Hache à douille

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Hache à douille du type Plainseau en bronze, dépôt de Heppeneert (Belgique), Bronze final IIIb, vers 950-800 av. J.-C., collection de la Fondation Roi Baudouin, Musée gallo-romain de Tongres

Une hache à douille en bronze est un type de hache protohistorique, apparu dès le Bronze moyen, qui a connu une importante diffusion à l'âge du bronze final et au premier âge du fer dans toute l'Europe. Une production particulière du premier âge du fer en Armorique et en Normandie, de haches non fonctionnelles au métal très riche en plomb, aurait eu selon certains archéologues une utilisation monétaire et/ou rituelle.

Apparition et diffusion en Europe[modifier | modifier le code]

Des simulacres d'outils[modifier | modifier le code]

Hache à douille armoricaine du type Le Tréhou, avec anneau latéral (dépôt de Guesman)
Le dépôt de haches à douille de Langonnet (musée d'histoire et d'archéologie de Vannes)

La hache à douille en bronze, apparaît à l'âge du bronze moyen en Europe, et s'y diffuse surtout au cours du final. Sa typologie est très variée dans le détail. Sa production se poursuit pendant tout le premier âge du fer. Des types nouveaux à douille à section quadrangulaire connaissent une énorme diffusion en Armorique, en Normandie ; ces haches à douille tardives sont appelées pour cette raison, haches à douille de type armoricain[1]. Elles sont en bronze contenant d'importantes quantités de plomb qui les rendent fragiles et inutilisables. Elles n'ont visiblement jamais servi d'outils et certains archéologues voient en elles une sorte de proto-monnaie[2]. Les archéologues Gabriel et Adrien de Mortillet ont écrit à leur sujet en 1881 : « Lorsque le fer est arrivé, la domination religieuse et l'orgueil aristocratique, qui s'appuient toujours sur le passé, se sont emparés de la hache de bronze pour en faire un objet votif, rituel, et un signe de distinction »[3].

Ces haches à douilles de l'âge du fer sont des simulacres d’outils (une importante production d'outils et d'armes fonctionnels en bronze continue cependant au cours du premier âge du Fer, comme le montrent un certain nombre de dépôts allemands, par exemple celui de Wattenheim/Alsenborn, Kr. Kaiserlautern, en Sarre[4]). Elles sont enfouies en dépôts parfois très volumineux (un dépôt trouvé à Maure-de-Bretagne en contenait plus de 4 000), parfois à proximité de petites exploitations familiales[5], comme à Langonnet, ou encore sur le site de Kergariou à Quimper, fouillé par Yves Ménez en 2005. D'autres dépôts de haches à douille ont été trouvés à Bogoudonou en Mahalon, à Plonéis, au Tréhou dans le Finistère, à Kerhon en Roudouallec, à Brandivy et Locoal-Mendon dans le Morbihan, à Loudéac et Kergrist-Moëlou dans les Côtes-d'Armor, à Chailloué, Saint-James et Moidrey, à Couville dans la Manche, etc[6].

Des marqueurs d'identité en Armorique[modifier | modifier le code]

Différents modèles de haches à douille trouvées dans les Côtes-du-Nord au XIXe siècle (Trésors archéologiques de l'Armorique occidentale : album en chromolithographie, publié par la Société d'émulation des Côtes-du-Nord, 1886).

L'archéologue Jacques Briard a distingué plusieurs variétés de haches à douille de type armoricain : le type de Brandivy, celui de Dahouët, celui du Tréhou, celui de Plurien, celui de Chailloué, celui de Couville, celui de Maure, celui de Saint-James[7].

Ni armes, ni outils, les haches à douille de type armoricain sont désormais considérées comme une marque identitaire des groupes humains alors présents en Armorique, du VIIIe au Ve siècle avant notre ère. Certains les considèrent comme les prémices de ce qui deviendra la monnaie : elles auraient été thésaurisées pour affirmer la puissance et la richesse de leurs propriétaires et surtout, très probablement dans un but rituel : alors que la pratique des dépôts de métal avait quasiment cessé après l'âge du bronze, au cours du VIIIe et du début du VIIe siècle av. J.-C., leur dépôt en nombre important est un phénomène caractéristique de la reprise de l'enfouissement de stocks de métal au cours du VIIe siècle av. J.-C. en Gaule, qui connaît des équivalents au même moment en Centre-Ouest et Pays de la Loire ou en Languedoc[8].

D'autres types de haches préhistoriques existent, par exemple les haches à aileron (caractérisées par une lame de métal de coupe transversale rectangulaire, terminée par un tranchant)[9], les haches à talon (elles comportent deux parties distinctes, le talon qui est la zone d’emmanchement et la lame qui prolonge le talon)[10], les haches à rebords (caractérisées par des rebords latéraux perpendiculaires au corps de la hache, qui servent à fixer le manche muni de deux languettes à son extrémité[11], etc.

Une utilisation militaire au Proche-Orient[modifier | modifier le code]

En Mésopotamie, l'utilisation des haches comme outil n'a pas connu une évolution semblable à l'Europe. En revanche, la production et l'emploi de haches à douille de combat sont bien attestés à l'âge du bronze, comme le montrent les haches sumériennes du IIIe millénaire av. J.-C., répandues alors dans toute la région. A partir du IIe millénaire av. J.-C. se développe un style de hache spécifique, notamment découvert lors des fouilles de Tepe Giyan, dont la caractéristique majeure réside dans la stylisation du dos du tranchant[12]. Des haches mésopotamiennes ont été trouvées jusque dans les caveaux de Bani Surmah, montrant ainsi que les bronzes dits du Loristan ne proviennent pas nécessairement de cette région[13].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. José Gomez de Soto, compte-rendu critique de l'ouvrage Les Haches à douille armoricaines revisitées. Apports des travaux et des études de la Seconde moitié du XXe siècle en Bretagne, Annales de Bretagne et des Pays de l'Ouest, 2013, consultable http://abpo.revues.org/2711. Voir aussi, du même auteur : Les haches à douilles de type armoricain : une production strictement de l’âge du Fer. Critique des sources documentaires afférant à leur chronologie, Bulletin de la Société préhistorique française, 112, 1, 2015, p. 117-136.
  2. « Hache à douille », sur bourny.laval.53.free.fr (consulté le )
  3. Cité par Jacques Briard, « Les objets paléomonétaires de l'Europe atlantique protohistorique », Revue Numismatique, vol. 6, no 157,‎ , p. 37–50 (DOI 10.3406/numi.2001.2316, lire en ligne, consulté le )
  4. (de) Kibbert, Kibbert, Die Äxte und Beile in Westdeutschland II, , C. H. Beck Verlag, Munich, Prähistorische Bronzefunde, IX, 13, pl. 98-99, Münich, C.H. Beck Verlag, , pl. 98-99
  5. http://www.inrap.fr/userdata/c_bloc_file/9/9868/9868_fichier_dossier-de-presse-exposition-soyons-fouilles-decouvertes-archeologiques-en-bretagne.pdf
  6. Pierre-Roland Giot, Jacques Briard et Louis Pape, Protohistoire de la Bretagne, Rennes, Ouest-France, coll. « Histoire de la Bretagne », , 437 p. (ISBN 978-2-858-82089-4, OCLC 905674885), À l'aurore de l'âge du fer : les haches à douille armoricaines, p. 177-198
  7. Jacques Briard, « Les objets paléomonétaires de l'Europe atlantique protohistorique », Revue Numismatique, vol. 6, no 157,‎ , p. 37–50 (DOI 10.3406/numi.2001.2316, lire en ligne, consulté le ).
  8. José Gomez de Soto, « « Pour en finir avec le Bronze final ? Les haches à douille de type armoricain en France » », De l’âge du Bronze à l’âge du Fer en Europe occidentale (XeVIIe siècle av. J.-C.). La moyenne vallée du Rhône aux âges du fer (actes du XXXe colloque international de l’AFEAF, Saint-Romain-en-Gal, 26-28 mai 2006), Dijon, Revue archéologique de l’Est, 27e suppl.,‎ , p. 507-512
  9. « Haches à ailerons », sur brecilien.org (consulté le ).
  10. Jacques Briard et Guy Verron, Typologie des objets de l’Age du bronze en France, vol. Fascicule 3, Haches (1), Société Préhistorique Française, (lire en ligne)
  11. Jacques Briard et Guy Verron, Typologie des objets de l’Age du bronze en France, vol. Fascicule 3, Haches (1), Société Préhistorique Française, (lire en ligne)
  12. Dussaud René. « Haches à douille de type asiatique », Syria, Tome 11 fascicule 3, 1930. p. 245-271.
  13. Ernie Herinck et Bruno Overlaet, Luristan Excavation Documents, vol. VI : Bani Surmah : An Early Bronze Age Graveyard in Pusht-i Kuh, Luristan, Louvain, Peeters, coll. « Acta Iranica » (no 43), 2006, 182 p., p.4