Photographie argentique

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Schéma d'un film négatif couleur.
Une diapositive couleur.
Un film négatif noir et blanc exposé et développé.

La photographie argentique est une technique photographique permettant l'obtention d'une photographie par un processus photochimique comprenant l'exposition d'une pellicule sensible à la lumière puis son développement et, éventuellement, son tirage sur papier.

Dénomination

Le terme « argentique » s’est répandu au début des années 2000 quand le besoin s'est fait sentir de distinguer la photographie classique, sur pellicule, d’une photographie dite « numérique » en plein essor. Emprunté au vocabulaire de la chimie[1], il fait référence aux minuscules agrégats d’argent qui constituent les images produites selon ce procédé. Il doit probablement son succès en français à une heureuse euphonie avec « numérique » (« digital », en anglais) dont il paraît l’antonyme naturel : même nombre de syllabes, même terminaison en « ique », même distinction savante. Cependant, le terme « numérique », dans cette acception, est issu de la théorie du signal où les procédés non numériques sont plus généralement appelés « analogiques ». On parle donc aussi de « photographie analogique » et c’est plutôt ainsi qu’elle est désignée en anglais. L'image inscrite sur la pellicule est en effet une reproduction analogue de ce qui est photographié alors que dans un appareil numérique, l'image est codée sous forme binaire.

Technologie

Enregistrement des images sur pellicule

La pellicule est constituée d'un film support en plastique, recouvert d'une émulsion : c'est une couche de gélatine sur laquelle sont couchés en suspension des cristaux d'halogénure d'argent ; pour les émulsions modernes il s'agit de bromure d'argent (AgBr). Dans ce cas, chaque cristal est formé de plusieurs milliards d'ions d'argent (Ag+) et d'ions de brome (Br-) organisés en un réseau cubique.

Lors de l'exposition à la lumière, une image latente se forme en petite goutelette :

  • des photons provenant de la partie éclairée du sujet arrivent sur la pellicule ;
  • pour chaque photon absorbé, se forme une paire électron - trou d'électron : un électron se libère du réseau et va être capté par un ion Ag+ ;
  • cet ion Ag+ est réduit, c'est-à-dire qu'il se transforme en un atome d'argent qui est exclu du réseau cristallin.

Pour chaque cristal, selon l'intensité lumineuse de la partie du sujet qu'il décrit, de zéro à une dizaine d'atomes se forment. Ces atomes ont tendance à s'agglutiner pour former un « agrégat » ou « cluster ».

Pour les émulsions actuelles, seuls les cristaux contenant au moins quatre atomes d'argent pourront être entièrement réduits lors du développement photographique, en particules noires visibles par l'œil humain (les grains d'argent; voir Granularité) pour cause de la bande interdite (issue du modèle des bandes). Le développement est un phénomène d'accélération de la réduction des ions Ag+ en atomes d'argent : les cristaux contenant un agrégat ayant un potentiel électrique supérieur à celui du révélateur, c'est-à-dire un agrégat de quatre atomes ou plus, vont attirer les électrons du révélateur vers les ions du cristal, qui vont finir par tous être réduits. En revanche, les autres cristaux n'atteignant pas la masse critique de quatre atomes en agrégat rendent des électrons au révélateur et se transforment en ions invisibles. Ces ions seront ensuite dispersés lors d'une phase de lavage et de fixage. C'est la gélatine qui isole les cristaux les uns des autres et leur permet de réagir individuellement.

À cause d'un phénomène de recombinaison rapide de la paire électron-trou sans effet chimique, et de l'oxydation par le trou de certains atomes d'argent provisoirement formés, le rendement de la réaction de formation initiale des atomes d'argent est de 0,20 atome par photon. Il faut donc 15 photons pour produire les 3 atomes d'argent nécessaires à la formation des grains lors du développement. D'un point de vue macro, on peut donc constater que 80 % de la lumière qui arrive sur la pellicule est non-assimilée.

Une publication de décembre 1999 dans la revue Nature par Jacqueline Belloni, Mona Treguer, Hynd Remita et René de Keyser montre qu'on peut décupler le rendement de cette réaction en incorporant dans l'émulsion du formiate d'argent (HCO2- + Ag+), qui agit comme un « piège à trou », c'est-à-dire un inhibiteur des phénomènes compétitifs qui limitent habituellement le rendement de la réaction[2]. La société de chimie Agfa est détentrice de brevets déposés à la suite de cette découverte, mais aucune application commerciale de cette dernière n'est apparue sur le marché.

Définition des images

passage à sourcer[réf. nécessaire] Dans le cas d'une pellicule à grains fins (donc peu sensible à la lumière), la taille moyenne d'un grain d'argent est d'environ 20 micromètres. Il y en a donc environ deux millions à la surface d'un négatif de 24 x 36 mm, et près de 180 millions à la surface d'une plaque de 24 x 30 cm. Même si un grain d'argent n'est pas exactement l'équivalent d'un pixel puisqu'il ne peut (à l'issue du développement) être que réduit ou intact, alors qu'un pixel peut enregistrer l'intensité lumineuse reçue, on constate que la définition d'une image obtenue à l'aide d'une plaque photographique peut aujourd'hui encore être nettement supérieure à celle des meilleurs appareils photographiques numériques.

Conservation et reproduction des images

Conservation des négatifs, diapositives et tirages

Les négatifs, diapositives et tirages sont conservés à l'abri de la lumière et dans des conditions stables de température et d'hygrométrie (humidité relative). Les négatifs et épreuves en couleurs sont plus sensibles à la chaleur et se dégradent plus vite que le noir et blanc.

Type de document Température Humidité
Négatifs noir et blanc <18 °C 30-40 %
Épreuves noir et blanc <18 °C 30-40 %
Négatifs couleurs °C 30-40 %
Diapositives couleurs °C 30-40 %
Épreuves couleurs °C 30-40 %

Tirage et agrandissement sur papier photographique

Numérisation des négatifs et diapositives

Déclin actuel

Production d'appareils

Depuis 2006, de grands fabricants d'appareils photographiques annoncent, les uns après les autres, l'abandon de la technologie argentique face à l'irrésistible poussée de la photographie numérique.

Ceci a pour conséquence de remodeler profondément le paysage du secteur de l'industrie de la photographie. Les grands industriels japonais, Canon, Nikon, Konica, Minolta, Olympus, Pentax, Fujica, tout comme l'américain Kodak, aujourd'hui largement convertis au numérique, font face à l'arrivée de nouveaux venus ambitieux et agressifs issus de l'industrie de l'électronique, tels que le coréen Samsung et les japonais Sony et Panasonic, bien implantés dans l'audiovisuel, ou Casio, opérant auparavant dans le secteur des montres et des calculatrices.

Les annonces d'abandon du développement d'appareils de photographie argentique :

  • , le fabricant Nikon ;
  • , le fabricant Konica Minolta. Fin de la fabrication d'appareils photographiques, tant argentiques que numériques ;
  • , le fabricant Canon.

Nikon et Canon ont déclaré qu'ils renonçaient à développer de nouveaux modèles argentiques mais continueraient à vendre une gamme limitée de modèles existants, notamment quelques appareils reflex. En 2011, Nikon ne propose plus que le F6 et le FM10[3]. Chez Leica, en parallèle au développement du numérique depuis le milieu des années 2000, des appareils argentiques sont toujours en production : le M7, le MP ainsi que le tout dernier M-A, entièrement mécanique, depuis novembre 2014.

Statistiques de ventes en France pour l'année 2005[réf. nécessaire] :

  • 4 350 000 appareils photo ont été vendus ;
  • 91 % sont des compacts numériques, 4 % des reflex numériques (RN), 1 % des reflex argentiques. Le reste (4 %) comprend les bridges et compacts argentiques ;
  • Les reflex numériques représentent 174 000 appareils, ce nombre a quasiment doublé depuis 2004 ;
  • Les compacts numériques représentent 3 958 500 appareils vendus ;
  • Les bridges et compacts se sont vendus à environ 170 000 exemplaires ;
  • Les reflex argentiques représentent 4 350 appareils (peu de commerçants en vendent).

Production de surfaces sensibles

Usine Kodak de Sevran vers 1900

Plus préoccupante pour l'avenir de la photographie argentique est la régression de l'industrie de la production et du traitement des pellicules et papiers photographiques.

  • Fermeture des usines européennes de Kodak. En France : celles de Vincennes, Sevran et Chalon-sur-Saône (dates à préciser). Les films Kodak sont cependant toujours présents sur le marché européen.
  • Difficultés d'Agfa, qui se restructure en abandonnant la production de pellicules et papiers photographiques (vers 2005, à préciser).
  • Difficultés d'Ilford, qui se restructure également mais sans sacrifier sa spécialité qui est la production de pellicules, papiers et produits pour la photographie en noir et blanc.
  • Fujifilm reste un fournisseur en papiers et films argentiques.

Notes et références

  1. « Argentique : qui contient de l’argent », d’après le dictionnaire Petit Robert, 1986.
  2. Communiqué de presse du CNRS, décembre 1999.
  3. Appareils photo argentiques sur le site de Nikon

Annexes

Articles connexes

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