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]]Ainsi, les biogéographes recherchent-ils souvent dans les périodes où les masses continentales et océaniques étaient réunies, la [[Pangée]]<ref>{{en}} Cover, M.R. & Resh, V.H., 2008. Global diversity of dobsonflies, fishflies, and alderflies (Megaloptera; Insecta) and spongillaflies, nevrorthids, and osmylids (Neuroptera; Insecta) in freshwater. ''Hydrobiologia, 595, 409–417''. {{DOI|10.1007/s10750-007-9035-z|Résumé}} [http://www.cnr.berkeley.edu/~mcover/matt/Cover%20and%20Resh%202008%20Megaloptera%20diversity.pdf Article (276Ko)]</ref> — pour les organismes terrestres — et la [[Panthalassa]]<ref>{{en}} Brayard, A., Buchera, H., Escarguel, G., Fluteau, F., Bourquin, S. & Galfetti, T., 2006. The Early Triassic ammonoid recovery: Paleoclimatic significance of diversity gradients. ''Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology, 239 (3-4), 374-395.'' {{doi|10.1016/j.palaeo.2006.02.003|Résumé}}</ref> ou la [[Téthys (océan)|Téthys]]<ref>{{en}} Camacho, A.I., 2003. Historical biogeography of ''Hexabathynella'' , a cosmopolitan genus of groundwater Syncarida (Crustacea, Bathynellacea, Parabathynellidae). ''Biological Journal of the Linnean Society, 78 (4), 457–466''. {{DOI|10.1046/j.0024-4066.2002.00149.x|Résumé}}.</ref> — pour les taxons marins —, l'origine de la répartition cosmopolite actuelle ou ancienne de certaines catégories<ref name=Cecca/>, surtout de [[rang taxonomique]] élevé ([[genre (biologie)|genres]], [[famille (biologie)|familles]], [[classe (biologie)|classes]], [[phylum]]s). À titre d'exemple, il existe des éléments pour affirmer qu'il n'y avait pas de restriction à la distribution de la plupart des [[tétrapode|tétrapodes]] sur la Pangée au [[Permien]]<ref>{{en}} Sidor, C.A., O’Keefe, F.R., Damiani, R., Steyer, J.S., Smith,R.M.H., Larsson, H.C.E., Sereno, P.C., Ide, O. & Maga, A., 2005. Permian tetrapods from the Sahara show climate-controlled endemism in Pangaea. ''Nature, 434, 886-889.'' {{doi|10.1038/nature03393|Résumé}} [http://www11.cac.washington.edu/burkemuseum/collections/paleontology/sidor/Sidor_et_al_2005.pdf Article (350Ko)]</ref>.
]]Ainsi, les biogéographes recherchent-ils souvent dans les périodes où les masses continentales et océaniques étaient réunies, la [[Pangée]]<ref>{{en}} Cover, M.R. & Resh, V.H., 2008. Global diversity of dobsonflies, fishflies, and alderflies (Megaloptera; Insecta) and spongillaflies, nevrorthids, and osmylids (Neuroptera; Insecta) in freshwater. ''Hydrobiologia, 595, 409–417''. {{DOI|10.1007/s10750-007-9035-z|Résumé}} [http://www.cnr.berkeley.edu/~mcover/matt/Cover%20and%20Resh%202008%20Megaloptera%20diversity.pdf Article (276Ko)]</ref> — pour les organismes terrestres — et la [[Panthalassa]]<ref>{{en}} Brayard, A., Buchera, H., Escarguel, G., Fluteau, F., Bourquin, S. & Galfetti, T., 2006. The Early Triassic ammonoid recovery: Paleoclimatic significance of diversity gradients. ''Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology, 239 (3-4), 374-395.'' {{doi|10.1016/j.palaeo.2006.02.003|Résumé}}</ref> ou la [[Téthys (océan)|Téthys]]<ref>{{en}} Camacho, A.I., 2003. Historical biogeography of ''Hexabathynella'' , a cosmopolitan genus of groundwater Syncarida (Crustacea, Bathynellacea, Parabathynellidae). ''Biological Journal of the Linnean Society, 78 (4), 457–466''. {{DOI|10.1046/j.0024-4066.2002.00149.x|Résumé}}.</ref> — pour les taxons marins —, l'origine de la répartition cosmopolite actuelle ou ancienne de certaines catégories<ref name=Cecca/>, surtout de [[rang taxonomique]] élevé ([[genre (biologie)|genres]], [[famille (biologie)|familles]], [[classe (biologie)|classes]], [[phylum]]s). À titre d'exemple, il existe des éléments pour affirmer qu'il n'y avait pas de restriction à la distribution de la plupart des [[tétrapode|tétrapodes]] sur la Pangée au [[Permien]]<ref>{{en}} Sidor, C.A., O’Keefe, F.R., Damiani, R., Steyer, J.S., Smith,R.M.H., Larsson, H.C.E., Sereno, P.C., Ide, O. & Maga, A., 2005. Permian tetrapods from the Sahara show climate-controlled endemism in Pangaea. ''Nature, 434, 886-889.'' {{doi|10.1038/nature03393|Résumé}} [http://www11.cac.washington.edu/burkemuseum/collections/paleontology/sidor/Sidor_et_al_2005.pdf Article (350Ko)]</ref>.


De nos jours, l'homme — espèce elle-même cosmopolite — contribue grandement, par ses introductions volontaires ou accidentelles, à l'expansion mondiale d'espèces à l'origine localisées. Ce phénomène pallie le défaut de capacités intrinsèques de dispersion à longue distance. Le nombre de ces espèces introduites devenues cosmopolites ou en passe de l'être, et parfois [[espèce invasive|invasives]], est considérable. Il s'agit tant de végétaux que d'animaux, d'espèces libres que de [[parasitisme|parasites]], d'organismes terrestres que d'espèces aquatiques.
De nos jours, l'homme — espèce elle-même cosmopolite — contribue grandement, par ses introductions volontaires ou accidentelles, à l'expansion mondiale d'espèces à l'origine localisées. Ce phénomène pallie le défaut de capacités intrinsèques de dispersion à longue distance. Le nombre de ces espèces introduites devenues cosmopolites ou en passe de l'être, et parfois [[espèce invasive|invasives]], est considérable. Il s'agit tant de végétaux que d'animaux, d'espèces libres que de [[parasitisme|parasites]], d'organismes terrestres que d'espèces aquatiques.


== Le problème des [[Complexe d'espèces cryptiques|espèces cryptiques]] ==
== Le problème des [[Complexe d'espèces cryptiques|espèces cryptiques]] ==
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Dans de nombreux cas, le constat de distributions à l'échelle mondiale pose toutefois de sérieux problèmes. D'une part la réduction, pour ne pas dire l'absence, des [[flux de gènes]] entre populations éloignées, d'autre part les nécessaires différences écologiques entre habitats homologues situés sous des climats différents, ne peuvent que favoriser la [[spéciation]]. L'hypothèse doit donc être envisagée selon laquelle un certain nombre d'espèces dites cosmopolites constitueraient en fait des complexes d'espèces cryptiques, ensembles d'organismes à la morphologie identique ou presque (morpho-espèces), mais génétiquement distincts ou non interféconds, et à distribution beaucoup plus limitée.
Dans de nombreux cas, le constat de distributions à l'échelle mondiale pose toutefois de sérieux problèmes. D'une part la réduction, pour ne pas dire l'absence, des [[flux de gènes]] entre populations éloignées, d'autre part les nécessaires différences écologiques entre habitats homologues situés sous des climats différents, ne peuvent que favoriser la [[spéciation]]. L'hypothèse doit donc être envisagée selon laquelle un certain nombre d'espèces dites cosmopolites constitueraient en fait des complexes d'espèces cryptiques, ensembles d'organismes à la morphologie identique ou presque (morpho-espèces), mais génétiquement distincts ou non interféconds, et à distribution beaucoup plus limitée.


L'avènement et le développement récent des techniques de [[phylogénie moléculaire]] a suscité un énorme regain d'intérêt pour ces questions. Cela a surtout permis de montrer que nombre d'espèces jusqu'alors considérées comme cosmopolites constituaient effectivement de tels complexes d'espèces cryptiques, et abouti à la description de nombreuses [[Nouvelles espèces biologiques|espèces nouvelles pour la science]]. Les exemples de cette sorte abondent dans tous les groupes, animaux, végétaux ou microbiens, et dans tous les milieux. Quelques exemples.
L'avènement et le développement récent des techniques de [[phylogénie moléculaire]] a suscité un énorme regain d'intérêt pour ces questions. Cela a surtout permis de montrer que nombre d'espèces jusqu'alors considérées comme cosmopolites constituaient effectivement de tels complexes d'espèces cryptiques, et abouti à la description de nombreuses [[Nouvelles espèces biologiques|espèces nouvelles pour la science]].


''Eurythoe complanata'' est un ver marin de la famille des [[Amphinomidae|amphinomidés]] décrit par [[Peter Simon Pallas|Pallas]] en [[1766]] à partir d'exemplaires provenant des [[Mer des Caraïbes|Caraïbes]]. De cette date au {{s|xx|e}}, une vingtaine d'espèces proches seront à leur tour décrites, puis peu à peu rassemblées en une seule sur la base de leur grande homogénéité morphologique ; ainsi, dans la seconde moitié du {{s-|xx|e}}, ''E. complanata'' était considérée comme une espèce cosmopolite ou subcosmopolite, essentiellement circumtropicale, présente dans les océans [[Pacifique]], [[Atlantique]] et [[Océan Indien|Indien]], ainsi qu'en [[Méditerranée]] et en [[Mer Rouge]]. Des analyses de génétique moléculaire portant sur une partie seulement des populations « mondiales » (atlantiques et est-pacifiques) ont révélé l'existence d'au moins trois espèces<ref name=Barroso>{{en}} Barroso, R., Klautau, M., Solé-Cava, A.M., & Paiva, P.C., 2010. ''Eurythoe complanata'' (Polychaeta: Amphinomidae), the ‘cosmopolitan’ fireworm, consists of at least three cryptic species. ''Marine Biology, 157 (1), 69-80.'' {{DOI|10.1007/s00227-009-1296-9|Résumé}}.</ref>.
À titre d'exemple, ''Eurythoe complanata'', un ver marin de la famille des [[Amphinomidae|amphinomidés]], a été décrit par [[Peter Simon Pallas|Pallas]] en [[1766]] à partir d'exemplaires provenant des [[Mer des Caraïbes|Caraïbes]]. De cette date au {{s|xx|e}}, une vingtaine d'espèces proches seront à leur tour décrites, puis peu à peu rassemblées en une seule sur la base de leur grande homogénéité morphologique ; ainsi, dans la seconde moitié du {{s-|xx|e}}, ''E. complanata'' était considérée comme une espèce cosmopolite ou subcosmopolite, essentiellement circumtropicale, présente dans les océans [[Pacifique]], [[Atlantique]] et [[Océan Indien|Indien]], ainsi qu'en [[Méditerranée]] et en [[Mer Rouge]]. Des analyses de génétique moléculaire portant sur une partie seulement des populations « mondiales » (atlantiques et est-pacifiques) ont révélé l'existence d'au moins trois espèces<ref name=Barroso>{{en}} Barroso, R., Klautau, M., Solé-Cava, A.M., & Paiva, P.C., 2010. ''Eurythoe complanata'' (Polychaeta: Amphinomidae), the ‘cosmopolitan’ fireworm, consists of at least three cryptic species. ''Marine Biology, 157 (1), 69-80.'' {{DOI|10.1007/s00227-009-1296-9|Résumé}}.</ref>.

Des résultats du même ordre se multiplient pour un grand nombre d'organismes réputés cosmopolites dans des groupes extrêmement divers : autres [[polychète]]s<ref>{{en}} Bleidorn, C., Kruse, I., Albrecht, S., & Bartolomaeus, T., 2006. Mitochondrial sequence data expose the putative cosmopolitan polychaete ''Scoloplos armiger'' (Annelida, Orbiniidae) as a species complex. ''BMC Evolutionary Biology, 6, 47'' {{doi|10.1186/1471-2148-6-47| Article en ligne}}</ref>, [[Porifera|éponges]]<ref>{{en}} Xavier, J.R., Rachello-Dolmen, P.G., Parra-Velandia, F., Schönberg, C.H.L., Breeuwer, J.A.J. & van Soest, R.W.M., 2010. Molecular evidence of cryptic speciation in the “cosmopolitan” excavating sponge ''Cliona celata'' (Porifera, Clionaidae). ''Molecular Phylogenetics and Evolution, 56 (1), 13-20''. {{doi|10.1016/j.ympev.2010.03.030|Résumé}} </ref>, [[champignon]]s<ref>{{en}} Pringle1, A., Baker, D.M., Platt, J.L., Wares, J.P., Latgé, J.P. & Taylor, J.W., 2005. Cryptic speciation in the cosmopolitan and clonal human pathogenic fungus ''Aspergillus fumigatus''. ''Evolution, 59 (9), 1886–1899''. {{doi|10.1111/j.0014-3820.2005.tb01059.x|Résumé}} [http://plantbio.berkeley.edu/~taylor/papers/pringle2005.pdf Article (184Ko)]</ref>, [[ Bryophyta|mousses]]<ref>{{en}} Fernandez, C.C., Shevock, J.R., Glazer, A.N. & Thompson, J.N., 2006. Cryptic species within the cosmopolitan desiccation-tolerant moss ''Grimmia laevigata''. ''PNAS ͉ 103 (3) ͉ 637– 642.'' {{doi|10.1073/pnas.0510267103|Résumé}} [http://www.pnas.org/content/103/3/637.full.pdf Article (416Ko)]</ref>, [[sipunculien]]s<ref>{{en}} Kawauchi, G.Y. & Giribet, G., 2010. Are there true cosmopolitan sipunculan worms? A genetic variation study within ''Phascolosoma perlucens'' (Sipuncula, Phascolosomatidae). ''Marine Biology, 157 (7), 1417–1431''. {{DOI|10.1007/s00227-010-1402-z|Résumé}}</ref>, [[bryozoaire]]s<ref>{{en}} Nikulina, E.A., Hanel, R. & Schafer, P., 2007. Cryptic speciation and paraphyly in the cosmopolitan bryozoan ''Electra pilosa''—Impact of the Tethys closing on species evolution. ''Molecular Phylogenetics and Evolution, 45, 765–776''. {{doi|10.1016/j.ympev.2007.07.016}}</ref>, [[poisson]]s<ref>en Castroa, G.M., Heras, S., Cousseau, M.B. & Rolda, M.I., 2008. Assessing species validity of ''Mugil platanus'' Günther, 1880 in relation to ''Mugil cephalus'' Linnaeus, 1758 (Actinopterygii). ''Italian Journal of Zoology, 75 (3), 319-325''. {{DOI|10.1080/11250000801886254|Résumé}}</ref>, etc.


=== Cas des micro-organismes ===
=== Cas des micro-organismes ===

Version du 3 octobre 2010 à 20:32

Le faucon pèlerin est une espèce cosmopolite. Vert : aire de reproduction ; bleu foncé : aire d'hivernage ; bleu clair : passage ; jaune : présence en été.

En biogéographie, on qualifie de cosmopolite une catégorie d'êtres vivants dont l'aire de répartition géographique est si étendue qu'elle peut être rencontrée dans toutes les régions du monde. Le qualicatif s'applique également à certaines maladies. S'opposant au concept d'endémisme, ce type de répartition est parfois désigné sous le nom de pandémisme[1].

Application et limites

Catégories impliquées

Ce type de répartition concerne essentiellement des taxons, quel que soit leur rang taxonomique (espèce, genre, famille, etc.). C'est aussi le cas de certaines maladies, mais comme il s'agit dans la majorité des cas de maladies infectieuses liées à des micro-organismes ou d'autres parasites, elles ne constituent le plus souvent qu'un cas particulier du précédent.

Répartition cosmopolite et milieux de vie

Fichier:Sperm whale2.jpg
Une espèce cosmopolite strictement marine, le grand cachalot

Contrairement à ce que pourraient laisser entendre certaines définitions du terme qui associent ce type de répartition à l'occupation d'un nombre minimum de continents, il existe des organismes cosmopolites non seulement dans les habitats continentaux (terrestres ou aquatiques) mais aussi dans les habitats marins.

Les cartes de répartition d'espèces ou d'autres taxons pourtant qualifiés de cosmopolites montrent que ces organismes n'occupent pas la totalité de la planète et l'espace qu'ils investissent réellement subit certaines restrictions. La première limitation est précisément liée à l'habitat, aquatique ou terrestre : la répartition des espèces marines est à l'évidence complémentaire de celle des espèces continentales.

Les contraintes climatiques comptent parmi les facteurs écologiques imposant les restrictions les plus évidentes aux aires de répartition : elles en réduisent les amplitudes latitudinale et altitudinale. Ainsi, les régions polaires, Arctique et continent Antarctique, ne sont habitées que par un très petit nombre d'organismes, et de très nombreuses espèces qualifiées de cosmopolites n'y pénètrent pas. De même, les espèces à vaste répartition sont très rarement présentes dans les déserts.

En fait, la somme des exigences écologiques spécifiques peut aboutir à des distributions paradoxales en apparence : certains organismes peuvent avoir une distribution à la fois cosmopolite et très localisée. L'exemple des organismes côtiers est particulièrement parlant à cet égard : ceux d'entre eux dont la distribution est considérée comme cosmopolite n'occupent en réalité qu'une étroite bande, linéaire, continue ou discontinue, sur les littoraux du monde entier.

La définition d'une répartition cosmopolite sous-entend donc ces limitations : un organisme cosmopolite est bien présent dans toutes les régions du monde, mais seulement là où ses exigences en matière d'habitat sont respectées. C'est sans doute parce qu'il s'agit là d'une tautologie que cette précision est si peu exprimée dans les définitions du terme.

Répartition subcosmopolite

Répartition subcosmopolite des crapauds bufonidés

Pour des raisons historiques ou écologiques, de nombreuses catégories à très vaste répartition géographique manquent totalement dans telle ou telle partie du monde. Les crapauds vrais (Bufonidae), par exemple, outre les régions polaires et les déserts évoqués précédemment, sont absents de la zone australasienne, au sud de la ligne Wallace, et de Madagascar. Selon les auteurs, cette famille est donc considérée comme cosmopolite ou subcosmopolite (synonyme : pandémique), selon que l'accent est mis sur la très vaste répartition ou sur le caractère incomplet de cette répartition[2]. Bon nombre d'espèces catégorisées comme cosmopolites correspondent plutôt à cette catégorie.

Origine

À partir de sa région de naissance, à la mesure de ses capacités intrinsèques et des barrières écologiques que lui oppose ou non l'environnement, une espèce peut étendre son domaine et, éventuellement, devenir cosmopolite.

Dislocation de la Pangée du Trias à nos jours

L'aptitude intrinsèque d'un organisme à l'expansion tient à diverses caractéristiques spécifiques : profil démographique (capacité de multiplication), moyens de dispersion permettant de parcourir de longues distances ou de franchir les barrières naturelles à un stade quelconque du cycle de vie, disposition à occuper une gamme plus ou moins diversifiée d'habitats, aptitude compétitive, etc.

Quant aux barrières naturelles, elles peuvent être de nature géographique ou écologique : océans et autres étendues d'eau pour les espèces continentales, continents pour les organismes marins, chaînes de montagnes, déserts, régions dont les conditions écologiques sont défavorables, présence d'espèces concurrentes, etc.

Mais une répartition observée, qu'elle soit contemporaine ou paléobiogéographique, est aussi la résultante d'une histoire. Au cours des temps géologiques, la répartition respective des masses continentales et océaniques et leur localisation géographique ont énormément varié (tectonique des plaques), de même que la disposition des barrières naturelles et la distribution des conditions écologiques. Des aires jadis cosmopolites plus ou moins continues ont pu se dissocier entraînant le plus souvent des processus de spéciation (hypothèse de la vicariance). L'histoire géologique de la planète et les mécanismes de l'évolution on en fait tendance à morceler les aires de répartition de grande étendue : à partir d'une espèce cosmopolite ou subcosmopolite, elles favorisent la naissance de plusieurs espèces à répartition plus restreinte.

Le crabe vert est devenu cosmopolite par introduction.
  • origine
  • invasif
  • potentiel
  • localité isolée
  • Ainsi, les biogéographes recherchent-ils souvent dans les périodes où les masses continentales et océaniques étaient réunies, la Pangée[3] — pour les organismes terrestres — et la Panthalassa[4] ou la Téthys[5] — pour les taxons marins —, l'origine de la répartition cosmopolite actuelle ou ancienne de certaines catégories[1], surtout de rang taxonomique élevé (genres, familles, classes, phylums). À titre d'exemple, il existe des éléments pour affirmer qu'il n'y avait pas de restriction à la distribution de la plupart des tétrapodes sur la Pangée au Permien[6].

    De nos jours, l'homme — espèce elle-même cosmopolite — contribue grandement, par ses introductions volontaires ou accidentelles, à l'expansion mondiale d'espèces à l'origine localisées. Ce phénomène pallie le défaut de capacités intrinsèques de dispersion à longue distance. Le nombre de ces espèces introduites devenues cosmopolites ou en passe de l'être, et parfois invasives, est considérable. Il s'agit tant de végétaux que d'animaux, d'espèces libres que de parasites, d'organismes terrestres que d'espèces aquatiques.

    Le problème des espèces cryptiques

    Cas général

    Eurythoe complanata, exemple de complexe d'espèces cryptiques.

    Dans de nombreux cas, le constat de distributions à l'échelle mondiale pose toutefois de sérieux problèmes. D'une part la réduction, pour ne pas dire l'absence, des flux de gènes entre populations éloignées, d'autre part les nécessaires différences écologiques entre habitats homologues situés sous des climats différents, ne peuvent que favoriser la spéciation. L'hypothèse doit donc être envisagée selon laquelle un certain nombre d'espèces dites cosmopolites constitueraient en fait des complexes d'espèces cryptiques, ensembles d'organismes à la morphologie identique ou presque (morpho-espèces), mais génétiquement distincts ou non interféconds, et à distribution beaucoup plus limitée.

    L'avènement et le développement récent des techniques de phylogénie moléculaire a suscité un énorme regain d'intérêt pour ces questions. Cela a surtout permis de montrer que nombre d'espèces jusqu'alors considérées comme cosmopolites constituaient effectivement de tels complexes d'espèces cryptiques, et abouti à la description de nombreuses espèces nouvelles pour la science.

    À titre d'exemple, Eurythoe complanata, un ver marin de la famille des amphinomidés, a été décrit par Pallas en 1766 à partir d'exemplaires provenant des Caraïbes. De cette date au xxe siècle, une vingtaine d'espèces proches seront à leur tour décrites, puis peu à peu rassemblées en une seule sur la base de leur grande homogénéité morphologique ; ainsi, dans la seconde moitié du xxe siècle, E. complanata était considérée comme une espèce cosmopolite ou subcosmopolite, essentiellement circumtropicale, présente dans les océans Pacifique, Atlantique et Indien, ainsi qu'en Méditerranée et en Mer Rouge. Des analyses de génétique moléculaire portant sur une partie seulement des populations « mondiales » (atlantiques et est-pacifiques) ont révélé l'existence d'au moins trois espèces[7].

    Des résultats du même ordre se multiplient pour un grand nombre d'organismes réputés cosmopolites dans des groupes extrêmement divers : autres polychètes[8], éponges[9], champignons[10], mousses[11], sipunculiens[12], bryozoaires[13], poissons[14], etc.

    Cas des micro-organismes

    On peut faire remonter à C. G. Ehrenberg, C. Darwin ou M. W. Beijerinck les premières intuitions selon lesquelles les organismes de petite taille auraient le plus souvent de vastes répartitions contrairement à la majorité des espèces de grande taille[15]. Cette opinion a pratiquement eu valeur de paradigme tout au long du xxe siècle, avant d'être plus fermement théorisée et revendiquée comme une véritable hypothèse scientifique à partir de la fin des années 1990[16]. L'hypothèse est régulièrement évoquée — et aujourd'hui controversée — sous l'expression « Everything is everywhere, but the environment selects » (« Toute chose est partout, mais l'environnement sélectionne »)[note 1] due au microbiologiste néerlandais Lourens Baas Becking en 1934[17].

    Notes et références

    Notes

    1. Depuis 2004, date de publication des articles fondateurs de Bland Finlay et Tom Fenchel sur cette hypothèse, une quinzaine d'articles scientifiques utilisent cette expression jusque dans leur titre [1]

    Références

    1. a et b (fr) Cecca, F., 2009. La dimension biogéographique de l’évolution de la Vie. Comptes Rendus Palevol, 8 (2-3), 119-132. DOI Résumé Article (620 Ko)
    2. (en) Pramuk, J.B., Robertson, T., Sites Jr, J.W. & Noonan, B.P., 2008. Around the world in 10 million years: biogeography of the nearly cosmopolitan true toads (Anura: Bufonidae). Global Ecology and Biogeography, 17, 72–83. DOI Résumé Article (778Ko)
    3. (en) Cover, M.R. & Resh, V.H., 2008. Global diversity of dobsonflies, fishflies, and alderflies (Megaloptera; Insecta) and spongillaflies, nevrorthids, and osmylids (Neuroptera; Insecta) in freshwater. Hydrobiologia, 595, 409–417. DOI Résumé Article (276Ko)
    4. (en) Brayard, A., Buchera, H., Escarguel, G., Fluteau, F., Bourquin, S. & Galfetti, T., 2006. The Early Triassic ammonoid recovery: Paleoclimatic significance of diversity gradients. Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology, 239 (3-4), 374-395. DOI Résumé
    5. (en) Camacho, A.I., 2003. Historical biogeography of Hexabathynella , a cosmopolitan genus of groundwater Syncarida (Crustacea, Bathynellacea, Parabathynellidae). Biological Journal of the Linnean Society, 78 (4), 457–466. DOI Résumé.
    6. (en) Sidor, C.A., O’Keefe, F.R., Damiani, R., Steyer, J.S., Smith,R.M.H., Larsson, H.C.E., Sereno, P.C., Ide, O. & Maga, A., 2005. Permian tetrapods from the Sahara show climate-controlled endemism in Pangaea. Nature, 434, 886-889. DOI Résumé Article (350Ko)
    7. (en) Barroso, R., Klautau, M., Solé-Cava, A.M., & Paiva, P.C., 2010. Eurythoe complanata (Polychaeta: Amphinomidae), the ‘cosmopolitan’ fireworm, consists of at least three cryptic species. Marine Biology, 157 (1), 69-80. DOI Résumé.
    8. (en) Bleidorn, C., Kruse, I., Albrecht, S., & Bartolomaeus, T., 2006. Mitochondrial sequence data expose the putative cosmopolitan polychaete Scoloplos armiger (Annelida, Orbiniidae) as a species complex. BMC Evolutionary Biology, 6, 47 DOI  Article en ligne
    9. (en) Xavier, J.R., Rachello-Dolmen, P.G., Parra-Velandia, F., Schönberg, C.H.L., Breeuwer, J.A.J. & van Soest, R.W.M., 2010. Molecular evidence of cryptic speciation in the “cosmopolitan” excavating sponge Cliona celata (Porifera, Clionaidae). Molecular Phylogenetics and Evolution, 56 (1), 13-20. DOI Résumé
    10. (en) Pringle1, A., Baker, D.M., Platt, J.L., Wares, J.P., Latgé, J.P. & Taylor, J.W., 2005. Cryptic speciation in the cosmopolitan and clonal human pathogenic fungus Aspergillus fumigatus. Evolution, 59 (9), 1886–1899. DOI Résumé Article (184Ko)
    11. (en) Fernandez, C.C., Shevock, J.R., Glazer, A.N. & Thompson, J.N., 2006. Cryptic species within the cosmopolitan desiccation-tolerant moss Grimmia laevigata. PNAS ͉ 103 (3) ͉ 637– 642. DOI Résumé Article (416Ko)
    12. (en) Kawauchi, G.Y. & Giribet, G., 2010. Are there true cosmopolitan sipunculan worms? A genetic variation study within Phascolosoma perlucens (Sipuncula, Phascolosomatidae). Marine Biology, 157 (7), 1417–1431. DOI Résumé
    13. (en) Nikulina, E.A., Hanel, R. & Schafer, P., 2007. Cryptic speciation and paraphyly in the cosmopolitan bryozoan Electra pilosa—Impact of the Tethys closing on species evolution. Molecular Phylogenetics and Evolution, 45, 765–776. DOI 10.1016/j.ympev.2007.07.016
    14. en Castroa, G.M., Heras, S., Cousseau, M.B. & Rolda, M.I., 2008. Assessing species validity of Mugil platanus Günther, 1880 in relation to Mugil cephalus Linnaeus, 1758 (Actinopterygii). Italian Journal of Zoology, 75 (3), 319-325. DOI Résumé
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