Frances Oldham Kelsey

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Frances Oldham Kelsey
Description de l'image Frances Oldham Kelsey.png.
Nom de naissance Frances Kathleen Oldham
Naissance
Cobble Hill (Colombie-Britannique) (Canada)
Décès (à 101 ans)
London (Ontario) (Canada)
Nationalité Drapeau du Canada Canadienne
Domaines pharmacologue et médecin
Diplôme Université de Chicago
Formation Université de Victoria
Université McGill
Renommée pour avoir empêché l'arrivée sur le marché américain du thalidomide

Frances Kathleen Oldham Kelsey, née le et morte le (à 101 ans)[1], est une pharmacologue et médecin canadienne, connue pour être l'experte de la Food and Drug Administration qui a refusé l'autorisation de mise sur le marché du thalidomide parce qu'elle estimait son innocuité non démontrée. Ses craintes s'avérèrent parfaitement justifiées lorsqu'il fut prouvé que le thalidomide cause de graves malformations chez les nouveau-nés. La carrière de Kelsey a été marquée par le passage de lois qui renforçaient le contrôle de la FDA sur l'industrie pharmaceutique.

Naissance et éducation[modifier | modifier le code]

Née Frances Kathleen Oldham le à Cobble Hill sur l'île de Vancouver, en Colombie-Britannique[2], Kelsey sort de l'école diplômée à quinze ans[3], et poursuit ses études au Victoria College (aujourd'hui Université de Victoria), pendant deux ans. Elle étudie ensuite la pharmacologie à l'Université McGill.

Elle y complète un baccalauréat universitaire ès sciences, puis une maîtrise universitaire ès sciences en pharmacologie, en 1935, et « sur la suggestion d'un professeur, [elle] écrit à E. M. K. Geiling, M.D., un chercheur notable [qui] démarrait un nouveau département de pharmacologie à l'université de Chicago, pour demander une place comme doctorante[3]. » Geiling suppose que Frances est un homme et lui offre la position. Frances accepte[4] et commence à travailler pour Geiling en 1936. Au cours de sa deuxième année, Geiling est engagé comme consultant par la FDA pour étudier les morts suspectes liées à l'élixir Sulfanilamide, un médicament de la classe des sulfonamides. Kelsey est son assistante sur ce projet, qui montre que les 107 morts causées par l'élixir étaient dues au solvant utilisé, le diéthylène glycol.

L'année suivante, le congrès des États-Unis passe le Federal Food, Drug, and Cosmetic Act de 1938[3]. Cette même année Kelsey termine son doctorat de pharmacologie à l'université de Chicago[3]. On attribue au travail de Kelsey pour le compte de Geiling son intérêt pour les tératogènes - ces substances qui provoquent des malformations congénitales[5].

Début de carrière et mariage[modifier | modifier le code]

En 1962, Frances Kelsey reçoit, du président John F. Kennedy, le President's Award for Distinguished Federal Civilian Service.
Frances Oldham Kelsey, âgée de 87 ans, lors de la réception de la FDA commémorant son entrée dans le National Women's Hall of Fame.

Après avoir terminé son doctorat, Kelsey rejoint la faculté de l'université de Chicago. En 1942, comme de nombreux pharmacologues, Kelsey cherche un remède synthétique pour la malaria (pour remplacer la quinine, d'origine naturelle et disponible en trop faibles quantités). Au cours de ces études, Kelsey apprend que certaines substances médicamenteuses peuvent traverser la barrière placentaire[6]. C'est également à cette période qu'elle rencontre un collègue, le Dr Fremont Ellis Kelsey, qu'elle épouse en 1943[3].

Au cours de son séjour à la faculté de l'université de Chicago, Kelsey reçoit un doctorat en médecine[3]. Elle complète son travail d'enseignement avec des travaux comme éditeur associé pour le journal de l'Association médicale américaine pendant deux ans. Kelsey quitte l'université de Chicago en 1954 et décide de prendre une position de professeur de pharmacologie à l'université du Dakota du Sud. Elle déménage avec son mari et leurs deux filles à Vermillion, au Dakota du Sud, où elle enseigne jusqu'en 1957[2].

Travail à la FDA et thalidomide[modifier | modifier le code]

En 1960, Kelsey est embauchée par la Food and Drug Administration (FDA) à Washington, DC. À ce moment, elle fait partie des rares employés à analyser les demandes de mise sur le marché des médicaments pour la FDA (seulement sept employés à temps plein et quatre jeunes docteurs à temps partiel)[3]. L'une de ses premières missions au service de la FDA est d'examiner la demande de Richardson Merrell pour la mise sur le marché du thalidomide, sous le nom de marque Kevadon, comme tranquillisant et analgésique, spécialement indiqué pour traiter les nausées matinales des femmes enceintes. Bien qu'il ait déjà été autorisé au Canada et dans une vingtaine de pays européens et africains[7], elle refuse l'autorisation en l'état, demandant plus d'études cliniques[2]. Malgré la pression du fabricant du thalidomide, Kelsey persiste à demander plus d'informations pour expliquer une étude anglaise qui documentait un effet secondaire sur le système nerveux[3].

L'insistance de Kelsey pour demander plus de tests avant autorisation se trouva amplement justifiée lorsque le lien fut fait entre les naissances d'enfants difformes en Europe et la consommation de thalidomide par leurs mères durant la grossesse[8]. Les chercheurs découvrirent que le thalidomide traverse la barrière placentaire et cause de graves malformations congénitales chez l'enfant[6]. Kelsey fut célébrée comme une héroïne en première page du Washington Post[9] pour avoir évité que la même tragédie ne se produise aux États-Unis[10]. Morton Mintz (en), auteur de l'article du Washington Post, écrivit que « [Kelsey] évita… la naissance de centaines, voire probablement de milliers d'enfants sans bras ou sans jambes[9]. »

À la suite de l'article de Morton en , l'opinion publique demande des mesures. L'amendement Kefauver Harris est passé à l'unanimité par le Congrès en pour renforcer la réglementation sur les médicaments[8]. Les entreprises doivent désormais démontrer l'innocuité de nouvelles substances, rapporter les réactions négatives à la FDA, et demander le consentement des patients qui participent à des études cliniques[11]. Les réformes des procédures de tests demandent « des contraintes plus strictes sur les tests et la distribution de nouvelles substances pharmaceutiques[6] » pour éviter que de tels problèmes ne se reproduisent. Les amendements reconnaissent aussi pour la première fois qu'« il faut que l'efficacité soit établie avant la mise sur le marché[8]. »

Pour son opposition à l'autorisation du thalidomide aux États-Unis, Kelsey reçoit le President's Award for Distinguished Federal Civilian Service (médaille présidentielle pour service fédéral civil remarquable) des mains du président John F. Kennedy[12]. Elle est alors la deuxième femme ainsi honorée[13].

Après avoir reçu cette récompense, Kelsey continue son travail à la FDA. Elle y joue un rôle-clé dans la rédaction et la mise en application des amendements de 1962[10]. Elle devient également responsable de la direction de la surveillance des tests des substances pharmaceutiques à la FDA[2]. Kelsey prend finalement sa retraite en 2005, à 90 ans, après 45 ans au service de la FDA[7].

Reconnaissance[modifier | modifier le code]

La Drug Detective (la détective des médicaments).

En 2010, la FDA honore Kelsey en nommant l'une de leurs récompenses d'après elle[14]. En créant la récompense, le directeur du centre Steven K. Galson (en) dit « Je suis très heureux d'avoir établi le Dr Frances O. Kelsey Drug Safety Excellence Award et d'en reconnaître les premiers récipiendaires pour leurs réalisations remarquables dans cet aspect important de la législation sur les médicaments[15]. »

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « La médecin Frances Kelsey, qui s'est opposée à la thalidomide, est décédée », La Presse,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  2. a b c et d (en) Frances Kelsey, Canada Heirloom Series, 1986. Heirloom Publishing Inc.
  3. a b c d e f g et h (en) Linda Bren, « Frances Oldham Kelsey: FDA Medical Reviewer Leaves Her Mark on History », FDA Consumer magazine, mars-avril 2001.
  4. Linda Bren relate l'anecdote ainsi (en traduction libre) : « Lorsque Kelsey lut la lettre de Geiling lui offrant une position d'assistant-chercheur et une bourse de l'école doctorale de Chicago, elle en fut ravie. Mais il y avait juste un léger problème - qui « titillait sa conscience. » La lettre débutait par « Cher M. Oldham », Oldham étant son nom de jeune fille. Kelsey demanda à son professeur à McGill si elle devait câbler une réponse expliquant que Frances avec un "e" est un nom féminin. « Évitez le ridicule », dit-il. « Acceptez ce travail, signez de votre nom, précisez Miss entre crochets derrière, et allez-y ! »
  5. (en) Rachel Spiegel, « The Thalidomide story ».
  6. a b et c (en) Joanne Cavanaugh Simpson, « Pregnant Pause », Johns Hopkins Magazine, vol. 53, n° 4, septembre 2001.
  7. a b et c (en) Maureen Rouhi, « Top Pharmaceuticals: Thalidomide », Chemical & Engineering News, American Chemical Society, vol. 83, n° 25, 20 juin 2005.
  8. a b et c (en) « The Story Of The Laws Behind The Labels », FDA Consumer, juin 1981.
  9. a et b (en) Morton Mintz, « 'Heroine' of FDA Keeps Bad Drug Off of Market », The Washington Post, 15 juillet 1962, première page. Voir aussi (en) les commentaires de Mintz sur Kelsey en 2005.
  10. a et b (en) Biographie de la Library of Medicine.
  11. (en) « Frances Oldham Kelsey », Chemical Heritage Foundation (consulté le 8 juin 2014).
  12. (en) John F. Kennedy, « Remarks Upon Presenting the President's Awards for Distinguished Federal Civilian Service », 7 août 1962
  13. a et b (en) « Women of the Hall – Frances Kathleen Oldham Kelsey, Ph.D., M.D. », National Women’s Hall of Fame, 2000.
  14. (en) Lyndsey Layton, « Physician to be honored for historic décision on thalidomide », The Washington Post, 13 septembre 2010.
  15. (en) Jackie Barber, « Center ceremony honors 107 individuals, 47 groups: Spring event inaugurates Frances Kelsey Drug Safety Award », News Along the Pike (FDA/Center for Drug Evaluation and Research).
  16. (en) « Gold Key Award Recipients », The University of Chicago, The Medical & Biological Sciences Alumni Association (lien archivé le 5 septembre 2006).
  17. (en) Karen Geraghty, « Protecting the Public: Dr. Frances Oldham Kelsey », Virtual Mentor – American Medical Association, vol. 3, n° 11, novembre 2001
  18. (en) « Previous Foremothers and Health Policy Heroes », sur le site du Center for research (consulté le 10 juin 2014).
  19. (en) « Remarques de Margaret A. Hamburg, Commissioner of Food and Drugs », sur le Site de la FDA (consulté le 10 juin 2014).
  20. (en) Gardiner Harris, « The Public’s Quiet Savior From Harmful Medicines », The New York Times, 13 septembre 2010.
  21. (en) « FKSS History », sur le site du collège.
  22. (en) « Asteroid (6260) Kelsey », Royal Astronomical Society of Canada, 12 juin 2011.
  23. (en) « Honorary doctor of science degree from Vancouver Island University », sur NanaimoBulletin.com
  24. (en) https://www.theglobeandmail.com/news/national/canadian-doctor-who-kept-thalidomide-out-of-us-dies/article25873611/
  25. « Frances Oldham Kelsey investie de l’Ordre du Canada », sur le site du Gouverneur général du Canada.

Annexes[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

  • Mintz, Morton (1965) The therapeutic nightmare; a report on the roles of the United States Food and Drug Administration, the American Medical Association, pharmaceutical manufacturers, and others in connection with the irrational and massive use of prescription drugs that may be worthless, injurious, or even lethal. Boston, Houghton Mifflin. LOC HD9666.6 .M55, Dewey 338.4761519.Library of Congress catalog entry
  • McFadyen, R.E. (1976). Thalidomide in America: A Brush With Tragedy. Clio Medica, 11, (2), 79–93.
  • Mulliken, J. (). A Woman Doctor Who Would Not be Hurried. Life Magazine, 53, 28–9. Call# AP2 .L547
  • Lisa A. Seidman et Warren, Noreen, « Frances Kelsey & Thalidomide in the US: A Case Study Relating to Pharmaceutical Regulations », The American Biology Teacher, vol. 64, n° 7, 2002, p. 495