de concentration de Börgermoor, à Surwold, près de Papenburg, Emsland (Allemagne). La pierre présente les paroles du 1er couplet et du refrain.

Le Chant des déportés ou Chant des marais (en allemand Moorsoldatenlied, « chanson des soldats de marécage », ou Börgermoorlied, « chant de Börgermoor » ou Die Moorsoldaten) est l'adaptation en français d'un chant allemand composé en 1933 par des prisonniers communistes du camp de concentration, pour détenus politiques, de Börgermoor, dans le Pays de l'Ems, en Basse-Saxe.

Ce chant de déportés allemands est également devenu un chant militaire français, connu sous le nom de Chant des marais, et chanté par diverses chorales militaires françaises, de parachutistes et même de la Légion étrangère[réf. nécessaire].

Il s'appelle 'The Peat Bog Soldiers' en anglais.

Histoire

Les paroles de cette chanson ont été écrites par le mineur Johann Esser et l'acteur et metteur en scène Wolfgang Langhoff, la musique a été composée par Rudi Goguel, un employé de commerce. Tous trois étaient détenus au camp de concentration de Börgermoor, ouvert en 1933 et administré par la SA, et tous trois étaient membres du Parti communiste allemand. Les cadres SA (puis SS) des camps exigeaient traditionnellement des prisonniers qu'ils chantassent pour se rendre au travail[note 1].

Ce chant n'est pas né de la tradition concentrationnaire de faire chanter les détenus, mais plutôt de celle qui les autorisait, dans les premiers camps, à organiser des activités culturelles sur le "temps libre" du dimanche, lorsqu'il leur restait encore des forces. C'est ainsi que Wolfgang Langhoff a sollicité et obtenu l'autorisation de monter un spectacle de cabaret en à la suite d'un déchaînement de violence des SS, qui avait fortement éprouvé les détenus[1]. Ce chant, destiné à être chanté en présence des gardiens et des SS, procédait de la volonté des détenus de rendre compte de leurs conditions (strophe 1 et 2 l'isolement, et refrain qui évoque le travail d'assèchement des marais et d'extraction de la tourbe), des violences subies (les cris, les coups, les larmes de la troisième strophe), mais aussi de leur espoir d'être libérés (dernière strophe et dernier refrain).

Les détenus du camp de Börgermoor étaient pour la plupart des prisonniers politiques du régime nazi, détenus à la suite des lois spéciales promulguées le lendemain de l'incendie du Reichstag. Le titre de la chanson évoque les travaux forcés dans les marécages du camp : extraction de la tourbe à l'aide d'outils rudimentaires.

Quelques-uns des déportés de Börgermoor, libérés à l'issue de leur condamnation, choisirent de s'exiler. Langhoff, libéré en 1934, émigre en Suisse. C'est à Zurich qu'est publié en 1935 son témoignage intitulé Die Moorsoldaten. 13 Monate Konzentrationslager. Unpolitischer Tatsachenbericht. L’ouvrage connaît un succès immédiat et est traduit dans plusieurs langues, dont le français. D'autres prisonniers fuient pour la Russie, la Tchécoslovaquie, ou encore l'Angleterre. C'est là qu'en 1936, le compositeur Hanns Eisler, collaborateur musical de Bertolt Brecht, l'entend pour la première fois. Il en fait une adaptation pour le chanteur Ernst Busch. Celui-ci rejoignit en 1937 les Brigades internationales en Espagne, de sorte que le Chant des soldats du marais, chanté par les volontaires allemands des Brigades, acquit rapidement une grande notoriété.

Parallèlement, le chant se répandit en Allemagne, d'un camp de concentration à l'autre, dans diverses langues, puis en Pologne occupée, et finit même par atteindre certains déportés du camp d'Auschwitz Birkenau[1].

De ce chant, il a été créé des versions dans diverses langues, interprétées entre autres par Paul Robeson, Perry Friedman, Pi de la Serra, Leny Escudero, Serge Utgé-Royo, Hannes Wader ou le groupe corse Cinqui Sò[2].

Chant des Incorporés de Force au Goulag de Tambov.

Le chant fut également chanté par certains incorporés de forces alsaciens et mosellans, alors captifs des Russes dans le goulag de Tambov[3]. Par conséquent, il est parfois connu de certaines familles d'origine alsacienne ou mosellane comme le chant des malgré-nous (à ne pas confondre avec la marche des malgré nous, chant officiel des malgré nous[4]). Le terme malgré nous est ici utilisé alors que les malgré-nous étaient les Alsaciens et Mosellans forcés de se battre pour l'armée allemande lors de la première guerre mondiale. Les incorporés de force sont les Alsaciens et Mosellans ayant partagé le sort de leurs ainés, mais pendant la seconde guerre mondiale.

Le 27 août 1933 (souvenirs de Rudi Goguel)

Le Chant des déportés a été chanté le lors d'un événement appelé Zirkus Konzentrani (Cirque des concentrationnaires). Les chanteurs étaient issus pour la plupart de l'association ouvrière de chant de Solingen.

Dans ses Mémoires, Rudi Goguel raconte :

« Les seize chanteurs, pour la plupart membres de l'association ouvrière de chant de Solingen, défilaient bêche à l'épaule dans leurs uniformes de police verts (nos vêtements de prisonnier de cette époque-là). Je menais la marche, en survêtement bleu, avec un manche de bêche brisé en guise de baguette de chef d'orchestre. Nous chantions, et déjà à la deuxième strophe, presque tous les mille prisonniers commençaient à entonner en chœur le refrain. De strophe en strophe, le refrain revenait de plus belle et, à la dernière, les SS, qui étaient apparus avec leurs commandants, chantaient aussi, en accord avec nous, apparemment parce qu'ils se sentaient interpellés eux aussi comme « soldats de marécage ».

« Aux mots « Alors n'envoyez plus les soldats du marécage bêcher dans les marécages », les seize chanteurs plantèrent leur bêche dans le sable et quittèrent l'arène, laissant les bêches derrière eux. Celles-ci donnaient alors l'impression de croix tombales. »

Paroles

Il existe plusieurs traductions de ce chant populaire, qui sont très semblables les unes aux autres. En voici quatre :

I
Loin vers l'infini s'étendent
De grands prés marécageux
Et là-bas nul oiseau ne chante
Sur les arbres secs et creux

Refrain
Ô terre de détresse
Où nous devons sans cesse
Piocher, piocher.

II
Dans ce camp morne et sauvage
Entouré de murs de fer
Il nous semble vivre en cage
Au milieu d'un grand désert.

III
Bruit des pas et bruit des armes
Sentinelles jours et nuits
Et du sang, et des cris, des larmes
La mort pour celui qui fuit.

IV
Mais un jour dans notre vie
Le printemps refleurira.
Liberté, liberté chérie
Je dirai : « Tu es à moi. »

Dernier refrain
Ô terre enfin libre
Où nous pourrons revivre,
Aimer, aimer.

I
Loin vers l’infini s’étendent
Des grands prés marécageux.
Pas un seul oiseau ne chante
Sur les arbres secs et creux.

Refrain
Ô terre de détresse
Où nous devons sans cesse
Piocher, piocher

II
Dans le camp morne et sauvage
Entouré de murs de fer
Il nous semble vivre en cage
Au milieu d'un grand désert

III
Bruit des chaînes et bruit des armes,
Sentinelles jour et nuit,
Et du sang, des cris, des larmes,
La mort pour celui qui fuit.

IV
Mais un jour dans notre vie,
Le printemps refleurira
Libre enfin, ô ma patrie,
Je dirai tu es à moi.

Dernier refrain
Ô terre d’allégresse
Où nous pourrons sans cesse
Aimer, aimer

I
Loin vers l’infini s’étendent
Les grands prés marécageux.
Pas un seul oiseau ne chante
Sur les arbres secs et creux.

Refrain
Ô terre de détresse
Où nous devons sans cesse
Piocher, piocher


II
Dans ce camp morne et sauvage
Entouré de murs de fer
Il nous semble vivre en cage
Au milieu d'un grand désert

III
Bruit des pas et bruit des armes,
Sentinelles jour et nuit,
Et du sang, des cris, des larmes,
La mort pour celui qui fuit.

IV
Mais un jour dans notre vie,
Le printemps refleurira
Libre alors, ô ma patrie,
Je dirai tu es à moi.

Dernier refrain
Ô terre d’allégresse
Où nous pourrons sans cesse
Aimer, aimer

I
Loin dans l'infini s'étendent
Les grands prés marécageux,
Pas un seul oiseau ne chante
Dans les arbres secs et creux.

Refrain
Ô terre de détresse
Où nous devons sans cesse
Piocher, piocher.


II
Dans ce camp morne et sauvage
Entouré de fils de fer,
Il nous semble vivre en cage
Au milieu d'un grand désert.

III
Bruits des pas et bruits des armes
Sentinelles jour et nuit
Et du sang, des cris, des larmes,
La mort pour celui qui fuit.

IV
Mais un jour dans notre vie,
Le printemps refleurira,
Liberté, liberté chérie
Je dirai :« Tu es à moi ! »

Dernier refrain
Ô terre d'allégresse
Où nous pourrons sans cesse,
Aimer, aimer.

Réutilisation de la musique solennelle

Notes et références

Notes

  1. On peut voir une analogie avec les orchestres de détenus à Auschwitz.

Références

  1. a et b Élise Petit, « Le Börgermoorlied », sur Musique et Shoah : holocaustmusic.ort.org/fr (consulté le )
  2. Élise Petit, « Le Moorsoldatenlied : analyse traductologique et musicale d’un hymne international », sur La Main de Thôt, n°8, (consulté le )
  3. Témoignage direct d'un ancien incorporé de forces s'étant rendu aux Russes en 1945 et interné à Tambov
  4. « Le chant des « Malgré-Nous ». Marche officielle de l’ADEIF – Paroles et Musique de Fernand Erbsland », sur Les Malgré-Nous (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

Article connexe

Liens externes