Affaire Saint Boy

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Affaire Saint Boy
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L'Affaire Saint Boy débute le vendredi , lorsque le cheval Saint Boy refuse de sauter pendant l'épreuve féminine d'équitation du pentathlon moderne aux Jeux olympiques d'été de 2020, à Tokyo. Ce cheval, tiré au sort pour l'épreuve de saut d'obstacles de la pentathlète en tête du classement, Annika Schleu, est longuement cravaché et éperonné par sa cavalière sur les conseils de son entraîneuse Kim Raisner, puis frappé du poing par cette dernière. Il débute néanmoins son parcours, puis heurte un obstacle et refuse de continuer.

Les images d'Annika Schleu en larmes sur ce cheval font le tour du monde, suscitant des réactions très variées, allant de l'empathie pour la pentathlète en accusant le cheval d'être « une carne », jusqu'à l'empathie pour Saint Boy, en accusant la cavalière et son entraîneuse de maltraitance, voire de cruauté envers l'animal. Le lendemain de l'épreuve, Kim Raisner est disqualifiée jusqu'à la fin des jeux en raison d'un coup porté à Saint Boy.

Cette affaire a pour conséquence une modification de l'épreuve d'équitation du pentathlon moderne, avec une baisse de la hauteur des obstacles à franchir et de la longueur du parcours, puis l'élimination totale de l'équitation des épreuves de pentathlon moderne après 2024. Elle pousse aussi diverses associations de protection animale à demander l'interdiction de l'équitation en pentathlon, voire l'interdiction totale des épreuves d'équitation aux Jeux olympiques.

Déroulé[modifier | modifier le code]

Annika Schleu, la pentathlète première au classement qui s'est vu attribuer Saint Boy.

Lors de l'épreuve féminine d'équitation du pentathlon moderne aux Jeux olympiques d'été de 2020, qui se déroule le vendredi , la pentathlète Annika Schleu, alors première au classement, tire au sort le cheval Saint Boy, mis à disposition par un propriétaire japonais, comme tous les chevaux de pentathlon[1]. D'après ses données de profil officielles, Saint Boy est un cheval hongre de robe baie, né en 2006[2]. Tous les chevaux utilisés pour le pentathlon moderne dans le stade de Tokyo sont au préalable testés sur le parcours de saut d'obstacles qu'ils devront franchir pendant l'épreuve ; d'après le concepteur du parcours Olaf Petersen, Saint Boy n'a alors rencontré aucun problème particulier[3].

Comme le veut le règlement, Annika Schleu dispose de 20 minutes pour faire connaissance avec ce cheval (10 sur le plat et 10 à l'obstacle), avant le début de l'épreuve de saut d'obstacles du pentathlon, sur un parcours haut d'1,20 m[4].

Voyant que sa pentathlète, en larmes, ne parvient pas à se faire obéir de Saint Boy, l'entraîneuse Kim Raisner frappe le hongre avec son poing, et encourage Annika Schleu à faire usage de la force (cravaches et éperons) tandis que sa monture refuse de partir[5]. Sur la base de l'enregistrement vidéo, d'après plusieurs médias dont Le Figaro[6] et St. Georg[3], Raisner a en effet conseillé à Annika Schleu de « bien frapper » son cheval.

Saint Boy démarre finalement son parcours, mais ne franchit que 4 obstacles avant d'en heurter un, et de faire un refus. Ce refus relègue Annika Schleu à la 31e place du classement[7]. La pentathlète apparaît en larmes devant les caméras[8].

Réactions[modifier | modifier le code]

La visualisation du parcours équestre d'Annika Schleu suscite des réactions initiales variées.

D'après Laure Dasinières (Slate), les commentateurs sportifs qui ont assisté à la scène ont « rejeté toute la responsabilité de cet échec sur le cheval, le traitant ici de « carne » ou usant là d'un champ lexical l'assimilant davantage à une machine qu'à un être sentient »[9].

De la Fédération internationale de pentathlon moderne[modifier | modifier le code]

Le lendemain du parcours, la Fédération internationale de pentathlon moderne (UIPM) exclut l'entraîneuse Kim Raisner jusqu'à la fin des Jo de Tokyo, en raison du coup qu'elle a porté à Saint Boy[5]. Le règlement de l'épreuve de pentathlon interdit en effet qu'une autre personne que l'athlète touche le cheval[10].

Après examen de la vidéo, le , l'UIPM décide de ne pas sanctionner Annika Schleu, estimant que « l’utilisation de la cravache ou des éperons n’était pas excessive »[11]. En revanche, elle estime que la coach Kim Raisner « avait enfreint les règles de compétition de l’UIPM en frappant un cheval et en encourageant son athlète à faire de même », ce qui menace Raisner d'une suspension de sa licence[11].

De professionnels du cheval[modifier | modifier le code]

Pour l'équipe de Cheval Magazine, « les images sont presque choquantes et s'apparentent à de la maltraitance »[4].

La rédactrice en chef du magazine allemand St. Georg Gabriele Pochhammer décrit son effroi devant « les images d'un entraîneur national demandant à son athlète de tabasser son cheval », ajoutant que « comme lors des jeux précédents, le niveau d'équitation en pentathlon moderne était très mitigé, parfois mauvais »[3]. Elle estime qu'« en pentathlon, les chevaux sont ce qu'ils ne devraient jamais être : des équipements sportifs comme la carabine au tir et la rapière à l'escrime. Ils ne le méritent pas, ça blesse leur dignité. Par conséquent, l'équitation devrait disparaître le plus rapidement possible du pentathlon moderne »[3].

De journalistes et d'éditorialistes[modifier | modifier le code]

Le 18 août, le journaliste du Guardian Beau Dure suggère de remplacer l'épreuve d'équitation du pentathlon moderne par une épreuve d'escalade, arguant que le pentathlon moderne a été créé sur la base des compétences sportives nécessaires à un officier de cavalerie de la fin du XIXe siècle, et que l'équitation, en plus de se dérouler dans des conditions « cruelles », n'est plus appropriée à la réalité des compétences sportives nécessaires aux soldats modernes[12].

D'associations de protection animale[modifier | modifier le code]

Le 10 août, l'association PETA Allemagne demande au comité international olympique (CIO) d'en bannir toutes les épreuves d'équitation, arguant non-seulement de l'affaire Saint Boy, mais aussi de l'euthanasie de Jet Set et du saignement de nez de Kilkenny[13],[14]. Peter Höffken, expert de PETA en Allemagne, accuse Annika Schleu d'avoir torturé son cheval[15]. Kim Raisner déclare de son côté au SID (filiale de l’AFP) qu'Annika Schleu n'a « pas torturé le cheval, d’aucune façon »[16].

L'association allemande Deutscher Tierschutzbund publie un communiqué le 13 août, expliquant avoir déposé une plainte au pénal contre Annika Schleu, pour cruauté envers les animaux. Une plainte de la même association vise la coach Kim Raisner, pour complicité de cruauté envers les animaux[17]. Thomas Schröder, président de Deutscher Tierschutzbund, explique cette plainte par le fait que « Bien sûr, une athlète concentrée sur l’or olympique subit un stress énorme à ce moment-là, mais ce n’est pas une excuse à la cruauté envers les animaux », ajoutant que « les animaux n’ont pas leur place dans une compétition axée sur la performance entre les gens »[17].

Le 18 août, la fondation 30 millions d'amis écrit au CIO pour demander l'interdiction de l'épreuve d'équitation du pentathlon moderne, arguant que les chevaux y sont traités comme le seraient des objets[18],[19].

De célébrités[modifier | modifier le code]

Choquée par ce qu'elle voit comme une maltraitance, l'actrice star de Big Bang Theory Kaley Cuoco, par ailleurs cavalière comme son mari, propose sur son compte Instagram de racheter Saint Boy quel qu'en soit le prix[20],[21].

Suites[modifier | modifier le code]

D'après La Dépêche vétérinaire, les images d'Annika Schleu et Saint Boy ont fait le buzz et « pourraient rester en mémoire », justifiant le qualificatif d'« Affaire Saint Boy »[22] ; d'après le média CNews, ces images ont fait « le tour d'internet »[23]. Le média Le Parisien décrit la séquence des pleurs d'Annicka Schleu en selle sur Saint Boy comme étant probablement celle qui aura le plus marqué les Jeux olympiques de Tokyo[24].

La journaliste scientifique Christa Lesté-Lasserre identifie l'affaire Saint Boy parmi celles qui ont suscité des réactions basées sur les émotions humaines plutôt que sur la compréhension scientifique des perceptions du cheval, d'où la conséquence d'une suppression totale de la présence des chevaux en pentathlon moderne[25]. Cette affaire a mis en lumière l'éthique des utilisations du cheval, suscitant une grande colère de la part d'activistes des droits des animaux, mais aussi de spectateurs des épreuves olympiques[26].

Pétitions[modifier | modifier le code]

Plusieurs pétitions en ligne sont lancées pour demander l'interdiction de l'épreuve d'équitation en pentathlon, voire l'interdiction totale de toute épreuve d'équitation aux Jeux olympiques[27]. L'une d'elles, lancée par l'Allemande Kristen Gerhardt, a recueilli plus de 140 000 signatures à la date du 17 août, d'après Le Figaro[27].

Modification de l'épreuve d'équitation du pentathlon moderne[modifier | modifier le code]

Le lundi , l'AFP annonce que « L’affaire Saint Boy fera bien jurisprudence dans le monde du pentathlon moderne, dont la fédération (UIPM) a annoncé en début de semaine vouloir modifier son épreuve d’équitation »[28]. Le communiqué publié par l'UIPM annonce que « L'UIPM a commencé rapidement à travailler sur des mesures pour améliorer le bien-être des chevaux en pentathlon moderne et pour créer une épreuve d'équitation plus sûre pour tous les participants », et que « Ces actions ont été décidées à la suite d'incidents survenus durant l'épreuve féminine des JO de Tokyo, sources de détresse pour les chevaux, les cavaliers et les spectateurs dans le monde entier »[29]. Le communiqué donne aussi des nouvelles de Saint Boy (de retour dans son écurie, Minakuchi, dans la préfecture de Shiga), décrit comme « en bonne santé », quoique « fatigué par la compétition »[30],[31]. Une rencontre est prévue entre le président de l’UIPM, le Dr. Klaus Schormann, et le président de la Fédération équestre internationale, M. Ingmar de Vos[4].

Les modifications prévues portent sur la hauteur des obstacles et sur la longueur du parcours, mais le principe du tirage au sort du cheval n'est pas remis en cause[29]. Le , l'UIPM annonce que l'épreuve d'équitation sera finalement supprimée du pentathlon moderne après 2024[32]. Réagissant à la décision de supprimer l'épreuve d'équitation du pentathlon moderne, Émilie Dupont, pour le magazine L'Éperon, estime que cette décision menace la pérennité de toutes les épreuves d'équitation présentes aux Jeux olympiques[32].

Fin 2022, l'Union internationale de pentathlon moderne traverse une crise, entre demande de ré-introduction d'une épreuve réformée d'équitation, choix d'une nouvelle épreuve pour la remplacer, et suppression du pentathlon moderne aux Jeux olympiques d'été de 2028 ; cette évolution est identifiée comme « une répercussion de l'affaire Saint Boy », selon un article de l'AFP publié par La Croix[33].

Abandon des poursuites judiciaires contre Annika Schleu[modifier | modifier le code]

En janvier 2022, Annika Schleu verse 500 euros à une association de protection animale allemande qui l'accusait de maltraitance, en échange de l'abandon des poursuites[34]. Cinq mois après le déclenchement de l'affaire, elle ne fait donc plus l'objet de poursuites[35].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. leperon.fr, « Pentathlon moderne : quel avenir pour l’épreuve d’équitation ? / JOP Tokyo / Sport / Accueil - leperon.fr », sur leperon.fr (consulté le )
  2. « Pentathlon moderne - SAINT BOY », sur .. (consulté le ).
  3. a b c et d (de) « Kommentar: Eklat beim Fünfkampf – "Hau drauf" - », sur St.GEORG, (consulté le ).
  4. a b et c « Pentathlon, vers une révision de l’épreuve d’équitation ? », sur Cheval Magazine, (consulté le ).
  5. a et b « L'entraîneure de l'équipe allemande de pentathlon moderne exclue après avoir frappé un cheval », sur L'Équipe (consulté le ).
  6. « JO : La coach allemande de pentathlon exclue pour avoir frappé le cheval qui refusait les obstacles », sur LEFIGARO (consulté le ).
  7. « VIDEO. JO 2021 - Pentathlon moderne : le calvaire de la leader Annika Schleu avec son cheval qui refusait d'avancer », sur Franceinfo, (consulté le ).
  8. « JO : l'immense détresse d'Annika Schleu, en larmes lors de l'épreuve d'équitation du pentathlon moderne », sur LCI (consulté le ).
  9. Laure Dasinieres, « Après la violente séquence d'Annika Schleu lors du pentathlon aux JO, les sports équestres remis en question », sur Slate.fr, (consulté le ).
  10. « JO : La coach allemande de pentathlon exclue pour avoir frappé le cheval qui refusait les obstacles », sur Le Figaro (consulté le ).
  11. a et b « Annika Schleu ne sera pas suspendue pour son comportement envers Saint Boy », sur www.20minutes.fr (consulté le ).
  12. (en) « Cruel and random modern pentathlon should replace horses with climbing », sur the Guardian, (consulté le ).
  13. (en) Dylan Donnelly, « PETA demands suspensions after horse suffers 'repeated blows' at tragic Olympic pentathlon », sur Express.co.uk, (consulté le ).
  14. « Une association réclame le retrait des épreuves équestres du programme des JO », sur L'Équipe (consulté le ).
  15. (en-US) Barnaby Lane, « Animal-rights charities call for changes to modern pentathlon after a coach punched a horse at the Tokyo Olympics », sur Insider (consulté le ).
  16. « JO de Tokyo : une cavalière allemande visée par une plainte pour maltraitance animale », sur L'Obs (consulté le ).
  17. a et b LIBERATION et AFP, « JO : en Allemagne, plainte pour maltraitance animale contre la pentathlète Annika Schleu », sur Libération (consulté le ).
  18. « Pentathlon aux JO: «30 millions d’amis» écrit au CIO pour défendre les chevaux », sur LA VDN, (consulté le ).
  19. « La fondation 30 Millions d'Amis demande au CIO de retirer l'équitation du pentathlon moderne », sur Eurosport, (consulté le ).
  20. « La star de "Big Bang Theory" souhaite acheter "Saint Boy", le cheval qui avait reçu un coup de poing lors de l'épreuve de pentathlon », sur LCI (consulté le ).
  21. « Kaley Cuoco veut acheter le cheval frappé lors du pentathlon des JO de Tokyo », sur LEFIGARO (consulté le ).
  22. « Ce qui a fait le buzz... : l'affaire Saint-Boy », sur La dépêche Vétérinaire, (consulté le ).
  23. « A la suite des JO de Tokyo, les règles du pentathlon vont être modifiées pour garantir le « bien-être » des chevaux », sur CNEWS (consulté le ).
  24. Emilie Torgemen, « JO 2024 : et si les Jeux de Paris étaient ceux du bien-être des chevaux ? », sur leparisien.fr, (consulté le ).
  25. Christa Lesté-Lasserre, « Talking horse sense », New Scientist, vol. 258, no 3439,‎ , p. 27 (ISSN 0262-4079, DOI 10.1016/S0262-4079(23)00909-0, lire en ligne, consulté le ).
  26. (en) Katie Javanaud, « The Ethics of Horse Riding, Sports, and Leisure », Journal of Animal Ethics, vol. 12, no 2,‎ , p. 158–171 (ISSN 2156-5414, DOI 10.5406/21601267.12.2.06, lire en ligne, consulté le ).
  27. a et b Cédric Callier, « Une pétition visant à supprimer l'équitation du pentathlon est plébiscitée », sur LEFIGARO, (consulté le ).
  28. « La fédé de pentathlon moderne va modifier son épreuve d'équitation », sur www.20minutes.fr (consulté le ).
  29. a et b « Cheval frappé aux JO de Tokyo : le pentathlon veut désormais "créer une épreuve d'équitation plus sûre" », sur RTBF Sport, (consulté le ).
  30. « JO. Après le refus d’obstacle d’un cheval ayant coûté un titre, le pentathlon va changer ses règles », Ouest-France, .
  31. (de) « Moment Mal: Die Zeit der olympischen Aufarbeitung - », sur St.GEORG, (consulté le )
  32. a et b Émilie Dupont, « Il n'y aura plus d'épreuve d'équitation en pentathlon moderne après Paris 2024 », sur leperon.fr, L'Éperon, (consulté le ).
  33. « D'un obstacle à l'autre, le pentathlon moderne en proie à une scission », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le ).
  34. « Les poursuites contre la cavalière allemande des JO abandonnées », sur www.20minutes.fr (consulté le ).
  35. AFP, « Pentathlon moderne : cinq mois après la polémique Saint-Boy, l’affaire définitivement classée », sur La Voix du Nord, (consulté le ).