Château de Cherbourg

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Château de Cherbourg
Cherbourg au XVIIe siècle.
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Fondation
Vers le Xe siècleVoir et modifier les données sur Wikidata
État de conservation
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Localisation
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Le château de Cherbourg est un ancien château fort, fondé probablement au Xe siècle et cité en 1026, qui se dressait à Cherbourg, aujourd'hui Cherbourg-en-Cotentin dans le département de la Manche, en Normandie.

Toponymie[modifier | modifier le code]

Le nom du château est attesté sous les formes latinisée : Carusburg ou Carusburc en 1026 ; Chiersburg (le « château des marais ») vers 1070 ; Kiares buhr en 1091 ; Chieresborc au XIIe siècle.

Localisation[modifier | modifier le code]

Le château de Cherbourg était situé au nord-est de la ville médiévale, dont il occupait environ un tiers de sa superficie[1]. Son assiette correspond globalement à la zone comprise entre les rues des Fossés, du Château, du Maréchal-Foch et le quai de Caligny, placées à la limite de la contrescarpe de la douve.

Historique[modifier | modifier le code]

Le site est occupé depuis l'Antiquité. Cherbourg, succédant à la cité antique de Coriallo, est alors centré sur son castrum gallo-romain du Bas-Empire, d'après des fouilles menées en 1970 par Jacqueline Lemière. Ce dernier servit partiellement d'assises à la forteresse médiévale. Ceci fut confirmé par de nouvelles fouilles en 1977-1978 qui ont permis de mettre en lien le castrum avec les fortifications du Littus saxonicum[note 1],[2].

Pendant l'époque franque, c'est-à-dire pendant tout le Haut Moyen Âge, il est probablement un centre de pouvoir de la presqu'île du Cotentin. Au VIIe siècle, c'est un centre d’émission monétaire. Au VIIIe siècle, dans la chronique de Fontenelle, il est désigné comme le chef-lieu du pagus Coriovallensi et probable lieu de résidence du comte Richwin. Des sondages archéologiques ont montré que la fortification, aux époques mérovingiennes et carolingiennes, avait abrité une nécropole d'une certaine importance.

Vers 1026-1027, Richard III de Normandie concède en douaire à sa fiancée la duchesse Adèle plusieurs propriétés dont la forteresse de Cherbourg (Carusburc), ainsi que celle du Homme (Holmus) et de Brix (Brusco)[3], « Concedo etiam castella que ibi habentur, videlicet Carusburg cum eo quod dicitur Holmus, et eo quod dicitur Brusco, cum iis que ad hec aspicere videntur[4]… ».

Entre 1063 et 1066, le duc de Normandie Guillaume, installe trois chanoines de l'église de l'île d'Aurigny pour le service religieux de la chapelle Notre-Dame du château ducal de Cherbourg[5],[6], avec des prébendes[note 2].

Henri Ier Beauclerc dote la fortification d'une nouvelle enceinte, qui sera achevée vers 1140[8]. En 1143, les soldats de Geoffroy Plantagenêt viennent mettre le siège devant le château possession d'Étienne de Blois et, comme le narre Jean de Marmoutier, les assaillants furent surpris par le nombre de tours dressées sur la courtine faisant que l'intervalle entre-elles n'excédaient pas la longueur d'une lance[8], mais ce qui n'empêcha pas la place d'être prise. Le château sert de résidence ducale notamment sous le règne d'Henri II Plantagenêt (1133-1189)[2].

En 1158, un semblant de réconciliation, entre Henri II Plantagenêt et le roi de France Louis VII le Jeune, se concrétise par un pèlerinage au mont Saint-Michel, et le mariage du fils fils aîné d'Henri II, Henri le Jeune, avec Marguerite de France. Le couple royal passa les fêtes de Noël au château de Cherbourg[9]. Henri II et son épouse en 1170 passent un nouveau Noël à Cherbourg[10]. Le , Jean sans Terre, succédant à son frère Richard Cœur de Lion (mort le ), loge au château pour y recevoir l'hommage des barons du Cotentin[11]. Il y séjourne du au avant d'embarquer le vers Angleterre[11].

En 1204, à la suite de l'annexion de la Normandie au domaine royal, Philippe Auguste entre dans la ville. Il y est accueilli avec des ovations, et octroie aux habitants de nombreux privilèges en plus des anciens. En 1284, les Anglais font une descente sur Cherbourg. Le château résiste, mais l'abbaye et la ville sont ravagées et brûlées[12]. Il en est de même lors du siège de 1295, où le château sert de refuge aux habitants[2].

Vers 1300, Philippe le Bel établit une nouvelle enceinte urbaine[13], qui résista aux Anglais en 1314 et à Édouard III en 1346 au début de la guerre de Cent Ans. Les troupes d'Édouard ravagent alors les faubourgs et l'abbaye du Vœu[14]. En 1347, le roi de France fera encore renforcer le château et les remparts ce qui fera dire à Froissart que le château est « des plus forts châteaux de tout le monde est bien conforté de la mer de toutes parts »[15].

Tour de l'Église, vestiges des anciens remparts au moment du voyage de Louis XVI en 1786, huile sur toile de Louis-Philippe Crépin, 1817, conservé au château de Versailles.

En 1354, la place est la possession du roi de Navarre, Charles le Mauvais, gendre du roi de France Jean II le Bon qui lui a cédé le Cotentin. Charles II de Navarre renforce les défenses de la ville et construit un nouveau château[16]. En 1370, le château qui est la plus puissante citadelle du Navarrais a une garnison relativement faible et ne compte que trois hommes d'armes et quarante-cinq servants[17]. Le roi de Navarre le cède aux Anglais, et en 1378, le nombre de défenseurs anglais est porté à 600 contre du Guesclin qui assiège sans succès la cité et le château, malgré un blocus par mer et par terre. Son frère cadet, Olivier du Guesclin, sera fait prisonnier devant Cherbourg et passera de nombreuses années en prison[18]. Par la suite, les Anglais restituent la place contre argent à Charles III de Navarre, qui lui même toujours contre argent la restitue au roi de France en 1404[15]. En 1418, les Anglais, après un énième débarquement, soumettent à nouveau Cherbourg, à la suite d'un long siège[19]. La place se rendant le [15].

La place de Cherbourg sera la dernière possession anglaise du duché de Normandie et capitulera sans conditions le mercredi [20], après que le roi de France ait négocié avec le capitaine de la place, celle-ci ayant résisté un mois au pilonnage des bombardes françaises[2]. Les fortifications sont réparées et du côté de la grève on érige une tour à trois batteries dotées de dix-sept pièces de canons[16],[note 3]. Pendant les guerres de Religion la place résiste aux assauts des ligueurs et des protestants.

Ancienne forteresse royale, le château est rasé en 1688 par Louvois, sur ordre de Louis XIV[21], et au XVIIIe siècle, il est enfermé dans une enceinte bastionnée construite par Vauban[22].

La tour de l'Église, dernier vestige de la forteresse fut détruite en 1850 au moment de la construction du quai Napoléon[2].

Description[modifier | modifier le code]

Le château fut probablement reconstruit dans la deuxième moitié du XIIe siècle[23], car le moine de Marmoutier dit, avant 1186 : « Là, il construisit un château qu'il ceignit de murs d'une grande force ; le rempart dans toute sa circonférence, fut garni de tours tellement multipliées que de l'une à l'autre, il y avait à peine la pique d'un soldat »[note 4].

Selon des plans anciens, notamment le plan de Gomboust établi sous Louis XIII, le château de Cherbourg se présentait sous la forme d'un réduit défensif, situé au sud, entouré par une douzaine de tours, ceint de fossés et abritant des logements pour la garnison[24], avec une porte, la porte des Anglais. L'ensemble formant un quadrilatère irrégulier dont les diagonales mesuraient respectivement 136 mètres et 117 mètres.

Le donjon de plan quadrangulaire de 55 × 15 mètres[2], rattaché à l'enceinte, occupant la partie nord de ce réduit, face à la mer, épaulé de quatre tours d'angles rondes, avait son propre fossé en eau. Le reste de l'enceinte (la basse-cour) était flanquée par neuf autres tours rondes espacées seulement de dix à douze mètres. À l'occasion d'un chantier en 1977, l'arase de deux tours, la tour de l'Horloge et la tour Longis[note 5], les plus à l'ouest, entre les débouchés sud des rues des Fossés et Notre-Dame, avec de chaque côté un bout de courtine, fut mis au jour laissant voir leurs petits appareils de blocs allongés[note 6]. Quant à l'enceinte de la ville elle était flanquée d'une dizaine de tours plus basses et de bastions surplombant un large fossé[2].

Jusqu'au XIe siècle, il y avait dans la cour du château une chapelle dédiée à Notre-Dame, avant que Guillaume le Conquérant décide d'ériger au nord-ouest du château une nouvelle église, la Trinité[24].

En 1686, quand Vauban vient à Cherbourg pour visiter les défenses côtières, il décrit la place ainsi : « Dans le château on prétend qu'il y avait des rues et des maisons dans la cour, mais il n'y a plus rien présentement… Joignant les murailles, quelques vieilles casernes, à un étage seulement, dont partie est tombée, l'autre, prêtre à tomber… Le plus bel endroit de ces adossements est où loge le gouverneur, mais les uns autres ne subsistent qu'à force d'étançons… »[26]. Le donjon est en ruine[26].

Liste des gouverneurs ou capitaines du château de Cherbourg[modifier | modifier le code]

Liste non exhaustive.

  • Osbert de la Heuze, sous Henri II Plantagenêt[9].
  • Nicolas de Chiffrevast, sous Jean II le Bon[27].
  • Guillaume de Campserveur ( 1464), attesté en 1410[28],[29].
  • Guillaume du Fou au XVe siècle[30].
  • Hervé II Le Berseur (1641-1696), nommé en 1660 par Louis XIV[31].
  • Henry Le Berseur (1677-1762), fils du précédent, nommé en 1696 à la mort de son père[31].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. L'un des fortins de ce réseau défensif a été étudié à Aurigny.
  2. Les vestiges de la chapelle ont été découverts au début des années 1980 sur l'ancien site du château par l'équipe du Centre de recherches archéologiques et historiques anciennes et médiévales (Craham) de Caen[7].
  3. Nommée tour des Sarrasins, elle se situait à la jonction du quai ouest de l'avant-port actuel, à l'angle de la rue de la Marine et du quai de Coligny.
  4. Ce mode de construction serait proche de celui de Château-Gaillard[23].
  5. Elles furent démolies presque aussitôt leurs mises à jour.
  6. Guillaume Sorel, archéologue et historien de Granville, notait alors : « Ce petit appareil n'est cependant pas tout à fait régulier et passe souvent au « petit appareil allongé », c'est-à-dire que les cubes de pierre vont jusqu'à avoir une largeur du double de la hauteur qui est d'environ 10 à 15 centimètres. De plus, vers le haut de la surface qui a pu être examinée, court une longue arase de tuileaux en double épaisseur. Ces tuileaux sont, soit de vastes plaques de terre cuite épaisses de 5 centimètres environ, soit des tuiles entières ou brisées. Les joints de mortier sont épais et souvent rejointoyés extérieurement au mortier rose de briques pulvérisées ; parfois même le mortier de maçonnerie est également rose[25] ».

Références[modifier | modifier le code]

  1. Comité Gille de Gouberville et al. (préf. Annick Perrot, ill. Kévin Bazot, sous la direction de Julien Deshayes), Voyage en Cotentin avec Gilles de Gouberville, Éditions Heimdal, , 95 p., 30 cm, illustrations couleur (ISBN 978-2-84048-581-0, EAN 9782840485810, BNF 46897276), p. 41.
  2. a b c d e f et g Gilles Désiré dit Gosset, « Châteaux et fortifications du Cotentin », dans Congrès archéologique de France. 178e session. Manche. 2019 - Société française d'archéologie, Condé-en-Normandie, Éditions Picard, (ISBN 978-2-9018-3793-0), p. 17-18.
  3. Stéphane William Gondoin, « Les châteaux forts au temps de Guillaume le Conquérant », Patrimoine normand, no 94,‎ juillet-août-septembre 2015, p. 36 (ISSN 1271-6006).
  4. Florence Delacampagne, « Seigneurs, fiefs et mottes du Cotentin (Xe – XIIe siècle) : Étude historique et topographique », dans Archéologie médiévale, t. 12, (lire en ligne sur Persée.), p. 190
  5. Stéphane William Gondoin, « Fluctuations de propriété au temps de Guillaume le Conquérant », Patrimoine normand, no 94,‎ juillet-août-septembre 2015, p. 14 (ISSN 1271-6006).
  6. Georges Bernage, « Cherbourg cité médiévale », Vikland, la revue du Cotentin, no 3,‎ octobre-novembre-décembre 2012, p. 39 (ISSN 0224-7992).
  7. Maurice Lecœur, Le Moyen Âge dans le Cotentin : Histoire & Vestiges, Isoète, , 141 p. (ISBN 978-2-9139-2072-9), p. 122.
  8. a et b Bernard Beck, Châteaux forts de Normandie, Rennes, Ouest-France, , 158 p. (ISBN 2-85882-479-7), p. 55.
  9. a et b André Davy, Les barons du Cotentin, Condé-sur-Noireau, Éditions Eurocibles, coll. « Inédits et introuvables du patrimoine Normand », , 319 p. (ISBN 978-2-91454-196-1), p. 113.
  10. Davy 2014, p. 114.
  11. a et b Davy 2014, p. 120.
  12. Davy 2014, p. 135.
  13. Michel Hébert et André Gervaise, Châteaux et Manoirs de la Manche, Condé-sur-Noireau, Éditions Charles Corlet, , 176 p. (ISBN 978-2-84706-143-7), p. 30.
  14. Jeanine Bavay, « L'abbaye du Vœu », Vikland, la revue du Cotentin, no 3,‎ octobre-novembre-décembre 2012, p. 15 (ISSN 0224-7992).
  15. a b et c Bernage 1980, p. 28.
  16. a et b Guy Le Hallé, Châteaux forts de Basse-Normandie, t. II, Louviers, Ysec Éditions, , 160 p. (ISBN 978-284673-215-4), p. 84.
  17. Beck 1986, p. 78.
  18. Beck 1986, p. 62.
  19. Bavay - L'abbaye du Vœu, Vikland n° 3, p. 15.
  20. Hippolyte Vallée, « Précis sur l'histoire de Cherbourg », in Jean Fleury et Hippolyte Vallée, Cherbourg et ses environs : nouveau guide du voyageur à Cherbourg. Cherbourg : Impr. de Noblet, 1839 - p. 19-54.
  21. Hébert et Gervaise 2003, p. 88.
  22. Beck 1986, p. 92.
  23. a et b Georges Bernage, « La presqu'île du Cotentin - Cherbourg », dans La Normandie médiévale : 10 itinéraires, Éditions Heimdal, coll. « La France Médiévale », , 174 p. (ISBN 2-902171-18-8), p. 26.
  24. a et b Voyage en Cotentin avec Gilles de Gouberville, p. 41.
  25. Bernage 1980, p. 27.
  26. a et b Jeannine Bavay, « Cherbourg de 1688 à 1897 », Vikland, la revue du Cotentin, no 4,‎ janvier-février-mars 2013, p. 9 (ISSN 0224-7992).
  27. Davy 2014, p. 169.
  28. René Gautier et al. (préf. Jean-François Le Grand, postface Danièle Polvé-Montmasson), 601 communes et lieux de vie de la Manche : Le dictionnaire incontournable de notre patrimoine, Bayeux, Éditions Eurocibles, coll. « Inédits & Introuvables », , 704 p. (ISBN 978-2-35458-036-0), p. 182.
  29. Sébastien Fautrat, Digosville : D'autrefois à nos jours, Valognes, Imprimerie Icl Graphic, , 358 p. (ISBN 979-10-91566-14-8), p. 4.
  30. Gautier 2014, p. 324.
  31. a et b Michel Pinel (photogr. Patrick Courault), Châteaux et Manoirs de la Manche, t. 5, Rivages de France, coll. « Lumières et histoire », , 256 p. (ISBN 978-2-9561209-6-4), p. 44.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]