Inhibiteur de la recapture

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
L'Escitalopram, un inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine (ISRS) utilisé comme antidépresseur.

Un inhibiteur de la recapture, ou du recaptage, (aussi connu sous le nom de modulateur de la recapture) est une substance psychoactive, médicamenteuse ou non, qui inhibe la recapture d'un neurotransmetteur en inhibant l'action d'un transporteur membranaire. En tant normal, le transporteur membranaire recapture dans le neurone pré-synaptique le neurotransmetteur qui se trouve dans la synapse. L'inhibiteur provoque donc une augmentation des concentrations extracellulaires du neurotransmetteur et in fine une augmentation de la neurotransmission (ou excitation du neurone post-synaptique). Divers médicaments, notamment de nombreux antidépresseurs et psychostimulants[1], exercent leurs effets psychologiques et physiologiques par inhibition de la recapture de neurotransmetteurs.

La plupart des inhibiteurs de la recapture connus affectent les neurotransmetteurs monoamines : la sérotonine, la noradrénaline (et l'adrénaline) et la dopamine[1]. Cependant, il existe également un certain nombre de médicaments et de produits chimiques utilisés en recherche qui agissent comme inhibiteurs de la recapture d'autres neurotransmetteurs, tels que le glutamate[2], l'acide γ-aminobutyrique (GABA)[3], la glycine[4], l'adénosine[5], la choline (précurseur de l'acétylcholine)[6] et les endocannabinoïdes[7] entre autres[1].

Mécanisme d'action[modifier | modifier le code]

Substrats agissant sur le site actif du transporteur[modifier | modifier le code]

Le Tiagabine, un inhibiteur sélectif de la recapture du GABA utilisé comme anticonvulsivant dans le traitement de l'épilepsie et des convulsions.

Les inhibiteurs de la recapture standard sont supposés agir comme des substrats compétitifs, qui se lie directement au transporteur membranaire du neurotransmetteur en question [8],[9],[10]. Ils occupent le transporteur à la place du neurotransmetteur et l'empêchent d'être transporté de la terminaison nerveuse, ou de la synapse, dans le neurone pré-synaptique. Avec des doses suffisamment élevées, l'occupation des transporteurs atteint 80 à 90 %. À ce niveau d'inhibition, le transporteur sera considérablement moins efficace pour éliminer l'excès de neurotransmetteur de la synapse. Cela provoque une augmentation des concentrations extracellulaires du neurotransmetteur et donc une augmentation de la neurotransmission globale (le neurone post-synaptique continu d'être excité puisque ses récepteurs sont activés par le neurotransmetteur).

Substrats agissant sur le site allostérique des transporteurs[modifier | modifier le code]

Certains inhibiteurs de la recapture se lient aux sites allostériques du transporteur membranaire et inhibent la recapture indirectement et de manière non compétitive.

Il a été démontré que la phencyclidine et les médicaments apparentés, tels que la bénocyclidine, la ténocyclidine, la kétamine et la dizocilpine (ou MK-801), inhibent la recapture des monoamines[11],[12],[13]. Ils semblent exercer l'inhibition de la recapture en se liant à des sites qui sembleraient allostériques, sur les transporteurs membranaires respectifs[14],[15],[16],[17],[18]. La benztropine, le mazindol et la vanoxérine se lient également à des sites allostériques et ont des propriétés similaires[14],[18],[19]. En plus de leur affinité élevée pour le site principal des transporteurs, plusieurs substrats de transporteurs compétitifs, tels que la cocaïne et l'indatraline, ont également une affinité pour ces sites allostériques, bien que plus faible[16],[18],[19].

Quelques-uns des inhibiteurs sélectif de la recapture de la sérotonine (ISRS), comme l'énantiomère dextrogyre du citalopram, semblent être des inhibiteurs allostériques de la recapture de la sérotonine[20],[21]. Au lieu de se lier au site actif du transporteur de sérotonine, ils se lient à un site allostérique, qui exerce ses effets en provoquant des changements de conformation du transporteur, modulant ainsi l'affinité de la sérotonine pour le site actif[20]. En conséquence, l'escitalopram a été commercialisé en tant qu'inhibiteur allostérique de la recapture de la sérotonine. Ce site allostérique peut être directement lié aux sites de liaison de la phéncyclidine mentionnés ci-dessus[14],[19].

Substrats agissant sur le transport vésiculaires[modifier | modifier le code]

La réserpine, un inhibiteur de la recapture vésiculaire utilisé dans le passé pour épuiser les réserves de sérotonine, de noradrénaline et de dopamine en tant qu'antipsychotique et antihypertenseur. Il était connu pour causer de l'anxiété et de la dépression, et par conséquent, il a été remplacé par des médicaments plus récents et plus modernes.

Un deuxième type d'inhibition de la recapture affecte le transport vésiculaire et bloque le reconditionnement intracellulaire des neurotransmetteurs dans les vésicules cytoplasmiques. Contrairement aux inhibiteurs de la recapture membranaire, les inhibiteurs de la recapture vésiculaire n'augmentent pas les concentrations synaptiques d'un neurotransmetteur, mais uniquement les concentrations cytoplasmiques, à moins qu'ils agissent également en inversant l'action du transporteur membranaire par l'intermédiaire de la phosphorylation du transporteur (on parle aussi d'agent de libération). Les inhibiteurs "purs" de la recapture vésiculaire ont tendance à diminuer les concentrations de neurotransmetteurs synaptiques. En effet, le blocage du reconditionnement et du stockage du neurotransmetteur en question le rend vulnérable à la dégradation via des enzymes telles que la monoamine oxydase (MAO) qui existent dans le cytoplasme. Lorsque le transport vésiculaire est bloqué, les réserves de neurotransmetteurs s'épuisent rapidement.

La réserpine (Serpasil) est un inhibiteur irréversible du transporteur vésiculaire des monoamine 2 (VMAT2). C'est donc un exemple d'inhibiteur de la recapture vésiculaire, qui à forte dose épuise les stocks de monoamine.

Mécanisme indirect inconnu[modifier | modifier le code]

Hyperforine, le principal constituant actif responsable des bienfaits thérapeutiques des extraits de l'herbe Hypericum perforatum (millepertuis), utilisé comme antidépresseur.

Deux des principaux constituants actifs de la plante médicinale Hypericum perforatum (millepertuis) sont l'hyperforine et l'adhyperforine[22],[23]. L'hyperforine et l'adhyperforine sont des inhibiteurs large spectre de la recapture de la sérotonine, de la noradrénaline, de la dopamine, du glutamate, du GABA, de la glycine [24] et de la choline [25]. Ils exercent leurs effets en se liant et en activant le canal cationique TRPC6 (transient receptor potentiel)[23],[26]. L'activation de TRPC6 induit l'entrée de calcium (Ca 2+) et de sodium (Na +) dans la cellule, ce qui provoque l'effet d'inhibition de la recapture par un mécanisme inconnu[26].

Les types[modifier | modifier le code]

Habituel[modifier | modifier le code]

Atypique[modifier | modifier le code]

  • Activateurs des TRPC6 (inhibiteurs de la recapture à large spectre) – hyperforine, adhyperforine

Membranaire[modifier | modifier le code]

Vésiculaire[modifier | modifier le code]

  • Inhibiteur du transporteur vésiculaire de l'acétylcholine (VAChT) – vesamicol
  • Inhibiteur du transporteur vésiculaire des monoamines (VMAT) – réserpine, tétrabénazine

Voir également[modifier | modifier le code]

  • Agent libérateur de la monoamine

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c (en) Iversen L., « Neurotransmitter transporters and their impact on the development of psychopharmacology. », Br J Pharmacol, vol. 147, no 1,‎ , S82–88 (PMID 16402124, PMCID 1760736, DOI 10.1038/sj.bjp.0706428, lire en ligne Accès libre [PDF])
  2. « Inhibition of glutamate reuptake potentiates endogenous nitric oxide-facilitated dopamine efflux in the rat striatum: an in vivo microdialysis study », Neurosci. Lett., vol. 230, no 1,‎ , p. 21–4 (PMID 9259454, DOI 10.1016/S0304-3940(97)00465-5)
  3. « The selective GABA reuptake inhibitor tiagabine for the treatment of generalized anxiety disorder: results of a placebo-controlled study », J Clin Psychiatry, vol. 66, no 11,‎ , p. 1401–8 (PMID 16420077, DOI 10.4088/JCP.v66n1109)
  4. « Glycine reuptake inhibitor RG1678: a pharmacologic characterization of an investigational agent for the treatment of schizophrenia », Neuropharmacology, vol. 62, no 2,‎ , p. 1152–61 (PMID 22138164, DOI 10.1016/j.neuropharm.2011.11.008)
  5. « The effects of the adenosine reuptake inhibitor soluflazine on synaptic potentials and population hypoxic depolarizations in area CA1 of rat hippocampus in vitro », Neuropharmacology, vol. 32, no 2,‎ , p. 149–55 (PMID 8383814, DOI 10.1016/0028-3908(93)90095-K)
  6. « Evaluation of the inhibition of choline uptake in synaptosomes by capillary electrophoresis with electrochemical detection », Electrophoresis, vol. 23, no 21,‎ , p. 3699–704 (PMID 12432531, DOI 10.1002/1522-2683(200211)23:21<3699::AID-ELPS3699>3.0.CO;2-E)
  7. « AM404, an inhibitor of anandamide uptake, prevents pain behaviour and modulates cytokine and apoptotic pathways in a rat model of neuropathic pain », Br J Pharmacol, vol. 148, no 7,‎ , p. 1022–32 (PMID 16770320, PMCID 1751928, DOI 10.1038/sj.bjp.0706798)
  8. « Distinct effects of imipramine on 5-hydroxytryptamine uptake mediated by the recombinant rat serotonin transporter SERT1. », Journal of Neurochemistry, vol. 70, no 6,‎ , p. 2545–2553 (PMID 9603221, DOI 10.1046/j.1471-4159.1998.70062545.x, lire en ligne [PDF])
  9. « Molecular mechanism of citalopram and cocaine interactions with neurotransmitter transporters. », J Pharmacol Exp Ther, vol. 307, no 1,‎ , p. 34–41 (PMID 12944499, DOI 10.1124/jpet.103.054593)
  10. « Antidepressants targeting the serotonin reuptake transporter act via a competitive mechanism. », J Pharmacol Exp Ther, vol. 327, no 3,‎ , p. 982–990 (PMID 18801947, DOI 10.1124/jpet.108.142315)
  11. « The role of antagonism of NMDA receptor-mediated neurotransmission and inhibition of the dopamine reuptake in the neuroendocrine effects of phencyclidine », Life Sci., vol. 78, no 17,‎ , p. 2006–11 (PMID 16288927, DOI 10.1016/j.lfs.2005.09.018)
  12. « Ketamine inhibits monoamine transporters expressed in human embryonic kidney 293 cells », Anesthesiology, vol. 88, no 3,‎ , p. 768–74 (PMID 9523822, DOI 10.1097/00000542-199803000-00029)
  13. « MK-801 blocks monoamine transporters expressed in HEK cells. », FEBS Lett., vol. 423, no 3,‎ , p. 376–380 (PMID 9515743, DOI 10.1016/S0014-5793(98)00126-4)
  14. a b et c « [3H]1-[2-(2-thienyl)cyclohexyl]piperidine labels two high-affinity binding sites in human cortex: further evidence for phencyclidine binding sites associated with the biogenic amine reuptake complex. », Synapse, vol. 8, no 4,‎ , p. 289–300 (PMID 1833849, DOI 10.1002/syn.890080407, lire en ligne)
  15. « The psychotomimetic drug phencyclidine labels two high affinity binding sites in guinea pig brain: evidence for N-methyl-D-aspartate-coupled and dopamine reuptake carrier-associated phencyclidine binding sites. », Mol. Pharmacol., vol. 36, no 6,‎ , p. 887–896 (PMID 2557536)
  16. a et b « RTI-4793-14, a new ligand with high affinity and selectivity for the (+)-MK801-insensitive [3H]1-]1-(2-thienyl)cyclohexyl]piperidine binding site (PCP site 2) of guinea pig brain. », Synapse, vol. 16, no 1,‎ , p. 59–65 (PMID 8134901, DOI 10.1002/syn.890160107, lire en ligne)
  17. Rothman RB., « PCP site 2: a high affinity MK-801-insensitive phencyclidine binding site. », Neurotoxicol Teratol, vol. 16, no 4,‎ , p. 343–353 (PMID 7968938, DOI 10.1016/0892-0362(94)90022-1, lire en ligne)
  18. a b et c « Studies of the biogenic amine transporters. VI. Characterization of a novel cocaine binding site, identified with [125I]RTI-55, in membranes prepared from whole rat brain minus caudate. », J Pharmacol Exp Ther, vol. 274, no 1,‎ , p. 385–395 (PMID 7616423)
  19. a b et c « Studies of the biogenic amine transporters. IV. Demonstration of a multiplicity of binding sites in rat caudate membranes for the cocaine analog [125I]RTI-55. », J Pharmacol Exp Ther, vol. 270, no 1,‎ , p. 296–309 (PMID 8035327)
  20. a et b « The S-enantiomer of R,S-citalopram, increases inhibitor binding to the human serotonin transporter by an allosteric mechanism. Comparison with other serotonin transporter inhibitors. », Eur. Neuropsychopharmacol., vol. 15, no 2,‎ , p. 193–198 (PMID 15695064, DOI 10.1016/j.euroneuro.2004.08.008)
  21. « Allosteric modulation of the effect of escitalopram, paroxetine and fluoxetine: in-vitro and in-vivo studies. », Int J Neuropsychopharmacol, vol. 10, no 1,‎ , p. 31–40 (PMID 16448580, DOI 10.1017/S1461145705006462)
  22. « Hyperforin – antidepressant activity by a novel mechanism of action », Pharmacopsychiatry, vol. 34 Suppl 1,‎ , S98–102 (PMID 11518085, DOI 10.1055/s-2001-15512)
  23. a et b « Hyperforin as a possible antidepressant component of hypericum extracts », Life Sci., vol. 63, no 6,‎ , p. 499–510 (PMID 9718074, DOI 10.1016/S0024-3205(98)00299-9)
  24. « The involvement of sodium and calcium ions in the release of amino acid neurotransmitters from mouse cortical slices elicited by hyperforin », Life Sciences, vol. 71, no 22,‎ , p. 2645–55 (PMID 12354583, DOI 10.1016/S0024-3205(02)02104-5)
  25. « Dual modulation of striatal acetylcholine release by hyperforin, a constituent of St. John's wort », The Journal of Pharmacology and Experimental Therapeutics, vol. 301, no 2,‎ , p. 714–9 (PMID 11961077, DOI 10.1124/jpet.301.2.714)
  26. a et b « Hyperforin – a key constituent of St. John's wort specifically activates TRPC6 channels », The FASEB Journal, vol. 21, no 14,‎ , p. 4101–11 (PMID 17666455, DOI 10.1096/fj.07-8110com)