Virus de Lassa

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Lassa mammarenavirus, le virus de Lassa est une espèce d'arenavirus du genre mammarenavirus. C'est l'agent infectieux à l'origine, chez l'humain, de la fièvre de Lassa, fièvre hémorragique endémique d'Afrique de l'Ouest où, bien qu'elle ait un taux de létalité moyen de l'ordre de 1 %, elle est à l'origine d'épidémies meurtrières en raison de sa prévalence élevée — 300 000 à 500 000 cas résultant en 5 000 morts chaque année dans la région[2]. Il s'agit d'un virus à ARN monocaténaire de polarité ambisens à génome bisegmenté appartenant à la famille des Arenaviridae, genre Mammarenavirus. Son réservoir naturel est Mastomys natalensis, ou rat africain commun, distribué à travers toute l'Afrique subsaharienne.

Génome et réplication[modifier | modifier le code]

Le génome de ce virus enveloppé est formé de deux segments d'ARN qui codent chacun deux protéines, une dans chaque sens, soit un total de quatre protéines. Le grand segment, long de 7 kilobases, code, dans le sens positif, une petite protéine à doigt de zinc Z de 11 kDa qui régule la transcription et la réplication[3],[4] ; dans le sens négatif, il code l'ARN polymérase ARN-dépendante L de 200 kDa. Le petit segment, long de 3,4 kb, code, dans le sens positif, le précurseur GP de 75 kDa des glycoprotéines de surface, précurseur ensuite clivé par protéolyse en deux glycoprotéines d'enveloppe GP1 et GP2 qui se lient au récepteur alpha-dystroglycane (en) (α-DG) et permettent au virus de pénétrer dans la cellule hôte[5] ; dans le sens négatif, il code la nucléoprotéine NP de 63 kDa.

Le mode de réplication du virus Lassa se déroule par étapes successives qui contribuent à l'immunosuppression. Compte tenu de la nature ambisens du génome de ce virus, sa réplication produit en premier lieu un grand nombre de copies d'un génome viral d'ARN complémentaire utilisé pour exprimer massivement les protéines codées dans le sens négatif, c'est-à-dire la nucléoprotéine NP et l'ARN polymérase ARN-dépendante L. Le génome viral est ensuite transcrit à l'identique du virus original à partir de ce génome complémentaire pour achever la réplication virale[6], permettant ainsi l'expression massive des protéines codées dans le sens positif, c'est-à-dire la protéine à doigt de zinc Z et le précurseur de la glycoprotéine GP[7], qui doit encore être clivée en GP1 et GP2. Ces dernières sont ainsi produites en dernier, ce qui retarde d'autant l'identification du virus par le système immunitaire de l'hôte, à l'origine de l'immunosuppression observée dans les cas de fièvre de Lassa.

Le séquençage du génome du virus Lassa a montré l'existence de quatre souches : trois au Nigeria, la quatrième en Guinée, au Liberia et au Sierra Leone ; les souches nigérianes semblent antérieures à la dernière, bien que ce résultant demande confirmation[8].

Mode d'infection[modifier | modifier le code]

Le virus de Lassa pénètre dans la cellule hôte par l'entremise des récepteurs d'α-DG (en)[5]. La reconnaissance du récepteur dépend d'une modification particulière d'un ose de l'α-DG par des glycosyltransférases spécifiques. Des variantes spécifiques des gènes codant ces protéines sont particulièrement présentes en Afrique de l'Ouest là où la fièvre de Lassa est endémique. La présence en position 260 d'un résidu d'acide aminé aliphatique sur la glycoprotéine GP1 est indispensable à l'affinité de cette dernière pour l'α-DG. La nature du résidu précédent (en position 259) semble également déterminante, dans la mesure où tous les virus du genre Arenavirus qui présentent une affinité élevée pour l'α-DG ont un résidu ayant une chaîne latérale aromatiquetyrosine ou phénylalanine — à cette position[9].

Contrairement à la plupart des virus enveloppés, qui utilisent des cavités tapissées de clathrine pour pénétrer leur hôte et se lient à leur récepteur selon un mode dépendant du pH, le virus Lassa emprunte un chemin d'endocytose indépendant de la clathrine, la cavéoline, la dynamine et l'actine. Une fois dans la cellule, les particules virales se retrouvent rapidement dans les endosomes à travers la circulation vésiculaire. La fusion de l'enveloppe virale avec la membrane vésiculaire passe par l'interaction de la glycoprotéine virale GP2[10] avec la protéine lysosomale LAMP1 (en) sous l'effet du pH acide de l'endosome[11],[12]. La compréhension des mécanismes sous-jacents aux changements conformationnels induits par la liaison de la glycoprotéine virale à son récepteur ainsi que par la fusion des membranes fait l'objet de recherches en vue d'élaborer un vaccin contre la fièvre de Lassa[13].

Compte tenu du danger biologique qu'il représente, le virus Lassa ne peut être manipulé que dans un laboratoire P4 ou BSL-4[14],[15].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) « Virus Taxonomy: 2018b Release », ICTV, (consulté le ).
  2. (en) Catherine Houlihan et Ron Behrens, « Lassa fever », The BMJ, vol. 358,‎ , article no j2986 (PMID 28701331, DOI 10.1136/bmj.j2986, lire en ligne, consulté le )
  3. (en) Tatjana I. Cornu et Juan Carlos de la Torre, « RING Finger Z Protein of Lymphocytic Choriomeningitis Virus (LCMV) Inhibits Transcription and RNA Replication of an LCMV S-Segment Minigenome », Journal of Virology, vol. 75, no 19,‎ , p. 9415-9426 (PMID 11533204, PMCID 114509, DOI 10.1128/JVI.75.19.9415-9426.2001, lire en ligne, consulté le )
  4. (en) Mahmoud Djavani, Igor S. Lukashevich, Anthony Sanchez, Stuart T.Nichol et Maria S. Salvatoa, « Completion of the Lassa Fever Virus Sequence and Identification of a RING Finger Open Reading Frame at the L RNA 5′ End », Virology, vol. 235, no 2,‎ , p. 414-418 (PMID 9281522, DOI 10.1006/viro.1997.8722, lire en ligne, consulté le )
  5. a et b (en) Wei Cao, Michael D. Henry, Persephone Borrow, Hiroki Yamada, John H. Elder, Eugene V. Ravkov, Stuart T. Nichol, Richard W. Compans, Kevin P. Campbell et Michael B. A. Oldstone, « Identification of α-Dystroglycan as a Receptor for Lymphocytic Choriomeningitis Virus and Lassa Fever Virus », Science, vol. 282, no 5396,‎ , p. 2079-2081 (PMID 9851928, DOI 10.1126/science.282.5396.2079, Bibcode 1998Sci...282.2079C, lire en ligne, consulté le )
  6. (en) Nadezhda E. Yun et David H. Walker, « Pathogenesis of Lassa Fever », Viruses, vol. 4, no 10,‎ , p. 2031-2048 (PMID 23202452, PMCID 3497040, DOI 10.3390/v4102031, lire en ligne, consulté le )
  7. (en) Meike Hass, Uta Gölnitz, Stefanie Müller, Beate Becker-Ziaja et Stephan Günther, « Replicon System for Lassa Virus », Journal of Virology, vol. 78, no 24,‎ , p. 13793-13803 (PMID 15564487, PMCID 533938, DOI 10.1128/JVI.78.24.13793-13803.2004, lire en ligne, consulté le )
  8. (en) Michael D. Bowen, Pierre E. Rollin, Thomas G. Ksiazek, Heather L. Hustad, Daniel G. Bausch, Austin H. Demby, Mary D. Bajani, Clarence J. Peters et Stuart T. Nichol, « Genetic Diversity among Lassa Virus Strains », Journal of Virology, vol. 74, no 15,‎ , p. 6992-7004 (PMID 10888638, PMCID 112216, DOI 10.1128/JVI.74.15.6992-7004.2000, lire en ligne, consulté le )
  9. (en) Christina F. Spiropoulou, Stefan Kunz, Pierre E. Rollin, Kevin P. Campbell et Michael B. A. Oldstone, « New World Arenavirus Clade C, but Not Clade A and B Viruses, Utilizes α-Dystroglycan as Its Major Receptor », Journal of Virology, vol. 76, no 10,‎ , p. 5140-5146 (PMID 11967329, PMCID 136162, DOI 10.1128/JVI.76.10.5140-5146.2002, lire en ligne, consulté le )
  10. (en) Sundaresh Shankar, Landon R. Whitby, Hedi E. Casquilho-Gray, Joanne York, Dale L. Boger et Jack H. Nunberg, « Small-Molecule Fusion Inhibitors Bind the pH-Sensing Stable Signal Peptide-GP2 Subunit Interface of the Lassa Virus Envelope Glycoprotein », Journal of Virology, vol. 90, no 15,‎ , p. 6799-6807 (PMID 27194767, DOI 10.1128/JVI.00597-16, Bibcode 4944282, lire en ligne, consulté le )
  11. (en) Christine E. Hulseberg, Lucie Fénéant, Katarzyna M. Szymańska et Judith M. White, « Lamp1 Increases the Efficiency of Lassa Virus Infection by Promoting Fusion in Less Acidic Endosomal Compartments », mBio, vol. 9, no 1,‎ , e01818-17 (PMID 29295909, PMCID 5750398, DOI 10.1128/mBio.01818-17, lire en ligne, consulté le )
  12. (en) Hadas Cohen-Dvashi, Hadar Israeli, Orly Shani, Aliza Katz et Ron Diskin, « Role of LAMP1 Binding and pH Sensing by the Spike Complex of Lassa Virus », Journal of Virology, vol. 90, no 22,‎ , p. 10329-10338 (PMID 27605678, PMCID 5105667, DOI 10.1128/JVI.01624-16, lire en ligne, consulté le )
  13. (en) Kathryn M. Hastie, Michelle A. Zandonatti, Lara M. Kleinfelter, Megan L. Heinrich, Megan M. Rowland, Kartik Chandran, Luis M. Branco, James E. Robinson, Robert F. Garry et Erica Ollmann Saphire, « Structural basis for antibody-mediated neutralization of Lassa virus », Science, vol. 356, no 6341,‎ , p. 923-928 (PMID 28572385, PMCID 6007842, DOI 10.1126/science.aam7260, Bibcode 2017Sci...356..923H, lire en ligne, consulté le )
  14. (en) « Biosafety in Microbiological and Biomedical Laboratories, 5th Edition », CDC, (consulté le ).
  15. (en) Section VIII—Agent Summary Statements, CDC, 2009.