Phosphatase acide tartrate-résistante

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Phosphatase acide tartrate-résistante
Image illustrative de l’article Phosphatase acide tartrate-résistante
Structure d'une phosphatase acide tartrate-résistante humaine (PDB 1WAR[1])
Caractéristiques générales
Symbole ACP5
N° EC 3.1.3.2
Homo sapiens
Locus 19p13.2
Masse moléculaire 36 599 Da[2]
Nombre de résidus 325 acides aminés[2]
Liens accessibles depuis GeneCards et HUGO.

La phosphatase acide tartrate-résistante (TRAP, TRAPase), également appelée phosphatase acide 5 tartrate-résistante (ACP5), est une métalloprotéine monomérique exprimée chez les mammifères[3]. Sa masse moléculaire est d'environ 35 kDa, son point isoélectrique est basique (7,6 à 9,5) et son activité est maximum en conditions acides. Elle est produite sous forme de proenzyme et est activé par clivage protéolytique et réduction[4],[5]. Elle se distingue des autres phosphatases acides de mammifères par sa masse moléculaire et sa résistance à l'acide tartrique.

Cette enzyme hydrolyse la liaison ester-phosphate à l'aide d'une substitution nucléophile[6] au cours de laquelle la catalyse se produit avec la liaison d'un groupe phosphate du substrat au cation ferreux Fe2+ du site actif. Un ligand hydroxyde attaque alors l'atome de phosphore, ce qui conduit au clivage de la liaison ester et libération d'un alcool. L'identification exacte de ce ligand hydroxyde est incertaine, mais on pense qu'il s'agit ou bien d'un hydroxyde qui lie les ions métalliques dans le site actif, ou bien de l'hydroxyde terminal lié au cation ferrique Fe3+, les expériences apportant des éléments confortant les deux options.

Expression et localisation cellulaire[modifier | modifier le code]

Dans les circonstances normales, la phosphatase acide tartrate-résistante est exprimée par les ostéoclastes, les macrophages activés, les neurones et l'endomètre de truie en gestation[7],[8]. Chez les nouveau-nés des souris, de faibles concentrations de TRAP sont également détectables dans la rate, le thymus, le foie, les reins, la peau, les poumons et le cœur. L'expression de cette enzyme augmente avec certaines pathologies, comme la réticuloendothéliose leucémique (leucémie à tricholeucocytes), la maladie de Gaucher, l'encéphalopathie induite par le HIV, les tumeurs osseuses à cellules géantes, l'ostéoporose, ou encore les maladies métaboliques des os.

Organisation et transcription du gène ACP5[modifier | modifier le code]

La phosphatase acide tartrate-résistante des mammifères est codée par un gène unique, situé chez l'homme sur le chromosome 19 (locus 19p13.2-13.3), et chez la souris sur le chromosome 9. La séquence de ces gènes est, comme la séquence des protéines correspondantes, hautement conservée chez tous les mammifères. Le gène de la TRAP a été cloné et séquencé chez les porc, le rat, l'homme et la souris[9]. Chez l'homme, la souris et le porc, les gènes de la phosphatase acide tartrate-résistante contiennent tous cinq exons, avec le codon ATG au début de l'exon 2 tandis que l'exon 1 est non codant. Le promoteur de l'exon 1 contient trois promoteurs spécifiques des tissus, notés 1A, 1B et 1C[10]. Ceci permettrait de contrôler étroitement l'expression de la phosphatase acide tartrate-résistante. L'ARN messager transcrit à partir de ce gène a une longueur totale de 1,5 kb, avec un cadre de lecture ouvert de 969 à 975 pb codant de 323 à 325 résidus d'acides aminés. Chez le rat, le cadre de lecture ouvert a une longueur de 981 pb et code 327 résidus. L'enzyme est transcrite comme chaîne peptidique unique. La transcription de ce gène est régulée par le facteur de transcription associé à la microphtalmie[11],[12].

Rôle physiologique[modifier | modifier le code]

Le rôle physiologique exact de la phosphatase acide tartrate-résistante demeure inconnu, mais cette protéine s'est vu attribuer de nombreuses fonctions. Les expériences par neutralisation du gène (knockout) ont montré que les souris TRAP−/− présentent une légère ostéopétrose associée à une activité réduite des ostéoclastes. Il s'ensuit un épaississement et un raccourcissement du cortex des organes, l'apparition de déformations en forme de club au niveau de la partie distale du fémur, et l'élargissement des plaques de croissance (physis) de l'épiphyse avec retard de la minéralisation du cartilage, tout ceci s'aggravant avec l'âge[13]. À l'inverse, la surexpression du gène de la TRAP chez des souris transgéniques conduit à une légère ostéoporose ainsi qu'à l'augmentation de l'activité des ostéoblastes et de la synthèse osseuse[14].

Déphosphorylation des protéines et migration des ostéoclastes[modifier | modifier le code]

On a pu montrer que l'ostéopontine et la sialoprotéine osseuse (en), deux phosphoprotéines de l'ostéone, sont deux substrats efficaces de la phosphatase acide tartrate-résistante et se lient aux ostéoclastes une fois déphosphorylées[15]. L'ostéopontine et la sialoprotéine osseuse ne peuvent se lier aux ostéoclastes lorsqu'elles ne sont que partiellement déphosphorylées. On en a déduit que la TRAP favorise vraisemblablement la migration des ostéoclastes en leur permettant de se lier à l'ostéopontine.

Production de dérivés réactifs de l'oxygène[modifier | modifier le code]

Les dérivés réactifs de l'oxygène (DRO) sont produits par les macrophages et les ostéoclastes à partir de l'anion superoxyde O2•−, lui-même issu de l'action de la NADPH oxydase sur l'oxygène O2[16]. Ils jouent un rôle un rôle essentiel dans la phagocytose par ces cellules.

La phosphatase acide tartrate-résistante, qui contient un cation de fer rédox, catalyse la formation de dérivés réactifs de l'oxygène par réaction de Fenton :

O2 → (NADPH oxydase) O2•− → (superoxyde dismutase) H2O2 → (catalase) H2O + O2 ;
TRAP-Fe3+ (violet) + O2•− → TRAP-Fe2+ (rose) + O2 ;
H2O2 + TRAP-Fe2+ (rose) → HO + HO + TRAP-Fe3+.

Ces réaction produisent ainsi le radical hydroxyle OH, le peroxyde d'hydrogène H2O2 et l'oxygène singulet O2*.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Norbert Sträter, Beate Jasper, Marcel Scholte, Bernt Krebs, Anthony P. Duff, David B. Langley, Runlin Han, Bruce A. Averill, Hans C. Freeman et J. Mitchell Guss, « Crystal Structures of Recombinant Human Purple Acid Phosphatase With and Without an Inhibitory Conformation of the Repression Loop », Journal of Molecular Biology, vol. 351, no 1,‎ , p. 233-246 (PMID 15993892, DOI 10.1016/j.jmb.2005.04.014, lire en ligne)
  2. a et b Les valeurs de la masse et du nombre de résidus indiquées ici sont celles du précurseur protéique issu de la traduction du gène, avant modifications post-traductionnelles, et peuvent différer significativement des valeurs correspondantes pour la protéine fonctionnelle.
  3. (en) George A. Baumbach, Philippa T. K. Saunders, Catherine M. Ketcham, Fuller W. Bazer et R. Michael Roberts, « Uteroferrin contains complex and high mannose-type oligosaccharides when synthesized in vitro », Molecular and Cellular Biochemistry, vol. 105, no 2,‎ , p. 107-117 (PMID 1922010, DOI 10.1007/BF00227750, lire en ligne)
  4. (en) Jenny Ljussberg, Barbro Ek-Rylander et Göran Andersson, « Tartrate-resistant purple acid phosphatase is synthesized as a latent proenzyme and activated by cysteine proteinases », Biochemical Journal, vol. 343, no 1,‎ , p. 63-69 (PMID 10493912, PMCID 1220524, DOI 10.1042/bj3430063, lire en ligne)
  5. (en) Jenny Ljusberg, Yunling Wang, Pernilla Lång, Maria Norgård, Robert Dodds, Kjell Hultenby, Barbro Ek-Rylander et Göran Andersson, « Proteolytic Excision of a Repressive Loop Domain in Tartrate-resistant Acid Phosphatase by Cathepsin K in Osteoclasts », The Journal of Biological Chemistry, vol. 280, no 31,‎ , p. 28370-28381 (PMID 15929988, DOI 10.1074/jbc.M502469200, www.jbc.org/content/280/31/28370.full)
  6. (en) Thomas Klabunde, Norbert Sträter, Roland Fröhlich, Herbert Witzel et Bernt Krebs, « Mechanism of Fe(III) – Zn(II) Purple Acid Phosphatase Based on Crystal Structures », Journal of Molecular Biology, vol. 259, no 4,‎ , p. 737-748 (PMID 8683579, DOI 10.1006/jmbi.1996.0354, lire en ligne)
  7. (en) M. S. Burstone, « Histochemical demonstration of acid phosphatase activity in osteoclasts », journal of Histochemistry & Cytochemistry, vol. 7, no 1,‎ , p. 39-41 (PMID 13664936, DOI 10.1177/7.1.39, lire en ligne)
  8. (en) Cedric Minkin, « Bone acid phosphatase: Tartrate-resistant acid phosphatase as a marker of osteoclast function », Calcified Tissue International, vol. 34, no 1,‎ , p. 285-290 (PMID 6809291, DOI 10.1007/BF02411252, lire en ligne)
  9. (en) A. Ian Cassady, Andrew G. King, Nicholas C. P. Cross et David A. Hume, « Isolation and characterization of the genes encoding mouse and human type-5 acid phosphatase », Gene, vol. 130, no 2,‎ , p. 201-207 (PMID 8359686, DOI 10.1016/0378-1119(93)90420-8, lire en ligne)
  10. (en) Nicole C. Walsh, Marian Cahill, Piero Carninci, Jun Kawai, Yasushi Okazaki, Yoshihide Hayashizaki, David A. Hume et A. Ian Cassady, « Multiple tissue-specific promoters control expression of the murine tartrate-resistant acid phosphatase gene », Gene, vol. 307,‎ , p. 111-123 (PMID 12706893, DOI 10.1016/S0378-1119(03)00449-9, lire en ligne)
  11. (en) Alex Luchin, Georgia Purdom, Kathleen Murphy, Mei-Ying Clark, Nicola Angel, A. Ian Cassady, David A. Hume et Michael A. Ostrowski, « The Microphthalmia Transcription Factor Regulates Expression of the Tartrate-Resistant Acid Phosphatase Gene During Terminal Differentiation of Osteoclasts », Journal of the Bone and Mineral Research, vol. 15, no 3,‎ , p. 451-460 (PMID 10750559, DOI 10.1359/jbmr.2000.15.3.451, lire en ligne)
  12. (en) Keith S. Hoek, Natalie C. Schlegel, Ossia M. Eichhoff, Daniel S. Widmer, Christian Praetorius, Steingrimur O. Einarsson, Sigridur Valgeirsdottir, Kristin Bergsteinsdottir, Alexander Schepsky, Reinhard Dummer et Eirikur Steingrimsson, « Novel MITF targets identified using a two-step DNA microarray strategy », Oigment Cell & Melanomia Research, vol. 21, no 6,‎ , p. 665-676 (PMID 19067971, DOI 10.1111/j.1755-148X.2008.00505.x, lire en ligne)
  13. (en) A. R. Hayman, S. J. Jones, A. Boyde, D. Foster, W. H. Colledge, M. B. Carlton, M. J. Evans et T. M. Cox, « Mice lacking tartrate-resistant acid phosphatase (Acp 5) have disrupted endochondral ossification and mild osteopetrosis », Development, vol. 122, no 10,‎ , p. 3151-3162 (PMID 8898228, lire en ligne)
  14. (en) Nicola Z. Angel, Nicole Walsh, Mark R. Forwood, Michael C. Ostrowski, A. Ian Cassady et David A. Hme, « Transgenic Mice Overexpressing Tartrate-Resistant Acid Phosphatase Exhibit an Increased Rate of Bone Turnover », Journal of Bone and Mineral Research, vol. 15, no 1,‎ , p. 103-110 (PMID 10646119, DOI 10.1359/jbmr.2000.15.1.103, lire en ligne)
  15. (en) B. Ek-Rylander, M. Flores, M. Wendel, D. Heinegård et G. Andersson, « Dephosphorylation of osteopontin and bone sialoprotein by osteoclastic tartrate-resistant acid phosphatase. Modulation of osteoclast adhesion in vitro », The Journal or Biochemical Chemistry, vol. 269, no 21,‎ , p. 14853-1486 (PMID 8195113, lire en ligne)
  16. (en) Alix G. Darden, William L. Ries, William C. Wolf, Ramona Marie Rodriguiz et L. Lyndon Key Jr., « Osteoclastic superoxide production and bone resorption: Stimulation and inhibition by modulators of NADPH oxidase », Journal of Bone and Mineral Research, vol. 11, no 5,‎ , p. 671-675 (PMID 9157782, DOI 10.1002/jbmr.5650110515, lire en ligne)