Plombémie

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La plombémie est la mesure du taux de plomb présent dans le sang, chez l'homme (ou l'animal en médecine vétérinaire).

Significations

Aux États-Unis, de 1976 à 1980, la baisse du taux moyen de plomb dans l'air (suite à l'interdiction du plomb dans l'essence) a été nettement corrélée à celle de la plombémie (taux de plomb dans le sang).
En France, selon l'INSERM[1],[2], la plombémie moyenne est ainsi passée de 125 μg·l-1 à 65 μg·l-1 en 1998, soit encore près de 3 fois plus qu'aux États-Unis en 1991-1994 (23 μg·l-1). Depuis, la moyenne est même aux États-Unis tombée à 16 μg·l-1 en 1999-2002[3]

Une plombémie élevée peut être l'indice :

  • d'une intoxication saturnine récente via l'alimentation (ingestion de plantes ou gibier contaminé, ou directement de grenaille de plomb de chasse ou plomb de pêche portés à la bouche pour les refermer sur le fil[4], ou ingestion de boisson contaminée), l'inhalation ou par voie transcutané ;
  • d'un relargage de plomb dans le sang, à partir du système osseux, suite à une fracture osseuse ou une ostéoporose ;
  • chez l'embryon, le fœtus, le bébé ou jeune enfant allaité, le plomb peut provenir de la mère (via le placenta) ou du lait.

La mesure de la plombémie permet de confirmer ou détecter le saturnisme, maladie induite par l'intoxication de l'organisme par le plomb ou ses dérivés.

La plombémie générale de la population ou d'une sous-population (ouvrière par exemple, ou de quartiers anciens) est suivie par des enquêtes épidémiologiques et de biosurveillance à grande échelle et sur plusieurs décennies dans certains pays (par exemple aux États-Unis (avec notamment l'étude National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES) de 2001-2002[5]), en Allemagne (avec la German Environmental Survey (GerES III) de 1998[6] et la German Environmental Survey for Children (GerES IV)[7] de 2003-2006), au Canada). Pour disposer de références sur les taux « normaux », on fait aussi des mesures de plombémie chez des populations jugées peu exposées, y compris en milieu de travail[8].

Métrologie

Unités

La plombémie est généralement donnée en mg/L ou µg/dL ou ppm.

Méthodes d'analyse

Plusieurs méthodes analytiques existent, dont certaines sont mises en œuvre par des laboratoires homologués pour les analyses médicales et pour des évaluations générales de santé publique [9].

En France, un contrôle national de qualité des mesures de plombémie a été demandé par le Ministère du Travail en 1992 suite à la mise en question par des industriels de la bonne capacité des laboratoires de biologie médicale à doser le plomb dans le sang (plombémie). En 1996, un contrôle de qualité externe (avec « bilan rétrospectif ») a pu être fait (il fallait pour avoir des résultats statistiquement significatifs avoir un nombre suffisant de laboratoires participants)[10].

15 ans plus tard, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a commandé un bilan de la banque de données collectées (1996-2011), qui a montré que le nombre de laboratoires a fortement diminué (il est passé de 73 à 41). La performance de ces laboratoires a cependant augmenté (diminution de la dispersion des résultats sur toute la gamme des plombémies testées ; de 9 à 700 μg/L)[10].

Depuis 2006, la torche à plasma couplée à la spectrométrie de masse est de plus en plus utilisée, alors que la spectrométrie d'absorption atomique électrothermique l'est de moins en moins, mais selon une évaluation pour la période 1996-2011 (publiée en 2014), « ces deux techniques analytiques, à expérience de métrologie identique, conduisent à des résultats non statistiquement différents sur la totalité des concentrations testées »[10].

Normes, valeurs seuils

  • La valeur de référence du plomb sanguin est de moins de 90 µg/L pour l'homme adulte et de moins de 70 µg/L pour la femme. Cette valeur est parfois discutée car alignée sur des valeurs contemporaines alors qu'ils semble que les organes de l'homme préhistorique contenait bien moins de plomb que ceux de l'homme d'aujourd'hui.
  • La valeur recommandée est celle à partir duquel il convient d’envisager des mesures visant à réduire l’exposition à la substance[11].
    Moins de 1 % des canadiens avaient en 2008 des plombémies dépassant la valeur recommandée par Santé Canada à cette époque, ce qui montre une situation en très net progrès car en 1978-1979, l'enquête de Santé Canada avait mis en évidence que 1/4 (25 %) des Canadiens de plus de 6 ans étaient victime d'un saturnisme léger à grave (plombémie dépassant les 10 μg/dL)[12]. En 2010, un canadien moyen présente une plombémie beaucoup plus élevée que celle d'un homme préhistorique (selon mesures faites sur des ossements, l'os stockant l'essentiel du plomb), mais proche des taux mesurés chez les personnes réputées non particulièrement exposées. On manque de données sur les pays en développement, mais des indices laissent penser que le plomb et l'essence plombée (au plomb tétraéthyl y sont encore parfois d'important facteurs d'intoxication.
  • La valeur biologique limite à ne pas dépasser est fixée à 400 µg/L de sang pour les hommes et 300 µg/L de sang pour les femmes.
  • Les femmes en âge de procréer et susceptibles d'être enceintes, dont le taux de plombémie dépasse 100 µg/L, présentent le risque de donner naissance à des enfants présentant des déficiences, intellectuelles notamment, avec un taux sanguin en plomb supérieur à la valeur limite de 100 µg/L conseillée par le CDC (Center for Disease Control), qui est aussi un seuil d'intervention dans la plupart des pays. Si ce taux reste élevé ils peuvent présenter un risque grave de déficit du développement.

Chez l'animal

De nombreux animaux ont été contaminés via leur alimentation ou par l'eau qu'ils boivent ou la poussière qu'ils lèchent sur leur pelage.

Les oiseaux d'eau mangeant dans les sédiments, et les oiseaux terrestres se nourrissant sur le sols sont particulièrement exposés au plomb. Il a été montré que de nombreux animaux blessés à la chasse, mais ayant guéri de leurs blessures peuvent contenir de une à des dizaines de petites particules de plomb issu de l'éclatement du projectile quand il a rencontré un os. Ce plomb peut modifier la plombémie ou les analyses classiques d'organes. Il peut être visible aux rayons X. Ainsi en 1974, des Eiders (Somateria mollissima) et l'Harelde boréale (Clangula hyemalis) mourants suite à une marée noire ont été tirés pour les étudier scientifiquement. Les tissus du foie et des reins ont été analysés pour les polluants environnementaux et l'analyse de plomb ont donné des résultats reproductibles. Mais, des photographies aux rayons X ont mis en évidence des particules dispersées dans la chair de l'animal ; après lavage, il s'est avéré que ces particules étaient de petits morceaux de plomb et de petits éclats d'os de tailles variées, pour certains pas plus gros qu'une poussière. Les auteurs soulignent que des oiseaux tués avec projectiles au plomb (la grenaille de plomb contient aussi de l'arsenic et de l'antimoine) ne doivent pas être utilisés pour la détermination du plomb (ou alors une étude minutieuses du cadavre doit être faite aux rayons X avant l'analyse chimique, et plusieurs spécimens devraient être analysés[13].

Evolutions et controverses sur les seuils

Jusqu'à la fin du siècle et au début du XXIe siècle, une plombémie supérieure à 100 µg par litre de sang était le seuil officiel définissant l'intoxication par le plomb chez l'enfant, maladie connue sous le nom de saturnisme infantile, mais un nombre croissant de chercheurs ont détecté des effets sur le cerveau - chez l'enfant surtout - à des taux beaucoup plus bas, ce qui fait envisager depuis la fin des années 1990 une diminution du seuil de 100 µg/L et d'imposer une déclaration obligatoire du saturnisme chez l’enfant de moins de 18 ans [14].

Dans la première décennie du XXIe siècle, En France, la plombémie moyenne des adultes a été divisée par deux grâce au retrait du plomb dans l’essence et à diverses mesures sanitaires européenne concernant la protection de l'air, de l'eau et de l'alimentation[15], mais elle reste au-dessus de ce qui était avant l'ère industrielle.
Une étude française (2013) ayant porté sur la plombémie de quatre-vingt-dix-neuf enfants (garçons et filles de moins de 18 ans) a donné une plombémie 10,9 µg/L,, avec des valeurs de 6,1 µg/L à 23,4 µg/L pour le 5e au 95e percentile, sans différence significative de plombémie selon l’âge. Les auteurs en concluent que « Toute plombémie supérieure à 25 µg/L chez l’enfant doit être considérée comme anormale »[15].

Une controverse porte depuis plusieurs décennies sur les seuils et valeurs qu'il ne faudrait pas dépasser ; Des marqueurs biologiques laissent penser que le plomb est toxique quelle que soit sa dose, notamment pour le fœtus et l'embryon. Par exemple des effets de type TDAH sont scientifiquement observés dès 1,6 µg/dl de sang, soit bien en dessous du seuil de 10 µg/dl retenu pour l’exposition in utero, ce qui « confirme le besoin de revoir à la baisse le niveau tolérable pour les enfants et de lancer des interventions afin de réduire l’exposition au plomb »[16].

Taux habituellement mesurés chez l'Homme

Les plombémies ont fortement augmenté chez l'homme aux XIXe et XXe siècles avec un pic au moment de la plus grande consommation d'essence plombée (Au canada, la plombémie moyenne était de 190 μg/L de sang en 1970[17]), pour diminuer à la fin du XXe siècle dans les pays développés, avec l'interdiction du plomb, dans les peintures puis dans les soudures de boites de conserve, encapsulage de bouteilles d'alcool, et surtout comme additifs de l'essence et plomb de cartouches de chasses utilisées dans les zones humides[18].

À titre d'exemple, au Canada :

  • plus de 99 % des Canadiens de 6 à 79 ans ont des taux de plomb mesurables, c'est-à-dire dépassant le seuil de détection des essais en laboratoire qui est de 0,02 μg/dL,
  • en 2008, la moyenne géométrique des plombémie était de 1,37 μg/dL chez les Canadiens,
  • Santé Canada établit actuellement à 10 μg/dL la valeur recommandée de la concentration sanguine de plomb pour l’ensemble de la population.

Notes et références

  1. Bretin, Philippe et al. Communiqué de presse, 1998
  2. INSERM ; expertise collective ; Saturnisme, quelle stratégie de dépistage chez l'enfant ; juillet 2008 ; INSERM ; 316 pages
  3. (en) MMWR. « Blood lead levels, United States, 1999-2002 » MMWR 2005, 54 : 513-516
  4. Carrier P, Legros R, Le Sidaner A, Morel A, Harry P, Moesch C, ... & Loustaud-Ratti V (2012) Intoxication par ingestion de plombs de pêche. La Revue de médecine interne, 33(12), 697-699.
  5. (en) Department of Health and Human Services, Centers for Disease Control and Prevention, Third National Report on Human Exposure to Environmental Chemicals, Atlanta, Georgia: National Center for Environmental Health, 2005 (NCEH Pub. no 05-0570).
  6. (en) K. Becker, S. Kaus, C. Krause et al. « German Environmental Survey 1998 (GerES III): environmental pollutants in blood of the German population » International Journal of Hygiene and Environmental Health 205, 2002, p. 97-308.
  7. (en) K. Becker, M. Mussig-Zufika, A. Conrad et al. « German Environmental Survey for Children 2003/06 (GerES IV): Levels of Selected Substances in Blood and Urine of Children in Germany (Research Report 202 62 219) » Berlin, Germany: Federal Environment Ministry, 2008.
  8. ex. : Enquête auprès de personnes de 18 à 65 ans non exposée en milieu de travail dans la région de Québec ; Institut national de santé publique du Québec, Étude sur l’établissement de valeurs de référence d’éléments traces et de métaux dans le sang, le sérum et l’urine de la population de la grande région de Québec, Québec, Institut national de santé publique du Québec, 2004 [INSPQ-2004-030].
  9. Alain Pineau, Jocelyne Otz, Olivier Guillard, Bernard Fauconneau, Gilles Dumont, Elisabeth François-Burg (2014), L’évaluation externe de la qualité des analyses de plombémie organisée par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé : bilan de 15 années de contrôle ; Annales de Biologie Clinique. Volume 72, Numéro 1, 49-56, Janvier-Février 2014
  10. a b et c Pineau A, Otz J, Guillard O, Fauconneau B, Dumont G & François-Burg E (2014) L'évaluation externe de la qualité des analyses de plombémie organisée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé: bilan de 15 années de contrôle. In Annales de Biologie Clinique, janv 2014, Vol. 72, n°1, pp. 49-56
  11. Santé Canada, Mise à jour sur les effets sanitaires de faibles concentrations de plomb et proposition de niveaux et de stratégies d’intervention relatifs au taux de plomb sanguin – Rapport final du Groupe de travail, Comité fédéral provincial- territorial de l’hygiène du milieu et du travail, Ottawa, Santé Canada, Direction de l’hygiène du milieu, 1994..
  12. Statistique Canada et Santé et Bien-être social Canada, La santé des Canadiens : Rapport de l’enquête Santé Canada, Ottawa, ministre des Approvisionnements et Services Canada, 1981 (Statistique Canada, no 82-538F au catalogue).
  13. Frank A. (1986) Lead fragments in tissues from wild birds : a cause of misleading results. The Science of Total Environment. 54 : 275-281
  14. Saussereau, E., Le Roux, P., Cesbron, A., Guyet-Job, S., Mahieu, L., Giannaka, D., ... & Goullé, J. P. (2013). Saturnisme infantile. Quelles valeurs actuelles pour la plombémie?. In Annales de Toxicologie Analytique (Vol. 25, No. 2, pp. 79-84). EDP Sciences. (résumé)
  15. a et b Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées Plombemie2013
  16. Olivier Boucher, Sandra W. Jacobson, Pierrich Plusquellec, Éric Dewailly, Pierre Ayotte, Nadine Forget Dubois, Joseph L. Jacobson et Gina Muckle, Prenatal Methylmercury, Postnatal Lead Exposure, and Evidence of Attention Deficit/Hyperactivity Disorder among Inuit Children in Arctic Québec ; Research | Children’s Health, PDF, 6 pp
  17. Monique Beausoleil et Julie Brodeur (2007) "Le plomb dans l’eau potable sur l’île de Montréal État de situation et évaluation des risques à la santé " ; Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, Québec Santé publique, nov 2007, 59 p
  18. Santé Canada, Votre santé et vous : Les effets du plomb sur la santé humaine, Ottawa, Santé Canada, 2004 (n°catalogue:0-662- 75295-3).

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • (en) Kosnett MJ, Wedeen RP, Rothenberg SJ, Hipkins KL, Materna BL, Schwartz BS, et al. 2007. Recommendations for Medical Management of Adult Lead Exposure. Environ Health Perspect 115: pg.463-471.