Lapis manalis

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Lapis manalis
Image illustrative de l’article Lapis manalis
Vestiges du noyau de brique de l'Umbilicus Urbis Romae du IVe siècle, au niveau de laquelle se trouvait probablement le Lapis manalis chtonien

Lieu de construction Regio VIII Forum Romanum
Forum Romain
Date de construction Milieu du VIIIe siècle av. J.-C.
Ordonné par Romulus
Type de bâtiment pierre rituelle
Le plan de Rome ci-dessous est intemporel.
Carte de la Rome antique montrant la localisation de Lapis manalis.
Lapis manalis
Localisation de l'Umbilicus Urbis Romae
dans la Rome antique (en rouge)

Coordonnées 41° 53′ 34″ nord, 12° 29′ 04″ est
Liste des monuments de la Rome antique

Le Lapis manalis (ou pierre manale) est le nom de deux pierres rituelles, vraisemblablement différentes, de la Rome antique : l'une liée au Mundus, fosse circulaire destinée aux offrandes aux divinités souterraines et creusé lors de la fondation de Rome par Romulus. L'autre liée au culte de Mars, servant à des cérémonies pour faire tomber la pluie et correspondant à une fonction magique de pierre pluviale, que l'on retrouve également dans d'autres traditions européennes.

Étymologie[modifier | modifier le code]

Les deux pierres correspondent également à deux étymologies différentes :

  • Les Mânes, des divinités chtoniennes, parfois considérées comme représentant les âmes d'êtres décédés. En tant que divinités appartenant au culte domestique, local et personnel, ils appartiennent largement à la catégorie de « ceux qui habitent en bas », le collectif indifférencié des morts divins. En latin, le mot signifie « bon », soit par antiphrase, soit sans restriction[1]. Le culte des mânes est un culte des ancêtres[2].
  • du latin Manamens signifiant écoulement et du verbe Manare signifiant couler, d'où la traduction de pierre qui coule ou pierre qui ruisselle et qui correspond à la deuxième pierre liée aux cérémonies pluviales[3],[4].

La pierre chtonienne[modifier | modifier le code]

Le Mundus est chez les Étrusques le nom de la fosse circulaire destinée aux offrandes aux divinités souterraines, dont l'emplacement est défini par le rite de templum du bornage étrusque de fondation des villes. Chez les Romains, qui ont repris beaucoup des rites étrusques[5], il est creusé lors de la fondation de Rome par Romulus près du Comitium et correspondrait à l'emplacement occupé par l'Umbilicus Urbis Romae.

La lapis manalis était la pierre sacrée qui couvrait et fermait la fosse[2], et qui empêchait ainsi la communication entre les morts et les vivants[6]. La pierre était soulevée trois fois par an, le 24 août, le 6 octobre et le 8 novembre[7], afin que l’âme des morts puisse communiquer avec les vivants[6] : « Jours néfastes et terribles, écrit M. A. Grenier. La foule mystérieuse des esprits d’en bas se répandait à la surface de la terre, dans les villes et dans les maisons des hommes. Il eut été imprudent d’entreprendre en cette occurrence influences funestes, aucune affaire publique ou privée »[6]. À ces occasions, des fruits de la récolte sont jetés sur le site en offrande aux morts.

La pierre pluviale[modifier | modifier le code]

Une autre pierre du même nom était déposée dans le Temple de Mars Gradivus, ornée de cent colonnes, proche de la porte Capène et de l'actuelle église San Cesareo de Appia[8]. La pierre aurait été de forme cylindrique [9] et peut-être creusée intérieurement[10]. Il a été proposé, sans preuve, que la pierre était une météorite[11].

Le rituel[modifier | modifier le code]

La pierre était invoquée en cas de sécheresse. Le rituel figurait dans la cérémonie de l'Aquaelicium, sous la forme d'une procession présidée par les pontifes en personne (ce qui atteste son importance)[12]. L'acte qui en était l'épisode distinctif s'appelait movere ou trahere lapidem. La pierre qui reposait dans le temple de Mars, à l'extérieur des murs de Rome, était sortie pour être transportée (peut-être roulée[4]) et déposée devant la porte Capène[2], ou jusqu'au Temple de Jupiter capitolin[12]. L'acte de ramener la pierre dans l'enceinte de Rome était censé provoquer la pluie[13].

Il semble que, dans le culte initial étrusque, de l'eau était cérémoniellement versée sur la pierre, pour attirer la pluie, dans un acte de magie sympathique[12].

Origine de la tradition[modifier | modifier le code]

Le jurisconsulte Labco évoque des manales petrae, pierres disposées dans les champs, qu'il était d'usage de rouler en temps de sécheresse pour obtenir la pluie. Cette pratique avait été enseignée par les livres sacrés de Tagès et faisait partie de la discipline augurale des Étrusques[14],[2].

Tradition des pierres pluviales ou pierres manales[modifier | modifier le code]

La tradition des pierres pluviales, déjà connue depuis l'antiquité étrusque, persista au moins sporadiquement en France. Par exemple, jusqu'au milieu du XIXe siècle une procession venait dans un champ nommé le Vas, dans l'Isère, où l'on soulevait une certaine pierre, une fois, deux fois ou trois fois, suivant la quantité d'eau que l'on désirait. Deux cents ans auparavant, cette coutume était constatée au même lieu par un historien local, qui était justement le propriétaire du champ, et il rapporte que la pierre avait fait anciennement partie de l'autel d'une église détruite[15].

Références[modifier | modifier le code]

  1. Sextus Pompeius Festus, De verborum significatione (lire en ligne)
  2. a b c et d Charles Victor Daremberg et Edmond Saglio, Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines, Hachette, (lire en ligne), p. 1562
  3. Chatelain, Émile (1851-1933), Dictionnaire latin-français : contenant tous les mots employés par les auteurs latins et les principales inscriptions latines jusqu'au VIe siècle de notre ère avec renvois aux sources des mots rares, (lire en ligne), p. 803
  4. a et b Landais, Napoléon, Dictionnaire général et grammatical des dictionnaires français, vol. Tome 2, au Bureau central, (lire en ligne), p. 372
  5. Plutarque, Vies parallèles (lire en ligne)
  6. a b et c « séance du 6 décembre 1935 sur les fouilles de Fréjus », Bulletin de la Société d'études scientifiques et archéologiques de la ville de Draguignan,‎ (lire en ligne)
  7. Goelzer, Henri, Nouveau dictionnaire latin-français, rédigé particulièrement d'après les grands dictionnaires de Forcellini, de Georges, de Freund et de Klotz, (lire en ligne), p. 948
  8. Franz de Champagny, Rome dans sa grandeur : vues, monuments anciens et modernes, description, histoire, institutions, (lire en ligne), p. 126
  9. Charles Vars, Cirta, ses monuments, son administration, ses magistrats, d'après les fouilles et les inscriptions, (lire en ligne), p. 269
  10. Abbé Boxler, « La Religion romaine », Bulletin de l'Institut catholique de Paris,‎ , p. 85 (lire en ligne)
  11. Abbé Boxler, « La Religion romaine », Bulletin de l'Institut catholique de Paris,‎ , p. 52 (lire en ligne)
  12. a b et c (en) Cyril Bailey, The Religion of Ancient Rome, Archibald, Constable & Co., (lire en ligne)
  13. (en) James Frazer, « Chapter 5: The Magical Control of the Weather », dans The Golden Bough (Abridged edition), MacMillan, (lire en ligne)
  14. Creuzer, Friedrich, Religions de l'antiquité considérées principalement dans leurs formes symboliques et mythologiques. Partie 1, Tome 2, (lire en ligne), p. 473
  15. Paul Sébillot, Le folk-Lore de la France. Le ciel et la terre, Paris, , 101 p. (lire en ligne)

Articles connexes[modifier | modifier le code]